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DELICIEUX
PASSAGES
DU JOURNAL DE SŒUR BENIGNA
Écris, ma Bénigne,
apôtre de ma miséricorde, écris ceci : la principale chose que je désire
faire connaître, c’est que je suis tout amour ; la plus peine que l’on
puisse me faire, c’est de douter de ma bonté. Non seulement mon Cœur
éprouve de la compassion, mais il se réjouit quand il y a beaucoup à
réparer, pourvu qu’il n’y ait pas de malice. Si tu savais combien je
travaillerais dans une âme, même remplie de misères, si elle me laissait
faire… L’Amour n’a besoin de rien mais il ne faut pas qu’il trouve de
résistance. Souvent, tout ce que e requiers d’une âme pour la rendre
sainte, c’est de me laisser faire… Les imperfections, quand on ne les
aime pas, ne peuvent me déplaire. L’âme doit s’en servir comme autant de
degrés pour s’élever jusqu’à moi, moyennant l’humilité, la confiance et
l’amour : Je m’abaisse vers l’âme qui s’humilie et je vais la chercher
dans son néant pour l’unir à moi.
Bénigne, écris pour
la gloire de mon Cœur ; car lorsque l’artiste fait de belles chose avec
des moyens infimes, toute la gloire lui en revient.
Comme le feu se
nourrit de combustibles et s’accroît à mesure qu’on l’alimente, ainsi ma
miséricorde se nourrit de misères qu’elle consume et plus elle en
trouve, plus elle grandit. O ma Bénigne ! si les hommes savaient combien
je les aime et comme mon Cœur ouit lorsqu’on croit à mon amour ! On y
croit trop peu, trop peu… On ne sait pas le tort que l’on fat à Dieu en
doutant de sa bonté !... Les péchés peuvent être énormes et nombreux ;
mais pourvu qu’on revienne à moi, je suis toujours prêt à tout
pardonner, à tout oublier. Tu es l’apôtre de la miséricorde de Dieu…
j’ai jeté mes regards sur toi afin que tu deviennes le canal des divines
miséricordes. Ecris donc que je fais mes plus beaux chefs-d’œuvre avec
les sujets les plus misérables, pourvu qu’ils me laissent faire.
Lorsqu’une âme se repent de ses fautes et les déplore de tout son cœur,
crois-tu que je sois assez dur pour ne pas oublier ?... Tu ne
connaîtrais pas mon Cœur si tu pensais ainsi. Mon Coeur très aimant a
tellement soif du salut des âmes qu’au premier mouvement de leur retour
vers Dieu, je ne puis plus contenir ma joie ; je cours à leur rencontre.
Le plus grand dommage que le démon puisse causer à une âme après l’avoir
fait tomber dans le péché, c’est de la jeter dans la défiance. Tant
qu’une âme a confiance, le retour est facile ; mais si le démon parvient
à lui fermer le cœur, oh ! comme il me faut lutter pour la reconquérir.
Ecris, ma Bénigne, écris afin qu’on le sache : il est certain que cent
péchés ‘offensent plus qu’un seul, mais si ce seul péché est une
défiance de moi, il me blesse mon Cœur plus que cent autres, parce que
la défiance le blesse, mon Coeur, au plus intime. J’aime tant les hommes
!... Oui, on a une idée trop étroite de la bonté de Dieu, de sa
miséricorde, de son amour pour ses créatures. On mesure Dieu aux
créatures, et Dieu n’a pas de imites ; sa bonté est sans bornes… Oh !
pouvoir user de Dieu et ne pas le faire !... Pourquoi cela ? Parce que
le monde ne le connaît pas. Je suis un trésor infini que mon Père a mis
à la disposition de tous… Ceux qui me rebutent ne comprendront leur
malheur que dans l’éternité. J’aime les hommes, je les aime tendrement
comme mes frères ; bien qu’il y ait une distance infinie entre eux et
moi, je n’en tiens pas compte.
Je fais une levée en
masse et j’appelle les âmes à combattre pour l’Amour. Les plus
généreuses sont celles qui restent en première ligne…
Tu as des yeux, eh
bien ! lis… qu’y a-t-il d’écrit dans mon Cœur ? AIME-MOI !... Si tu
m’aimes, tu répareras ; si tu répares, tu me consoleras, et si tu me
consoles, tu agiras en épouse fidèle : amour, réparation, consolation,
fidélité.
Ma Bénigne, jamais tu
ne pourras m’aimer de tout ton cœur comme je veux être amé de toi, si tu
ne te hais toi-même de tout ton cœur. Sacrifie tes intérêts et
satisfactions personnels à la plus grande gloire de Dieu. Tu ne seras
pas vraiment réparatrice si tu te contentes de regarder
superficiellement les plaies que les pécheurs font à mon Cœur ; il faut
les examiner de près… Les pécheurs me haïssent, toi, aime-moi de toutes
tes forces; les pécheurs blasphèment mon saint Nom, toi, loue-moi ; les
pécheurs écartent mon souvenir, toi, tache de m’avoir toujours présent à
l’esprit, éloignant toute autre pensée. Que toutes tes actions portent
l’empreinte de la réparation et tu consoleras mon Cœur. Que ta vie soit
une vie d’amour et de réparation.
La méditation :
Ne crois pas que pour
faire une bonne retraite, tu sois obligée de méditer sur l’enfer… Tu
feras cependant cette méditation, mais avec moi, dans une atmosphère
d’amour ; le fruit que tu dois en retirer, c’est de t’enflammer de zèle
afin d’empêcher les âmes d’y tomber. Du reste, dans la méditation, l’âme
doit s’approprier seulement ce qui lui convient. Si tu fais
rigoureusement des considérations sur l’enfer sans t’appliquer à
réformer ce qu’il y a de défectueux en toi, tu sortiras de la retraite
telle que tu y es rentrée, tandis que tu dois en sortir transformée.
— Que dois-je faire,
mon Jésus, dois-je écrire les belles choses que vous m’avez dites, ou
bien cette oraison ?
