VERBUM DOMINI

EXHORTATION APOSTOLIQUE
POST-SYNODALE

DU PAPE
BENOÎT XVI

PREMIÈRE PARTIE

VERBUM DEI

«Au commencement était le Verbe,
et le Verbe était auprès de Dieu,
et le Verbe était Dieu. […]
Et le Verbe s’est fait chair» (Jn 1, 1. 14)

Le Dieu qui parle

Dieu en dialogue

6. La nouveauté de la Révélation biblique vient du fait que Dieu se fait connaître dans le dialogue qu’il désire instaurer avec nous[1]. La Constitution dogmatique Dei Verbum avait exposé cette réalité en reconnaissant que «Dieu invisible dans l’immensité de sa charité, (…) s’adresse aux hommes comme à des amis, et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion»[2]. Mais nous ne comprendrions pas encore pleinement le message du Prologue de saint Jean si nous nous arrêtions à la constatation que Dieu se communique à nous avec amour. En fait, le Verbe de Dieu, par lequel «tout s’est fait» (Jn 1, 3) et qui «s’est fait chair»

(Jn 1, 14), est le même Dieu qui est «au commencement» (Jn 1, 1). Si nous reconnaissons ici une allusion au début du Livre de la Genèse (cf. Gn 1, 1), nous nous trouvons, en réalité, face à un principe de caractère absolu, qui nous dévoile la vie intime de Dieu. Le Prologue johannique nous met en face du fait que le Logos est réellement depuis toujours, et depuis toujours il est Dieu lui-même. Par conséquent, il n’y a jamais eu en Dieu un temps où le Logos n’était pas. Le Verbe préexiste à la création. C’est pourquoi, au cœur de la vie divine existe la communion, le don absolu. «Dieu est amour» (1 Jn 4, 16) dira à un autre endroit le même Apôtre, en indiquant par là «l’image chrétienne de Dieu ainsi que l’image de l’homme et de son chemin, qui en découle»[3]. Dieu se fait connaître à nous comme Mystère d’amour infini dans lequel le Père depuis l’éternité exprime sa Parole dans l’Esprit Saint. Par conséquent le Verbe, qui depuis le commencement est auprès de Dieu et est Dieu, nous révèle Dieu lui-même dans le dialogue d’amour des Personnes divines et il nous invite à y participer. C’est pourquoi, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu amour, nous ne pouvons nous comprendre nous-mêmes que dans l’accueil du Verbe et dans la docilité à l’œuvre de l’Esprit Saint. C’est à la lumière de la Révélation opérée par le Verbe divin que se clarifie définitivement l’énigme de la condition humaine.

Analogie de la Parole de Dieu

7. À partir de ces considérations, qui naissent de la méditation du Mystère chrétien exprimé dans le Prologue de Jean, il est nécessaire à présent de souligner ce qu’ont affirmé les Pères synodaux concernant les diverses modalités avec lesquelles nous utilisons l’expression «Parole de Dieu». On a parlé avec justesse d’une symphonie de la Parole, d’une Parole unique qui s’exprime de différentes manières: «comme un chant à plusieurs voix»[4]. Les Pères synodaux ont parlé à ce propos, en référence à la Parole de Dieu, d’une utilisation analogique du langage humain. En effet, si d’un côté cette expression concerne la communication que Dieu fait de lui-même, de l’autre, elle assume des significations diverses qui doivent être considérées avec attention et mises en relation les unes avec les autres, aussi bien du point de vue de la réflexion théologique que de l’usage pastoral. Comme nous le montre de manière claire le Prologue de Jean, le Logos désigne à l’origine le Verbe éternel, c’est-à-dire, le Fils unique engendré par le Père avant tous les siècles et qui lui est consubstantiel: le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Mais ce même Verbe, affirme saint Jean, «s’est fait chair» (Jn 1, 14); c’est pourquoi Jésus-Christ, né de la Vierge Marie, est réellement le Verbe de Dieu qui s’est fait consubstantiel à nous. Par conséquent, l’expression «Parole de Dieu» indique ici la Personne de Jésus-Christ, le Fils éternel du Père, fait homme.

Par ailleurs, si au centre de la Révélation divine se situe l’événement du Christ, on doit aussi reconnaître que la création elle-même, le liber naturae, fait aussi essentiellement partie de cette symphonie à plusieurs voix dans laquelle le Verbe unique s’exprime. En même temps, nous affirmons que Dieu a communiqué sa Parole dans l’histoire du salut, qu’il a fait entendre sa voix; par la puissance de son Esprit, «il a parlé par les prophètes»[5]. La Parole divine se révèle donc au cours de l’histoire du salut et elle parvient à sa plénitude dans le Mystère de l’Incarnation, de la mort et de la Résurrection du Fils de Dieu. La Parole de Dieu est encore celle qui est prêchée par les apôtres, dans l’obéissance au Commandement de Jésus ressuscité: «Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création» (Mc 16, 15). La Parole de Dieu est donc transmise dans la Tradition vivante de l’Église. Enfin, la Parole divine, attestée et divinement inspirée, c’est l’Écriture Sainte, l’Ancien et le Nouveau Testament. Tout cela nous fait comprendre pourquoi, dans l’Église, nous vénérons beaucoup les Saintes Écritures, bien que la foi chrétienne ne soit pas une «religion du Livre»: le Christianisme est la «religion de la Parole de Dieu», non d’«une parole écrite et muette, mais du Verbe incarné et vivant»[6]. L’Écriture doit donc être proclamée, écoutée, lue, accueillie et vécue comme la Parole de Dieu, dans le sillage de la Tradition apostolique dont elle est inséparable[7].

Comme l’ont affirmé les Pères synodaux, nous nous trouvons réellement face à une utilisation analogique de l’expression «Parole de Dieu», dont nous devons être conscients. Il faut donc que les fidèles soient davantage préparés à en saisir les différents sens et à en comprendre l’unité. De même, du point de vue théologique, il est nécessaire d’approfondir l’articulation des différentes significations de cette expression pour que resplendissent davantage l’unité du dessein divin et son centre: la Personne du Christ[8].

Dimension cosmique de la Parole

8. Conscients de la signification essentielle de la Parole de Dieu en référence au Verbe éternel de Dieu fait chair, unique sauveur et médiateur entre Dieu et l’homme[9], et en écoutant cette Parole, nous sommes amenés par la Révélation biblique à reconnaître qu’elle est le fondement de toute la réalité. Le Prologue de saint Jean affirme, en référence au Logos divin, que «par lui tout s’est fait et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui» (Jn 1, 3); de même, dans la Lettre aux Colossiens, il est affirmé en ce qui concerne le Christ, «premier-né par rapport à toute créature» (1, 15), que «tout est créé par lui et pour lui» (1, 16). Et l’auteur de la Lettre aux Hébreux rappelle aussi que «grâce à la foi, nous comprenons que les mondes ont été organisés par la Parole de Dieu, si bien que l’univers visible provient de ce qui n’apparaît pas au regard» (11, 3).

Cette annonce est pour nous une parole libératrice. En effet, les affirmations de l’Écriture indiquent que tout ce qui existe n’est pas le fruit d’un hasard irrationnel, mais est voulu par Dieu, fait partie de son dessein, au sommet duquel il nous est offert de participer, dans le Christ, à la vie divine. La création naît du Logos et porte de façon indélébile la marque de la Raison créatrice qui ordonne et guide. Les Psaumes chantent cette joyeuse certitude: «Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche» (Ps 33, 6); et encore: «il parla, et ce qu’il dit exista; il commanda, et ce qu’il dit survint» (Ps 33, 9). Toute la réalité exprime ce Mystère: «Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l’ouvrage de ses mains» (Ps 19, 2). Par conséquent, c’est l’Écriture Sainte elle-même qui nous invite à connaître le Créateur en observant la création (cf. Ps 13, 5; Rm 1, 19-20). La tradition de la pensée chrétienne a su approfondir cet élément-clé de la symphonie de la Parole, quand, par exemple, saint Bonaventure qui, avec la grande tradition des Pères grecs, a vu toutes les possibilités de la création dans le Logos[10], affirme que «toute créature est parole de Dieu, puisqu’elle proclame Dieu»[11]. La Constitution dogmatique Dei Verbum avait résumé cet élément en déclarant qu’«en créant (cf. Jn 1, 3) et en conservant toutes choses par le Verbe, Dieu offre aux hommes dans les choses créées un témoignage durable de lui-même»[12].

La création de l’homme

9. La réalité naît donc de la Parole, comme creatura Verbi et tout est appelé à servir la Parole. La création, en effet, est le lieu où se développe toute l’histoire de l’amour entre Dieu et sa créature. Par conséquent, le salut de l’homme est la raison de tout. En contemplant le cosmos dans la perspective de l’histoire du salut, nous sommes amenés à découvrir la position unique et singulière qu’occupe l’homme dans la création: «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme» (Gn 1, 27). Cela nous permet de reconnaître pleinement les dons précieux reçus du Créateur: la valeur de notre propre corps, le don de la raison, de la liberté et de la conscience. En cela, nous trouvons aussi tout ce que la tradition philosophique appelle la «loi naturelle»[13]. En effet, «tout être humain qui accède à la conscience et à la responsabilité fait l’expérience d’un appel intérieur à accomplir le bien» [14] et, donc, à éviter le mal. Comme le rappelle saint Thomas d’Aquin, tous les autres préceptes de la loi naturelle se fondent également sur ce principe[15]. L’écoute de la Parole de Dieu nous porte avant tout à apprécier l’exigence de vivre selon cette loi «écrite dans notre cœur» (cf. Rm 2, 15; 7, 23)[16]. De plus, Jésus-Christ donne aux hommes la nouvelle Loi, la Loi de l’Évangile, qui assume et réalise de manière éminente la loi naturelle, en nous affranchissant de la loi du péché qui fait que, comme le dit saint Paul, «ce qui est à ma portée, c’est d’avoir envie de faire le bien, mais pas de l’accomplir» (Rm 7, 18) et, par la grâce, il permet aux hommes la participation à la vie divine et leur donne la capacité de dépasser leur égoïsme[17].

Le réalisme de la Parole

10. Celui qui connaît la Parole divine connaît aussi pleinement la signification de toute créature. Si toutes les choses, en effet, «subsistent» en Celui qui est «avant toutes choses» (cf. Col 1, 17), alors celui qui construit sa propre vie sur sa Parole bâtit vraiment de manière solide et durable. La Parole de Dieu nous pousse à changer notre idée du réalisme: la personne réaliste est celle qui reconnaît dans le Verbe de Dieu, le fondement de tout[18]. Nous en avons particulièrement besoin à notre époque, où de nombreuses choses sur lesquelles nous nous appuyons pour construire notre vie, sur lesquelles nous sommes tentés de mettre notre espérance, se révèlent éphémères. L’avoir, le plaisir et le pouvoir se manifestent tôt ou tard incapables de réaliser les aspirations les plus profondes du cœur de l’homme. En effet, pour construire sa vie, celui-ci a besoin de fondements solides, qui demeurent même lorsque les certitudes humaines s’estompent. En réalité, puisque «pour toujours, ta parole, Seigneur, se dresse dans les cieux» et que la fidélité du Seigneur dure «d’âge en âge» (cf. Ps 119, 89-90), celui qui bâtit sur cette Parole construit la maison de sa vie sur le roc (cf. Mt 7, 24). Que notre cœur puisse dire tous les jours à Dieu: «Toi mon abri, mon bouclier, j’espère en ta parole» (Ps 119, 114) et, comme saint Pierre, que nous puissions agir tous les jours en nous en remettant au Seigneur Jésus: «sur ton ordre, je vais jeter les filets» (Lc 5, 5)!

