Jésus-Christ Notre-Seigneur ayant chargé le bienheureux
apôtre saint Pierre et le pontife romain son successeur de l'obligation de
paître son troupeau, obligation qu'aucune circonstance de temps ni de lieu,
aucune considération humaine, rien en un mot ne doit borner ; il est du devoir
de celui qui est assis sur la chaire de saint Pierre de donner son attention à
toutes les fonctions différentes de la charge que Jésus-Christ lui a confiée
sans en omettre ou négliger aucune, et d'étendre sa vigilance à tous les besoins
de l'Église. Une des principales fonctions de cette charge est de prendre sous
sa protection les ordres religieux approuvés par le saint-siège, de donner une
nouvelle activité au zèle de ceux qui, s'étant dévoués par un serment solennel à
la profession religieuse, travaillent avec un courage soutenu par la piété à
défendre la religion catholique, à l'étendre, à cultiver le champ du Seigneur ;
d'inspirer de l'ardeur et de donner des forces à ceux qui parmi eux seraient
languissants et faibles, de consoler ceux que l'affliction pourrait abattre, et
surtout d'écarter de l'Église confiée à sa vigilance tous les scandales qui
chaque jour naissent en son sein et dont l'effet est la perte des âmes.
L'institut de la compagnie de Jésus, qui a pour auteur un homme auquel l'Église
universelle a déféré le culte et l'honneur qu'elle rend aux saints ; que
plusieurs de nos prédécesseurs d'heureuse mémoire, Paul III, Jules III, Paul IV,
Grégoire XIII et Grégoire XIV, Paul V, out approuvé et confirmé plus d'une fois
après l'avoir soigneusement examiné, qui a reçu d'eux et de plusieurs autres de
nos prédécesseurs, au nombre de dix-neuf, des faveurs et des grâces
particulières ; que les évêques, non seulement de nos jours, mais des siècles
précédents, ont loué hautement comme étant très avantageux, très utile et très
propre à accroître le culte, l'honneur et la gloire de Dieu, et à procurer le
salut des âmes ; que les rois les plus puissants comme les plus pieux, et les
princes les plus distingués dans la république chrétienne, ont toujours pris
sous leur protection, dont les règles ont formé neuf hommes mis au rang des
saints ou des bienheureux, parmi lesquels trois ont reçu la couronne du
martyre ; qui a été honoré des éloges de plusieurs personnages célèbres par leur
sainteté, que nous savons jouir dans le ciel de la gloire éternelle ; que
l'Église universelle a nourri avec affection dans son sein depuis deux siècles,
confiant constamment à ceux qui le professent les principales fonctions du saint
ministère qu'ils ont toujours remplies au grand avantage des fidèles, et qui
enfin a été déclaré pieux par l'Église universelle assemblée à Trente ; ce même
institut, il s'est trouvé récemment des hommes qui, après l'avoir défiguré par
des interprétations fausses et malignes, n'ont pas craint de le qualifier
d'irréligieux, d'impie, tant dans les conversations particulières que dans des
écrits imprimés, répandus dans le public, de le déchirer par des imputations les
plus injurieuses, de le couvrir d'opprobre et d'ignominie, et en sont venus au
point que, non contents de l'idée particulière qu'ils s'en sont faite à
eux-mêmes, ils ont entrepris par toute sorte d'artifices de faire circuler le
poison de contrée en contrée, de le répandre de toute part, et ne cessent encore
aujourd'hui de faire usage de toutes les ruses imaginables pour faire goûter
leurs discours empoisonnés à ceux des fidèles qui ne seraient point assez sur
leurs gardes ; insultant ainsi de la manière la plus outrageante l'Église de
Dieu, qu'ils accusent équivalemment de s'être trompée jusqu'à juger et déclarer
solennellement pieux et agréable à Dieu ce qui en soi était irréligieux et
impie, et d'être ainsi tombée dans une erreur d'autant plus criminelle, qu'elle
aurait souffert pendant plus longtemps durant l'espace même de plus de deux
cents ans, qu'au très grand préjudice des âmes, son sein restât souillé d'une
tache aussi flétrissante. A un mal si grand qui jette des racines d'autant plus
profondes et acquiert chaque jour des forces d'autant plus grandes qu'il a été
dissimulé plus longtemps, différer encore d'apporter remède, ce serait nous
refuser et à la justice qui nous ordonne d'assurer à chacun ses droits et de les
soutenir avec vigueur, et aux mouvements de la sollicitude pastorale que nous
avons pour le bien de l'Église.