— Je préfère que tu
parles de cette oraison, elle instruira les âmes et leur montrera
comment il faut goûter le saint Evangile. Il faut vivre de l’Evangile
comme on vit de l’air, de la lumière des aliments… Ecris comme tu peux,
et moi je ferai comprendre…
— Donc hier soir,
Jésus eut la bonté de me donner comme point de méditation ces paroles :
"Par un baiser tu trahis le Fils de l’Homme"
Par un baiser ?
Qu’est-ce donc qu’un baiser ?... Un baiser est un témoignage d’amour et
Judas s’en sert pour trahir Jésus… Oh ! que de fois, sous prétexte
d’amour pour Jésus, je me suis rassurée en m’examinant, me disant que je
n’avais pas voulu l’offenser et que, par conséquent il n’ avait pas
péché… Et tous ces retours sur moi-même qui entravent l’action du divin
amour dans mon âme, voilà un baiser !... une trahison, sous l’apparence
de l’amour. O Jésus, merci de m’avoir donné une lumière si salutaire,
merci mon Jésus ! Un baiser, c’est peu de chose… Judas en baisant notre
adorable Sauveur ne l’a pas même blessé légèrement et cependant, ce
baiser fut le premier anneau de cette chaîne de souffrances qui commença
pour Lui au Jardin des oliviers et se termina par la mort de la croix…
La Passion est la conséquence d’un baiser !... O mon Jésus, quelle leçon
! Qui pourrait mesurer les conséquences d’une petite faute ! Quand
j’écris, je mettrais volontiers parfois les choses à mon avantage, mais
j’ai l’inspiration de ne pas le faire, dans l’intention d’arrêter, sil
était possible, la diffusion des mauvaises lectures, ou du moins
d’empêcher un auteur d’insérer un mauvais article dans son journal. E
journal, en combien de mains tomberait-il ? Et si grâce à un acte de
fidélité, je suis cause qu’il porte un mauvais article de moins ?... Il
st douloureux de penser que par notre immortification, nous pouvons être
coupables, pour ainsi dire, de beaucoup de mal qui ne se commettrait pas
si nous avions la générosité de nous vaincre et d’attirer ainsi la
lumière et la grâce divine sur les âmes.
L’anéantissement :
Ma Bénigne, je vais
t’expliquer ce grand mot : anéantissement. L’anéantissement, c’est la
mort… Il te vient une pensée qui te plaît : la retrancher, l’oublier,
c’est la mort de cette pensée ; quand tu sacrifies un désir, c’est la
mort de ce désir ; quand tu as une volonté et que tu y renonces, c’est
la mort de cette volonté ; chaque acte de mort est un acte de vie parce
qu’au moment où tu meurs à a nature, tu vis à Dieu.
L’anéantissement de
la créature pour son Dieu est le comble de la perfection. Quand une âme
est arrivée au point de se complaire dans le mépris d’elle-même par
amour pour Dieu, elle est parvenue au sommet de la perfection.
La paix :
Ma Bénigne, tout ce
que je fais en toi, je le fais pour t’établir dans la paix. Pour que
Dieu agisse dans une âme, il faut qu’il y trouve la paix. Lorsque tu
n’es pas en paix, ni tu ne m’entends, ni tu ne sens ma présence ;
cependant je suis en toi.
Le parfum du lys
diffère de celui de l’œillet : moi qui suis le Prince de la paix, je
donne le parfum de la paix ; et comme là où est renfermé un lys, tout
est imprégné de son odeur, ainsi, toi qui me renfermes chaque jour dans
ton cœur par la sainte communion, tu dois respirer le parfum de la paix.
Que tout en toi exhale ce parfum.
Résolutions de
Marie Consolata :
Je veux n’avoir plus
qu’une seule ambition : être à Jésus pour toujours. Je prends la
résolution de lui donner chaque jour de nouveaux témoignages d’amour.
Grâce à Dieu, il me semble que je n’ai pas d’attache extraordinaire aux
choses de ce monde… J’aime les automobiles, mais si j’avais à choisir
entre les richesses de ceux qui possèdent des automobiles et la pauvreté
de Jésus-Christ, je préférerais être mendiante pour son amour…
Cependant, je me préoccupe de tant de choses tandis que je ne devrais
penser qu’à Dieu seul! Que de personnes auxquelles je pense souvent et
que j’aime tendrement! En agissant ainsi, puis-je dire que j’aime mon
Dieu ?... N’est-ce pas faire acte de propriété que de disposer d’un cœur
qui ne m’appartient plus ?... Je m’aperçois que ma volonté veut toujours
prévaloir sur celle des autres ; il me semble qu’il n’y a de bien que ce
que je fais… Il m’en coûte de céder et je ne m’y résous pas facilement…
Oh ! ce fameux moi, comme il est vivant… Quand je réussis en
quelque chose, je ne m’empresse pas de l’enseigner aux autres afin
qu’ils aient aussi le plaisir de réussir… Je dois absolument veiller sur
mon cœur puisque bientôt, pour l’amour de Jésus, je laisserai les
créatures afin de ne plus m’occuper que de Lui. Il ne faudra pas,
lorsque je serai au monastère, me remplir le cœur que j’aurai laissé… Je
veux changer de vie et me dépouiller de tout… Le ruban élastique dont e
me sers pour fermer mes livres me parait un objet de luxe, je m’en
passerai. Je prends trop de plaisir à jouir d’une bonne santé et je
m’attriste quand je suis fatiguée… Je n’aime pas à porter des souliers
usés, mon amour-propre en souffre… Je me mire souvent, je puis bien
l’éviter. Oui, pour l’amour de Jésus, je mortifierai mes sens et ferai
l’opposé de ce que mon amour-propre me suggérera. Je me suis permise de
caresser un chien… mais je ne le ferai plus, parce que mon cœur est tout
à Jésus. Quand j’entreprends un travail, je me fie trop à moi-même et
lorsqu’il est achevé, je suis toute fière de montrer que j’ai su me
tirer d’affaire… c’est encore de l’orgueil. Eh bien ! dès aujourd’hui, e
m’arrangerai si bien, que tout ce que je ferai ne sera ni admiré, ni
estimé, donnant ainsi une bonne leçon à ma nature orgueilleuse. Je
souffrirai joyeusement puisque Jésus le veut ; je ne rechercherai pas le
calme et la tranquillité, mais je laisserai Jésus faire autour de moi ce
qui lui plaira. Je serai fidèle à pratiquer la vertu, même dans les plus
petites choses ; par exemple, je me tarai quand je voudrai parler, et je
parlerai quand j’aurai envie de garder le silence. Que Jésus me bénisse,
me guide et m’éclaire.
