La
jeunesse
d'Andéol
nous
est
presque
inconnue.
De
bonne
heure,
il
fréquenta
la
célèbre
école
de
Smyrne,
véritable
pépinière
d'Apôtres
et
de
Martyrs,
qui
avait
eu
pour
fondateur
saint
Jean
l'Évangéliste
et
qui
avait
pour
continuateur
l'admirable
Polycarpe.
Comme
à
Antioche,
l'Esprit-Saint
avait
dit:
« Séparez-moi
Saul
et
Barnabé
pour
l'œuvre
à
laquelle
je
les
ai
appelés »,
il
fut
révélé
a
saint
Polycarpe
que
Bénigne,
Andoche,
Thyrse
et
Andéol
iraient
travailler
au
salut
des
peuples
des
Gaules.
Les
deux
premiers
étaient
prêtres,
Thyrse,
diacre,
et
le
bienheureux
Andéol,
sous-diacre.
Cependant,
on
touchait
au
moment
suprême
le
vaisseau
allait
mettre
à
la
voile.
« Frères,
faites-nous
vos
adieux »,
dit
Polycarpe
et
des
larmes
coulaient
de
ses
yeux.
Ce
noble
et
saint
vieillard,
âgé
de
plus
de
quatre-vingts
ans,
ne
pouvait
quitter
sans
une
profonde
émotion
des
fils
qu'il
aimait
tendrement.
Le navire qui
portait saint Andéol et ses compagnons fut obligé, à ce que l'on
croit, de relâcher à l'île de Corse. Les légendaires racontent
qu'une furieuse tempête s'étant élevée, telle que les matelots ne se
souvenaient pas d'en avoir jamais vu la pareille, on fut forcé de
séjourner, pendant quelques jours, dans cette île, dont saint Paul
avait évangélisé les habitants. Le calme s'étant rétabli, on remit à
la voile et les missionnaires saluèrent bientôt la nouvelle patrie
où les envoyait la Providence. Ayant pris terre à Marseille, ils
s'acheminèrent directement sur Lyon, où ils furent accueillis par
saint Pothin et par saint Irénée.
Quoiqu'il soit
impossible de fixer la date de son départ, il paraît plus certain
qu'Andéol ne prolongea pas beaucoup son séjour à Lyon. Il reçut pour
mission de porter l'Évangile à Carpentras et dans les régions
méridionales que fertilise le Rhône (166).
Dieu laissa saint
Polycarpe plus de quatre-vingts ans sur la terre, pour rendre
témoignage aux vérités qu'il avait apprises des Apôtres. Cette
longue vie, toute dépensée au service de l'Église et à la gloire de
Dieu, fut couronnée par un glorieux martyre, en la sixième année de
l'empire de Marc-Aurèle, qui est la cent soixante-sixième après
Jésus-Christ.
Cette date est
très importante pour nous. D'abord, elle fixe, d'une manière
certaine, l'époque de l'arrivée de saint Andéol dans les Gaules. En
effet, qu'on fasse suivre le martyre de l'évêque de Smyrne, d'aussi
près que l'on voudra, de l'envoi des quatre missionnaires, on ne
pourra placer cet envoi plus tard qu'en l'année 166. En rapprochant
de cette date celle de la mort de saint Andéol (208), par la
différence, on obtient, d'une manière précise, le minimum de la
durée de son séjour dans les Gaules, c'est-à-dire quarante-deux ans.
Si l'on borne à quelques mois, comme il est probable, le temps qu'il
passa à Lyon, il restera quarante ans environ pour la vie
apostolique de notre Saint. Ce calcul a reçu la plus haute sanction
dans les liturgies romaine et viennoise, où on le lit, chaque année,
dans l'office divin, au jour de la fête de saint Andéol.
Nous avons vu que
saint Andéol, en quittant Lyon, se dirigea vers Carpentras.
En effet, dans le
canton de Carpentras, on trouve des lieux où le souvenir de ses
prédications a survécu, malgré tous les obstacles, dans la mémoire
reconnaissante des paroles. Nous voulons parler du bourg de Mazan.
Dans cette commune, il y à un quartier dit de saint Andéol, où il
existait, avant la révolution de 89, une chapelle très ancienne,
dédiée à notre Saint. Elle était bâtie sur une colline au pied de
laquelle on voyait des restes de monuments antiques. Une tradition
immémoriale en ce pays veut que saint Andéol s'y soit arrêté pour
l'évangéliser.