Christologie de la Parole

11. À partir de ce regard sur la réalité comme œuvre de la Sainte Trinité, à travers le Verbe divin, nous pouvons comprendre les paroles de l’auteur de la Lettre aux Hébreux: «Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées; mais, dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes» (1, 1-2). Il est beau de noter que tout l’Ancien Testament se présente déjà à nous comme l’histoire dans laquelle Dieu communique sa Parole: «En effet, après avoir conclu une alliance avec Abraham (cf. Gn 15, 18) et, par Moïse, avec le Peuple d’Israël (cf. Ex 24, 8), il se révéla au Peuple qu’il s’était acquis, par des paroles et par des actions, comme le Dieu unique, vivant et vrai, de sorte qu’Israël fit l’expérience des voies de Dieu avec les hommes, qu’il en acquit une intelligence de jour en jour plus profonde et plus claire grâce à Dieu parlant lui-même par la bouche des prophètes, et qu’il manifesta toujours plus largement parmi les nations (cf. Ps 21, 28-29; 95, 1-3; Is 2, 1-4; Jr 3, 17)»[19].

Cette complaisance de Dieu se réalise de manière indépassable au moment de l’Incarnation du Verbe. La Parole éternelle qui s’exprime dans la création et qui se communique dans l’histoire du salut est devenue dans le Christ un homme, «né d’une femme» (Ga 4, 4). La Parole ne s’exprime plus ici d’abord à travers un discours, fait de concepts ou de règles. Ici, nous sommes mis face à la Personne même de Jésus. Son histoire unique et singulière est la Parole définitive que Dieu dit à l’humanité. On comprend alors pourquoi «à l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive»[20]. Le renouvellement de cette rencontre et de cette conscience génère dans le cœur des croyants l’émerveillement devant l’initiative divine que l’homme, avec ses seules facultés rationnelles et avec son imagination n’aurait jamais pu concevoir. Il s’agit d’une nouveauté incroyable et humainement inconcevable: «Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous» (Jn 1, 14a). Ces expressions n’indiquent pas une figure rhétorique mais une expérience vécue! C’est saint Jean, témoin oculaire, qui la rapporte: «nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité» (Jn 1, 14b). La foi apostolique témoigne que la Parole éternelle s’est faite Un de nous. La Parole divine s’exprime vraiment à travers des paroles humaines.

12. En contemplant cette «Christologie de la Parole», la tradition patristique médiévale a utilisé une expression suggestive: le Verbe s’est abrégé[21]. Dans leur traduction grecque de l’Ancien Testament, les Pères de l’Église ont trouvé une parole du prophète Isaïe - que saint Paul cite aussi - pour montrer que les voies nouvelles de Dieu étaient déjà annoncées dans l’Ancien Testament. On pouvait y lire: «Dieu a rendu brève sa Parole, il l’a abrégée» (Is 10, 23; Rm 9, 28). Le Fils, lui-même, est la Parole de Dieu, il est le «Logos: la Parole éternelle s’est faite petite – si petite qu’elle peut entrer dans une mangeoire. Elle s’est faite enfant, afin que la Parole devienne pour nous saisissable»[22]. À présent, la Parole n’est pas seulement audible, elle ne possède pas seulement une voix, maintenant la Parole a un visage, qu’en conséquence nous pouvons voir: Jésus de Nazareth[23].

En suivant le récit des Évangiles, nous relevons que l’humanité même de Jésus apparaît dans toute son originalité dans sa référence à la Parole de Dieu. En effet, il réalise heure par heure, dans son humanité parfaite, la volonté du Père. Jésus écoute sa voix et il lui obéit de tout son cœur. Il connaît le Père et il observe sa Parole (cf. Jn 8, 55). Il nous raconte les choses du Père (cf. Jn 12, 50). «Je leur ai donné les paroles que tu m’as données» (Jn 17, 8). Jésus montre donc qu’il est le Logos divin qui se donne à nous, mais aussi le nouvel Adam, l’homme vrai, celui qui accomplit à chaque instant non sa propre volonté mais celle du Père. Il «grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes» (Lc 2, 52). De manière parfaite, il écoute, il réalise en lui-même et il nous communique la Parole divine (cf. Lc 5, 1).

La mission de Jésus trouve enfin son accomplissement dans le Mystère pascal: nous nous trouvons ici face au «langage de la croix» (1 Co 1, 18). Le Verbe se tait, il devient silence de mort, car il s’est «dit» jusqu’à se taire, ne conservant rien de ce qu’il devait communiquer. De manière suggestive, les Pères de l’Église, contemplant ce Mystère, mettent sur les lèvres de la Mère de Dieu cette expression: «Sans parole est la parole du Père, laquelle a créé toute la nature parlante, sans mouvement sont les yeux éteints de celui par la parole et le geste de qui est mû tout ce qui se meut»[24]. Ici, nous est vraiment révélé l’amour le «plus grand», celui qui donne sa vie pour ses propres amis (cf. Jn 15, 13).

Dans ce grand Mystère, Jésus se manifeste comme la Parole de l’Alliance Nouvelle et Éternelle: la liberté de Dieu et la liberté de l’homme se sont définitivement rencontrées dans sa chair crucifiée, en un pacte indissoluble, à jamais valable. Au cours de l’institution de l’Eucharistie, Jésus lui-même - à la dernière Cène - avait parlé de «la Nouvelle et Éternelle Alliance», scellée par son Sang versé (cf. Mt 26, 28; Mc 14, 24; Lc 22, 20), se montrant comme le véritable Agneau immolé, en qui s’accomplit la libération définitive de l’esclavage[25].[38]

Dans le Mystère lumineux de la Résurrection, ce silence de la Parole se manifeste dans sa signification authentique et définitive. Le Christ, Parole de Dieu incarnée, crucifiée et ressuscitée, est le Seigneur de toutes choses; il est le Vainqueur, le Pantokrátor, et tout est récapitulé pour toujours en lui (cf. Ep 1, 10). Le Christ est donc «la lumière du monde» (Jn 8, 12), cette lumière qui «brille dans les ténèbres» (Jn 1, 5) et que les ténèbres n’ont pas arrêtée (cf. Jn 1, 5). Nous comprenons pleinement ici le sens du Psaume 119: «ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route» (v. 105); la Parole qui ressuscite est cette lumière définitive sur notre route. Dès le début, les Chrétiens ont eu conscience que, dans le Christ, la Parole de Dieu est présente en tant que Personne. La Parole de Dieu est la véritable lumière dont l’homme a besoin. Oui, au moment de la Résurrection, le Fils de Dieu s’est manifesté comme Lumière du monde. À présent, en vivant avec lui et par lui, nous pouvons vivre dans la lumière.

13. Parvenus, si l’on peut s’exprimer ainsi, au cœur de la «Christologie de la Parole», il est important de souligner l’unité du dessein divin dans le Verbe incarné: c’est pour cela que le Nouveau Testament nous présente le Mystère pascal en accord avec les Saintes Écritures, comme leur accomplissement parfait. Saint Paul, dans la première Lettre aux Corinthiens, affirme que Jésus-Christ est mort pour nos péchés «conformément aux Écritures» (15, 3) et qu’il est ressuscité le troisième jour «conformément aux Écritures» (15, 4). De cette manière, l’Apôtre place l’événement de la mort et de la Résurrection du Seigneur en relation avec l’histoire de l’antique Alliance de Dieu avec son Peuple. Bien plus, il nous fait comprendre que c’est de cet événement que cette histoire tire sa logique et sa véritable signification. Dans le Mystère pascal s’accomplissent «les paroles de l’Écriture; c’est-à-dire que – cette mort réalisée “conformément aux Écritures” – est un événement qui porte en soi un Logos, une logique: la mort du Christ témoigne que la Parole de Dieu s’est faite pleinement “chair”, “histoire” humaine»[26]. La Résurrection de Jésus se produit aussi «le troisième jour conformément aux Écritures»: puisque, suivant l’interprétation juive, la décomposition commençait après le troisième jour, la Parole de l’Écriture s’accomplit en Jésus qui ressuscite avant que ne commence la décomposition. Ainsi, en transmettant fidèlement l’enseignement des Apôtres (cf. 1 Co 15, 3), saint Paul souligne que la victoire du Christ sur la mort advient par la puissance créatrice de la Parole de Dieu. Cette puissance divine apporte l’espérance et la joie: c’est là, en définitive, le contenu libérateur de la Révélation pascale. À Pâques, Dieu se révèle lui-même ainsi que la puissance de l’Amour trinitaire qui anéantit les forces destructrices du mal et de la mort.

En rappelant ces éléments essentiels de notre foi, nous pouvons contempler la profonde unité entre la création et la nouvelle création et celle de toute l’histoire du salut dans le Christ. En recourant à une image, nous pouvons comparer l’univers à un «livre» – comme le disait également Galilée – le considérant comme «l’œuvre d’un Auteur qui s’exprime à travers la “symphonie” de la création. Au sein de cette symphonie, on trouve, à un certain moment, ce que l’on appellerait en langage musical un “solo”, un thème confié à un seul instrument ou à une voix unique; et celui-ci est tellement important que la signification de toute l’œuvre dépend de lui. Ce “solo”, c’est Jésus ... Le Fils de l’homme résume en lui la terre et le ciel, la création et le Créateur, la chair et l’Esprit. Il est le centre de l’univers et de l’histoire, parce qu’en lui s’unissent sans se confondre l’Auteur et son œuvre»[27].

Dimension eschatologique de la Parole de Dieu

14. À travers tout cela, l’Église exprime qu’elle est consciente de se trouver, avec Jésus-Christ, face à la Parole définitive de Dieu; il est «le Premier et le Dernier» (Ap 1, 17). Il a donné à la création et à l’histoire son sens définitif; c’est pourquoi nous sommes appelés à vivre le temps, à habiter la création de Dieu selon le rythme eschatologique de la Parole; «l’économie chrétienne, du fait qu’elle est l’Alliance nouvelle et définitive, ne passera jamais et aucune nouvelle révélation publique ne doit plus être attendue avant la glorieuse manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. 1 Tm 6, 14 et Tt 2, 13)»[28]. En effet, comme l’ont rappelé les Pères durant le Synode, «la spécificité du Christianisme se manifeste dans l’événement Jésus-Christ, sommet de la Révélation, accomplissement des promesses de Dieu et médiateur de la rencontre entre l’homme et Dieu. Lui “qui nous a révélé Dieu” (cf. Jn 1, 18) est la Parole unique et définitive donnée à l’humanité»[29]. Saint Jean de la Croix a exprimé cette vérité de façon admirable: «Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa Parole – unique et définitive –, il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole et il n’a rien de plus à dire. […] Car ce qu’il disait par parties aux prophètes, il l’a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant interroger le Seigneur et lui demander des visions ou révélations, non seulement ferait une folie, mais il ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ et en cherchant autre chose ou quelque nouveauté»[30].

Par conséquent, le Synode a recommandé d’«aider les fidèles à bien distinguer la Parole de Dieu des révélations privées»[31], dont le rôle «n’est pas de (…) “compléter” la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire»[32]. La valeur des révélations privées est foncièrement différente de l’unique Révélation publique: celle-ci exige notre foi; en effet, en elle, au moyen de paroles humaines et par la médiation de la communauté vivante de l’Église, Dieu lui-même nous parle. Le critère pour établir la vérité d’une révélation privée est son orientation vers le Christ lui-même. Quand celle-ci nous éloigne de Lui, alors elle ne vient certainement pas de l’Esprit Saint, qui nous conduit à l’Évangile et non hors de lui. La révélation privée est une aide pour la foi, et elle se montre crédible précisément parce qu’elle renvoie à l’unique Révélation publique. C’est pourquoi l’approbation ecclésiastique d’une révélation privée indique essentiellement que le message s’y rapportant ne contient rien qui s’oppose à la foi et aux bonnes mœurs. Il est permis de le rendre public, et les fidèles sont autorisés à y adhérer de manière prudente. Une révélation privée peut introduire de nouvelles expressions, faire émerger de nouvelles formes de piété ou en approfondir d’anciennes. Elle peut avoir un certain caractère prophétique (cf. 1 Th 5, 19-21) et elle peut être une aide valable pour comprendre et pour mieux vivre l’Évangile à l’heure actuelle. Elle ne doit donc pas être négligée. C’est une aide, qui nous est offerte, mais il n’est pas obligatoire de s’en servir. Dans tous les cas, il doit s’agir de quelque chose qui nourrit la foi, l’espérance et la charité, qui sont pour tous le chemin permanent du salut[33].

