Austreberte, naquit
vers l'an 630, dans le territoire de la ville de Thérouane, qui
était anciennement capitale d'une partie de l'Artois. Elle était
fille de Badefroi, comte palatin, c'est-à-dire, seigneur de la
cour, et un des
premiers
officiers de la maison du Roi Dagobert I. Sa mère, nommée
Framechilde ou Frameuse, était de la famille des Rois Allemands.
L'Eglise a rendu témoignage à sa sainteté, en l'honorant d'un
culte public.
Notre Sainte n'eut
de goût, dès sa jeunesse, que pour les pratiques de piété ; elle
montrait surtout une ferveur incroyable dans la prière et
l'exercice de la méditation. Son amour pour la virginité la
porta à refuser un établissements- conforme à son illustre
naissance. Elle n'eut pas plus tôt su que son père pensait
efficacement à la marier, qu'elle alla trouver saint Omer,
évêque de Thérouane, pour lui communiquer son dessein. Le saint
prélat, après s'être assuré de la vocation de la jeune
Austreberte, lui donna le voile, et reçut le vœu de virginité
perpétuelle qu'elle fit entre ses mains, il la remit ensuite à
ses parents, qui lui laissèrent la liberté de mener chez eux le
genre de vie qu'exigeait l'état des vierges consacrées au
Seigneur.
Quelque temps
après, Austreberte voulut rendre son sacrifice complet, en se
retirant dans un monastère, et en joignant les vœux de pauvreté
et d'obéissance à celui de chasteté : c'est ce qu'elle fit, du
consentement de ses parents, dans l'abbaye de Port, bâtie sur la
Somme, un peu au-dessous d'Abbeville ; là, elle donna l'exemple
de toutes les vertus monastiques. Il n'y avait point de sœur qui
portât plus loin qu'elle l'amour de la mortification. Son
humilité surtout était extraordinaire ; elle s'abaissait
non-seulement devant la supérieure, mais même devant la dernière
personne de la communauté. Cette humilité ne souffrit aucune
atteinte lorsqu'elle eut été élue prieure.
Vers ce temps-là,
saint Philebert, abbé de Jumièges, fonda un monastère de filles
à Pavilly, dans le pays de Caux. L'emplacement et les fonds
nécessaires lui avaient été donnés par Amalbert, seigneur du
lieu. Ce Seigneur offrit au saint fondateur sa fille Aurée, qui
reçut le voile dans le nouveau monastère. Les religieuses de
Pavilly, qui étaient au nombre de vingt-cinq, avaient besoin
d'une abbesse qui réunit une prudence consommée à une vertu
éminente. Saint Philebert jeta les yeux sur Austreberte, prieure
de Port. Les deux moines qu'il avait envoyés n'ayant pu la
déterminer à sortir de sa communauté, il l'alla trouver
lui-même, et vint à bout de vaincre sa résistance. Il l'emmena
donc à Pavilly avec deux autres religieuses de Port. Ce fut
saint Ouen qui la bénit, et qui l'établit première abbesse du
monastère nouvellement fondé.
Austreberte
s'appliqua entièrement à sa sanctification, ainsi qu'à celle de
ses sœurs. Quelques contradictions qu'elle eut à essuyer, ne
servirent qu'à mettre sa vertu dans un plus grand jour. Elle
alliait dans le gouvernement la douceur à la fermeté. Dure à
elle-même, elle était pleine de bonté pour ses
religieuses. Ses discours avaient un charme secret qui portait
dans les cœurs la paix, la componction et la ferveur. Elle
n'exigeait rien qu'elle ne le fît la première ; elle allait même
beaucoup au-delà de ce qu'elle
prescrivait aux autres."La qualité d'abbesse ne l'empêchait pas
de saisir toutes les occasions de pratiquer l'obéissance ; le
trait suivant montrera combien elle chérissait cette vertu. Une
nuit que les religieuses s'étaient recouchées après matines,
Austreberte visita le dortoir pour examiner si tout était dans
Tordre ; le bruit qu'elle fit éveilla la prieure. Celle-ci, qui
crut que c'était une simple religieuse, la reprit de manquer à
la règle, et lui ordonna d'aller par pénitence prier devant la
croix plantée dans le cloître. Austreberte obéit sans répliquer,
et demeura le reste de la nuit au pied de la croix ; mais la
prieure reconnut sa méprise en se rendant le matin à l'église
avec les autres sœurs ; elle s'approcha de son abbesse, et lui
demanda un pardon, qui lui fut aisément accordé.
Cependant le
monastère de Pavilly répandait de toutes parts la bonne odeur de
Jésus-Christ. On s'empressait d'y accourir de tous côtés. On
voyait des pères et des mères offrir à l'envi leurs enfants à la
sainte abbesse. D'autres personnes, touchées de ses exemples,
embrassaient la pratique des conseils évangéliques. Enfin la
Sainte fut attaquée d'une fièvre qui lui annonçait une mort
prochaine. Elle se fit porter aussitôt dans le lieu où
s'assemblait la communauté, et y parla avec beaucoup d'onction
des principales vérités du salut. Les jours suivants, elle ne
s'entretint qu'avec Dieu, excepté que de temps en temps elle
donnait encore à ses sœurs les instructions qu'elle leur croyait
nécessaires. Sentant à la fin que sa dernière heure approchait,
elle reçut le saint viatique ; puis, après s'être munie du signe
de la croix, elle rendit tranquillement l'esprit. Sa
bienheureuse mort arriva le 10 Février 703, selon la tradition
du monastère de Montreuil sur-Mer, en Picardie.
Son corps fut
enterré dans l'église du monastère de Pavilly, où l'on voyait
encore son tombeau, et fut honoré de plusieurs miracles. Trente
ans après, on le leva de terre pour l'exposer à la vénération
publique. La plus grande partie des reliques de sainte
Austreberte était autrefois à l'abbaye de Montreuil ; il y en a
aussi quelques parcelles à Pavilly, et dans d'autres paroisses
voisines. Le nom de notre Sainte se trouve en ce jour dans le
martyrologe romain.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godescard. |