Saint Avit naquit à
Orléans, d'honnêtes parents, quoique de peu de moyens. Son père
était de la Beauce, et sa mère de la ville de Verdun : la pauvreté
l'ayant fait quitter son pays, elle vint à Orléans, où, par sa
vertu, par
son travail et par son mérite, elle fit tant
qu'elle acquit quelque chose, dont elle se maria. Notre-Seigneur lui
donna un fils, qu'il sanctifia dès sa nativité : car une lumière
brillante parut dans la chambre lorsqu'il vint au monde, si grande
que la sage-femme et les personnes qui l'accompagnaient en étaient
effrayées.
Sitôt que cet
enfant fut un peu grand, il s'en alla au monastère de Miscy, et
demandant humblement l'habit, il s'y rendit religieux. Il était très
dévot et si simple, que les moines, se moquant
de lui ainsi que d'un pauvre niais, l'appelaient souvent fou et bête
mais il ne s'en fâchait pas. D'ordinaire il gardait quelque chose de
sa nourriture pour la donner aux pauvres, et il se dépouillait
souvent pour les vêtir. C'est pourquoi l'abbé, considérant en lui
une lumière céleste et de si rares présages de vertu, commença à lui
porter une grande affection ; il lui donna une cellule assez
éloignée des autres, afin que personne n'imputât à hypocrisie ses
dévots exercices de jeûner, de veiller et de prier.
Depuis, sa sainteté
étant assez reconnue de tous, par des signes très manifestes,
l'office de procureur du monastère lui fut donné, qu'il accepta avec
beaucoup de difficulté, et contre son gré. Mais il ne pouvait pas
refuser l'obéissance à son abbé. Ayant donc cette charge sur ses
épaules, il ne la put guère longtemps supporter, comme étant
contraire à la solitude qu'il désirait, outre que son honnêteté, sa
simplicité et sa naïve candeur d'esprit donnaient lieu à plusieurs
de lui faire de la peine. Tout ceci le fit enfin résoudre à quitter
ce lieu. C'est pourquoi l'abbé étant endormi, il entra subtilement
dans sa chambre, où il laissa les clefs au chevet de son lit, et
sortant du monastère, il s'en alla aux lieux les plus cachés de la
forêt de Calaune, à quatre ou cinq lieues loin du monastère, où il
fit une petite retraite de rameaux d'arbres, se tenant là caché
plusieurs jours.
Cependant l'abbé, se
levant sur le minuit, pour aller chanter Matines, fit tomber les
clefs qui étaient au chevet de son lit, ce dont il fut assez étonné,
sans se douter toutefois de la sortie de saint Avit. Pour en être
plus certain, il s'achemina promptement à la cellule du saint, mais
il ne le trouva point ; et il n'y eut cellule, lieu ni coin, tant du
monastère que des jardins, qui ne fussent visités, pour chercher ce
qu'ils ne trouvèrent pas.
Peu de temps après,
l'abbé du monastère mourut : c'était saint Maximin, personnage si
illustre en vertu, en mérites et eu miracles, que la sainte Église
en fait fête comme d'un saint, le quinzième jour de décembre. Il
décéda du temps du roi Clovis et avait succédé à saint Théodemire.
Après donc que les moines eurent achevé les funérailles de saint
Maximin, et enterré son saint corps, ils firent tous élection de
saint Avit pour leur abbé ; et aussitôt ils sortirent du monastère
pour le chercher. Ils y apportèrent tant de diligence, qu'enfin ils
le trouvèrent dans son pauvre ermitage, d'où ils le tirèrent par
force, et l'amenèrent dans leur monastère : puis se prosternant
devant lui, ils le supplièrent très affectueusement d'être leur
supérieur, et d'accepter le gouvernement de la maison. Le saint eut
bien de la peine à agréer cette charge ; et même il ne s'y fût
jamais soumis si le commandement de l'évêque d'Orléans n'y fût
intervenu. Il fut donc abbé de Miscy ; mais il n'y demeura pas
longtemps : sa profonde humilité le faisait continuellement gémir
sous une charge dont il se jugeait indigne, désirant plutôt obéir
que commander : outre qu'il aspirait sans cesse après sa bien-aimée
solitude.
Un jour entre autres il
sortit du monastère, prit la fuite, et entrant bien avant dans la
forêt de Miscy, se cacha dans les plus épais paliers ; puis trouvant
un lieu propre à sa commodité, il dressa une logette de branchages,
ne vivant que de pommes et d'autres fruits sauvages. Il demeura très
content en ce lieu, pour se voir entièrement éloigné des
hommes, auxquels il était alors inconnu : car il y séjourna assez
longtemps. Toutefois Notre-Seigneur, voulant manifester les vertus
et les mérites de son fidèle serviteur, permit qu'il y fût découvert
de cette sorte.