Extraits d’une
lettre édifiante du directeur spirituel de sœur Bénigna-Consolata :
"J’ai lu dans la vie
du Bienheureux Vianney une chose qui ‘a frappé et qui, je le crois, vous
fera du bien. Il est dit que ce grand Serviteur de Dieu possédait le
secret de se concentrer dans l’action présente, sans s’occuper de celle
qu’il venait de faire, ni de la suivante. C’est d’ailleurs la théorie et
la pratique de votre saint Fondateur (saint François de Sales) : "
Transportez doucement, dit-il, votre esprit d’une action à l’autre sans
empressement, sans inquiétude. " Sœur Bénigne agit-elle ainsi ? C’est le
démon qui nous fait agir autrement. En pensant à l’action passée et en
vous préoccupant de celle qui viendra, vous gâtez la présente. Laissez
donc le passé à la miséricorde de Dieu, et abandonnez l’avenir à sa
paternelle Providence… Votre délicatesse e conscience est une preuve de
l’amour que vous porte votre Epoux, mais le scrupule est une maladie.
Or, il suffit que vous ayez la volonté de plaire à Die en tout et de ne
l’offenser en rien. Soyez convaincue cependant, que, malgré notre
vigilance, nos œuvres porteront toujours ici-bas la marque de fabrique,
c’est-à-dire celle de l’imperfection. A l’exemple de la Bienheureuse
Marguerite-Marie, laissez à Jésus le soin de réparer vos défauts et ne
vous en mêlez plus ; sinon, sans même vous en apercevoir, vous vous
perdrez dans la recherche de vous-même et de vos satisfactions, ce qui
alanguit l’esprit, et entrave la mystérieuse et amoureuse opération de
Jésus en vous. Je te bénis de tout mon cœur.
La religieuse
et ses liens familiaux, d’après Sœur Bénigna Consolata :
"Oh ! comment peut-on
penser que le monastère est le tombeau des affections !! Si le Seigneur
_ quand il s’agit de répondre à son appel _ donne la force de briser les
liens que lui-même a formés, il ne nous demande pas cependant d’oublie
ceux que nous aimons ; au contraire, la vie religieuse, accroît
surnaturellement notre affection, l’ennoblit et la divinise. "
Conseils de
perfection :
Marie, ne vas plus
mendier l’amour des créatures… te le donneraient -elles entièrement, tu
n’en serais pas satisfaite… Dieu seul peut te suffire. Tu as besoin d’un
coeur qui t’aime, qui te comprenne, c’est le Cœur de Dieu qu’il te faut.
Parle-moi comme tu le ferais avec un ami de la terre auquel on dit tout.
Je te connais, je partage tes peines, je m’offre à toi pour être le
modèle sur lequel tu dois soigneusement te former. Vis de telle sorte
que Jésus puisse vraiment vivre en toi ; sois seulement un vêtement, une
apparition, afin que Lui-même règle toutes tes actions, tous tes désirs,
toutes tes volontés. Comprends-tu avec quelle perfection tu dois te
conduire si tu veux manifester Jésus vivant et régnant en toi ? Pour
cela, il faut que ton visage soit toujours souriant, même quand t
souffres cruellement de l’intérieur. Je veux que tu sois douce et
cordiale envers tous, mais surtout envers ceux qui te donnent l’occasion
de t’immoler et de te sacrifier.
Je vais faire de ton
âme un chef-d’œuvre de ma grâce, prends garde de ne pas en interrompre
l’action bienfaisante ; tâche de seconder mes inspirations et sois
fidèle à les suivre. Mortifie le goût naturel que tu as de tant vouloir
parler et entendre, et quand tu sens que la nature prend le dessus, fais
tout le contraire de ce qu’elle veut, afin de l’assujettir complètement
à la grâce.
Affectionne-toi au
recueillement, au silence, à la solitude ; tout commencement est
difficile, surtout lorsqu’il s’agit de pratiquer la vertu ; mais ne
crains pas, tu deviendras forte avec ma grâce, pourvu que tu tiennes ta
petitesse toujours abîmée dans ma miséricorde.
Sache pour toi, et
apprends-le aux autres, que, pour avoir une vertu solide, il faut
l’attendre du Cœur de Jésus. Qui veut se sauver n’a qu’à venir se
réfugier dans cette Arche bénie d’où l’on ne contemple la tempête sans
en être secoué, sans en être menacé. O mon épouse ! découvre à tous le
lieu de refuge que tu as choisi pour ta demeure perpétuelle ; fais-moi
la charité de l’enseigner à d’autres, afin qu’ils viennent me trouver.
J’ai des trésors pour tous, et quiconque vient à moi en emporte…
Sais-tu quel est le
chemin le plus court pour arriver au ciel ? C’est la confiance en mes
mérites et la fidélité à la grâce…
Ma Bénigne,
lorsqu’une âme reçoit bien les humiliations, je lui donne un nouveau
trait de ressemblance avec moi. Quand tu dis tes coulpes, choisis
toujours celles qui t’humilient le plus… sois une bonne économe pour le
ciel. Pour greffer, une plante, il fat l’écorcer ; ainsi dois-tu faire
par la mortification, afin que moi, qui suis ta greffe, je prenne vie ne
toi…
La pureté de l’amour
consiste dans la pureté du sacrifice, et il ‘y a pas de sacrifice qui e
plaise autant que celui qu’on me fait de son honneur et de sa
réputation. Lorsqu’une âme est arrivée à aimer le mépris pour que Dieu
soit glorifié en elle, je la regarde avec tant d’amour que si elle
pouvait me voir, elle en mourrait de joie… Mais on craint le mépris
comme on craindrait un monstre. Pourquoi tant d’âmes n’arrivent-elles
pas au sommet d la perfection ?... parce qu’elles ont peur du mépris… Ma
Bénigna, je t’ai déjà donné la soif du mépris, mais je l’accroîtrai
encore en toi.
