Saint Aicard
ou Achart était
fils d'Anschaire, un des premiers officiers de la cour du roi
Clotaire II. Sa mère se nommait Ermine, et sortait comme son père
d'une des plus illustres familles du Poitou. Ils étaient l'un et
l'autre encore plus recommandables par leur vertu que par leur
naissance. Ermine surtout avait une dévotion tendre, et elle ne
désirait rien tant que de voir marcher son fils sur les traces des
Saints.
Il y avait alors
à Poitiers deux écoles célèbres de sciences et de piété : le palais
de l'évêque, et le monastère de Saint-Hilaire. On mit Achart dans la
seconde, et il y resta jusqu'à l'âge de 16 ans, que son père l'en
retira pour le présenter à la cour, et pour lui faciliter les moyens
de s'avancer dans le monde. Ermine ne put penser sans frayeur aux
dangers que l'innocence de son fils allait courir. Elle désirait au
moins que les vues d'ambition n'influassent point sur le choix de
l'état qu'il embrasserait, et que ce choix fût réglé par la volonté
de Dieu. On fit venir le jeune Achart, pour lui faire déclarer ses
dispositions à cet égard. II s'expliqua d'une manière si précise sur
le dessein qu'il avait de se consacrer à Dieu, que son père ne put
lui refuser son consentement. Se voyant libre, il se retira dans
l'abbaye de Jouin. Cette maison, située à l'extrémité du Poitou,
était fort célèbre par la sainteté des religieux qui l'habitaient.
Achart y fit paraître une ferveur et un zèle pour la perfection qui
ne se démentirent jamais. On assure même que Dieu employa des voies
extraordinaires pour lui faire connaître plus spécialement sa
volonté.
Ses parents,
après sa retraite, fondèrent l'abbaye de Quinçay, environ à une
lieue de Poitiers, et le mirent sous la conduite de saint Philbert,
qui, pour se soustraire à la tyrannie d'Ebroïn, avait été obligé de
quitter son abbaye de Jumièges, et de s'enfuir de la Neustrie,
connue aujourd'hui sous le nom de Normandie. Le saint abbé peupla le
nouveau monastère d'une colonie de fervents religieux qu'il avait
fait venir de Jumièges. Il avait quelque temps auparavant peuplé de
la même manière le monastère qu'il fonda dans l'île d'Her, et qu'on
a depuis appelé Hermoutier ou Nermoutier. Il établit d'abord saint
Achart abbé de Quinçay ; mais se voyant dans l'impossibilité de
retourner à Jumiéges, qu'il regardait comme la principale de ses
fondations, il lui en donna le gouvernement, et garda celui de
Quinçay pour lui.
Le monastère de
Jumièges renfermait alors neuf cents religieux. Saint Achart sut
entretenir parmi eux l'amour de la perfection et de l'étude. Il les
exhortait surtout par ses exemples. Son assiduité à la prière,
l'austérité de sa pénitence et son exactitude à observer tous les
points de la règle, donnaient beaucoup de poids à ses discours et
faisaient désirer de l'entendre. Il s'exprimait d'une manière si
pathétique, que ses auditeurs étaient toujours persuadés. Dans ses
derniers moments, il adressa ce discours à ses religieux : « Mes
chers enfants, n'oubliez jamais les avis que je vais vous donner, et
qui sont comme le testament de votre père. Je vous conjure, au nom
Jésus-Christ, de vous aimer les uns les autres, et de ne laisser
dans vos cœurs aucune aigreur contre le prochain ; cette aigreur ne
peut s'accorder avec la parfaite charité, qui est la marque
distinctive des élus. Inutilement auriez-vous porté le joug de la
pénitence et vieilli dans les exercices de l'état monastique, si
vous ne vous aimez pas sincèrement les uns et les autres. Sans cet
amour, le martyre même ne peut vous rendre agréables à Dieu. La
charité fraternelle est l'âme d'une maison religieuse. »
Lorsqu'il eut cessé de parler, il leva les mains et les yeux au
ciel, et expira tranquillement le 15 Septembre, vers l'an 687. Il
était dans la soixante-troisième année de son âge. Durant les
incursions des Normands et des Danois, on transporta ses reliques à
Hapres, prieuré situé entre Cambrai et Valenciennes, et qui
dépendait de l'abbaye de Saint- Vaast. |