Un peu plus haut,
non loin d'Orange, à Camaret, on retrouve les mêmes traditions et
les mêmes hommages. On assure même que l'Apôtre de Jésus-Christ y
fut battu de verges et l'on montre encore le lieu où s'accomplit
cette cruelle exécution. Saint Andéol possède dans cette paroisse un
antique sanctuaire bâti par Louis le Débonnaire.
Dans
l'accomplissement de l'oeuvre du salut des âmes, le courageux
sous-diacre, comme un autre saint Jean-Baptiste, remplissait le rôle
de précurseur. Partout où il allait, il invitait à faire pénitence
et annonçait la venue du royaume de Dieu. Lorsque ceux qui ont des
yeux pour voir et des oreilles pour entendre avaient formé le désir
d'embrasser la vie nouvelle, il les catéchisait et leur conférait le
baptême. Puis, content d'avoir accompli sa mission dans ce lieu, il
se retirait, cédant la place, sans doute, aux vrais Pasteurs des
âmes, à ceux que Jésus-Christ a revêtus des pouvoirs plus étendus du
sacerdoce. Suivant toutes les probabilités, il parcourut de cette
manière une partie de la Provence, le Dauphiné et la Franche-Comté
qu'évangélisaient en même temps les disciples de saint Irénée, saint
Ferréol et saint Ferrution, apôtres de Besançon; saint Félix, apôtre
de Valence. La tradition semble assez explicite sur ce point elle
rapporte que saint Félix et ses compagnons ont aussi évangélisé le
Vivarais' d'un autre côté, les nombreuses paroisses ou chapelles du
diocèse de Valence qui conservent encore le nom de saint Andéol
donnent à penser qu'il avait précédé les disciples de saint Irénée
dans ces parages sa marche le conduisait naturellement vers ces
contrées. Mais il est temps de le suivre dans le Vivarais, l'Helvie
de César, le département de l'Ardèche actuel.
Ceux qui ont
étudié les origines du christianisme savent que les premiers
missionnaires de la foi avaient une prédilection bien connue pour
les grands centres de population.
Il semble naturel
de voir saint Andéol rester fidèle à cette discipline, et venir, en
entreprenant la conversion des Helviens, établir son séjour à Aps,
leur cité principale.
Cependant, il lui
préféra une ville, certainement moins populeuse, mais qui ne
laissait pas d'être considérable, Bergoïate, appelée aujourd'hui
Bourg-Saint-Andéol. Dans cette dernière ville, la plus méridionale
du Vivarais, il se trouvait plus rapproché des pays qu'il avait
parcourus d'abord. Dieu, d'ailleurs, dont la Providence dispose
toute chose pour le bien des âmes et pour la gloire des Saints,
voulait, en conduisant son serviteur dans cotte cité, donner pour
théâtre à ses derniers travaux et à ses luttes suprêmes un lieu plus
durable qu'Aps, que les Vandales détruisirent entièrement deux
siècles après l'époque dont nous parlons.
Avant de pousser
plus loin notre récit, il est nécessaire, pour l'intelligence des
faits, de prendre une exacte connaissance de la cité, objet des
prédilections de saint Andéol.
La ville se
composait de deux agglomérations bien distinctes, séparées par le
fleuve, mais portant le même nom et régies par la même
administration urbaine Bergoïate de la rive droite et Bergoïate de
la rive gauche, qu'on désignait par ces mots Haut ou Bergoïate. Le
Bas-Bergoïate ou Gentibe occupait l'emplacement de la ville actuelle
de Bourg-Saint-Andéol. De ces deux agglomérations, Bergoïate-le-Haut
nous paraît avoir été la plus considérable à l'origine c'était le
centre de l'activité, du commerce et de l'industrie, la cité des
travailleurs et du petit peuple, circonstance qui nous explique les
prédilections de l'Apôtre, qui en avait fait sa résidence et le
siège de sa prédication. L'autre, au contraire, placée par sa
situation un peu en dehors du tumulte et du mouvement des affaires,
moins peuplée, toujours calme et silencieuse, était le séjour
préféré des nobles Gallo-romains dont les fastueuses villas
s'étalaient au front des coteaux d'alentour, et des prêtres voués au
service des dieux du paganisme. La première conserva jusqu'au milieu
du moyen âge la prépondérance dont elle jouissait sous les empereurs
romains la seconde dut à la découverte du tombeau de notre saint
Martyr, d'être tirée tout a coup de son obscurité, et de conquérir
en peu de temps la célébrité et la prééminence que ses dieux jadis
n'avaient pu lui assurer à partir du douzième siècle, les
accroissements successifs de ce simple petit bourg lui donnèrent
bientôt l'aspect et les proportions d'une ville importante, tandis
que le Bergoïate de la rive gauche, désolé par les ravages des
guerres et des inondations, s'acheminait avec une égale rapidité
vers son déclin et vers sa ruine. Abandonné chaque jour de
quelques-uns de ses habitants, qui allaient chercher un refuge dans
la ville de saint Andéol, il n'était plus, à la fin du treizième
siècle, qu'un lieu complètement désert la fille avait dévoré la
mère.