Un avertissement bien
reçu peut, le temps qu’il dure, faire arriver une âme dans mon intimité,
ce qu’elle n’aurait peut-être obtenu qu’après deux ou trois ans de vie
ordinaire.
Le temps qu’on
emploie à s’humilier n’est pas du temps perdu, non seulement pour celles
qui s’humilient, mais aussi pour celles qui ont alors à pratiquer la
patience.
Bénigne, la charité
est douce, mais la suavité de la charité est plus douce encore. Que tes
paroles soient un parfum de suavité. Je veux que tu sois au monastère ce
que le parfum est la fleur : il la trahit lorsqu’elle est dans l’ombre.
Je te tiendrai cachée pour te garder en sûreté ; mais toi, ma Bénigne,
n‘oublie pas ta mission qui est de m’attirer les cœurs par ta suavité…
Bénigne, la charité
doit coûter ; l’âme doit s’imposer des sacrifices continuels pour bien
exercer la charité.
Tu ne dois pas
chercher ailleurs que dans ta constante fidélité aux recommandations de
l’obéissance la raison des grâces extraordinaires que je te fais. Oh !
si l’on connaissait la valeur d’un acte d’obéissance !...
Je te veux fidèle, ma
Bénigne, mais par amour. Un petit acte de fidélité peut être le principe
de grandes grâces…
—Ma Bénigne, ma
mesure est comble, tu as mis jusqu’au dernier grain.
— Mon Jésus,
qu’est-ce qui vous pousse à me parler de nouveau ?
— Bénigne, c’est
l’humiliation de ton âme et ta fidélité constante malgré l’aridité ; si
tu n’y trouvais aucun goût, moi j’en trouvais.
— Mon Jésus, comment
avez-vous pu endurer cet état si longtemps ?
— C’était pour ton
bien. Je veux te préparer à recevoir de nouvelles grâces ; je t’ai
enlevé les consolations afin de te donner l’occasion de pratiquer la
charité parfaite. Un " Ave Maria " dit au temps de l’aridité, avec une
ferveur non sensible, mais de pure volonté, a beaucoup plus de valeur à
mes yeux qu’un rosaire entier récité au milieu des consolations. Ecris
cela pour réconforter les âmes…
Tu as agi avec une
paix qui m’a ravi le Coeur, tu as agi en fille d’amour. Ma Bénigne, tu
le sais, une petite épine peut faire une grande déchirure, mais si on a
soin de l’ôter avec attention, on en voit à peine la trace. Quand tu
crains de m’avoir déplu, dis tout de suite: "Mon Jésus, si je vous ai
offensé en quelque chose, faites moi la grâce de le réparer et daignez
m’éclairer afin qu’une autre fois j’accomplisse mieux votre volonté."
Que ton regard soit
celui de Jésus, doux et serein, et quand tu souffres des peines
intérieures, sois souriante comme lorsque tu me vois d’une vue
intellectuelle. Cela coûte mais là se trouve la vertu. Pour ton
maintien, si tu veux qu’il ressemble à celui de Jésus, abîme toi dans la
considération de ton néant ou, si tu veux, dans le souvenir de ta
confession générale : cela te donnera une teinte d’humilité… fais-en
l’essai et cette résolution suffira.
Mortifications
difficiles :
Je veux que tu fasses
de plus grandes pénitences. Avec le consentement de ton Père spirituel,
tu te ceindras les reins avec une corde à nœuds qui te meurtrira la
chair sans toutefois attirer les soupçons autour de toi ; pour cela,
tâche d’être toujours joyeuse. Je continuerai à t’éprouver par des
peines extérieures et intérieures. Je veux que tu arrives à ne te
rechercher en quoi que ce soit, et je te promets la grâce de l’égalité
d’humeur qui test si nécessaire pour te maintenir dans la pratique de la
vertu.
Je veux que tu
honores particulièrement mon divin Cœur dans le mois qui lui est
consacré ; pour cela, je t’éveillerai à 4 heures au lieu de 4 h. ½, pour
m’entretenir avec toi. Tu porteras la corde toute la journée, y ajoutant
deux autres nœuds, et la nuit tu te coucheras dessus afin de rendre ton
sommeil pénible. Je t’appellerai à deux reprises différentes pendant la
nuit ; tu descendras du lit pur te mettre à genoux, et tu baiseras la
terre. La première fois, ainsi qu’il t’a été dit par mon ministre, tu
prononceras cinq fois le nom de " Jésus " ; la seconde, tu diras trois
fois : " Jésus crucifié, crucifiez-moi avec vous. " Que la souffrance ne
t’effraie pas ; tu n’es capable de rien, c’est pourquoi je me sers de
toi pour accomplir mes desseins. Je me sers des instruments les plus
vils et les plus misérables, pour mieux faire ressortir l’œuvre de ma
grâce.
Fais en sorte qu’en
toute rencontre où le corps pourrait trouver du soulagement, il ne
trouve, au contraire, que de la gêne et de la souffrance : refuse-lui
jusqu’à la moindre satisfaction.
Dans les heures
pénibles :
Sache qu’en ces
moments pénibles où il te semble que le démon va t’arracher de mon Cœur,
tu m’es plus étroitement unie par les liens d’un fort amour ; tu es
l’heureuse proie de mon amour… et tu aurais peur du démon, quand le
Tout-Puissant est avec toi ? Je suis la cuirasse de ton âme, ne crains
donc pas les coups qui te sont destinés : un soldat ne redoute pas les
pièges de l’ennemi lorsqu’il se voit puissamment défendu. Et ce que je
te dis n’est pas seulement pour toi, mais pour tant et tant d’âmes qui
se trouvent dans les mêmes conditions… Je te le dis afin que par ton
moyen beaucoup d’autres le sachent… La confiance est la clé qui ouvre
les trésors de ma miséricorde.
C’est bien
inutilement que tu cherches à combattre la sécheresse qui te désole ;
c’est moi qui permets tout… N’essaie pas de lutter davantage pour te
recueillir et t’absorber en moi, cela ne fait qu’accroître ta peine. Tu
marches dans l’obscurité, c’est vraie, mais tu n’es pas seule, je suis
là… abandonne-toi donc à moi comme une pauvre aveugle qui se laisse
conduire avec une entière confiance Je te parle directement et je me
sers aussi de mon ministre dévoué; ensemble nous prévenons les obstacles
que tu pourrais rencontrer, afin que tu les évites avec soin. Suis
fidèlement nos conseils et ne crains pas; celui-là seul se perd qui le
veut absolument malgré les sollicitations réitérées de ma grâce.
