Adjuteur de Vernon
Ermite, Saint
† 1131

Adjuteur était de l'illustre maison des seigneurs de Vernon sur Seine un d'eux, nommé Guillaume, est enterré dans l'église principale de ce lieu; il est appelé, dans son épitaphe, prince de Vernon, et passe pour avoir été Saint Adjuteur de Vernongrand-père de notre Saint. Son père s'appelait Jean, et sa mère Rosemonde, l'un et l'autre fort pieux et remplis de charité pour les pauvres. La sainteté de Rosemonde fut même si grande, qu'on lui donne le titre de Bienheureuse, et qu'on l'invoque publiquement avec son fils. L'éducation qu'Adjuteur reçut par leurs soins le rendit bientôt un excellent modèle de vertu. Il faisait sa principale occupation de la prière il domptait son corps par des jeûnes et des abstinences très rigoureuses, et ne lui épargnait rien de ce qui était propre à le rendre entièrement soumis à l'esprit. Son austérité alla même jusqu'à un tel excès, que, tout jeune qu'il était, il ne paraissait avoir que la peau et les os.

Dans la Heur de sa jeunesse, il se croisa avec un grand nombre d'autres seigneurs pour aller faire la guerre en Palestine, et tâcher de délivrer le sépulcre de Notre-Seigneur des mains des infidèles. Lorsqu'il fut près d'Antioche, quinze cents ennemis l'attaquèrent, et mirent aisément en fuite sa troupe, qui n'était que de deux cents hommes. Alors il implora, avec une ardeur extrême, le secours du ciel, et pria sainte Madeleine, pour laquelle la ville de Vernon avait alors une grande dévotion, de ne le pas abandonner en cette occasion.

A peine avait-il achevé sa prière, qu'un ouragan épouvantable éclata tout à coup, remplit les infidèles de terreur, et les obligea de prendre la fuite à leur tour. Adjuteur rallia ses gens, leur donna un nouveau courage, et avec ce peu de monde, poursuivit si vigoureusement les fuyards, qu'il en demeura mille sur place, et que le reste fut mis entièrement hors de combat.

Après dix-sept ans de diverses entreprises, où il fit toujours paraître un courage intrépide pour la cause du christianisme, il tomba entre les mains des ennemis, fut fait prisonnier, jeté dans un cachot et chargé de chaînes; on lui fit m6Rie souffrir beaucoup de tourments pour l'obliger à renier sa foi et à se faire sarrasin. Mais il ne fut pas moins constant dans cette calamité, qu'il avait été courageux dans les combats, et rien ne fut capable d'ébranler sa foi, pour laquelle il souhaitait môme de répandre tout son sang et do perdre la vie. Un jour, qu'après un traitement fort barbare, il était seul et abandonné dans sa prison, il leva les yeux au ciel et implora le secours de sainte Madeleine, pour qui il avait une singulière dévotion, comme tous ceux de son pays, et de saint Bernard de Tiron, qui était mort depuis peu et que Dieu rendait éclatant par de grands miracles.

A la suite de cette prière il s'assoupit, et, pendant cet assoupissement, il fut transporté avec ses chaînes, du fond de sa prison, qui était en Orient, en un bois proche de la ville de Vernon, lieu de son domaine. Sainte Madeleine et saint Bernard, auteurs de ce grand Boiraclej l'ayant mis doucement à terre, lui dirent que ce devait être là le lieu de son repos jusqu'à la fin de sa vie. L'archevêque de Rouen, qui était Hugues III, en fit des informations, et le reconnut véritable par la déposition de cinq ou six seigneurs qui avaient mangé avec lui, en Palestine, la veille de son transport et de son arrivée en Normandie.