C'est donc à
Bergoïate-le-Haut qu'Andéol était descendu en arrivant ; c'est là
qu'il prêchait l'évangile de Jésus avec un succès merveilleux. Sur
ces entrefaites, l'empereur Sévère, qui traversait les Gaules pour
se rendre en Bretagne, où il allait soumettre les tribus sauvages de
la Calédonie, vint aussi à Bergoïate, en se dirigeant sur Valence,
et y campa avec une partie de ses troupes. Or, au moment de
l'arrivée de ce prince, il y avait en ce lieu un concours
extraordinaire de peuple. La foule se pressait autour d'un
'personnage qui discourait en public tout entière sous le charme de
cette parole inconnue, elle jetait à peine un regard distrait sur le
spectacle imposant des légions romaines marchant, enseignes
déployées, sous les ordres de leur empereur. Piqué dans sa curiosité
et peut-être aussi dans son orgueil, Sévère demanda la cause du
rassemblement. Terrible fut la colère du césar, en apprenant que le
personnage qui attirait ainsi l'attention et les sympathies du
peuple, n'était autre qu'un chef de chrétiens, propageant en plein
jour les erreurs de sa secte. Il ordonna qu'on se saisît
sur-le-champ d'Andéol et qu'on l'amenât devant lui.
Un tribunal est
dressé à la hâte auprès sont étalés tous les instruments ordinaires
de la torture, et au milieu de ce funèbre appareil, siège Sévère en
personne. C'est lui-même qui, d'un ton de menace, interroge Andéol
sur son nom, son pays, l'objet de la mission qu'il se donne.
« L'Orient est ma patrie a, répond l'Apôtre avec calme, et je viens
de Smyrne, envoyé par l'évêque de cette ville avec plusieurs autres
qui sont mes pères et mes maîtres, pour annoncer le Sauveur
Jésus-Christ et prêcher sa doctrine aux peuples qui l'ignorent si
vous voulez savoir mon nom, César, je m'appelle Andéol M. a Tu es
donc venu a, s'écrie le tyran, « pour déshonorer nos dieux et fouler
aux pieds les édits des empereurs songes-tu bien à la sévérité des
châtiments qui t'attendent, toi et les malheureux Helviens que tu
séduis ? »
Prenant ensuite
un air et un ton de douceur affectée, il exhorte l'Apôtre à renoncer
à ses chimériques idées plutôt que d'exposer sa personne à la
rigueur des tourments qu'il abandonne une secte impie, qu'il
consente à offrir de l'encens aux dieux, il pourra vivre heureux au
sein d'un doux repos, gratuité de l'une des fonctions les plus
honorables du palais, comblé de distinctions et de richesses, que
lui assure la munificence des empereurs. « Prête donc l'oreille à
mes conseils, ajoute-t-il, laisse là cette religion que tu
professes, laquelle a été inventée depuis peu par un certain Christ
que j'ignore et qui a été crucifié, dit-on, en la prêchant. Maudis
ce Christ, et rends hommage aux dieux immortels ». « Je
n'adore qu'un Dieu, réplique Andéol, le Dieu unique et
véritable, qui a créé le ciel et la terre. Pour vos stupides
divinités, César, je les méprise ce ne sont qu'idoles sourdes et
muettes, fabriquées par la main des hommes, que le démon vous
persuade d'adorer ».
