Ce
que saint Paul dit de l’Esprit Saint
Catéchèse de Benoît XVI
Chers frères et sœurs,
Aujourd'hui aussi, comme dans les
deux catéchèses précédentes, nous revenons à saint Paul et à sa pensée. Nous
nous trouvons devant un géant non seulement du point de vue de l'apostolat
concret, mais également de celui de la doctrine théologique, extraordinairement
profonde et stimulante. Après avoir médité la dernière fois sur ce que Paul a
écrit à propos de la place centrale que Jésus Christ occupe dans notre vie de
foi, nous examinons aujourd'hui ce qu'il dit sur l'Esprit Saint et sur sa
présence en nous, car ici aussi, l'Apôtre a quelque chose d'une grande
importance à nous enseigner.
Nous connaissons ce que saint Luc
nous dit de l'Esprit Saint dans les Actes des Apôtres, en décrivant l'événement
de la Pentecôte. L'Esprit de Pentecôte apporte avec lui une impulsion vigoureuse
à assumer l'engagement de la mission pour témoigner de l'Evangile sur les routes
du monde. De fait, le Livre des Actes rapporte toute une série de missions
accomplies par les Apôtres, tout d'abord en Samarie, puis sur la bande côtière
de la Palestine, et enfin vers la Syrie. Ce sont surtout les trois grands
voyages missionnaires accomplis par Paul qui sont rapportés, comme je l'ai déjà
rappelé dans une précédente rencontre du mercredi. Cependant, dans ses Lettres,
saint Paul nous parle de l'Esprit d'un autre point de vue également. Il
n'illustre pas uniquement la dimension dynamique et active de la troisième
Personne de la Très Sainte Trinité, mais il en analyse également la présence
dans la vie du chrétien, dont l'identité en reste marquée. En d'autres termes,
Paul réfléchit sur l'Esprit en exposant son influence non seulement sur l'agir
du chrétien, mais également sur son être. En effet, c'est lui qui dit que
l'Esprit de Dieu habite en nous (cf. Rm 8, 9; 1 Co 3, 16) et que « envoyé par
Dieu, l'Esprit de son Fils est dans nos cœurs » (Ga 4, 6). Pour Paul donc,
l'Esprit nous modèle jusque dans nos profondeurs personnelles les plus intimes.
A ce propos, voilà quelques-unes de ses paroles d'une importance significative:
« En me faisant passer sous sa loi, l'Esprit qui donne la vie dans le Christ
Jésus m'a libéré, moi qui étais sous la loi du péché et de la mort... L'Esprit
que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore
peur; c'est un Esprit qui fait de vous des fils; poussés par cet Esprit, nous
crions vers le Père en l'appelant: “Abba!” » (Rm 8, 2.15). On voit donc bien que
le chrétien, avant même d'agir, possède déjà une intériorité riche et féconde,
qui lui a été donnée dans le Sacrement du Baptême et de la Confirmation, une
intériorité qui l'établit dans une relation de filiation objective et originale
à l'égard de Dieu. Voilà notre grande dignité: celle de ne pas être seulement
des images, mais des fils de Dieu. Et cela est une invitation à vivre notre
filiation, à être toujours plus conscients que nous sommes des fils adoptifs
dans la grande famille de Dieu. Il s'agit d'une invitation à transformer ce don
objectif en une réalité subjective, déterminante pour notre penser, notre agir,
et notre être. Dieu nous considère comme ses fils, nous ayant élevés à une
dignité semblable, bien que n'étant pas égale, à celle de Jésus lui-même,
l'unique véritable Fils au sens plein. En lui nous est donnée, ou restituée, la
condition filiale et la liberté confiante en relation au Père.
Nous découvrons ainsi que pour le
chrétien, l'Esprit n'est plus seulement l' « Esprit de Dieu », comme on le dit
normalement dans l'Ancien Testament et comme l’on continue à répéter dans le
langage chrétien (cf. Gn 41, 38; Ex 31, 3; 1 Co 2, 11.12; Ph 3, 3; etc.). Et ce
n'est pas non plus un « Esprit Saint » au sens large, selon la manière de
s'exprimer de l'Ancien Testament (cf. Is 63, 10.11; Ps 51, 13), et du Judaïsme
lui-même dans ses écrits (Qumràn, rabbinisme). En effet, à la spécificité de la
foi chrétienne appartient la confession d'un partage original de cet Esprit de
la part du Seigneur ressuscité, qui est devenu Lui-même « l'être spirituel qui
donne la vie » (1 Co 15, 45). C'est précisément pour cela que saint Paul parle
directement de l' « Esprit du Christ » (Rm 8, 9), de l' « Esprit de Fils » (Ga
4, 6) ou de l' « Esprit de Jésus Christ » (Ph 1, 19). C'est comme s'il voulait
dire que non seulement Dieu le Père est visible dans le Fils (cf. Jn 14, 9),
mais que l'Esprit de Dieu s'exprime aussi dans la vie et dans l'action du
Seigneur crucifié et ressuscité!
