Antoine de Ravinel
Diacre, Martyr, Bienheureux
1769-1792

Antoine de Ravinel naquit à Bayon, le 6 juillet 1769, dans une famille qui compte encore en Lorraine de nombreux descendants. Après des études qui lui valurent le grade de maître es arts devant l’Université de Nancy, il entra au séminaire de cette ville et fut tonsuré le 26 mars 1785 dans l’église Saint-Pierre. Admis aux ordres mineurs en 1788, il partit pour compléter sa formation cléricale au séminaire de Saint-Sulpice, à Paris, où il vit débuter la Révolution. Il y fut ordonné sous-diacre en 1791, puis diacre, le 29 mai 1792.

La persécution déclenchée contre le clergé insermenté atteignit le jeune séminariste, qui fut arrêté le 15 août 1792 et enfermé au couvent des Carmes. C’est là qu’il trouva la mort au cours des massacres du 2 septembre.

Voici un extrait d’un compte-rendu de cette journée terrible aux Carmes :

« La matinée du 2 septembre  se passe comme à l'ordinaire dans les exercices de la piété chrétienne. Vers midi, on entend battre la générale et gronder le canon d'alarme. Mais cela inquiète moins les détenus que  la mauvaise garde de ce jour là. Pendant le repas un officier de garde dit aux prêtres : “lorsque vous sortirez, on vous rendra à chacun ce qui vous appartient”.

La promenade habituelle est différée puis, finalement, annoncée vers 3 heures ; contrairement aux usages les prêtres âgés, malades ou infirmes sont obligés de sortir.

Dans le jardin la garde est doublée et toute composée de gens armés de pique; la chapelle de la Vierge est fermée, mais sur intervention de l'évêque de Saintes, elle est rouverte et plusieurs prêtres s'y rendent.

Vers 16 heures, les détenus entendent de grandes clameurs au voisinage ; et peu de temps après, un groupe de forcenés apparaît aux fenêtres menaçant de leurs piques. Certains qu’ils vont être massacrés les prêtres se donnent l’absolution l’un à l’autre. Les gardes disparaissent et les tueurs entrent dans le jardin armés de fusils à baïonnettes, de piques et de pistolets. Ils massacrent le premier qu'ils rencontrent, l'abbé Girault qui lisait son bréviaire près du bassin; l'abbé Salins qui se trouvait à proximité se précipite pour s'interposer mais est abattu d'un coup de fusil. Puis ils se précipitent dans le jardin en réclamant l'archevêque d’Arles. Les prêtres qui entourent Mgr du Lau veulent le cacher mais lui leur répond que puisque c’est lui qui est recherché il ne seront apaisés que quand il l’auront trouvé. Un des tueurs devance les autres et vient au devant du groupe entourant Mgr du Lau “Es-tu l'Archevêque d'Arles ? ― Oui, je le suis, répondit-il calmement. ― C'est donc toi qui a fait répandre tant de sang à Arles. ― Moi ? Je ne sache pas avoir fait du mal à personne. ― Scélérat ! Je vais t'en faire à toi !“ Et aussitôt, il lui décoche  un grand coup de sabre sur la tête. A ce premier coup, Mgr du Lau joint ses mains et s'en couvre le visage et, sans faire la moindre plainte, il est mis à mort. Un second assassin vient encore enfoncer sa pique dans le corps de la victime ; il lui  arrache sa montre et l'a présente à ses camarades d'un air content et satisfait.

Les tueurs se précipitent alors vers  la petite chapelle de la Vierge du jardin, et déchargent leurs fusils  et leurs pistolets. Mgr de la Rochefoucauld, évêque de Beauvais, est blessé à la jambe.

Plusieurs prêtres escaladent le mur de clôture. L'un d'eux, l'abbé Gallais, renonce à fuir et revient partager le sort de ses compagnons, il est alors blessé d'un coup de feu à la jambe ; 5 ou 6 autres parviennent à s'échapper. Dans le jardin, le "parc aux cerfs" disent les tueurs, la "chasse" continue, plusieurs prêtres sont blessés à coups de feu et achevés à l'arme blanche.