Comme la forêt
avait été fort fertile en glands, chaque porcher y conduisait son
troupeau pour paitre. Deux d'entre eux, qui étaient frères, et dont
l'un était muet, s'étant écartés par des sentiers perdus, avaient
été surpris de la nuit. Cependant, pour aider à se conduire et à
veiller à leurs pourceaux, ils allumèrent quelques ramées par le
chemin ; mais le tout fut bientôt éteint par une grande pluie, si
bien qu'ils égarèrent leur troupeau, ne sachant où ils étaient
eux-mêmes et n'ayant aucune espérance de recouvrer la lumière. Comme
ils étaient en cette peine, ils aperçurent de loin un peu de feu, et
le porcher muet, laissant son frère à la garde de leurs porcs,
courut promptement à l'endroit où il voyait ce feu. Étant arrivé à
la porte de la cellule du saint, il s'arrêta tout court, et en
bégayant il requit qu'on lui donnât un peu de feu. Mais le
serviteur de Dieu, voyant au milieu de la nuit un garçon noir, de
visage difforme, à demi couvert de méchants haillons, et hideux, fut
un peu épouvanté, et crut voir quelque monstre ou quelque démon qui
lui apparaissait ainsi. C'est pourquoi recourant, selon sa coutume,
à l'oraison, il se prosterna en terre, et avec larmes supplia très
instamment Notre-Seigneur de lui révéler si celui qui se présentait
était conduit du bon ou du mauvais esprit ; et qu'il ne lui permit
pas davantage de se cacher par ses artifices. Après l'oraison finie,
il se leva, et allant vers celui qui l'appelait, il fit le signe de
la croix devant lui, puis il l'interrogea de cette sorte : Qui
es-tu, toi qui t'es ainsi
transporté soudain à mon taudis ? car je l'ignore entièrement ; mais
je te conjure par Jésus-Christ, Fils du Dieu tout-puissant, attaché
en croix, que tu aies à me dire si tu es quelque monstre, ou ce que
tu fais en ces lieux déserts.
Incontinent, au
commandement de sa voix, la langue du muet se déliant, il lui
déclara ingénument ce qu'il était venu demander par nécessité, et
confessa avoir maintenant plus reçu qu'il ne demandait, vu que
cherchant seulement de la lumière, il en rapportait aussi l'usage de
la voix : puis, reconnaissant la vertu du saint, il se jeta
humblement à ses pieds, lui rendant grâces pour un tel bienfait. Le
saint, de son côté, n'en fut pas moins réjoui, sachant que cet homme
ne lui avait pas tant été envoyé des pasteurs, que de Dieu, qu'il
remercia ; puis embrassant ce jeune homme, il fit le signe de la
croix sur lui, lui donna de la lumière, et le congédia.
Pendant ce temps,
le troupeau de porcs, avec sa garde, s'était retiré fort loin : et
le garçon avec sa lumière ne savait où il les devait chercher parmi
l'obscurité de la nuit et l'épaisseur de la forêt. C'est pourquoi il
commença à crier et à faire retentir la forêt de sa voix, appelant
souvent son frère. Ce frère, entendant ainsi son nom, s'étonna du
commencement, et troublé en son esprit, il ne pouvait comprendre qui
avait donné la voix à son frère muet, qui l'appelait ainsi avec tant
d'importunité, ou qui était cette personne inconnue qui serait venue
là. Cependant il entrevit, au travers des arbres, une lumière qui
venait au-devant de lui, et
reconnut qui c'était.
Sitôt qu'il eut vu son frère en santé, et entendu parler de la sorte
celui qui était
naguère muet, il l'embrassa étroitement, et mêlant les larmes avec
la joie, il lui demanda qui avait
été son médecin, et comment cela lui était
arrivé ;
ce que son frère
lui raconta.
Le soleil étant levé,
ils s'en allèrent tous deux trouver le saint en sa cellule ; et se
prosternant à ses pieds, ils lui rendirent derechef beaucoup
d'actions de grâces pour un si signalé bienfait, et lui firent
présent d'un de leurs porcs ; mais comme le serviteur de Dieu ne
mangeait jamais de chair, il ne le voulut pas accepter ; il les
supplia seulement de ne révéler à personne qui il était, où ils
l'avoient trouvé, ni ce qui était arrivé. Mais pouvait-on sceller ce
que la vertu céleste avait si merveilleusement manifesté ? Étant
retournés en la maison, ils ne manquèrent pas de raconter au père et
à la mère tout ce qui s'était passé, tous les voisins le surent
aussitôt et ceux du pays circonvoisin; de sorte que l'on ne parlait
que de saint Avit.