Pour repousser donc l'injure atroce faite tout à la fois à
l'Église que Dieu lui-même a commise à nos soins, et au saint-siège sur lequel
nous sommes assis ; pour arrêter par notre autorité apostolique le progrès de
tant de discours impies contraires à toute raison comme à toute équité, qui, se
répandant de tout côté, portent avec eux la séduction et le danger prochain de
la perte des âmes ; pour assurer l'état des clercs réguliers de la compagnie de
Jésus qui nous demandent cette justice, et pour lui donner une consistance plus
ferme par le poids de notre autorité, pour apporter quelque soulagement à leurs
peines dans le grand désastre qui les afflige ; enfin pour déférer aux justes
vœux de nos vénérables frères les évêques de toutes les parties du monde
catholique qui, dans les lettres qu'ils nous ont adressées, font les plus grands
éloges de cette compagnie, dont ils nous assurent qu'ils tirent de très grands
services chacun dans leur diocèse ; de notre propre mouvement et certaine
science, usant de la plénitude de la puissance apostolique, marchant sur les
traces de tous nos prédécesseurs, par notre présente constitution qui doit
valoir à perpétuité, disons et déclarons dans la même forme et de la même
manière qu'ils ont dit et déclaré, que l'institut de la compagnie de Jésus
respire au plus haut point la piété et la sainteté, soit dans la fin principale
qu'il a continuellement en vue, et qui n'est autre que la défense et la
propagation de la religion catholique, soit dans les moyens qu'il emploie pour
parvenir à cette fin ; c'est ce que l'expérience nous a appris jusqu'à présent.
C'est cette expérience qui nous a appris combien le régime de cette compagnie a
formé jusqu'à nos jours de défenseurs de la foi orthodoxe et de zélés
missionnaires qui, animés d'un courage invincible, se sont exposés à mille
dangers sur la terre et sur mer pour porter la lumière de la doctrine
évangélique à des nations féroces et barbares ; nous voyons que tous ceux qui
professent ce louable institut sont occupés à des fonctions saintes, les uns à
former la jeunesse à la vertu et aux sciences, les autres à donner les exercices
spirituels, une partie à administrer avec assiduité les sacrements surtout de la
pénitence et de l'eucharistie, et à presser dans leurs discours les fidèles d'en
faire un usage fréquent, une autre partie à porter la parole de l'Évangile aux
habitants de la campagne ; c'est pourquoi, à l'exemple de nos prédécesseurs,
nous approuvons ce même institut que la providence divine a suscité pour opérer
de si grandes choses, et nous confirmons par notre autorité apostolique les
approbations qui lui ont été données ; nous déclarons que les vœux par lesquels
les clercs réguliers de la compagnie de Jésus se consacrent à Dieu selon ledit
institut, sont purs et agréables à ses yeux ; nous approuvons et louons
particulièrement, comme très propres à réformer les mœurs, à inspirer et
fortifier la piété, les exercices spirituels que les mêmes clercs réguliers de
la compagnie de Jésus donnent aux fidèles qui, éloignés du tumulte du monde,
passent quelques jours dans la retraite à s'occuper sérieusement et uniquement
de leur salut éternel. De plus, nous approuvons les congrégations ou sodalités
érigées sous l'invocation de la bienheureuse Marie, ou sous tout autre titre,
non seulement celles qui sont formées de jeunes gens qui fréquentent les écoles
de la compagnie de Jésus, mais aussi toutes les autres, soit qu'elles soient
seulement composées d'étudiants ou seulement des autres fidèles de Jésus-Christ,
soit qu'elles réunissent les uns et les autres ; et nous ne donnons pas moins
notre approbation à tous les pieux exercices qui s'y pratiquent avec ferveur ;
et nous recommandons extrêmement la dévotion toute particulière qu'on s'attache
à cultiver et à augmenter dans ces sodalités envers la bienheureuse mère de Dieu
Marie toujours vierge. Nous confirmons par notre autorité apostolique les bulles
par lesquelles nos prédécesseurs d'heureuse mémoire, Grégoire XIII, Sixte V,
Grégoire XV et Benoît XIV ont approuvé lesdites sodalités ; de même par notre
présente constitution nous approuvons de toute l'autorité que Dieu nous a donnée
et de la force de notre confirmation apostolique toutes les autres constitutions
faites par les pontifes romains nos prédécesseurs, pour approuver et louer les
fonctions du même institut de la compagnie de Jésus, chacune desquelles
constitutions nous voulons qu'on regarde comme insérée dans celle-ci, voulant et
ordonnant, si besoin est, qu'elles soient censées faites de nouveau et mises au
jour par nous-même.
Qu'il ne soit donc permis à personne de donner atteinte à
notre présente constitution approbative et confirmative, ni d'être assez
téméraire pour oser y contrevenir ; que si quelqu'un avait la présomption
d'enfreindre cette défense, qu'il sache qu'il encourra l'indignation de Dieu
tout-puissant et des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul.
Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, l'an de l'Incarnation
de Notre-Seigneur 1764, le 7e des ides de janvier, la 7e
année de notre pontificat (9 janvier 1765).