La Parole de Dieu et l’Esprit Saint

15. Après nous être arrêtés sur la Parole dernière et définitive de Dieu au monde, nous devons parler à présent de la mission de l’Esprit Saint en lien avec la Parole divine. En effet, aucune compréhension authentique de la Révélation chrétienne ne peut être atteinte en dehors de l’action du Paraclet. Et ce, parce que la communication que Dieu fait de lui-même implique toujours la relation entre le Fils et l’Esprit Saint, qu’Irénée de Lyon appelle, de fait, «les deux mains du Père»[34]. De plus, c’est l’Écriture Sainte qui nous montre la présence de l’Esprit Saint dans l’histoire du salut et en particulier dans la vie de Jésus, qui a été conçu de la Vierge Marie par l’action de l’Esprit Saint (cf. Mt 1, 18; Lc 1, 35); au début de son ministère public, sur les rives du Jourdain, Jésus le voit descendre sur lui sous la forme d’une colombe (cf. Mt 3, 16 et par.); par ce même Esprit, il agit, il parle et il exulte (cf. Lc 10, 21); et c’est en lui qu’il peut s’offrir lui-même (cf. He 9,14). Alors que sa mission s’achève, suivant le récit de l’Évangéliste Jean, c’est Jésus lui-même qui met clairement en relation le don de sa vie avec l’envoi de l’Esprit aux siens (cf. Jn 16, 7). Ensuite, Jésus ressuscité, portant dans sa chair les signes de sa passion, répand l’Esprit (cf. Jn 20, 22), rendant les siens participants de sa propre mission (cf. Jn 20, 21). Ce sera alors l’Esprit Saint qui enseignera toutes choses aux disciples et qui leur rappellera tout ce que le Christ a dit (cf. Jn 14, 26), parce qu’il lui revient, en tant qu’Esprit de vérité (cf. Jn 15, 26), d’introduire les disciples dans la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13). Enfin, comme on lit dans les Actes des Apôtres, l’Esprit descend sur les Douze réunis en prière avec Marie, au jour de la Pentecôte (cf. 2, 1-4), et il les remplit de force en vue de leur mission d’annoncer la Bonne Nouvelle à tous les peuples[35].

La Parole de Dieu s’exprime donc en paroles humaines grâce à l’action de l’Esprit Saint. La mission du Fils et celle de l’Esprit Saint sont inséparables et constituent une unique économie du salut. L’Esprit, qui agit au moment de l’Incarnation du verbe dans le sein de la vierge Marie, est le même Esprit qui guide Jésus au cours de sa mission et qui est promis aux disciples. Le même Esprit, qui a parlé par l’intermédiaire des prophètes, soutient et inspire l’Église dans sa tâche d’annoncer la Parole de Dieu et dans la prédication des apôtres. Enfin, c’est cet Esprit qui inspire les auteurs des Saintes Écritures.

16. Attentifs à cet horizon pneumatologique, les Pères synodaux ont voulu rappeler l’importance de l’action de l’Esprit Saint dans la vie de l’Église et dans le cœur des croyants par rapport à l’Écriture Sainte[36]. En effet, sans l’action efficace de «l’Esprit de vérité» (Jn 14, 16) on ne peut comprendre les paroles du Seigneur. Comme le rappelle saint Irénée: «Ceux qui ne participent pas à l’Esprit ne puisent pas au sein de leur Mère (l’Église) la nourriture de Vie, ils ne reçoivent rien de la source très pure qui coule du Corps du Christ»[37]. Comme la Parole de Dieu vient à nous dans le Corps du Christ, dans le Corps eucharistique et dans le Corps des Écritures par l’action de l’Esprit Saint, de même elle ne peut être accueillie et comprise pleinement que grâce à ce même Esprit.

Les grands écrivains de la Tradition chrétienne prennent unanimement en considération le rôle de l’Esprit Saint dans le rapport que les croyants doivent avoir avec les Écritures. Saint Jean Chrysostome affirme que l’Écriture «a besoin de la Révélation de l’Esprit, afin qu’en découvrant le véritable sens des choses qui s’y trouvent, nous en tirions abondamment profit»[38]. Saint Jérôme est lui aussi fermement convaincu que «nous ne pouvons arriver à comprendre l’Écriture sans l’aide de l’Esprit Saint qui l’a inspirée»[39]. Saint Grégoire le Grand souligne à son tour de manière suggestive l’œuvre du même Esprit dans la formation et dans l’interprétation de la Bible: «Il a lui-même créé les paroles des Saints Testaments, c’est lui-même qui les ouvre»[40]. Richard de Saint-Victor rappelle qu’il faut des «yeux de colombe», illuminés et instruits par l’Esprit, pour comprendre le texte sacré[41].

Je voudrais souligner encore toute l’importance du témoignage que nous trouvons, à propos de la relation entre l’Esprit Saint et l’Écriture, dans les textes liturgiques, où la Parole de Dieu est proclamée, écoutée et expliquée aux fidèles. C’est le cas d’anciennes prières qui, sous forme d’épiclèses, invoquent l’Esprit avant la proclamation des lectures: «Envoie ton Esprit Saint Paraclet dans nos âmes et fais-nous comprendre les Écritures qu’il a inspirées; et concède-moi de les interpréter de manière digne, pour que les fidèles ici réunis en tirent avantage». De même, nous trouvons des prières qui, au terme de l’homélie, invoquent à nouveau Dieu pour le don de l’Esprit sur les fidèles: «Dieu sauveur (…) nous t’implorons pour ce peuple: envoie sur lui l’Esprit Saint; que le Seigneur Jésus vienne le visiter, qu’il parle aux consciences de tous et qu’il prépare les cœurs à la foi et conduise à toi nos âmes, Dieu des Miséricordes»[42]. Tout cela nous permet de comprendre pourquoi l’on ne peut pas arriver à saisir le sens de la Parole si l’action du Paraclet n’est pas accueillie dans l’Église et dans le cœur des croyants.

Tradition et Écriture

17. En réaffirmant le lien profond entre l’Esprit Saint et la Parole de Dieu, nous avons aussi posé les fondations pour comprendre le sens et la valeur déterminante de la Tradition vivante et des Écritures Saintes dans l’Église. En effet, puisque «Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique» (Jn 3, 16), la Parole divine, prononcée dans le temps, s’est donnée et «livrée» à l’Église de manière définitive, afin que l’annonce du salut puisse être communiquée de manière efficace à toutes les époques et en tous lieux. Comme nous le rappelle la Constitution dogmatique Dei Verbum, Jésus-Christ «ayant accompli lui-même et proclamé de sa propre bouche l’Évangile d’abord promis par les prophètes, ordonna à ses Apôtres de le prêcher à tous comme la source de toute vérité salutaire et de toute règle morale, en leur communiquant les dons divins. Ce qui fut fidèlement accompli tantôt par les Apôtres, qui, dans la prédication orale, dans les exemples et les institutions transmirent, soit ce qu’ils avaient appris de la bouche du Christ en vivant avec lui et en le voyant agir, soit ce qu’ils tenaient des suggestions du Saint-Esprit, tantôt par ces Apôtres et des hommes de leur entourage, qui, sous l’inspiration du même Esprit- Saint, consignèrent par écrit le message de salut»[43].

Le Concile Vatican II rappelle, par ailleurs, que cette Tradition d’origine apostolique est une réalité vivante et dynamique: elle progresse dans l’Église sous l’assistance du Saint-Esprit, non dans le sens qu’elle change dans sa vérité, qui est éternelle, mais plutôt par le fait que «la perception des réalités aussi bien que des paroles transmises s’accroît», par la contemplation et par l’étude, avec l’intelligence que donne une expérience spirituelle plus profonde, et par «la prédication de ceux qui, avec la succession dans l’épiscopat, ont reçu un charisme certain de vérité»[44].

La Tradition vivante est essentielle afin que l’Église puisse grandir au fil du temps dans la compréhension de la vérité révélée dans les Écritures; en effet, «par cette même Tradition, le Canon intégral des Livres Saints se fait connaître à l’Église, et en elle aussi les Saintes Écritures elles-mêmes sont comprises plus à fond et sans cesse rendues agissantes»[45]. En fin de compte, c’est la Tradition vivante de l’Église qui nous fait comprendre de manière adéquate la Sainte Écriture comme Parole de Dieu. Même si le Verbe de Dieu précède et transcende la Sainte Écriture, toutefois, dans la mesure où elle est inspirée par Dieu, elle contient la Parole divine (cf. 2 Tm 3, 16) «d’une manière tout à fait particulière»[46].

18. D’où l’importance d’éduquer et de former de façon claire le Peuple de Dieu à s’approcher des Saintes Écritures en lien avec la Tradition vivante de l’Église, en reconnaissant en elles la Parole même de Dieu. Faire grandir cette attitude chez les fidèles est très important du point de vue de la vie spirituelle. Il peut être utile de rappeler à ce propos une analogie développée par les Pères de l’Église entre le Verbe de Dieu qui se fait «chair» et la Parole qui se fait «Livre»[47]. La Constitution dogmatique Dei Verbum, recueillant cette ancienne tradition selon laquelle «son Corps (celui du Fils), ce sont les enseignements des Écritures» – comme le disait saint Ambroise[48], – affirme: «les paroles de Dieu, exprimées en langues humaines, sont devenues semblables au langage humain, de même que jadis le Verbe du Père éternel, ayant assumé la chair humaine avec ses faiblesses, est devenu semblable aux hommes»[49]. Comprise ainsi, l’Écriture Sainte se présente à nous, bien que dans la multiplicité de ses formes et de ses contenus, comme une réalité unifiée. En effet, «à travers toutes les paroles de l’Écriture Sainte, Dieu ne dit qu’une seule Parole, son Verbe unique en qui il se dit tout entier (cf. He 1, 1-3)»[50], comme l’affirmait saint Augustin avec clarté: «Rappelez-vous que le discours de Dieu, qui est développé dans toute la Sainte Écriture, est un seul et qu’un seul est le Verbe qui résonne sur la bouche de tous les auteurs sacrés»[51].

En fin de compte, à travers l’action de l’Esprit Saint et sous la conduite du Magistère, l’Église transmet à toutes les générations tout ce qui a été révélé dans le Christ. L’Église vit dans la certitude que son Seigneur, qui a parlé dans le passé, ne cesse de communiquer sa Parole, aujourd’hui, dans la Tradition vivante de l’Église et dans l’Écriture Sainte. En effet, la Parole de Dieu se donne à nous dans l’Écriture Sainte comme témoignage inspiré de la Révélation qui, avec la Tradition vivante de l’Église, constitue la règle suprême de la foi[52].

Écriture Sainte, inspiration et vérité

19. Un concept clé pour accueillir le texte sacré, en tant que Parole de Dieu faite paroles humaines, est indubitablement celui de l’inspiration. Ici aussi, nous pouvons suggérer une analogie: comme le Verbe de Dieu s’est fait chair par l’action de l’Esprit Saint dans le sein de la Vierge Marie, de même l’Écriture Sainte naît du sein de l’Église par l’action du même Esprit. L’Écriture Sainte est «Parole de Dieu en tant que, sous le souffle de l’Esprit divin, elle est consignée par écrit»[53]. On reconnaît de cette manière toute l’importance de l’auteur humain qui a écrit les textes inspirés et, en même temps, de Dieu reconnu comme son auteur véritable.

Comme les Pères synodaux l’ont affirmé, il apparaît avec force combien le thème de l’inspiration est décisif pour s’approcher de façon juste des Écritures et pour en faire une exégèse correcte[54], qui, à son tour, doit s’effectuer dans l’Esprit même dans lequel elles ont été écrites[55]. Lorsque s’affaiblit en nous la conscience de son inspiration, on risque de lire l’Écriture comme un objet de curiosité historique et non plus comme l’œuvre de l’Esprit Saint, par laquelle nous pouvons entendre la voix même du Seigneur et connaître sa présence dans l’histoire.