Irrité de la
sainte hardiesse de ce langage, l'empereur Sévère ordonne qu'Andéol
soit livré à la torture. Alors se renouvelle l'une des scènes
accoutumées de la sanglante tragédie à laquelle le monde païen ne
cessait d'assister depuis la naissance du christianisme. Lorsque les
paroles de séduction, les promesses comme les menaces étaient venues
échouer devant la foi ferme et généreuse du chrétien, le tyran
polythéiste appelait à son aide les bourreaux il fallait alors
épuiser sur des enfants, des vierges délicates, de .faibles
vieillards, toutes les ressources de la cruauté et toute la science
dés tortures, sans pouvoir venir à bout d'ébranler leur constance.
Ainsi, au signal donné pour commencer le supplice, Andéol est couché
à terre, lié par les pieds et les mains à des cordes qu'on tend et
qu'on détend ensuite avec de violentes secousses au moyen d'arcs et
de poulies et, au milieu de cette affreuse tension, qui rend tous
les nerfs du corps humain semblables aux cordes d'un instrument de
musique, le saint Confesseur est rudement battu de verges armées de
piquants et de pointes de fer puis on lui déchire la chair avec des
ongles rougis au feu puis ce corps tout meurtri et sanglant est
attaché à une roue élevée au-dessus d'un brasier dans lequel on
verse l'huile à flots pour activer l'ardeur des flammes.
Du 'haut de cette
roue embrasse, comme sur un lit de repos, Andéol tranquille, le
visage radieux et serein, levait les yeux au ciel et priait :
« Soyez béni, mon Dieu, disait-il, je vous rends grâces,
Seigneur Jésus, qui m'accordez de souffrir pour votre nom. Ne
m'abandonnez point dans ce suprême combat; faites, au contraire,
qu'y persévérant avec une constance inébranlable, je mérite de me
présenter devant votre majesté avec la palme du vainqueur ». On
l'entendit aussi faisant cette belle et touchante invocation « Ô
saint Polycarpe, mon bienheureux maître, vous l'ami du Christ, qui
brillez au ciel comme une pierre précieuse, priez pour votre
serviteur, afin qu'il soit muni de patience et de courage, et que
vous puissiez triompher avec joie de votre doctrine et de ma
victoire dans le Seigneur ». En effet, le courage du saint
Martyr semblait renaître à mesure qu'on multipliait les tourments.
Les bourreaux étaient lassés, la fureur de Sévère, désespérée, mais
non vaincue voulant réserver Andéol à de nouveaux supplices pour le
lendemain, il ordonne qu'on le conduise en prison. Alors Céricius,
tribun d'une des légions de l'armée, propose à l'empereur de
renfermer le chrétien dans un caveau du temple dédié au dieu Mars,
sur l'autre rive du Rhône amener ainsi, chargé de chaînes, l'ennemi
des dieux jusque dans leur sanctuaire était une sorte de réparation
qui toucherait le cœur des immortels et les rendrait propices. Le
superstitieux césar appréhendait à cette idée le fleuve lui semble
d'ailleurs une excellente barrière à interposer entre l'Apôtre, dont
il redoute l'influence, et ce peuple, coupable de trop de sympathie
pour le chrétien. Andéol est donc enfermé dans le caveau souterrain
du temple de Mars.
Or, vers le
milieu de la nuit, les gardes d'Andéol virent tout à coup des rayons
de lumière briller à travers les portes de sa prison tout
l'intérieur du souterrain en était illuminé. Puis des voix d'une
douceur ravissante se firent entendre ; un colloque mystérieux
s'établit entre Andéol et d'invisibles personnages; ils parlaient
des combats du saint Martyr et de La gloire qui l'attendait « Bon
courage, frère chéri, disaient ces voix, demain vous recevrez
la couronne du martyre. Parcourez jusqu'au bout la sanglante
carrière, et le Christ vous recevra lui-même en triomphe, décoré de
la palme du martyre, dans la gloire du paradis ». Andéol, de son
côté, exprimait à ses célestes visiteurs toute la joie qui inondait
son âme; il les remerciait du baume qu'ils avaient répandu sur ses
souffrances, et les priait pour que l'exemple de sa patience dans la
lutte suprême achevât la conversion des gentils à la foi. Un concert
d'une délicieuse harmonie succéda à ces discours les voix semblaient
monter dans les airs, s'affaiblir graduellement et se perdre dans le
lointain. Le silence et l'obscurité se firent de nouveau dans la
prison la vision céleste avait disparu.
