Les
compagnons de Paul
catéchèse de Benoît XVI
Chers frères et sœurs,
En poursuivant notre voyage parmi
les protagonistes des origines chrétiennes, nous consacrons aujourd'hui notre
attention à plusieurs collaborateurs de saint Paul. Nous devons reconnaître que
l'Apôtre constitue l'exemple éloquent d'un homme ouvert à la collaboration : il
ne veut pas tout faire seul dans l'Église, mais il se sert de nombreux collègues
différents. Nous ne pouvons pas nous arrêter sur tous ces précieux auxiliaires,
car ils sont nombreux. Il suffit de rappeler, entre autres, Epaphras (cf. Col 1,
7 ; 4, 12 ; Ph 23), Epaphrodite (cf. Ph 2, 25 ; 4, 18) ; Tychique (cf. Ac 20, 4
; Ep 6, 21 ; Col 4, 7 ; 2 Tm 4, 12 ; Tt 3, 12), Urbain (cf. Rm 16, 9), Gaïus et
Aristarque (cf. Ac 19, 29 ; 20, 4 ; 27, 2 ; Col 4, 10). Et des femmes comme
Phébée (cf. Rm 16, 1), Tryphène et Tryphose (cf. Rm 16, 12), Persis, la mère de
Rufus – dont saint Paul dit : « sa mère, qui est aussi la mienne » (cf. Rm 16,
12-13) – sans oublier des époux comme Priscille et Aquilas (cf. Rm 16, 3 ; 1 Co
16, 19 ; 2 Tm 4, 19). Aujourd'hui, parmi ce grand groupe de collaborateurs et de
collaboratrices de saint Paul, nous tournons notre attention vers trois de ces
personnes, qui ont joué un rôle particulièrement significatif dans
l'évangélisation des origines : Barnabé, Silas et Apollos.
Barnabé signifie « homme de
l'exhortation » (Ac 4, 36) ou « homme du réconfort » ; il s'agit du surnom d'un
juif lévite originaire de Chypre. S'étant établi à Jérusalem, il fut l'un des
premiers à embrasser le christianisme, après la résurrection du Seigneur. Il
vendit avec une grande générosité l'un des champs qui lui appartenaient,
remettant le profit aux Apôtres pour les besoins de l'Église (cf. Ac 4, 37). Ce
fut lui qui se porta garant de la conversion de saint Paul auprès de la
communauté chrétienne de Jérusalem, qui se méfiait encore de son ancien
persécuteur (cf. Ac 9, 27). Envoyé à Antioche de Syrie, il alla rechercher Paul
à Tarse, où celui-ci s'était retiré, et il passa une année entière avec lui, se
consacrant à l'évangélisation de cette ville importante, dans l'Église de
laquelle Barnabé était connu comme prophète et docteur (cf. Ac 13, 1). Ainsi, au
moment des premières conversions des païens, Barnabé a compris qu'il s'agissait
de l'heure de Paul, qui s'était retiré à Tarse, sa ville. C'est là qu'il est
allé le chercher. Ainsi, en ce moment important, il a comme restitué Paul à
l'Église ; il lui a donné encore une fois, en ce sens, l'Apôtre des nations.
Barnabé fut envoyé en mission avec Paul par l'Église d'Antioche, accomplissant
ce qu'on appelle le premier voyage missionnaire de l'Apôtre. En réalité, il
s'agit d'un voyage missionnaire de Barnabé, qui était le véritable responsable,
et auquel Paul se joignit comme collaborateur, touchant les régions de Chypre et
de l'Anatolie du centre et du sud, dans l'actuelle Turquie, et se rendant dans
les villes d'Attalia, Pergé, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystre et Derbe (cf.
Ac 13, 14). Il se rendit ensuite avec Paul au Concile de Jérusalem, où, après un
examen approfondi de la question, les Apôtres et les Anciens décidèrent de
séparer la pratique de la circoncision de l'identité chrétienne (cf. Ac 15,
1-35). Ce n'est qu'ainsi, à la fin, qu'ils ont rendu officiellement possible
l'Église des païens, une Église sans circoncision : nous sommes les fils
d'Abraham simplement par notre foi dans le Christ.