Tu es dans une telle
aridité que t e vois même pas ce qui se passe en toi ; mais sois
tranquille… arme-toi de bonne volonté, et ces difficultés se
dissiperont. Et puis tu es avec ton Dieu qui est lui-même ta force et ta
récompense. Je me plais tant à te voir combattre que je ne veux pas t’en
ôter l’occasion, c’est pourquoi je permets cette lutte intérieure ; je
veux éprouver ton amour et ta fidélité. Ne sois pas étonnée si je te
parle si familièrement, j’aime à traiter ainsi avec mes enfants. Je
troue en eux mes délices ; mais hélas ! beaucoup ne savent que faire de
mes paroles de vie éternelle. Toi, du moins, garde-les soigneusement et
sache en faire profit pour toi et pour les autres.
— Mon Jésus, vous
pouvez tout, ne voulez-vous pas m’enlever mes peines ?
— Non, ma Bénigne,
parce que en te les ôtant, je te priverais d’autant de couronnes ; à
chaque peine dont tu triomphe, tu acquiers un mérite. De même, lorsque
je permets la tentation, c’est pour donner à l’âme l’occasion de
mériter, et non par cruauté. Mon amour a de multiples inventions pour
enrichir les âmes…
La sensibilité
:
Courage, mon épouse,
courage ; ton Dieu est toujours là, bien que tu ne le voies pas, que tu
ne l’entendes pas. Le sentiment, tout en donnant la certitude, diminue
la foi. J’ôte la consolation sensible à l’âme que je veux exercer
parfaitement dans cette vertu ; il s’agit de croire sans voir, de croire
sans comprendre et sans vouloir comprendre, c’est ainsi qu’on assujettit
la raison et qu’on glorifie Dieu. Veux-tu lui faire plaisir ?... ne
scrute pas ses desseins à ton égard, laisse-le te traiter comme il lui
plait. Il peut faire en une minute, par un seul acte de sa volonté, une
chose qui demanderait de nombreuses années de labeurs. Tu aimes beaucoup
la prière, c’est bien ; mais crois-tu qu’en priant aussi longtemps que
tu le désires et que tu en a l’habitude, tu satisfais pleinement à tes
devoirs. Moi qui vois bien lus clair que toi, j’aperçois au fond de ton
cœur un ver rongeur… Au dehors, il ne parait rien, mais moi je découvre
tout au fond, cette complaisance secrète, cet orgueil raffiné qui se
cache sous les apparences de la piété et te font embrasser des pratiques
ne servant d’ordinaire qu’à nourrir ton amour-propre. Que fait alors le
divin Epoux ? Il coupe, il tranche sans pitié, sans compassion, sans
écouter les gémissements de la pauvre nature blessée ; j’enlève tout ce
qui est gâté et corrompu afin que le dommage ne devienne pas plus grand…
— Je souffre en
voyant que je ressens tant de plaisir à recevoir un cadeau de raisins et
que je n’en éprouve pas autant quand je reçois mon Jésus.
— Mais ce n’est rien,
c’est chose commune à toutes les créatures, par devoir vous m’aimez plus
que tout, mais vous éprouvez plus de sensibilité pour les choses
naturelles.
Les pauvres
pécheurs :
Prie beaucoup pour
les pécheurs, et je t’accorderai tout ce que tu me demanderas. Je te
mets comme intermédiaire entre les pauvres pécheurs et ton céleste Epoux
; plaide donc leur cause et dis-moi : " Mon Jésus, voudriez-vous laisser
perdre ces âmes pour lesquelles vous êtes mort sur la croix ? Vous êtes
la Résurrection et la Vie, soyez-le donc pour tous ces cœurs ensevelis
depuis si longtemps dans les ténèbres de la mort. Dès maintenant, je
vous remercie de cette victoire que vous remportez sur l’ennemi infernal
qui les tenait sous l’esclavage du péché, puisque vous m’avez assurée
vous-même que j’obtiendrais tout ce que je vous demanderais avec
confiance. "
Ecoute, je veux te
demander, en échange de l’amour infini que je te porte, un témoignage
d’affection. Je veux que tu t’offres tout spécialement à mon divin Cœur
pour sauver les pauvres pécheurs. En joignant les œuvres à la prière, tu
obtiendras plus facilement ce que nous désirons avec ardeur : le salut
des âmes. Il s’agit donc de me faire un sacrifice généreux de la part
des mérites qui te restent encore sur la donation que tu m’as faite en
faveur de âmes du Purgatoire, par l’acte héroïque de charité. Il ne te
reviendras rien de ce que tu souffriras ; abandonne-moi tout, afin que
j’en dispose à mon gré en faveur des âmes dont tu demandes la
conversion. Cette généreuse offrande t’attirera les plus spéciales
bénédictions de Dieu et te fera participer aux bienfaits de la
Rédemption, puisque tu sacrifies tout ce que tu es, tout ce que tu as,
tout ce que tu fais pour ces pauvres âmes qui, grâce à toi, obtiendront
de mon Cœur miséricorde et pardon. Mais il faut de la générosité, une
générosité absolue qui ne recule pas devant les sacrifices, même les
plus coûteux. Ici je veux que tu te fasses un saint scrupule de n’en
laisser passer aucun sans me l’offrir ; plus tu éprouveras de
répugnance, plus tu recevras de grâces particulières. Que cette promesse
t’encourage de telle sorte que désormais tu n’aies plus jamais doute ni
hésitation devant l’épreuve ; accepte-la d’un cœur généreux, d’un cœur
généreux supportes-la, et en récompense, tu recevras de moi ce que tu
désires ce que tu espères.