Paul nous enseigne également une
autre chose importante: il dit qu'il n'existe pas de véritable prière sans la
présence de l'Esprit en nous. Il écrit en effet: « Bien plus, l'Esprit vient au
secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L'Esprit
lui-même intervient pour nous par des cris inexprimables. Et Dieu, qui voit le
fond des cœurs, connaît les intentions de l'Esprit: il sait qu'en intervenant
pour les fidèles, l'Esprit veut ce que Dieu veut » (Rm 8, 26-27). C'est comme
dire que l'Esprit Saint, c'est-à-dire l'Esprit du Père et du Fils, est désormais
comme l'âme de notre âme, la partie la plus secrète de notre être, d'où s'élève
incessamment vers Dieu un mouvement de prière, dont nous ne pouvons pas même
préciser les termes. En effet, l'Esprit, toujours éveillé en nous, supplée à nos
carences et offre au Père notre adoration, avec nos aspirations les plus
profondes. Cela demande naturellement un niveau de grande communion vitale avec
l'Esprit. C'est une invitation à être toujours plus sensibles, plus attentifs à
cette présence de l'Esprit en nous, à la transformer en prière, à ressentir
cette présence et à apprendre ainsi à prier, à parler avec le Père en tant que
fils dans l'Esprit Saint.
Il existe également un autre aspect
typique de l'Esprit que nous enseigne saint Paul: il s'agit de son lien avec
l'amour. En effet, l'Apôtre écrit: « Et l'espérance ne trompe pas, puisque
l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été
donné » (Rm 5, 5). Dans ma Lettre encyclique Deus caritas est, je citais
une phrase très éloquente de saint Augustin: « Tu vois la Trinité quand tu vois
la charité » (n. 19), et je poursuivais en expliquant: « En effet, l'Esprit est
la puissance intérieure qui met leur cœur [des croyants] au diapason du cœur du
Christ, et qui les pousse à aimer leurs frères comme Lui les a aimés » (ibid.).
L'Esprit nous introduit dans le rythme même de la vie divine, qui est vie
d'amour, en nous faisant personnellement participer aux relations qui existent
entre le Père et le Fils. Le fait que Paul, lorsqu'il énumère les divers fruits
de l'Esprit, place l'amour à la première place, a une signification : «Mais
voici ce que produit l'Esprit: amour, joie, paix, etc.» (Ga 5, 22). Et puisque
par définition l'amour unit, cela signifie tout d'abord que l'Esprit est
Créateur de communion au sein de la communauté chrétienne, comme nous le disons
au début de la Messe selon une expression paulinienne: « Que la communion de
l'Esprit Saint [c'est-à-dire celle qu'Il opère] soit avec vous tous » (2 Co 13,
13). D'autre part, cependant, il est également vrai que l'Esprit nous incite à
nouer des relations de charité avec tous les hommes. C'est pourquoi, lorsque
nous aimons, nous donnons de l'espace à l'Esprit, nous lui permettons de
s'exprimer en plénitude. On comprend ainsi pourquoi Paul rapproche dans la même
page de la Lettre aux Romains les deux exhortations: « Laissez jaillir l'Esprit
» et « Ne rendez à personne le mal pour le mal » (Rm 12, 11.17).
Enfin, l'Esprit constitue selon
saint Paul des arrhes généreuses qui nous ont été données par Dieu lui-même,
comme avance et comme garantie de notre héritage futur (cf. 2 Co 1, 22); 5, 5;
Ep 1, 13-14). Nous apprenons ainsi de Paul que l'action de l'Esprit oriente
notre vie vers les grandes valeurs de l'amour, de la joie, de la communion et de
l'espérance. C'est à nous qu'il revient d'en faire chaque jour l'expérience, en
suivant les suggestions intérieures de l'Esprit, aidés dans notre discernement
par la direction éclairante de l'Apôtre.
Audience générale du mercredi 15
novembre 2006
SOURCE:
www.vatican.va
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