Les deux, Paul et Barnabé, eurent
ensuite un litige, au début du deuxième voyage missionnaire, car Barnabé était
de l'idée de prendre Jean-Marc comme compagnon, alors que Paul ne voulait pas,
ce jeune les ayant quittés au cours du précédent voyage (cf. Ac 13, 13 ; 15,
36-40). Entre les saints il existe donc aussi des oppositions, des discordes,
des controverses. Et cela me semble très réconfortant, car nous voyons que les
saints ne sont pas « tombés du ciel ». Ce sont des hommes comme nous, également
avec des problèmes compliqués. La sainteté ne consiste pas à ne jamais s'être
trompé, à n'avoir jamais péché. La sainteté grandit dans la capacité de
conversion, de repentir, de disponibilité à recommencer, et surtout dans la
capacité de réconciliation et de pardon. Ainsi Paul, qui avait été plutôt sec et
amer à l'égard de Marc, se retrouve ensuite avec lui. Dans les dernières Lettres
de saint Paul, à Philémon et dans la deuxième à Timothée, c'est précisément Marc
qui apparaît comme « mon collaborateur ». Ce n'est donc pas le fait de ne jamais
se tromper, mais la capacité de réconciliation et de pardon qui nous rend saint.
Et nous pouvons tous apprendre ce chemin de sainteté. Quoi qu'il en soit
Barnabé, avec Jean-Marc, repartit vers Chypre (cf. Ac 15, 39) autour de l'année
49. On perd ses traces à partir de ce moment-là. Tertullien lui attribue la
Lettre aux Hébreux, ce qui ne manque pas de vraisemblance car, appartenant à la
tribu de Lévi, Barnabé pouvait éprouver de l'intérêt pour le thème du sacerdoce.
Et la Lettre aux Hébreux interprète de manière extraordinaire le sacerdoce de
Jésus.
Un autre compagnon de Paul fut
Silas, forme grecque d'un nom hébreux (peut-être sheal, « demander, invoquer »,
qui est la même racine que celle du nom « Saul »), dont existe également la
forme latine Silvain. Le nom Silas n'est attesté que dans le Livre des Actes des
Apôtres, tandis que le nom Sylvain n'apparaît que dans les Lettres de Paul. Il
s'agissait d'un juif de Jérusalem, l'un des premiers à devenir chrétien, et dans
cette Église, il jouissait d'une grande estime (cf. Ac 15, 22), étant considéré
comme un prophète (cf. Ac 15, 32). Il fut chargé de rapporter « aux frères
d'Antioche, de Syrie et de Cilicie » (Ac 15, 23) les décisions prises au Concile
de Jérusalem et de les expliquer. De toute évidence, on le considérait capable
d'opérer une sorte de médiation entre Jérusalem et Antioche, entre
juifs-chrétiens et chrétiens d'origine païenne, et ainsi, de servir l'unité de
l'Église dans la diversité des rites et des origines. Lorsque Paul se sépara de
Barnabé, il prit précisément Silas comme compagnon de voyage (cf. Ac 15, 40).
Avec Paul, il gagna la Macédoine (avec les villes de Philippe, Thessalonique et
Brea), où il s'arrêta, tandis que Paul poursuivit vers Athènes, puis Corinthe.
Silas le rejoignit à Corinthe, où il contribua à la prédication de l'Évangile ;
en effet, dans la seconde Lettre adressée par Paul à cette Église, on parle du «
Christ Jésus, que nous avons prêché parmi vous, Silvain, Timothée et moi » (2 Co
1, 19). C'est la raison pour laquelle il apparaît comme le co-expéditeur, avec
Paul et Timothée, des deux Lettres aux Thessaloniciens. Cela aussi me semble
important. Paul n'agit pas « en solo », en pur individu, mais avec ces
collaborateurs dans le « nous » de l'Église. Ce « moi » de Paul n'est pas un «
moi » isolé dans le « nous » de l'Église, dans le « nous » de la foi
apostolique. Et Silvain, à la fin, est mentionné également dans la Première
Lettre de Pierre, dans laquelle on lit : « Je vous écris ces quelques mots par
Silvain, que je tiens pour un frère fidèle » (5, 12). Ainsi, nous voyons
également la communion des Apôtres. Silvain sert à Paul, il sert à Pierre, car
l'Église est une et l'annonce missionnaire est unique.