Tu ne peux croire le
plaisir que j’éprouve à remplir ma mission de Sauveur ; c’est tout mon
contentement et je fais mes plus beaux chefs-d’œuvre des âmes que j’ai
retirées de plus bas, que j’ai sorties de la fange. Quand les péchés ont
été pardonnés, ils deviennent pour l’âme des fontaines de grâces, parce
qu’ils lui sont source perpétuelle d’humilité…
Mission
spéciale de la soeur :
Mon Jésus,
pardonnez-moi la liberté que je prends de vous parler ainsi : Vous
pouvez tout, faites donc que les hommes vous connaissent, vous aiment et
vous servent avec tout le respect et l’amour que vous méritez.
— Je me sers à cette
fin des créatures. Exécuteurs de ma volonté, et instruments de ma
miséricorde, ce sont les hommes qui me font connaître. Je choisis
moi-même ces âmes destinées à faire revivre l’esprit chrétien dans la
société et dans le peuple ; je les forme moi-même ; je les comble de
grâces, les préparant ainsi à leur mission. Il y en eut dans le passé,
il y en a présentement, et j’en susciterai d’autres dans l‘avenir. Tu es
une de ces âmes, Marie : maintenant dans la famille, plus tard dans le
monastère, et enfin du monastère dans le monde, doit se répandre le
suave parfum des vertus que je cultive en toi avec tant d’amour.
Les hommes se
fatiguent, les hommes font tous leurs efforts pour opposer une digue à
la corruption des temps ; mais l’unique remède pour guérir la société
gravement malade, ne peut venir que de mon divin Cœur. On ne sait
comment résoudre le difficile problème de la " question sociale " qui
préoccupe tant aussi les âmes es plus généreuses : Qu’on me laisse faire
! C’est moi qui, à tout, apporterai le remède. Dans les plus grandes
nécessités, dans les plus grands désordres, ma divine grâce s’impose
souveraine et domine les cœurs. Je prépare l’œuvre de ma miséricorde ;
je veux renouveler la société, mais ce sera l’œuvre de l’amour ; je me
servirai de toi pour me communiquer à mes créatures et leur faire
connaître ma volonté.
Bienheureux celui que
Dieu choisit pour être l’instrument de ses miséricordes auprès des âmes.
Mais il ne doit pas se rendre inutile par son infidélité ; au contraire,
il doit avoir un soin extrême de tout faire afin de mériter de nouvelles
grâces pour lui et pour les autres. C’est à toi-même, Marie, que
s’adressent ces paroles, je vais te les expliquer : Une âme ne peut
avoir de plus grande satisfaction, ni de joie plus sincère que
lorsqu’elle peut faire du bien autour d’elle, surtout aux âmes… Ta
mission à toi, c’est de faire tout le bien que tu pourras au plus grand
nombre d’âmes possible… mission pénible et douloureuse qui te coûtera
bien des sacrifices ; mais il te restera la consolante pensée que tu
augmentes ainsi la gloire de ton Dieu. Je te dis ces choses afin de
t’encourager à souffrir, parce que bientôt il te faudra boire le calice
que je t’ai préparé. O ma pauvre bien-aimée ! par combien de tourments
je te ferais passer afin de t’épurer, de te purifier, afin qu’il n’y ait
plus rien en toi qui puise déplaire à ton Dieu… Prépares-toi à souffrir
de nouvelles peines et tentations. Pareilles à des fantômes
épouvantables, elles envahiront ton es prit ; cependant, je te le
répète, ce seront de simples fantômes que la lumière de ma présence fera
disparaître en un instant. La nature sera broyée, mais l’esprit vivra ;
tu sentiras en toi une nouvelle vigueur et, de ces épreuves supportées
avec une patience héroïque, il te restera un désir de souffrir qui ne te
laissera pas de repos.
J’ai besoin que tu me
prêtes ta tête, ta vie, tes facultés qui sont mes dons, que tu te livres
tout entière pour devenir l’instrument de ma miséricorde. Le désir de
voir et de savoir mon adorable Cœur toujours plus connu et aimé, doit
t’exciter à recevoir docilement cette mission… Accepte-la pour l’amour
que tu portes à mon Cœur, entre dans l’ordre de la Visitation… Le
monastère sera la chaire d’où tu me feras connaître. N’ayant pas besoin
de la force, je m’appuie sur la faiblesse ; je me sers des ignorants
pour confondre les forts…
Liens entre le
directeur spirituel et Marie-Consolata Ferrero :
Vos cœurs sont comme
les eaux d’une même source, qui au commencement, prennent une voie
séparée, puis s’unissent enfin pour former un ruisseau plus fort et plus
avantageux. Ils sont comme deux tiges de lys peu éloignées l’une de
l’autre ; en croissant, elles entremêlent leurs fleurs dont la candeur
immaculée et le suave parfum réjouissent le Coeur de Dieu. Vous êtes
telles, âmes bien aimées de mon ministre saint et de ma fidèle servante,
qu’unies dans mon Cœur par son embrassement amoureux, vous devez en
recevoir la mission de le faire connaître et aimer de plus en plus. La
route vous est ouverte, mais elle se présente bien épineuse et semée
d’obstacles.
Vœux d’amour,
et d’humilité dictés par Jésus :
Je fais vœu d’aimer
Dieu de tout mon cœur, et, pour son amour, je tâcherais d’aimer mon
prochain comme Il me l’a enseigné.
Mon Dieu, Grandeur
infinie, moi, petit atome de misère, de l’abîme profond de mon néant, je
m’offre, me consacre et m’abandonne toute à vous. Mon Dieu, je confesse
et reconnais que vous êtes ce que vous êtes, infiniment grand,
infiniment puissant, infiniment bon, infiniment parfait en tous vos
divins attributs ; et moi, je suis ce que je suis, c’est-à-dire un néant
coupable et une misère pécheresse. Grand Dieu de miséricorde, vous avez
daigné regarder ce petit rien, vous lui avez donné la grâce d’être
raisonnable, vous l’avez comblé de grâces que vous seul pouvez énumérer.