Les plus dévots y
accoururent pour voir le saint, et les malades afin d'y recouvrer
leur santé. La petite route de la cellule du saint fut changée en un
grand chemin ; tous les jours on ne voyait autre chose que troupes
de débiles, d'estropiés, de languissants et d'autres affligés de
diverses infirmités, qui se faisaient porter à la cellule du saint :
et lui, qui peu auparavant habitait seul au milieu de la forêt,
semblait être pour lors au milieu d'un palais, tant l'abord du
peuple était grand. On ne voyait rien que malades guéris, on
n'entendait que voix louant Dieu pour reconnaissance d'avoir reçu de
lui quelque faveur par le ministère de saint Avit. Mais le saint, se
voyant trop importuné de Taffluence du peuple résolut une fois de se
retirer de nuit en quelque lieu plus secret ; il ne put pourtant
l'effectuer, étant vaincu tant par les prières du peuple que par
l'autorité des prélats, qui ne lui permirent pas de passer plus
avant. Alors il bâtit en ce lieu un très-beau monastère, appelé
vulgairement la Celle de Saint-Avit, où les règles des
anciens ermites saint Paul et saint Antoine, semblent refleurir tous
les jours.
Saint Avit fit encore
beaucoup d'autres miracles. On lui portait un tel respect dans la
ville d'Orléans, que jamais la justice ne lui refusa prisonnier
qu'il demanda, tant il était révéré pour ses admirables vertus. Un
jour qu'il allait à Orléans pour délivrer des prisonniers, une
grande troupe d'infirmes vint au-devant de lui, dont un lui mit à
ses pieds un petit enfant, né aveugle, le suppliant de lui donner la
vue : le saint abbé, étant touché de la tendresse de ce père et des
prières que plusieurs autres lui en faisaient, fit le signe de la
croix sur les yeux de l'enfant, et aussitôt il recouvra la vue.
Il y avait un certain
moine de l'abbaye de Miscy, que saint Avit affectionnait
particulièrement, et qui l'avait accompagné en sa solitude. Comme il
était à l'article de la mort, il pria les religieux de n'enterrer
point son corps, que saint Avit n'eût auparavant fait oraison
dessus. Ils le lui promirent, et lorsqu'il fut mort, un de la
compagnie fut envoyé vers saint Avit, pour annoncer le décès du
religieux, et ce qu'il avait désiré. Saint Avit, selon sa coutume,
était allé à pied assez loin du monastère, dans la forêt, où il
s'était arrêté jusqu'au soleil couchant ; mais enfin le moine,
l'ayant trouve, lui raconta le sujet de son voyage. Le saint,
n'étant pas peu affligé de cette triste nouvelle, s'achemina au
monastère avec le plus de diligence qu'il put. Il y arriva sur le
minuit, et entrant dans l'oratoire, il s'alla mettre au milieu de
l'église, proche du défunt. où étaient les religieux, qui, lassés de
veiller, s'étoient endormis.
Le saint, tout
joyeux de ce silence, s'approcha du cercueil du défunt, se prosterna
à terre en oraison, avec abondance de larmes, suppliant
très-instamment la Majesté divine de l'exaucer. Ses prières étant
achevées, il se leva, et ressentant par inspiration du ciel que la
vie de son religieux mort lui était accordée, il alla incontinent au
corps du défunt, et lui cria : Au nom de Dieu le Père
tout-puissant, levez-vous, Frère, et nous déclarez la raison de
votre décès si soudain. Le mort aussitôt se leva, et s'étant
assis en son cercueil, il lui raconta tout ce qui était arrivé, et
comme par son oraison il était ressuscité. Les moines, éveillés
là-dessus, s'étonnèrent d'un tel miracle, et se prosternant tous aux
pieds de saint Avit pour les baiser, ils rendirent grâce à
Notre-Seigneur
pour tant de merveilles qu'il daignait opérer en ce monastère, par
les mérites de son fidèle serviteur. Après cela le religieux
ressuscité, baisant la main droite du saint, se leva et sortit de
son cercueil, et avec des hymnes et des chants spirituels il se
retira en sa cellule, et vécut, depuis, plusieurs années.
Cet insigne miracle fut
particulièrement divulgué par saint Lubin, évêque de Chartres, qui
témoignait l'avoir appris lui-même de la bouche du religieux
ressuscité.