Lorsqu'on vint,
par l'ordre de Sévère, tirer l'Apôtre de la prison, toutes les
plaies qui, la veille, couvraient son corps étaient cicatrisées et
entièrement guéries Andéol semblait avoir recouvré les forces et
l'énergie de sa jeunesse. Le farouche empereur, ayant appris de l'un
des gardes les détails de la vision nocturne, jura, par le dieu Mars
et par ses victoires, qu'il saurait empêcher le magicien de séduire
plus longtemps les peuples et de ruiner la puissance de ses dieux.
Il se hâta de prononcer la sentence de mort, et ordonna qu'elle fût
exécutée en sa présence. A l'instant, un soldat s'arme de l'une de
ces épées de bois très dur, dont les gladiateurs se servaient pour
s'escrimer, et, tandis qu'Andéol adresse au ciel une dernière prière
dans un dernier regard, le bourreau de Sévère lui partage la tête en
forme de croix.
Ainsi consomma
son martyre, le 1er mai de l'an 208, selon l'opinion la
plus commune, le bienheureux Andéol, premier apôtre des Helviens.
Sévère, dont la haine fanatique trouvait encore à s'exercer jusque
sur les membres inanimés du saint Martyr, fit lier le corps avec une
chaîne de fer à laquelle était suspendue une énorme pierre, et jeter
ce lourd fardeau dans le Rhône, afin que, ensevelis sous les flots,
les restes vénérés d'Andéol échappassent aux honneurs que leur
réservait la piété des fidèles. Mais la Providence, qui veille sur
les ossements de ses Saints, poussa la précieuse dépouille vers la
rive occidentale du fleuve. Il est dit que l'Apôtre, avant de
quitter sa prison, avait prié le Seigneur de permettre qu'il
reposât, après sa mort, dans ce lieu où la gloire de Dieu et de ses
Anges l'avait visité. Et Dieu, pour exaucer ce dernier vœu de son
serviteur, sembla s'être plu à multiplier les prodiges. Ainsi la
lourde chaîne enroulée autour du corps mutilé du Martyr, et qui
devait par son poids l'entraîner au fond du fleuve, se rompit
d'elle-même, comme l'un de ces liens fragiles qu'une main d'enfant
brise en se jouant, et disparut seule sous les eaux. Le saint corps,
au contraire, soutenu et dirigé par un bras invisible, prit sa route
à travers les flots rapides, coupant le courant du fleuve en ligne
droite arrivé au bord, il fut soulevé par une vague et porté
mollement à une distance d'environ deux toises sur le rivage. Depuis
cinq jours, il était là exposé aux injures de l'air, sans montrer la
plus légère trace de corruption, protégé par une vertu mystérieuse
qui commandait le respect aux bêtes et aux oiseaux de proie. Chaque
nuit, assurait-on, des chants et des sons, doux et harmonieux comme
ceux d'une mélodie céleste, s'étaient fait entendre, et l'on avait
vu briller une lumière qui entourait le saint corps d'une auréole
éclatante. Le récit de ces merveilles, porté au loin de bouche en
bouche, parvint aux oreilles
d'une
dame
riche
et
de noble
condition,
nommée
Tullie.
Elle
se
rendait, ce
jour-là
même,
à
une de
ses
villas située
aux
environs de
Bergoïate.
En
suivant la
voie
romaine,
elle
rencontra,
près
du
lieu où
gisait
le
corps de
saint
Andéol,
un
groupe nombreux
de
païens que
la
nouveauté du
spectacle
y
avait attirés.
Faisant
arrêter
son
char, elle
interrogea
quelques-uns
des
assistants et
recueillit
de
leur bouche
tous
les
détails que
nous
venons
de
raconter détails
bien
consolants
pour
sa
foi et
pour
sa
piété, car
elle
était
chrétienne.
Elle
résolut
aussitôt
de
donner une
sépulture
honorable
aux
restes vénérés
du
saint Martyr.
Mais,
n'osant
confier
à
personne l'exécution
de
son pieux
dessein,
elle
vint
elle-même,
accompagnée
de
ses esclaves
les
plus fidèles
et
les plus
sûrs,
et,
profitant du
silence
et
de l'obscurité
de
la nuit,
elle
enleva
le
corps secrètement,
et
le déposa
dans
un
sarcophage
païen
qu'elle
fit
enterrer au
même
endroit,
à
une grande
profondeur,
afin
de
soustraire la
précieuse
dépouille
à
la fureur
sacrilège
des
persécuteurs.
SOURCE : P. Giry : Les
petits Bollandistes : vies des saints. T. V. Source :
http://gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France. |