Pour honorer votre infinie miséricorde, je vous fais vœu d’humilité :
Je ne me plaindrai
jamais, ni intérieurement, ni extérieurement de quelque traitement que
je reçoive, soit de Dieu, soit des créatures. Au rien, rien n’est dû, et
il ne se plaint jamais ;
Je ne parlerai de moi
que par obéissance, c’est-à-dire quand les supérieurs le voudront ou le
désireront, et par charité, quand cela pourra être utile au prochain ;
jamais pour ma satisfaction personnelle ou quelque autre fin humaine ;
Je n’éviterais pas de
dire les choses qui me mortifient, à moins que cela n’importune mes
supérieurs de m’écouter, ou ne me fasse manquer à mes devoirs ;
Je me tiendrai en
esprit sous les pieds de tout le monde avec la conviction de mon profond
néant et, quand je n’en serai pas empêchée par l’obéissance ou la
pratique de mes devoirs, je me ferai autant que possible la servante de
tous ;
Je serai heureuse et
tressaillirai de joie de pouvoir, dans les occasions que mon Dieu
m’offrira, lui prouver mon amour en écrasant mon amour-propre.
Jésus, mendiant
d’amour :
Voie, je mendie
l’amour de mes créatures qui me le refusent pour le prodiguer aux choses
qui passent ; elles ne pensent même pas à me le donner à moi. Si tu
savais, Marie, combien c’est douloureux de tant aimé et de ne pas être
aimé !... Moi, je ne me lasse pas, je demande toujours de l’amour et
personne ne m’en donne ; et non seulement on ne m’aime pas, mais on me
hait. Sais-tu ce qui m’empêche de frapper les pécheurs ? Ce sont les
prières des justes ; elles désarment ma divine Justice.
Tu ne saurais croire,
mon épouse, le plaisir que ‘éprouve à demeurer avec mes créatures !...
Je suis toujours à la recherche de cœurs qui m’aiment ; n’en trouvant
qu’un petit nombre, e déverse sur eux la plénitude de mes grâces ;
j’aime tellement les âmes qui me sont fidèles et qui me laissent faire
en elles ce que je veux, que je m’empresse de les contenter comme si
c’était une loi pour moi.
Les méchants
triomphent… peu d’âmes me restent fidèles… on m’abandonne pour
rechercher le bonheur là où il n’est pas. O mon épouse ! peut-on être
heureux en violant une loi sainte, bonne et facile comme la mienne ?
Ma bien-aimée,
cherche-moi des victimes qui veuillent s’immoler pour la gloire de mon
Cœur. Mon Cœur est plein de miséricorde, non seulement pour toi, mais
pour tous.
O ma Bénigne ! sois
l’apôtre de mon amour ! Crie fort, afin que tout le monde l’entende, que
j’ai faim, que j’ai soif, que je meurs du désir d’être reçu par mes
créatures. Je suis dans le sacrement de mon amour pour mes créatures, et
elles en font s peu cas ! Oh ! toi, du moins, fais autant de communions
spirituelles qu’il te sera possible, pour suppléer aux communions
sacramentelles qui ne se font pas. Une à chaque quart d’heure, ce n’est
pas assez… Fais-les plus courtes, sous des formes différentes, mais très
nombreuses. I une épouse voyait son époux mourir de faim, elle irait
mendier pour lui de porte en porte… Ma Bénigne, cherche moi des âmes qui
fassent la sainte communion… O ma Bénigne ! ce qui me fait le plus de
peine, c’est de voir l’indifférence qu’on a pour moi… On me hait… on me
fuit comme on fuirait un malfaiteur, moi qui ne demande qu’à combler les
âmes de es bienfaits ; mais je ne le puis, parce qu’on en veut pas… J’a
soif de ‘amour de mes créatures… Les Séraphins m’aiment ardemment, les
Saints aussi, et leur amour est pur et parfait… J’ai beaucoup d’amour au
ciel, mais je vais en chercher encore sur la terre, parce que sur la
terre, l’amour est libre…
Petites
histoires :
J’étais plongé dans
la considération de ma nullité, voyant en moi tant de misères, lorsque
j’entendis Jésus me dire suavement : " Vends-les à ma miséricorde… "
Un autre jour,
j’avais mis à côté de la feuille de papier sur laquelle j’écrivais, une
statuette de l’Enfant Jésus… un léger mouvement la fit tomber ; aussitôt
je la relevai et donnai un baiser à Jésus en lui disant : " Si vous
n’étiez pas tombé, vous n’auriez pas eu ce baiser. " Il me répondit avec
une bonté toute particulière :
" Il en est ainsi, ma
Bénigne, quand tu as commis une faute involontaire ; tu ne m’offenses
pas, mais l‘acte d’amour et d’humilité que tu fais ensuite, de propos
délibéré, c’est le baiser que tu me donnes et que je n’aurais pas reçu,
si tu ‘avais pas commis cette imperfection."
Le martyre
d’amour :
Ma Bénigne, le
martyre d’amour consiste à s’abandonner à l’Amour comme le bois au feu,
comme l’or dans le creuset : le feu consume le bois et le réduit en
cendres, le feu purifie l’or e le rend resplendissant. Une âme
abandonnée à l’Amour ne peut plus arrêter les opérations de l’Amour, à
moins que, par son infidélité, elle ne se dérobe à son action. Comme le
feu consume le bois tant qu’il en trouve, ainsi l’Amour continue son
œuvre jusqu’à ce que l’âme soit arrivée au degré de perfection que Dieu
demande d’elle. Il suffit de se livrer l’Amour et alors l’Amour fait le
reste. Cependant, observe bien ceci : quand le bois est vert, le feu
doit avant tout consumer l’humidité, et il lui faut plus de temps ; mais
s’il est sec, il est aussitôt consumé et d’autant plus rapidement qu’il
est plus sec. Ainsi en est-il des âmes : celles qui sont encore pleines
d’elles-mêmes ont beaucoup de difficulté à se laisser travailler par
l’Amour, mais les âmes mortes à elles-mêmes sont vite consumées. Je ne
me lasse pas de voir des misères tant que je trouve de la bonne volonté.