Clodomir, roi
d'Orléans, fils de Clovis Ier,
roi de France, faisant la guerre contre Sigismond et Gondemar,
frères, rois de Bourgogne, les vainquit tous deux en bataille
rangée. Gondemar prit la fuite, et Sigismond demeura depuis
prisonnier avec sa femme et ses enfants. Clodomir les amena à
Orléans, et les mit en prison. Cependant le prince Gondemar, frère
de Sigismond, ralliant ses forces et assemblant quantité de troupes,
reprit le royaume de Bourgogne. Clodomir, le sachant, voulut
retourner contre lui avec une puissante armée : mais avant que de
partir, il résolut de mettre à mort le roi Sigismond, qu'il tenait
en prison. Saint Avit, en étant averti, alla trouver le roi
Clodomir, et le pria de ne pas commettre une action indigne de sa
personne que de tuer Sigismond et ses enfants. Sire, lui
dit-il, si ayant égard à
Dieu vous changez le dessein que vous avez projeté, ne permettant
pas que ces princes soient mis à mort, Dieu sera avec vous ; et
allant à In guerre, vous obtiendrez la victoire : mais si vous les
faites mourir, vous périrez de la même manière, et serez livré entre
les mains de vos ennemis ; et il sera fait à vous, à votre femme et
à vos enfants ce que vous ferez à Sigismond et aux siens.
Clodomir ne tint
compte des paroles du saint abbé, et ne laissa pas de faire tuer
Sigismond, avec sa femme et ses enfants : puis il marcha en guerre
contre Gondemar : mais elle fut fatale à Clodomir, car il y fut tué
misérablement, et sa femme avec ses enfants n'eurent pas meilleure
fortune avec le temps. Quant au prince Sigismond, l'Église l'appelle
martyr et l'a mis au rang des
saints
en son
Martyrologe, le premier jour de mai, l'an 526.
Saint Avit ne
vécut guère de temps après, et laissa son corps en
terre pour aller jouir de la gloire au ciel. Après son trépas il y
eut un grand débat entre ceux de Châteaudun et d'Orléans, à qui
posséderait le corps du saint; le différend fut tel qu'ils en
vinrent aux mains les uns contre les autres. Ceux de Châteaudun y
furent les premiers et avoient déjà enlevé le corps; mais les
Orléanais, survenant avec plus de gens de guerre, leur firent
quitter prise, et peu s'en fallut qu'il y eût bien du sang répandu :
car ceux de Châteaudun alléguaient que le corps de saint Avit leur
appartenait comme par un spécial et particulier privilège, ayant été
leur abbé, outre qu'il était trépassé en un monastère situé sur
leurs terres, et plus proche de leur ville : mais les Orléanais
repartaient à cela que saint Avit était leur compatriote, né à
Orléans, et religieux du monastère de Miscy : de plus, qu'il avait
ordonné, en sa dernière volonté, que son corps fût enterré à
Orléans. Pour accorder le tout, il fut ordonné que ceux d'Orléans
auraient le corps du saint à eux, mais qu'on en donnerait quelques
reliques à ceux de Châteaudun : ce qui fut exécuté par les évêques
qui assistaient au convoi.
Après cela on alla
droit à Orléans. On ne saurait raconter avec quelle allégresse tous
les peuples circonvoisins accouraient pour faire honneur au corps du
saint; combien de cierges allumés, combien de chants et de
jubilations il y avait par le chemin. Enfin le saint corps étant
arrivé à Orléans, il fut enterré à cent pas de la ville. On bâtit
d'abord sur son tombeau une simple chapelle de bois, mais au reste
fort honorée des chrétiens, pour les insignes miracles que
Notre-Seigneur y opérait.
On écrit que
Childebert, roi de France, désirant passer en Espagne avec une
puissante armée, eut une particulière dévotion à saint Avit : car
entendant le bruit de sa sainteté, et sachant que son tombeau était
si peu orné, il fit vœu à Dieu que si, par l'intercession de saint
Avit, il retournait heureusement de la guerre, il édifierait une
somptueuse église sur son sépulcre. Notre-Seigneur assista
manifestement ce pieux roi en toutes ses entreprises; car autant de
fois qu'il fut attaqué des ennemis, ou surpris par leurs embuscades,
autant de fois il en fut délivré par les mérites de saint Avit, de
sorte qu'il retourna triomphant en France, et en reconnaissance
de ce bienfait, il
accomplit entièrement son vœu, et fit bâtir une très
belle église sur le
tombeau du saint. Notre-Seigneur montra bien qu'il
agréait
l'honneur qu'on faisait
à son bon serviteur en ce lieu; car les aveugles y
recouvraient
la vue, les muets parlaient,
les sourds entendaient,
et toutes sortes de malades y étaient
parfaitement guéris.
Saint Avit décéda
l'an 530, le dix-sept de juin, jour où la sainte Église célèbre sa
fête ; ainsi qu'il est rapporté aux Martyrologes romain, de Bède, d'Usuard
et d'Adon, qui en font mention. Sa vie a été écrite par un auteur
grave et fort ancien, qui vivait environ ce même temps. Elle est
rapportée par Surius, en son troisième tome des
Vies
des
Saints.
I l est parlé de
saint Avit dans saint Grégoire de Tours, en son Histoire de
France. Le docteur Jean Molau, le cardinal Baronius, et d'autres
modernes en font mention.
SOURCE : Alban
Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction :
Jean-François Godescard. |