Le troisième compagnon de Paul dont
nous voulons faire mémoire, est appelé Apollos, probable abréviation
d'Apollonios ou d'Appolodore. Bien que s'agissant d'un nom païen, il était un
fervent juif d'Alexandrie d'Égypte. Dans le Livre des Actes, Luc le définit
comme « un homme éloquent, versé dans les Écritures... dans la ferveur de son
âme » (18, 24-25). L'entrée en scène d'Apollos dans la première évangélisation a
lieu dans la ville d'Éphèse : c'est là qu'il s'était rendu pour prêcher et c'est
là qu'il eut la chance de rencontrer les époux Priscille et Aquilas (cf. Ac 18,
26), qui l'introduisirent à une connaissance plus complète de la « Voie de Dieu
» (cf. Ac 18, 26). D'Éphèse, il passa par l'Achaïe et arriva dans la ville de
Corinthe : là il arriva portant une lettre des chrétiens d'Éphèse, qui
recommandaient aux Corinthiens de lui réserver un bon accueil (cf. Ac 18, 27). A
Corinthe, comme l'écrit Luc, « il fut, par l'effet de la grâce d'un grand
secours aux croyants : car il réfutait vigoureusement les Juifs en public,
démontrant par les Écritures que Jésus est le Christ » (Ac 18, 27-28), le
Messie. Son succès dans cette ville connut pourtant un tournant problématique,
car il y eut certains membres de l'Église, qui en son nom, fascinés par sa façon
de parler, s'opposaient aux autres (cf. 1 Co 1, 12 ; 3, 4-6 ; 4-6). Paul, dans
la Première Lettre aux Corinthiens exprime son appréciation pour l'œuvre
d'Apollos, mais reproche aux Corinthiens de lacérer le Corps du Christ en le
divisant en factions opposées. Il tire une leçon importante de tout l'épisode :
autant moi qu'Apollos – dit-il – ne sommes autre que diakonoi,
c'est-à-dire simples ministres, à travers lesquels vous êtes venus à la foi (cf.
1 Co 3, 5). Chacun a un devoir différent dans le champ du Seigneur : « Moi j'ai
planté, Apollos a arrosé, mais c'est Dieu qui donnait la croissance... car nous
sommes les coopérateurs de Dieu ; vous êtes le champ de Dieu, l'édifice de Dieu
» (1 Co 3, 6-9). De retour à Éphèse, Apollos résista à l'invitation de Paul de
retourner immédiatement à Corinthe, en renvoyant le voyage à une date ultérieure
que nous ignorons (cf. 1 Co 16, 12). Nous n'avons pas davantage de nouvelles de
lui, même si certains experts pensent à lui comme l'auteur possible de la Lettre
aux Hébreux, dont, selon Tertullien, l'auteur serait Barnabé.
Ces trois hommes brillent dans le
firmament des témoins de l'Évangile en vertu d'un trait commun, outre qu'en
vertu de caractéristiques propres à chacun. Ils ont en commun, en plus de
l'origine juive, le dévouement à Jésus Christ et à l'Évangile, et le fait
d'avoir été tous trois collaborateurs de l'Apôtre Paul. Dans cette mission
évangélisatrice originale, ils ont trouvé le sens de leur vie, et en tant que
tels, ils se tiennent devant nous comme des modèles lumineux de désintérêt et de
générosité. Et nous repensons, à la fin, une fois de plus à cette phrase de
saint Paul : aussi bien Apollos que moi sommes tous ministres de Jésus, chacun à
sa façon, car c'est Dieu qui nous fait grandir. Cette parole vaut aujourd'hui
encore pour tous, que ce soit pour le pape, pour les cardinaux, les évêques, les
prêtres, les laïcs. Nous sommes tous d'humbles ministres de Jésus. Nous servons
l'Évangile autant que nous le pouvons, selon nos dons, et nous prions Dieu afin
qu'Il fasse grandir aujourd'hui son Évangile, son Église.
Audience du mercredi 31 janvier
2007
SOURCE:
www.vatican.va
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