En outre, les Pères synodaux ont souligné avec justesse que le thème de l’inspiration est aussi lié au thème de la vérité des Écritures[56]. C’est pourquoi, un approfondissement de la compréhension de l’inspiration portera sans aucun doute aussi à une plus grande intelligence de la vérité contenue dans les Livres Saints. Comme l’affirmait la doctrine conciliaire sur ce thème, les Livres inspirés enseignent la vérité: «Dès lors, puisque tout ce que les auteurs inspirés ou hagiographes affirment doit être tenu pour affirmé par l’Esprit Saint, il faut par conséquent professer que les Livres de l’Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée dans les saintes Lettres en vue de notre salut. C’est pourquoi “toute Écriture inspirée de Dieu est utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice afin que l’homme de Dieu se trouve accompli, équipé pour toute œuvre bonne” (2 Tm 3, 16-17, gr.)»[57].

La réflexion théologique a certainement toujours considéré l’inspiration et la vérité comme deux concepts clé pour une herméneutique ecclésiale des Saintes Écritures. Toutefois, nous devons reconnaître la nécessité actuelle d’approfondir de façon adéquate ces réalités, afin de pouvoir mieux répondre aux exigences relatives à l’interprétation des textes sacrés selon leur nature. Dans cette perspective, je souhaite ardemment que la recherche dans ce domaine puisse progresser et qu’elle porte du fruit pour la science biblique et pour la vie spirituelle des fidèles.

Dieu Père, source et origine de la Parole

20. L’économie de la Révélation a donc son commencement et son origine en Dieu le Père. Par sa Parole «il a fait les cieux, l’univers par le souffle de sa bouche» (Ps 33, 6). C’est lui qui fait «resplendir la connaissance de la gloire de Dieu qui rayonne sur le visage du Christ» (cf. 2 Co 4, 6; cf. Mt 16, 17; Lc 9, 29).

Dans le Fils, Logos fait chair (cf. Jn 1, 14), venu accomplir la volonté de Celui qui l’a envoyé (cf. Jn 4, 34), Dieu, source de la Révélation, se manifeste en tant que Père et porte à sa pleine réalisation la divinisation de l’homme, déjà assurée auparavant par les paroles des prophètes et par les merveilles qu’il a réalisées dans la création et dans l’histoire de son Peuple et de tous les hommes. Le sommet de la Révélation de Dieu le Père est offert par le Fils à travers le don du Paraclet (cf. Jn 14, 16), Esprit du Père et de son Fils, qui nous «guide vers la vérité tout entière» (cf. Jn 16, 13).

21. C’est ainsi que toutes les promesses de Dieu deviennent «oui» en Jésus-Christ (cf. 2 Co 1, 20). S’ouvre ainsi à l’homme la possibilité de parcourir le chemin qui le conduit au Père (cf. Jn 14, 6), pour qu’à la fin «Dieu soit tout en tous» (1 Co 15, 28).

Comme le montre la croix du Christ, Dieu parle aussi à travers son silence. Le silence de Dieu, l’expérience de l’éloignement du Tout-Puissant et du Père est une étape décisive du parcours terrestre du Fils de Dieu, Parole incarnée. Pendu au bois de la croix, il a crié la douleur qu’un tel silence lui causait: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Mc 15, 34; Mt 27, 46). Persévérant dans l’obéissance jusqu’à son dernier souffle de vie, dans l’obscurité de la mort, Jésus a invoqué le Père. C’est à lui qu’il s’en remet au moment du passage, à travers la mort, à la vie éternelle: «Père, entre tes mains je remets mon esprit» (Lc 23, 46).

Cette expérience de Jésus est comparable à la situation de l’homme qui, après avoir écouté et reconnu la Parole de Dieu, doit aussi se mesurer avec son silence. Bien des saints et des mystiques ont vécu une telle expérience qui aujourd’hui encore fait partie du cheminement de nombreux chrétiens. Le silence de Dieu prolonge ses paroles précédemment énoncées. Dans ces moments obscurs, il parle dans le mystère de son silence. C’est pourquoi, dans la dynamique de la Révélation chrétienne, le silence apparaît comme une expression importante de la Parole de Dieu.

La réponse de l’homme à Dieu qui parle

Appelés à entrer dans l’Alliance avec Dieu

22. Soulignant la multiplicité des formes de la Parole, nous avons pu contempler, à travers toutes ces modalités, Dieu qui parle et qui vient à la rencontre de l’homme, en se faisant connaître dans un dialogue. Bien sûr, comme l’ont affirmé les Pères synodaux, «quand il se réfère à la Révélation, le dialogue comporte le primat de la Parole de Dieu adressée à l’homme»[58]. Le Mystère de l’Alliance exprime cette relation entre Dieu qui appelle par sa Parole et l’homme qui répond, dans la claire conscience qu’il ne s’agit pas d’une rencontre entre deux parties contractantes situées sur un pied d’égalité ; ce que nous appelons l’Ancienne et la Nouvelle Alliance n’est pas un acte d’entente entre deux parties égales, mais un pur don de Dieu. Par ce don de son amour, dépassant toute distance, Dieu fait vraiment de nous ses «partenaires», réalisant ainsi le Mystère nuptial de l’amour entre le Christ et l’Église. Dans cette perspective, chaque homme apparaît comme destinataire de la Parole, interpellé et appelé à entrer dans ce dialogue d’amour par une réponse libre. Chacun de nous est ainsi rendu par Dieu capable d’écouter et de répondre à la Parole divine. L’homme est créé dans la Parole et il vit en elle; il ne peut se comprendre lui-même s’il ne s’ouvre à ce dialogue. La Parole de Dieu révèle la nature filiale et relationnelle de notre vie. Nous sommes vraiment appelés par grâce à nous conformer au Christ, le Fils du Père, et à être transformés en Lui.

Dieu écoute l’homme et répond à ses demandes

23. Dans ce dialogue avec Dieu, nous nous comprenons nous-mêmes et nous trouvons la réponse aux interrogations les plus profondes qui habitent notre cœur. Car la Parole de Dieu ne s’oppose pas à l’homme, ne mortifie pas ses désirs authentiques, bien au contraire, elle les illumine, les purifie et les mène à leur accomplissement. Comme il est important pour notre temps de découvrir que seul Dieu répond à la soif qui est dans le cœur de tout homme! À notre époque et surtout en Occident, s’est malheureusement diffusée l’idée que Dieu est étranger à la vie et aux problèmes de l’homme et, plus encore, que sa présence peut être une menace pour son autonomie. En réalité, toute l’économie du Salut nous montre que Dieu parle et intervient dans l’histoire en faveur de l’homme et de son salut intégral. Il est donc important, d’un point de vue pastoral, de présenter la Parole de Dieu dans sa capacité de répondre aux problèmes que l’homme doit affronter dans la vie quotidienne. Jésus se présente justement à nous comme celui qui est venu pour que nous puissions avoir la vie en abondance (cf. Jn 10, 10). Pour cela, nous devons déployer tous nos efforts pour que la Parole de Dieu apparaisse à chacun comme une ouverture à ses problèmes, une réponse à ses questions, un élargissement des valeurs et en même temps comme une satisfaction apportée à ses aspirations. La pastorale de l’Église doit être attentive à illustrer avec soin comment Dieu écoute les besoins de l’homme et son cri. Saint Bonaventure affirme dans le Breviloquium: «Le fruit de l’Écriture Sainte n’est pas quelconque, c’est la plénitude de l’éternelle félicité. Car elle est l’Écriture Sainte dans laquelle sont les paroles de la vie éternelle; elle est donc écrite, non seulement pour que nous croyions, mais aussi pour que nous possédions la vie éternelle dans laquelle nous verrons, nous aimerons et où nos désirs seront universellement comblés»[59].

Dialoguer avec Dieu à travers ses paroles

24. La Parole divine introduit chacun de nous dans un dialogue avec le Seigneur. Le Dieu qui parle, nous apprend comment nous pouvons parler avec lui. Spontanément vient à l’esprit le Livre des Psaumes, dans lequel Dieu nous donne les paroles avec lesquelles nous pouvons nous adresser à lui, lui présenter notre vie dans un colloque avec lui, transformant ainsi la vie même en un mouvement vers Dieu[60]. Dans les Psaumes, en effet, nous trouvons toute la gamme des sentiments que l’homme peut éprouver dans son existence et qui sont présentés avec sagesse à Dieu: la joie et la douleur, l’angoisse et l’espérance, la peur et l’anxiété trouvent ici leur expression. Avec les Psaumes, nous pensons aussi aux nombreux autres textes de la Sainte Écriture qui expriment la manière dont l’homme s’adresse à Dieu sous la forme d’une prière d’intercession (cf. Is 33, 12-16), d’un chant de joie pour la victoire (cf. Is 15), ou d’une lamentation pour la mission à remplir (cf. Jr 20, 7-18). De cette façon, la parole que l’homme adresse à Dieu devient à son tour Parole de Dieu, confirmant le caractère de dialogue de toute la révélation chrétienne[61]. L’existence tout entière de l’homme devient, dans cette perspective, un dialogue avec Dieu qui parle et écoute, qui appelle et engage notre vie. La Parole de Dieu révèle que toute l’existence de l’homme se situe dans le champ de l’appel divin[62].

La Parole de Dieu et la foi

25. «À Dieu qui révèle il faut apporter ‘l’obéissance de la foi’ (Rm 16, 26; cf. Rm 1, 5; 2 Co 10, 5-6), par laquelle l’homme s’en remet tout entier librement à Dieu, en présentant ‘à Dieu qui révèle la pleine soumission de l’intelligence et de la volonté’ et en donnant de plein gré son assentiment à la Révélation qu’il a faite»[63]. Avec ces paroles, la Constitution dogmatique Dei Verbum a exprimé, de manière précise, l’attitude de l’homme devant Dieu. La réponse propre de l’homme à Dieu qui parle est la foi. En cela il est évident que «pour accueillir la Révélation, l’homme doit ouvrir sa conscience et son cœur à l’action de l’Esprit Saint qui lui fait comprendre la Parole de Dieu présente dans les Écritures Saintes»[64]. En effet, c’est précisément la prédication de la Parole divine qui fait surgir la foi, par laquelle nous adhérons de tout notre cœur à la vérité révélée et nous nous confions totalement au Christ: «la foi naît de ce qu’on entend, et ce qu’on entend, c’est l’annonce de la parole du Christ» (Rm 10, 17). C’est toute l’histoire du salut qui, de façon progressive, nous montre ce lien intime entre la Parole de Dieu et la foi qui s’accomplit dans la rencontre avec le Christ. Avec lui, la foi prend la forme de la rencontre avec une personne à laquelle on confie sa propre vie. Le Christ Jésus demeure aujourd’hui dans l’histoire, dans son Corps qui est l’Église; ainsi, notre acte de foi est simultanément un acte personnel et ecclésial.

Le péché comme non-écoute de la Parole de Dieu

26. La Parole de Dieu révèle inévitablement aussi la possibilité dramatique, de la part de la liberté de l’homme, de se soustraire à ce dialogue d’alliance avec Dieu pour lequel nous avons été créés. La Parole divine, en effet, dévoile aussi le péché qui habite le cœur de l’homme. Nous trouvons très souvent, aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, la description du péché comme non-écoute de la Parole, comme rupture de l’Alliance et donc comme fermeture à l’égard de Dieu qui appelle à la communion avec lui[65]. En effet, l’Écriture Sainte nous montre comment le péché de l’homme est essentiellement désobéissance et ‘non-écoute’. C’est vraiment l’obéissance radicale de Jésus jusqu’à la mort de la croix (cf. Ph 2, 8) qui démasquera totalement ce péché. Dans son obéissance s’accomplit la Nouvelle Alliance entre Dieu et l’homme et nous est donnée la possibilité de la réconciliation. Jésus, en effet, a été envoyé par le Père comme victime d’expiation pour nos péchés et pour ceux du monde entier (cf. 1 Jn 2, 2; 4, 10; Hb 7, 27). Ainsi, la possibilité miséricordieuse de la Rédemption nous est offerte et le début d’une vie nouvelle dans le Christ. C’est pourquoi, il est important que les fidèles soient formés à reconnaître la racine du péché dans la non-écoute de la Parole du Seigneur et à accueillir en Jésus, le Verbe de Dieu, le pardon qui nous ouvre au salut.