Le massacre dure depuis une quinzaine de minutes quand des fenêtres on crie “Arrêtez ! C'est trop tôt; ce n'est pas ainsi qu'il faut s'y prendre !” Violette, commissaire de la Section, accompagné de 12 à 20 hommes, entre alors dans le jardin et ordre est donné aux prisonniers de rentrer dans l'église. Toujours excités les tueurs continuent de tirer des coups de fusils. Quand il pense que tous les rescapés ont pu rentrer dans l’église Violette fait fermer la porte du perron, mais les abbés Martin et Grayot de Kéravenant, sont encore à l'extérieur, ils escaladent un appentis, se réfugient dans les combles de l'allée menant de la maison aux lieux communs. Ils y restent jusqu'à 7 h et demie le lendemain matin, "entendant tous les coups sans qu'aucun cri ait été poussé par les victimes".

Enfermés dans l'église, les détenus entendent encore des coups de feux dans le jardin; ils sont entassés dans le chœur, la nef leur étant interdite. Deux des détenus, l'abbé Leturc et le frère Istève parviennent à se cacher dans l'escalier menant à la chaire et échapperont ainsi au massacre ; un autre se cache sous des matelas (pris d'éternuements il sera découvert vers 21 heures et massacré).

Rentrés dans l'église les prêtres, au milieu des hurlements, se prosternent au pied du crucifix qui y restait, seul et unique signe religieux qui n’avait pas pu être enlevé. .Brusquement les forcenés font silence, c'était Mgr de la Rochefoucauld qu'on portait avec assez d'humanité. On le place sur un lit, où son frère l’évêque de Saintes, vient le rejoindre. Puis les forcenés recommencent cris, insultes et menaces.

C’est alors que  parait un commissaire de la Section qui implore les droits de l'humanité faveur des détenus. Mais il met si peu de chaleur et d'intérêt dans son discours qu'il n'eut aucun succès.

Dès qu'il fût sorti de l'église, on ordonne  aux prêtres de cesser les prières et de se lever. Un des tueurs leur demande alors d'un ton menaçant : “Avez vous prêté le serment ?” Il lui est répondu, que pas un des détenus n'avait prêté ni ne prêterait ce serment,. “C'est égal, allons, passez, passez, votre compte est fait."

Deux par deux les prêtres sont appelés et, sortant par la chapelle de la Vierge, il passent dans le petit corridor menant au jardin, sont poussées vers le petit perron où ils sont massacrés à coup de sabres, de piques et d'outils agricoles. Les corps sont traînés et entassés au pied d'un if proche.

L'évêque de Beauvais appelé à son tour, dans les derniers, fait remarquer qu'il ne peut marcher et demande de l'aide, il est alors soutenu humainement par des gardes qui le conduisent jusqu'au perron.

Des gardes nationaux réussissent à soustraire plusieurs prêtres au massacre, deux d'entre eux sont conduits à l'extérieur par leurs sauveurs, les abbés Saurin et Letellier ; l'Abbé de La Pannonie est invité à profiter de l'invasion de l'église par une foule de pillards et de badauds pour se mêler à elle et gagner la sortie. D'autres enfin sont regroupés sous garde armée pour être jugés à la Section.

Aux environs de 18 heures les massacres cessent, et les 30 derniers prisonniers, dont 8 laïcs, sont conduits sous escorte à la Section, ils seront relâchés les jours suivants.

En arrivant à la Section, après le massacre, un des commissaires dit :”Je ne comprend pas ces gens, ils allaient à la mort comme on va à un mariage !“

Toute la nuit on entend des chants et des cris dans le jardin... »

Antoine de Ravinel fut béatifié le 17 novembre 1926, avec tous ses compagnons de supplice, parmi lesquels le Père Jean-François Burté, religieux cordelier, natif de Rambervillers, et qui avait été plus de vingt ans au couvent de son ordre à Nancy.

 

 

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