Pour lui, afin de reconnaître cette grâce, il fit bâtir une chapelle à l'honneur de sainte Madeleine, au lieu même où cette sainte amante de Jésus-Christ l'avait déposé, et y fit dresser trois autels, dont le principal fut dédié sous le nom de Saint-Sauveur et de Sainte Marie Madeleine. Ensuite, il se fit religieux dans l'abbaye de Tiron, qu'il institua héritière de tous ses biens, et y vécut avec tant de sainteté qu'il était un sujet d'admiration pour tous les religieux. Il avait un lit dans sa chambre comme les autres religieux, mais il couchait sur la terre et ne se servait de ce lit que pour cacher son austérité. Il assistait aux repas de la communauté, mais il s'y contentait de pain et d'eau et de quelques herbages sans assaisonnements. Il ne quittait jamais son cilice, et le plus usé de tous les habits était celui qui lui était le plus agréable.

Avec la permission de ses supérieurs, il se retira en solitude dans cette chapelle de Sainte Madeleine qu'il avait fait bâtir, et qui était accompagnée de quelques maisons, prieuré dépendant de Tiron. Il n'est pas croyable avec quelle ferveur d'esprit, et avec quelle austérité il vécut en cet ermitage. Son logement était une grotte derrière l'autel. Son exercice continuel était de prier et d'exercer la charité corporelle et spirituelle envers le prochain. L'archevêque Hugues, qui a le premier écrit sa vie, dit qu'il s'appliqua avec un zèle infatigable au secours des religieux qui étaient dans le besoin, à la réparation des églises, au soulagement des pauvres, à la réconciliation des grands seigneurs et des princes, à la réformation de la jeunesse, au rétablissement des bonnes mœurs, et à tout ce qui pouvait contribuer à l'ornement du christianisme qu'il était persévérant dans les veilles et dans la prière, infatigable dans le travail, patient dans les afflictions, zélé pour la chasteté, qu'il conserva intacte à la guerre où les dangers sont si nombreux pour cette vertu; enfin, qu'il se rendit aimable à Dieu, aux Anges et aux hommes.

Les miracles relevèrent encore ses grandes vertus. Il rendit la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, la santé à toutes sortes de malades, et délivra un homme possédé d'un furieux démon. Ayant appris qu'il y avait dans la Seine un gouffre très dangereux, où il se perdait beaucoup d'hommes et de bateaux, il pria l'évoque de s'y transporter, de faire dessus le signe de la croix, et d'y jeter de l'eau bénite; et, pour lui, il y jeta une partie de la chaîne avec laquelle il avait été transporté; et, au même instant, le gouffre se remplit, et cessa d'être dangereux.

La fin de la vie de saint Adjuteur étant arrivée, il fit supplier l'évêque diocésain et l'abbé de Tiron de le venir assister. Ils se transportèrent aussitôt en sa chapelle après qu'il eut reçu de leurs mains les derniers Sacrements, il rendit son âme, chargée de mérites, à Notre-Seigneur. Ce fut le 30 avril de l'an 1131. Son corps fut enterré en cette même chapelle, qui avait été le lieu de ses grandes pénitences. Il s'y fit ensuite un grand nombre de miracles un huissier, à qui un seigneur qu'il venait assigner, avait crevé les yeux, y fit une neuvaine, vit la nuit saint Adjuteur qui apportait de l'huile et sainte Madeleine qui lui oignait les paupières, et, à son réveil, il se trouva guéri. La ville de Vernon et le pays d'alentour étant continuellement affligés d'incendies, de grêles, d'inondations et d'autres fléaux de Dieu, s'obligèrent à une procession à la chapelle de Sainte Madeleine, et furent entièrement délivrés. Dix habitants seulement, qui s'étaient moqués de cette dévotion, périrent misérablement dans l'année avec tous leurs biens et leurs maisons. Parmi les villages qui eurent part à cette grâce, on met ceux de Passy, de Gaillon, d'Estrépagny et de Longueville. La même ville étant assiégée, et souffrant de grands dommages par le feu grégeois que l'on jetait dedans, fut préservée de ce feu qui rebroussa contre les assiégeants, aussitôt que l'on eut imploré le secours de saint Adjuteur. Des lépreux ont aussi été guéris à son tombeau, et l'on éprouve encore tous les jours sa puissance auprès de Dieu.

SOURCE : P. Giry : Les petits Bollandistes : vies des saints. T. V. Source : http://gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France.

 

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