Mon amour se nourrit en consumant les misères ; l’âme qui m’en apporte
le plus, si son cœur est contrit et humilié, est celle qui me plaît
davantage, parce qu’elle me donne ainsi l’occasion d’exercer plus
pleinement mon office Sauveur. Surtout ce que je tiens à te dire, ma
Bénigne, c’est que l’âme ne doit jamais avoir peur de Dieu, parce que
Dieu est toujours près à faire miséricorde, et le plus grand plaisir du
Cœur de ton Jésus est de conduire à mon Père le plus grand nombre
possible de pécheurs ; ils sont ma gloire, ma Bénigne, ils sont mes
joyaux… Je les aime tant, les pauvres pécheurs ! Ecoute, ma Bénigne, ma
Joie, écris ceci : Le plus grand plaisir qu’on puisse me faire, c’est de
croire à mon amour ; plus on y croit, plus mon plaisir est grand, et si
l’on veut que mon plaisir soit immense, il ne faut pas mettre de bornes
à cette foi en mon amour…Mais ma Bénigne, pour en venir au côté pratique
du martyre d’amour, en quoi consiste-t-il ? A se laisser consumer par
l’Amour. L’Amour est assez ingénieux pour savoir tout enlever à l’âme
sans avoir l’air de lui rien enlever. Laisse-le faire et il te
dépouillera. Il commencera par l’extérieur, comme le feu qui consume
d’abord l’écorce ; puis il pénétrera dans l’intime Bénigne, donne à
l’amour tout ce qu’il te demande et ne lui dis jamais : c’est assez.
Plus tu lui donneras, plus il te demandera, mais toujours avec une
grande suavité… L’Amour augmentera en toi le désir de te donner. J’ai
bien peu d’âmes ainsi livrées à l’amour parce qu’il en coûte… certaine
commencent bien, mais retournent en arrière ; elles ont peur du
sacrifice… Je les compare à ceux qui se privent de cueillir une rose de
peur de s’y piquer. L’amour vrai ne fait pas ainsi : là où il voit un
sacrifice, il s’élance comme sur une proie, il l’étreint, l’embrasse, et
plus le sacrifice est caché, intime, connu de Dieu seul, plus il le fait
volontiers. Courage donc… Dis-moi que tu me donnes pour toujours ta
volonté parce que tu veux n’avoir d’autre mouvement que celui de l’Amour
; puis, reste ferme et sache que lorsqu’une âme veut commencer
généreusement, elle est toujours bien reçue de mon Cœur. Tu peux réparer
le tems perdu par une plus grande fidélité, et surtout en usant des
trésors de mon très doux Cœur.
L’Amour veut se
précipiter en toi ; l’Amour te consumera, mais avec tant de douceurs
qu’en souffrant le martyre d’amour, tu voudras toujours souffrir. Ma
Bénigne, la soif que j’éprouve de sauver le plus grand nombre d’âmes
possible, m’en fait chercher des généreuses que je puisse associer à mon
œuvre d’amour… Tu seras la victime de ma divine justice et le
soulagement de mon amour… Tu seras consumée par l’amour… Oui, ma petite
épouse, j’accepte ton sacrifice dans toute l‘expansion de mon amour : je
t’immolerai, mais ce sera toujours avec le glaie de l’amour… Je
t’enchaînerai, mais par les liens de l’amour… Je te consumerai, mais
dans le feu de mon amour…
Ressemblance
entre l’Hostie consacrée et l’âme religieuse
Ame religieuse, vous
dit Jésus, regarde en esprit la sainte Hostie. Qu’y vois-tu ?... Quelle
est blanche, qu’elle n’a pas la plus petite tâche.
Voici la première
Qualité, la pureté :
Il y a trois sortes
de pureté dans une action :
Il faut qu’elle soit
pure dans l’intention ; autrement, elle reste comme ces fruits beaux e
apparence, mais qui ont un ver au-dedans. Je ne mets pas de fruits
véreux sur la able de mon Père éternel, au paradis.
Pureté dans
l’exécution : il faut faire cette action du mieux qu’on le peut, par
amour.
Une fois faite, ne
point la souiller par des regards de complaisance.
Seconde Qualité, la
douceur :
L’Hostie est ronde,
elle n’a ni pointes, ni angles qui puissent faire mal au toucher.
L’âme religieuse doit
ainsi être douce et condescendante avec le prochain ; ne jamais lui
faire aucun al, ne jamais rien lui refuser, autant qu’il se peut. Si
elle est obligée de donner un refus, elle doit l’accompagner de tant de
suavité qu’il soit ainsi compensé.
Troisième qualité :
L’Hostie est petite :
vois comme je me contente de peu. Je me cache sous les espèces du pain.
Ainsi, l’âme
religieuse doit apprendre à se contenter de peu, à ne pas se faire
entendre ; et puis, elle doit avoir en grande estime les petites choses.
Un pain est beaucoup
plus gros qu’une hostie ; cependant, l’hostie me contient et non le
pain. De même, si l’amour consacre toutes les petites choses dont ta vie
est composée, elles me contiennent parce que tu en fais autant de petits
actes de charité, et je m’unis toujours plus à toi. Au contraire, une
action plus grande, plus apparente, mais faite pour une fin humaine et
non par amour, ne me contient pas.
Quatrième qualité :
L’Hostie est légère,
cependant, elle me contint tout entier.
De même une âme
consacrée par l’amour devient légère parce que l’amour la dépouille de
la volonté, du jugement, des désirs ; ainsi dépouillée, elle fait mes
délices et, de ces âmes fidèles, je forme une armée pour sauver le
monde. Le monde court à l’abîme mais je l’arrêterais dans sa course
vertigineuse au moyen de cette petite troupe d’âmes généreuses qui
combattront sous ma conduite.
Finalement, l’Hostie
n’a plus que l’apparence du pain, elle est toute Jésus. Ainsi, une âme
qui se laisse posséder par l’amour ne vit plus pour elle, mais toute
pour l’amour.
Âme religieuse,
laisse-toi en tout guider par l’amour ; il te conduira toujours au
sacrifice par le chemin le plus court, celui de l’obéissance. Si tu
obéis, tu aimes ; si tu aimes, tu obéis.
Une âme religieuse
qui croirait me plaire sans une vraie obéissance serait comme un invité
aux noces qui, se présentant au festin sans la robe nuptiale, mérite
d’être chassé dehors. Mais je ne veux pas une obéissance d’esclave ;
celle-là ne m’honore pas. Je veux une obéissance d’amour qui cherche à
faire toujours mieux pour me plaire toujours davantage.
L’union de cœur avec
la supérieure est, pour la religieuse, le passeport pour le ciel.
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