Marie, «Mère du Verbe de Dieu» et «Mère de la foi»

27. Les Pères synodaux ont déclaré que le but fondamental de la XIIe Assemblée était avant tout de «renouveler la foi de l’Église dans la Parole de Dieu»; c’est pourquoi, il est nécessaire de regarder là où la réciprocité entre la Parole de Dieu et la foi s’est accomplie parfaitement, c’est-à-dire en la Vierge Marie, «qui par son ‘oui’ à la Parole de l’Alliance et à sa mission, accomplit parfaitement la vocation divine de l’humanité»[66]. La réalité humaine, créée par le Verbe, trouve vraiment son plein accomplissement dans la foi obéissante de Marie. De l’Annonciation à la Pentecôte, elle se présente à nous comme la femme totalement disponible à la volonté de Dieu. Elle est l’Immaculée Conception, celle qui est «pleine de la grâce» de Dieu (cf. Lc 1, 28), docile à la Parole divine de façon inconditionnelle (cf. Lc 1, 38). Sa foi obéissante place son existence à chaque instant face à l’initiative de Dieu. Vierge à l’écoute, elle vit en pleine syntonie avec la volonté divine; elle garde dans son cœur les événements de la vie de son Fils, en les ordonnant en une seule mosaïque (cf. Lc 2, 19.51)[67].

À notre époque, il est nécessaire que les fidèles soient initiés à mieux découvrir le lien entre Marie de Nazareth et l’écoute croyante de la Parole divine. J’exhorte aussi les chercheurs à approfondir le plus possible le rapport entre la mariologie et la théologie de la Parole. On pourra en tirer un grand bénéfice autant pour la vie spirituelle que pour les études théologiques et bibliques. En effet, ce que l’intelligence de la foi a saisi concernant Marie se situe au centre le plus intime de la vérité chrétienne. En réalité, l’Incarnation du Verbe ne peut être pensée en faisant abstraction de la liberté de cette jeune fille qui, par son assentiment, coopère de façon décisive à l’entrée de l’Eternel dans le temps. Elle est la figure de l’Église à l’écoute de la Parole de Dieu qui, en elle, s’est faite chair. Marie est aussi le symbole de l’ouverture à Dieu et aux autres; de l’écoute active qui intériorise, qui assimile et où la Parole divine devient la matrice de la vie.

28. À ce point, je désire attirer l’attention sur la familiarité de Marie avec la Parole de Dieu. C’est ce qui resplendit avec une force particulière dans le Magnificat. Ici, en un certain sens, on voit comment elle s’identifie à la Parole, comment elle entre en elle; dans ce merveilleux cantique de foi, la Vierge exalte le Seigneur avec sa propre Parole: «Le Magnificat, – portrait, pour ainsi dire, de son âme – est entièrement tissé de fils de l’Écriture Sainte, de fils extraits de la Parole de Dieu. On voit ainsi apparaître que, dans la Parole de Dieu, Marie est vraiment chez elle, elle en sort et elle y rentre avec un grand naturel. Elle parle et pense au moyen de la Parole de Dieu; la Parole de Dieu devient sa parole, et sa parole naît de la Parole de Dieu. De plus, se manifeste ainsi que ses pensées sont au diapason des pensées de Dieu, que sa volonté consiste à vouloir avec Dieu. Étant profondément pénétrée par la Parole de Dieu, elle peut devenir la mère de la Parole incarnée»[68].

En outre, la référence à la Mère de Dieu nous montre comment l’agir de Dieu dans le monde implique toujours notre liberté parce que, dans la foi, la Parole divine nous transforme. De même, notre action apostolique et pastorale ne pourra jamais être efficace si nous n’apprenons pas de Marie à nous laisser modeler par l’œuvre de Dieu en nous: «l’attention pleine d’amour et de dévotion à la figure de Marie comme modèle et archétype de la foi de l’Église, est d’une importance capitale pour opérer aujourd’hui aussi un changement concret de paradigme dans la relation de l’Église avec la Parole, aussi bien dans l’attitude d’écoute orante qu’à travers la générosité de l’engagement pour la mission et l’annonce»[69].

Contemplant chez la Mère de Dieu une existence totalement modelée par la Parole, nous découvrons que nous sommes, nous aussi, appelés à entrer dans le Mystère de la foi par laquelle le Christ vient demeurer dans notre vie. Chaque chrétien qui croit, nous rappelle saint Ambroise, conçoit et engendre en un certain sens, le Verbe de Dieu en lui-même: s’il n’y a qu’une seule Mère du Christ selon la chair, en revanche, selon la foi, le Christ est le fruit de tous[70]. Donc ce qui est arrivé à Marie peut arriver en chacun de nous, chaque jour, dans l’écoute de la Parole et dans la célébration des Sacrements.

L’herméneutique de l’Écriture sainte
dans l’Église

L’Église, lieu originaire de l’herméneutique de la Bible

29. Un autre grand sujet s’est imposé lors du Synode, sur lequel j’entends maintenant attirer l’attention, c’est l’interprétation de l’Écriture Sainte dans l’Église. Le lien intrinsèque entre la Parole et la foi met bien en évidence que l’authentique herméneutique de la Bible ne peut se situer que dans la foi ecclésiale qui a, dans le ‘oui’ de Marie, son paradigme. Saint Bonaventure affirme à ce sujet que, sans la foi, on n’a pas la clé d’accès au texte sacré: «C’est de cette connaissance de Jésus-Christ que découle, telle une source, la certitude et l’intelligence contenue dans toute l’Écriture Sainte. En conséquence, il est impossible d’entrer dans la connaissance de l’Écriture Sainte sans cette foi venant du Christ. Cette foi est lumière, porte et aussi fondement de toute l’Écriture»[71]. Et saint Thomas d’Aquin, en mentionnant saint Augustin, insiste avec force: «Même la lettre de l’Évangile tue s’il manque, à l’intérieur de l’homme, la grâce de la foi qui guérit»[72].

Cela nous permet de rappeler un critère fondamental de l’herméneutique biblique: le lieu originaire de l’interprétation scripturaire est la vie de l’Église. Cette affirmation n’indique pas la référence ecclésiale comme un critère extrinsèque auquel les exégètes doivent se plier, mais elle est demandée par la réalité même des Écritures et par la manière dont elles se sont formées dans le temps. En effet, «les traditions de la foi formaient le milieu vital dans lequel s’est insérée l’activité littéraire des auteurs de l’Écriture Sainte. Cette insertion comprenait aussi la participation à la vie liturgique et à l’activité extérieure des communautés, à leur monde spirituel, à leur culture et aux péripéties de leur destinée historique. L’interprétation de l’Écriture Sainte exige donc, de manière semblable, la participation des exégètes à toute la vie et à toute la foi de la communauté croyante de leur temps»[73]. Par conséquent, «puisque la Sainte Écriture doit aussi être lue et interprétée à la lumière du même Esprit que celui qui la fit rédiger»[74], il convient que les exégètes, les théologiens et tout le Peuple de Dieu la considèrent pour ce qu’elle est réellement, la Parole de Dieu qui se communique à nous à travers une parole humaine (cf. 1 Th 2, 13). Ceci est une donnée constante contenue implicitement dans la Bible même: «aucune prophétie de l’Écriture ne vient d’une intuition personnelle. En effet, ce n’est jamais la volonté d’un homme qui a porté une prophétie: c’est portés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu» (2 P 1, 20-21). Du reste, c’est le propre de la foi de l’Église de reconnaître dans la Bible la Parole de Dieu; comme le dit admirablement saint Augustin, «je ne croirais pas en l’Évangile si l’autorité de l’Église ne m’y entraînait pas»[75]. C’est l’Esprit Saint qui anime la vie de l’Église et qui la rend capable d’interpréter authentiquement les Écritures. La Bible est le Livre de l’Église et, de son immanence dans la vie ecclésiale, jaillit aussi sa véritable herméneutique.

30. Saint Jérôme rappelle que nous ne pouvons jamais lire seuls l’Écriture. Nous trouvons trop de portes fermées et nous glissons facilement dans l’erreur. La Bible a été écrite par le Peuple de Dieu et pour le Peuple de Dieu, sous l’inspiration de l’Esprit Saint. C’est seulement dans cette communion avec le Peuple de Dieu, dans ce ‘nous’ que nous pouvons réellement entrer dans le cœur de la vérité que Dieu lui-même veut nous dire[76]. Le grand savant, pour qui «l’ignorance des Écritures est l’ignorance du Christ»[77], affirme que l’ecclésialité de l’interprétation biblique n’est pas une exigence imposée de l’extérieur; le Livre est vraiment la voix du Peuple de Dieu pérégrinant, et c’est seulement dans la foi de ce Peuple que nous sommes, pour ainsi dire, dans la tonalité juste pour comprendre la Sainte Écriture. Une authentique interprétation de la Bible doit toujours être dans une harmonieuse concordance avec la foi de l’Église catholique. Saint Jérôme s’adressait ainsi à un prêtre: «Reste fermement attaché à la doctrine traditionnelle qui t’a été enseignée, afin que tu puisses exhorter selon la saine doctrine et réfuter ceux qui la contredisent»[78].

Les approches du texte sacré qui font abstraction de la foi peuvent suggérer des éléments intéressants, en s’arrêtant sur la structure du texte et sur ses formes, cependant, une telle tentative ne pourrait être qu’un préliminaire, structurellement incomplet. En effet, comme l’a affirmé la Commission biblique pontificale, faisant écho à un principe partagé par l’herméneutique moderne, «le juste sens d’un texte ne peut être donné pleinement que s’il est actualisé dans le vécu de lecteurs qui se l’approprient»[79]. Tout cela met en relief la relation entre la vie spirituelle et l’herméneutique de l’Écriture. En effet, «avec la croissance de la vie dans l’Esprit grandit, chez le lecteur, la compréhension des réalités dont parle le texte biblique»[80]. L’intensité d’une authentique expérience ecclésiale ne peut que développer une intelligence de la foi authentique à l’égard de la Parole de Dieu; réciproquement, on doit dire que lire dans la foi les Écritures fait grandir la vie ecclésiale même. De là, nous pouvons comprendre d’une façon nouvelle l’affirmation bien connue de saint Grégoire le Grand: «les paroles divines grandissent avec celui qui les lit»[81]. De cette façon, l’écoute de la Parole de Dieu introduit et accroît la communion ecclésiale entre ceux qui cheminent dans la foi.

«L’âme de la théologie sacrée»

31. «Que l’étude de la Sainte Écriture soit comme l’âme de la théologie sacrée»: [82] cette expression de la Constitution dogmatique Dei Verbum nous est devenue au cours des ans toujours plus familière. On peut dire que l’époque qui a suivi le Concile Vatican II, en ce qui concerne les études théologiques et exégétiques, a fréquemment fait référence à cette expression comme signe de l’intérêt renouvelé pour la Sainte Écriture. La XIIe Assemblée du Synode des Évêques s’est souvent référée à cette affirmation pour indiquer la relation entre la recherche historique et l’herméneutique de la foi en référence au texte sacré. Dans cette perspective, les Pères ont constaté avec joie la réalité de l’étude accrue de la Parole de Dieu dans l’Église au long des dernières décennies et ont exprimé avec conviction une vive reconnaissance aux nombreux exégètes et théologiens qui, avec dévouement, engagement et compétence ont donné et donnent une contribution essentielle à l’approfondissement du sens de l’Écriture, en affrontant les problèmes complexes que notre temps pose à la recherche biblique[83]. Ils ont également manifesté des sentiments de sincère gratitude à l’égard des membres de la Commission biblique pontificale qui se sont succédé au cours de ces années et qui, en lien étroit avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, continuent à offrir leur apport qualifié pour aborder les questions particulières inhérentes à l’étude de la Sainte Écriture. Le Synode a voulu, en outre, s’interroger sur le statut actuel des études bibliques et sur leur importance dans le domaine théologique. En effet, du rapport fécond entre exégèse et théologie dépend pour une large part l’efficacité pastorale de l’action de l’Église et la vie spirituelle des fidèles. C’est pourquoi, je crois important de reprendre certaines réflexions apparues dans les échanges sur ce thème au cours des travaux du Synode.

Développement de la recherche biblique et Magistère ecclésial

32. Avant tout, il est nécessaire de reconnaître dans la vie de l’Église le bénéfice provenant de l’exégèse historico-critique et des autres méthodes d’analyse du texte développées récemment[84]. Dans l’approche catholique de la Sainte Écriture, l’attention à ces méthodes est indispensable et elle est liée au réalisme de l’Incarnation: «Cette nécessité est la conséquence du principe chrétien formulé dans l’Évangile selon saint Jean 1,14: le Verbe s’est fait chair. Le fait historique est une dimension constitutive de la foi chrétienne. L’histoire du salut n’est pas une mythologie, mais une véritable histoire et pour cela elle est à étudier avec les méthodes de la recherche historique sérieuse»[85]. Cependant, l’étude de la Bible exige la connaissance et l’utilisation appropriée de ces méthodes de recherche. S’il est vrai que cette sensibilité dans les études s’est développée plus intensément à l’époque moderne, bien que de façon inégale suivant les lieux, il y a toujours eu cependant dans la saine tradition ecclésiale un amour pour l’étude de «la lettre». Il suffit ici de rappeler la culture monastique, à laquelle nous devons en dernière instance le fondement de la culture européenne à la racine de laquelle se trouve l’intérêt pour la parole. Le désir de Dieu comprend l’amour pour la parole dans toutes ses dimensions: «puisque dans la parole biblique, Dieu est en chemin vers nous et nous vers Lui, il faut apprendre à pénétrer le secret de la langue, à la comprendre dans sa structure et dans ses usages. Ainsi, en raison même de la recherche de Dieu, les sciences profanes, qui nous indiquent les chemins vers la langue, deviennent importantes»[86].

33. Le Magistère vivant de l’Église, auquel il appartient «d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise»[87], est intervenu avec un sage équilibre par rapport à la juste position à avoir face à l’introduction des nouvelles méthodes d’analyse historique. Je me réfère particulièrement aux encycliques Providentissimus Deus du Pape Léon XIII et Divino afflante Spiritu du Pape Pie XII. Ce fut mon vénérable prédécesseur Jean-Paul II qui rappela l’importance de ces documents pour l’exégèse et la théologie à l’occasion des célébrations respectivement du centenaire et du cinquantenaire de leur promulgation[88]. L’intervention du Pape Léon XIII eut le mérite de protéger l’interprétation catholique de la Bible des attaques du rationalisme, mais sans se réfugier dans un sens spirituel détaché de l’histoire. Ne reculant pas devant la critique scientifique, il se méfiait seulement «des idées préconçues qui prétendent se fonder sur la science mais qui, en réalité, font subrepticement sortir la science de son domaine»[89]. Le Pape Pie XII, à l’inverse, se trouvait face aux attaques des partisans d’une exégèse soi-disant mystique qui refusait toute approche scientifique. L’encyclique Divino afflante Spiritu, avec une grande finesse, a évité d’engendrer l’idée d’une dichotomie entre l’«exégèse scientifique» pour l’usage apologétique et l’«interprétation spirituelle réservée à l’usage interne», affirmant au contraire aussi bien la «portée théologique du sens littéral méthodiquement défini», que l’appartenance de la «détermination du sens spirituel… au domaine de la science exégétique»[90]. De cette façon, les deux documents refusaient «la rupture entre l’humain et le divin, entre la recherche scientifique et le regard de la foi, entre le sens littéral et le sens spirituel»[91]. Cet équilibre a ensuite été repris dans le document de la Commission biblique pontificale de 1993: «Dans leur travail d’interprétation, les exégètes catholiques ne doivent jamais oublier que ce qu’ils interprètent est la Parole de Dieu. Leur tâche commune n’est pas terminée lorsqu’ils ont distingué les sources, défini les formes ou expliqué les procédés littéraires. Le but de leur travail n’est atteint que lorsqu’ils ont éclairé le sens du texte biblique comme parole actuelle de Dieu»[92].

L’herméneutique biblique conciliaire: une indication à recevoir

34. Sur cet horizon, il est possible de mieux apprécier les grands principes d’interprétation propre à l’exégèse catholique exprimés au Concile Vatican II, particulièrement dans la Constitution dogmatique Dei Verbum: «Puisque Dieu, dans la Sainte Écriture, a parlé par des hommes à la manière des hommes, l’interprète de la Sainte Écriture, pour percevoir ce que Dieu Lui-même a voulu nous communiquer, doit chercher attentivement ce que les hagiographes ont réellement eu l’intention de dire et ce qu’il a plu à Dieu de faire savoir par leurs paroles»[93]. D’une part, le Concile indique l’étude des genres littéraires et du contexte, comme éléments fondamentaux pour saisir la signification de l’hagiographe. D’autre part, la Sainte Écriture devant être interprétée dans le même Esprit que celui dans lequel elle a été écrite, la Constitution dogmatique indique trois critères de base pour tenir compte de la dimension divine de la Bible: 1) interpréter le texte en tenant compte de l’unité de l’ensemble de l’Écriture – on parle aujourd’hui d’exégèse canonique; 2) tenir compte ensuite de la Tradition vivante de toute l’Église, et 3) respecter enfin l’analogie de la foi. «Seulement dans le cas où les deux niveaux méthodologiques, celui de nature historique et critique et celui de nature théologique, sont observés, on peut alors parler d’une exégèse théologique, d’une exégèse adaptée à ce Livre»[94].

Les Père synodaux ont affirmé avec raison que le fruit positif apporté par l’usage de la recherche historico-critique moderne est incontestable. Toutefois, alors que l’exégèse académique actuelle, y compris catholique, travaille à un haut niveau sur le plan de la méthodologie historico-critique en intégrant les apports les plus récents, il convient d’exiger une étude similaire de la dimension théologique des textes bibliques afin que progresse l’approfondissement selon les trois éléments indiqués par la Constitution dogmatique Dei Verbum[95].

Le péril du dualisme et l’herméneutique sécularisée

35. Il convient de signaler à ce sujet le risque grave d’un dualisme qui apparaît aujourd’hui dans l’approche des Saintes Écritures. En effet, en distinguant les deux niveaux d’approche, il ne s’agit pas de les séparer, ni de les opposer, ni simplement de les juxtaposer. Ils sont liés l’un à l’autre. Malheureusement, il n’est pas rare qu’une séparation infructueuse des deux engendre une hétérogénéité entre exégèse et théologie, qui «touche aussi les niveaux académiques les plus élevés»[96]. Je voudrais ici rappeler les conséquences les plus préoccupantes qu’il convient d’éviter.

a) Avant tout, si l’activité exégétique se réduit seulement au premier niveau, cela a pour conséquence de faire de l’Écriture même un texte du passé: «On peut en tirer des conséquences morales, on peut en apprendre l’histoire, mais le livre en tant que tel, parle seulement du passé et l’exégèse n’est plus véritablement théologique, mais devient une pure historiographie, une histoire de la littérature»[97]. Il est clair qu’avec une telle réduction, on ne peut en aucune façon comprendre l’événement de la Révélation de Dieu par sa Parole qui se transmet à nous dans la Tradition vivante et dans l’Écriture.

b)Le déficit d’une herméneutique de la foi à l’égard de l’Écriture ne se résume pas seulement en termes d’absence; à sa place s’inscrit inévitablement une autre herméneutique, une herméneutique sécularisée, positiviste, dont la clé fondamentale est la conviction que le divin n’apparaît pas dans l’histoire humaine. Selon cette herméneutique, lorsqu’il semble qu’existe un élément divin, on doit l’expliquer d’une autre façon et tout ramener à la dimension humaine. En conséquence, on propose des interprétations qui nient l’historicité des éléments divins[98].

c)Une telle position ne peut que produire des dégâts dans la vie de l’Église, répandant un doute sur les Mystères fondamentaux du Christianisme et sur leur valeur historique, comme par exemple l’institution de l’Eucharistie et la Résurrection du Christ. On impose alors une herméneutique philosophique, qui nie la possibilité de l’entrée et de la présence du divin dans l’histoire. L’acceptation d’une telle herméneutique dans les études théologiques introduit inévitablement un dualisme pesant entre l’exégèse, qui s’établit uniquement sur le premier niveau et la théologie qui s’ouvre à la dérive d’une spiritualisation du sens des Écritures qui ne respecte pas le caractère historique de la Révélation.

Cette position ne peut qu’avoir un résultat négatif tant sur la vie spirituelle que sur l’activité pastorale; «la conséquence de l’absence du second niveau méthodologique est qu’il s’est créé un profond fossé entre exégèse scientifique et Lectio divina; il en ressort parfois une forme de perplexité également dans la préparation des homélies»[99]. On doit aussi signaler qu’un tel dualisme produit parfois incertitude et manque de solidité dans le chemin de formation intellectuelle de certains candidats aux ministères ordonnés[100]. En définitive, «là où l’exégèse n’est pas théologie, l’Écriture ne peut être l’âme de la théologie, et vice versa, là où la théologie n’est pas essentiellement interprétation de l’Écriture dans l’Église, cette théologie n’a plus de fondement»[101]. Il est donc nécessaire de se décider fermement à considérer avec davantage d’attention les indications données par la Constitution dogmatique Dei Verbum sur ce point.

Foi et raison dans l’approche de l’Écriture

36. Je crois que ce qu’a écrit le Pape Jean-Paul II à ce sujet dans l’encyclique Fides et ratio peut contribuer à une compréhension plus complète de l’exégèse et, donc, de son rapport avec toute la théologie. Il affirmait qu’il ne faut pas sous-estimer «le danger inhérent à la volonté de faire découler la vérité de l’Écriture Sainte de l’application d’une méthodologie unique, oubliant la nécessité d’une exégèse plus large qui permet d’accéder, avec toute l’Église, au sens plénier des textes. Ceux qui se consacrent à l’étude des Saintes Écritures doivent toujours avoir présent à l’esprit que les diverses méthodologies herméneutiques ont, elles aussi, à leur base une conception philosophique: il convient de l’examiner avec discernement avant de l’appliquer aux textes sacrés»[102].

Cette réflexion clairvoyante nous permet d’observer comment, dans l’approche herméneutique de la Sainte Écriture, se joue inévitablement le rapport correct entre foi et raison. En effet, l’herméneutique sécularisée de la Sainte Écriture se place comme l’acte d’une raison qui veut structuralement exclure la possibilité que Dieu entre dans la vie des hommes et qu’il parle aux hommes en une parole humaine. Dans ce cas, il est donc nécessaire d’inviter à élargir les espaces de la rationalité elle-même[103]. C’est pourquoi dans l’utilisation des méthodes d’analyse historique, on devra éviter de prendre à son compte, là où ils se présentent, des critères qui, au préalable, se ferment à la Révélation de Dieu dans la vie des hommes. L’unité des deux niveaux du travail d’interprétation de la Sainte Écriture présuppose, en définitive, une harmonie entre la foi et la raison. D’une part, il faut une foi qui, maintenant un rapport adéquat avec la droite raison, ne dégénère jamais en fidéisme, fauteur d’une lecture fondamentaliste de l’Écriture. D’autre part, il faut une raison qui, en recherchant les éléments historiques présents dans la Bible, se montre ouverte et ne refuse pas a priori tout ce qui excède sa propre mesure. Du reste, la religion du Verbe incarné ne pourra que se montrer profondément raisonnable à l’homme qui cherche sincèrement la vérité et le sens ultime de sa vie et de l’histoire.

Sens littéral et sens spirituel

37. Une écoute renouvelée des Pères de l’Église et de leur approche exégétique contribuera de façon significative à revaloriser une herméneutique adéquate de l’Écriture, comme l’Assemblée synodale l’a affirmé[104]. En effet, les Pères de l’Église nous offrent encore aujourd’hui une théologie de grande valeur parce que centrée sur l’étude de l’Écriture Sainte dans son intégralité; ils sont d’abord et avant tout des «commentateurs de la Sainte Écriture»[105]. Leur exemple peut «enseigner aux exégètes modernes une approche vraiment religieuse de la Sainte Écriture, ainsi qu’une interprétation qui s’en tienne constamment au critère de communion avec l’expérience de l’Église, qui chemine dans l’histoire sous la conduite de l’Esprit Saint»[106].

Ignorant, bien sûr, les ressources d’ordre philologique et historique qui sont à la disposition de l’exégèse moderne, la Tradition patristique et médiévale savait reconnaître les divers sens de l’Écriture en commençant par le sens littéral, celui qui est «signifié par les paroles de l’Écriture et découvert par l’exégèse qui suit les règles de la juste interprétation»[107]. Par exemple, saint Thomas d’Aquin affirme: «tous les sens de la Sainte Écriture se basent sur le sens littéral»[108]. Il est nécessaire, cependant, de rappeler qu’au temps patristique et médiéval, toute forme d’exégèse, y compris littérale, était conduite sur la base de la foi et ne faisait pas nécessairement la distinction entre sens littéral et sens spirituel. Rappelons ici la distinction classique qui établit la relation entre les divers sens de l’Écriture:

«Littera gesta docet, quid credas allegoria,
Moralis quid agas, quo tendas anagogia
.

Le sens littéral enseigne les événements, l’allégorie ce qu’il faut croire, le sens moral ce qu’il faut faire, l’anagogie vers quoi il faut tendre»[109].

Notons ici l’unité et l’articulation entre sens littéral et sens spirituel, lequel se subdivise en trois sens, avec lesquels sont décrits les contenus de la foi, de la morale et de la tension eschatologique.

En définitive, en reconnaissant la valeur et la nécessité, même avec ses limites, de la méthode historico-critique, nous apprenons de l’exégèse patristique que «on n’est fidèle à l’intentionnalité des textes bibliques que dans la mesure où l’on essaie de retrouver, au cœur de leur formulation, la réalité de foi qu’ils expriment et où l’on relie cette réalité à l’expérience croyante de notre monde»[110]. C’est seulement dans cette perspective que l’on peut reconnaître que la Parole de Dieu est vivante et s’adresse à chacun dans l’actualité de sa vie. En ce sens, l’affirmation de la Commission biblique pontificale demeure pleinement valable, qui définit le sens spirituel selon la foi chrétienne comme «le sens exprimé par les textes bibliques lorsqu’on les lit sous l’influence de l’Esprit Saint dans le contexte du Mystère pascal du Christ et de la vie nouvelle qui en résulte. Ce contexte existe effectivement. Le Nouveau Testament y reconnaît l’accomplissement des Écritures. Il est donc normal de relire les Écritures à la lumière de ce nouveau contexte, qui est celui de la vie dans l’Esprit»[111].

Le nécessaire dépassement de la lettre

38. Dans la saisie de l’articulation entre les différents sens de l’Écriture, il devient alors décisif de comprendre le passage de la lettre à l’esprit. Il ne s’agit pas d’un passage automatique et spontané; il faut plutôt un dépassement de la lettre: «la Parole de Dieu, en effet, n’est jamais simplement présente dans la seule littéralité du texte. Pour l’atteindre, il faut un dépassement et un processus de compréhension qui se laisse guider par le mouvement intérieur de l’ensemble des textes et, à partir de là, doit également devenir un processus vital»[112]. Nous découvrons ainsi pourquoi le processus d’interprétation authentique n’est jamais purement intellectuel mais aussi vital, pour lequel est requis une pleine implication dans la vie ecclésiale, en tant que vie «sous la conduite de l’Esprit de Dieu» (Ga 5, 16). De cette façon, les critères mis en évidence par le numéro 12 de la Constitution dogmatique Dei Verbum deviennent plus clairs: un tel dépassement ne peut être réalisé à partir d’un seul fragment littéraire mais en lien avec la totalité de l’Écriture. C’est en effet en direction d’une Parole unique que nous sommes appelés à opérer ce dépassement. Un tel processus comporte un caractère dramatique profond puisque, dans le processus de dépassement, le passage qui s’accomplit dans l’Esprit rencontre inévitablement la liberté de chacun. Saint Paul a pleinement vécu ce passage dans sa propre existence. Ce que signifie le dépassement de la lettre et sa compréhension uniquement à partir du tout, il l’a exprimé de façon radicale dans la phrase: «la lettre tue, mais l’Esprit donne la vie» (2 Co 3, 6). Saint Paul découvre que «l’Esprit qui rend libre possède un nom et donc que la liberté a une mesure intérieure: “Le Seigneur, c’est l’Esprit, et là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté” (2 Co 3, 6). L’Esprit qui rend libre ne se réduit pas à l’idée ou à la vision personnelle de celui qui interprète. L’Esprit, c’est le Christ et le Christ est le Seigneur qui nous indique le chemin»[113]. Nous savons aussi combien, pour saint Augustin, ce passage fut à la fois dramatique et libérateur; il crut aux Écritures, qui lui apparurent dans un premier temps si particulières et en même temps grossières, uniquement grâce à ce dépassement qu’il apprit de saint Ambroise à travers l’interprétation typologique, selon laquelle tout l’Ancien Testament est un chemin vers Jésus-Christ. Pour saint Augustin, le dépassement de la lettre a rendu crédible la lettre elle-même et lui a permis de trouver enfin la réponse aux profondes inquiétudes de son âme, assoiffée de la vérité[114].

L’unité intrinsèque de la Bible

39. À l’école de la grande Tradition de l’Église, nous apprenons à saisir également dans le passage de la lettre à l’esprit l’unité de toute l’Écriture, puisque unique est la Parole de Dieu qui interpelle notre vie en l’appelant constamment à la conversion[115]. Les expressions d’Hugues de Saint-Victor demeurent un guide sûr pour nous: «Toute l’Écriture divine constitue un Livre unique et ce Livre unique, c’est le Christ, il parle du Christ et trouve dans le Christ son accomplissement»[116]. Envisagé sous l’aspect purement historique ou littéraire, la Bible n’est certainement pas simplement un livre, mais un recueil de textes littéraires, dont la composition s’étend sur plus d’un millénaire et dont chaque livre n’est pas aisément reconnaissable comme faisant partie d’un tout; il existe au contraire entre ces textes des tensions visibles. Ceci vaut déjà dans la Bible d’Israël que nous, Chrétiens, appelons l’Ancien Testament. Et cela vaut plus encore quand nous, en tant que Chrétiens, relions le Nouveau Testament et ses écrits, presque comme clé herméneutique, avec la Bible d’Israël, l’interprétant comme un chemin vers le Christ. Dans le Nouveau Testament, en général, le terme «l’Écriture» (cf. Rm 4, 3; 1 P 2, 6) n’est pas utilisé, mais plutôt «les Écritures» (cf. Mt 21, 43; Jn 5, 39; Rm 1, 2; 2 P 3, 16), qui, néanmoins, sont ensuite considérées dans leur ensemble comme l’unique Parole de Dieu qui nous est adressée[117]. Il apparaît ainsi clairement comment la personne du Christ donne son unité aux «Écritures» en référence à l’unique «Parole». Ainsi, on comprend ce qu’affirme le numéro 12 de la Constitution dogmatique Dei Verbum, en indiquant l’unité interne de la Bible comme le critère décisif pour une herméneutique correcte de la foi.

Le rapport entre l’Ancien et le Nouveau Testament

40. Dans la perspective de l’unité des Écritures dans le Christ, il est nécessaire pour les théologiens comme pour les Pasteurs d’être conscients des relations qui existent entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Avant tout, il est évident que le Nouveau Testament lui-même reconnaît l’Ancien Testament comme Parole de Dieu et c’est pourquoi il accueille l’autorité des Saintes Écritures du peuple juif[118]. Il le reconnaît implicitement en recourant au même langage et en faisant fréquemment allusion à des passages de ces Écritures. Il le reconnaît explicitement parce qu’il en cite de nombreux extraits et qu’il s’en sert pour argumenter. Une argumentation fondée sur des textes de l’Ancien Testament possède ainsi dans le Nouveau Testament une valeur décisive, supérieure à celle des raisonnements purement humains. Dans le quatrième Évangile, Jésus déclare à ce propos que «l’Écriture ne peut être abolie» (Jn 10, 35) et saint Paul précise en particulier que la Révélation de l’Ancien Testament continue à valoir pour nous Chrétiens (cf. Rm 15, 4; 1 Co 10, 11)[119]. En outre, nous affirmons que «Jésus de Nazareth était un Juif et que la Terre Sainte est la terre-mère de l’Église»[120]. La racine du Christianisme se trouve dans l’Ancien Testament et le Christianisme se nourrit toujours de cette racine. Aussi, la saine doctrine chrétienne a-t-elle toujours refusé toute forme récurrente de marcionisme qui tend, de diverses manières, à opposer l’Ancien et le Nouveau Testament[121].

Par ailleurs, le Nouveau Testament lui-même s’affirme conforme à l’Ancien et proclame que dans le Mystère de la vie, de la mort et de la Résurrection du Christ, les Saintes Écritures du Peuple juif ont trouvé leur parfait accomplissement. Il faut observer cependant que le concept d’accomplissement des Écritures est complexe, parce qu’il possède une triple dimension: un aspect fondamental de continuité avec la Révélation de l’Ancien Testament, un aspect de rupture et un aspect d’accomplissement et de dépassement. Le Mystère du Christ est en continuité d’intention avec le culte sacrificiel de l’Ancien Testament; il s’est cependant réalisé d’une manière très différente, qui correspond à plusieurs oracles des prophètes, et il a atteint ainsi une perfection jamais obtenue auparavant. L’Ancien Testament, en effet, est plein de tensions entre ses aspects institutionnels et ses aspects prophétiques. Le Mystère pascal du Christ est pleinement conforme – d’une façon qui toutefois était imprévisible – aux prophéties et à l’aspect préfiguratif des Écritures; néanmoins, il présente des aspects évidents de discontinuité par rapport aux institutions de l’Ancien Testament.

41. Ces considérations manifestent ainsi l’importance incontournable de l’Ancien Testament pour les Chrétiens, mais en même temps, mettent en évidence l’originalité de la lecture christologique. Depuis les temps apostoliques et ensuite dans la Tradition vivante, l’Église a mis en lumière l’unité du plan divin dans les deux Testaments grâce à la typologie, laquelle n’a pas un caractère arbitraire mais est intrinsèque aux événements racontés par le texte sacré et concerne par voie de conséquence toute l’Écriture. La typologie «discerne dans les œuvres de Dieu sous l’Ancienne Alliance des préfigurations de ce que Dieu a accompli dans la plénitude des temps, en la personne de son Fils incarné»[122]. Les Chrétiens lisent donc l’Ancien Testament à la lumière du Christ mort et ressuscité. Si la lecture typologique révèle l’inépuisable contenu de l’Ancien Testament en relation avec le Nouveau, cela ne doit toutefois pas conduire à oublier qu’il conserve sa valeur propre de Révélation que Notre Seigneur lui-même a réaffirmée (cf. Mc 12, 29-31). En conséquence, «le Nouveau Testament demande aussi d’être lu à la lumière de l’Ancien. La catéchèse chrétienne primitive y aura constamment recours (1 Co 5, 6-8; 1 Co 10, 1-11)»[123]. Les Pères synodaux ont pour cette raison affirmé que «la compréhension juive de la Bible peut aider les Chrétiens dans l’intelligence et l’étude des Écritures»[124].

«Le Nouveau Testament est caché dans l’Ancien et l’Ancien est révélé dans le Nouveau»[125], c’est ainsi qu’avec une profonde sagesse, saint Augustin s’exprimait sur ce thème. Il est donc important qu’aussi bien dans la pastorale que dans le milieu académique, soit bien mise en évidence la relation intime entre les deux Testaments, en rappelant avec saint Grégoire-le-Grand que ce que «l’Ancien Testament a promis, le Nouveau Testament l’a fait voir; ce que celui-là annonçait de façon cachée, celui-ci le proclame ouvertement comme présent. C’est pourquoi l’Ancien Testament est prophétie du Nouveau Testament; et le meilleur commentaire de l’Ancien Testament est le Nouveau Testament»[126].

Les pages «obscures» de la Bible

42. Dans le contexte de la relation entre l’Ancien et le Nouveau Testament, le Synode a aussi abordé le thème des pages de la Bible qui se révèlent obscures et difficiles en raison de la violence et de l’immoralité qu’elles contiennent parfois. À ce sujet, il faut avant tout tenir compte du fait que la Révélation biblique est profondément enracinée dans l’histoire. Le dessein de Dieu s’y manifeste progressivement et se réalise lentement à travers des étapes successives, malgré la résistance des hommes. Dieu choisit un peuple et l’éduque avec patience. La Révélation s’adapte au niveau culturel et moral d’époques lointaines et rapporte par conséquent des faits et des usages, par exemple des manœuvres frauduleuses, des interventions violentes, l’extermination de populations, sans en dénoncer explicitement l’immoralité. Cela s’explique par le contexte historique, mais peut surprendre le lecteur moderne, surtout lorsqu’on oublie les nombreux comportements «obscurs» que les hommes ont toujours eus au long des siècles, et cela jusqu’à nos jours. Dans l’Ancien Testament, la prédication des prophètes s’élève vigoureusement contre tout type d’injustice et de violence, collective ou individuelle, et elle est de cette façon l’instrument d’éducation donné par Dieu à son Peuple pour le préparer à l’Évangile. Il serait donc erroné de ne pas considérer ces passages de l’Écriture qui nous apparaissent problématiques. Il faut plutôt être conscient que la lecture de ces pages requiert l’acquisition d’une compétence spécifique, à travers une formation qui lit les textes dans leur contexte historico-littéraire et dans la perspective chrétienne qui a pour ultime clé herméneutique «l’Évangile et le Commandement nouveau de Jésus-Christ accompli dans le Mystère pascal»[127]. J’exhorte donc les chercheurs et les Pasteurs à aider tous les fidèles à s’approcher aussi de ces pages à travers une lecture qui fasse découvrir leur signification à la lumière du Mystère du Christ.

Chrétiens et Juifs face aux Écritures

43. En considérant les étroites relations qui lient le Nouveau Testament à l’Ancien, notre attention se porte spontanément sur le lien particulier qui en résulte entre Chrétiens et Juifs, un lien qui ne devrait jamais être oublié. Aux Juifs, le Pape Jean-Paul II a déclaré: vous êtes «‘nos frères préférés’ dans la foi d’Abraham, notre patriarche»[128]. Certes, cette déclaration ne signifie pas une méconnaissance des ruptures affirmées dans le Nouveau Testament à l’égard des institutions de l’Ancien Testament et encore moins, de l’accomplissement des Écritures dans le Mystère de Jésus-Christ, reconnu Messie et Fils de Dieu. Cependant, cette différence profonde et radicale n’implique aucunement une hostilité réciproque. L’exemple de saint Paul (cf. Rm 9-11) démontre, au contraire, qu’«une attitude de respect, d’estime et d’amour pour le Peuple juif est la seule attitude véritablement chrétienne dans cette situation qui fait mystérieusement partie du dessein, totalement positif, de Dieu»[129]. Saint Paul, en effet, affirme à propos des Juifs que «le choix de Dieu en a fait des bien-aimés, et c’est à cause de leurs pères. Les dons de Dieu et son appel sont irrévocables» (Rm 11, 28-29).

En outre, saint Paul utilise la belle image de l’olivier pour décrire les relations très étroites entre Chrétiens et Juifs: l’Église des Gentils est comme un rameau d’olivier sauvage, greffé sur l’olivier franc qui est le Peuple de l’Alliance (cf. Rm 11, 17-24). Nous tirons donc notre nourriture des mêmes racines spirituelles. Nous nous rencontrons comme des frères, des frères qui à certains moments de leur histoire ont eu une relation tendue, mais qui sont maintenant fermement engagés dans la construction de ponts sur la base d’une amitié durable[130]. C’est encore le Pape Jean-Paul II qui disait: «Nous avons beaucoup en commun. Ensemble, nous pouvons faire beaucoup pour la paix, pour la justice et pour un monde plus fraternel et plus humain»[131].

Je désire réaffirmer encore une fois combien le dialogue avec les Juifs est précieux pour l’Église. Il est bon que, là où on en voit l’opportunité, se créent des occasions de rencontre et d’échange, y compris publiques, qui favorisent l’approfondissement de la connaissance mutuelle, de l’estime réciproque et de la collaboration, également dans l’étude des Saintes Écritures.

L’interprétation fondamentaliste de la Sainte Écriture

44. L’attention que nous avons voulu donner jusqu’à présent au thème de l’herméneutique biblique sous ses différents aspects nous permet d’aborder celui, apparu plusieurs fois au cours du débat synodal, de l’interprétation fondamentaliste de la Sainte Écriture[132]. Sur ce thème, la Commission biblique pontificale, dans le document sur L’interprétation de la Bible dans l’Église, a formulé des indications importantes. Dans ce contexte, je voudrais attirer l’attention surtout sur ces lectures qui ne respectent pas la nature authentique du texte sacré, favorisant des interprétations subjectives et arbitraires. En effet, le «littéralisme» mis en avant par la lecture fondamentaliste représente en réalité une trahison aussi bien du sens littéral que du sens spirituel, ouvrant la voie à des instrumentalisations de diverses natures, répandant par exemple des interprétations anti-ecclésiales des Écritures elles-mêmes. L’aspect problématique de la «lecture fondamentaliste est que, en refusant de tenir compte du caractère historique de la Révélation biblique, on se rend incapable d’accepter pleinement la vérité de l’Incarnation elle-même. Le fondamentalisme fuit l’étroite relation du divin et de l’humain dans les rapports avec Dieu (…) Pour cette raison, il tend à traiter le texte biblique comme s’il avait été dicté mot à mot par l’Esprit et n’arrive pas à reconnaître que la Parole de Dieu a été formulée dans un langage et une phraséologie conditionnés par telle ou telle époque»[133]. Au contraire, le Christianisme perçoit dans les paroles la Parole, le Logos lui-même, qui fait rayonner son Mystère à travers cette multiplicité et la réalité d’une histoire humaine[134]. La véritable réponse à une lecture fondamentaliste est «la lecture croyante de l’Écriture Sainte, pratiquée depuis l’Antiquité dans la Tradition de l’Église, [Celle-ci] cherche la vérité qui sauve pour la vie de chaque fidèle et pour l’Église. Cette lecture reconnaît la valeur historique de la Tradition biblique. C’est précisément à cause de cette valeur de témoignage historique que celle-ci veut redécouvrir la signification vivante des Écritures Saintes destinées aussi à la vie du croyant d’aujourd’hui»[135], sans ignorer, donc, la médiation humaine du texte inspiré et ses genres littéraires.

Le dialogue entre Pasteurs, théologiens et exégètes

45. L’herméneutique authentique de la foi entraîne avec elle certaines conséquences importantes dans le domaine de l’activité pastorale de l’Église. Précisément à ce propos, les Pères synodaux ont recommandé, par exemple, un lien plus étroit entre Pasteurs, exégètes et théologiens. Il est bon que les Conférences épiscopales favorisent ce type de rencontre «en vue de promouvoir une plus grande communion au service de la Parole de Dieu»[136]. Une telle coopération aidera chacun à mieux remplir sa tâche propre au bénéfice de toute l’Église. En effet, s’inscrire sur l’horizon du travail pastoral signifie, également pour les chercheurs, se trouver face au texte sacré en tant que communication que le Seigneur fait aux hommes pour leur salut. C’est pourquoi, comme l’a déclaré la Constitution dogmatique Dei Verbum, il est recommandé que «les exégètes catholiques et ceux qui s’adonnent à la théologie sacrée, unissant avec zèle leurs forces, s’appliquent, sous la vigilance du Magistère sacré, et par le recours aux moyens appropriés, à scruter les divines lettres et à les présenter si bien que le plus grand nombre possible des serviteurs de la Parole divine puissent fournir au Peuple de Dieu, de façon fructueuse, l’aliment des Écritures, qui éclaire les esprits, affermit les volontés, enflamme le cœur des hommes pour l’amour de Dieu»[137].

Bible et œcuménisme

46. Dans la conscience que l’Église a d’être fondée sur le Christ, le Verbe de Dieu fait chair, le Synode a voulu souligner le caractère central des études bibliques dans le dialogue œcuménique en vue de la pleine expression de l’unité de tous les croyants dans le Christ[138]. Dans l’Écriture elle-même, en effet, nous trouvons la prière vibrante de Jésus au Père pour que ses disciples soient un afin que le monde croie (cf. Jn 17, 21). Tout cela nous renforce dans la conviction qu’écouter et méditer ensemble les Écritures nous fait vivre une communion réelle même si elle n’est pas encore pleine;[139] «l’écoute commune des Écritures nous pousse ainsi au dialogue de la charité et fait grandir celui de la vérité»[140]. En effet, écouter ensemble la Parole de Dieu, pratiquer la Lectio divina de la Bible, se laisser surprendre par la nouveauté, qui jamais ne vieillit ou ne s’épuise, de la Parole de Dieu, dépasser notre surdité sur ces paroles qui ne s’accordent pas avec nos opinions et nos préjugés, écouter et étudier dans la communion avec les croyants de tous les temps: tout cela constitue un chemin à parcourir pour atteindre l’unité de la foi, en tant que réponse à l’écoute de la Parole[141]. Les paroles du Concile Vatican II étaient véritablement éclairantes: «Les Écritures Saintes sont, dans le dialogue [œcuménique] lui-même, des instruments insignes entre les mains puissantes de Dieu pour obtenir cette unité que le Sauveur offre à tous les hommes»[142]. En conséquence, il est bon de développer l’étude, le débat et les célébrations œcuméniques de la Parole de Dieu, dans le respect des règles en vigueur et des diverses traditions[143]. Ces célébrations profitent à la cause de l’œcuménisme et, quand elles sont vécues dans leur sens véritable, elles constituent des moments intenses d’une authentique prière pour demander à Dieu de hâter le jour désiré où nous pourrons tous nous approcher de la même table et boire à l’unique calice. Cependant, dans la juste et louable promotion de ces moments, il faut faire en sorte qu’ils ne soient pas proposés aux fidèles en remplacement de la sainte Messe prévue les jours d’obligation.

Dans ce travail d’étude et de prière, nous reconnaissons avec sérénité également les aspects qui demandent à êtres approfondis et sur lesquels nous sommes encore éloignés, comme par exemple la compréhension du sujet qui, dans l’Église, fait autorité pour l’interprétation et le rôle décisif du Magistère[144].

Je voudrais souligner, par ailleurs, ce qu’ont dit les Pères synodaux au sujet de l’importance, dans ce labeur œcuménique, des traductions de la Bible dans les différentes langues. Nous savons en effet que traduire un texte n’est pas une tâche purement mécanique mais fait partie en un certain sens du travail d’interprétation. À ce sujet, le vénérable Jean-Paul II a affirmé: «Ceux qui se rappellent quelle influence les débats autour de l’Écriture ont eue sur les divisions, surtout en Occident, peuvent comprendre l’avancée notable que représentent ces traductions communes»[145]. En ce sens, la promotion des traductions communes de la Bible participe à l’effort œcuménique. Je désire remercier ici tous ceux qui portent cette grande responsabilité et les encourager à poursuivre leur tâche.

Conséquences sur l’organisation des études théologiques

47. Une autre conséquence qui dérive d’une herméneutique correcte de la foi concerne la nécessité d’en montrer les implications pour la formation exégétique et théologique, en particulier des candidats au sacerdoce. On doit faire en sorte que l’étude de la Sainte Écriture soit véritablement l’âme de la théologie dans la mesure où l’on reconnaît en elle la Parole de Dieu, qui s’adresse aujourd’hui au monde, à l’Église et à chacun personnellement. Il est important que les critères indiqués par le numéro 12 de la Constitution dogmatique Dei Verbum soient effectivement pris en considération et fassent l’objet d’un approfondissement. Qu’on évite de cultiver un concept de recherche scientifique, que l’on voudrait neutre face à l’Écriture. C’est pourquoi, en même temps que l’étude des langues dans lesquelles la Bible a été écrite et des méthodes d’interprétation qui conviennent, il est nécessaire que les étudiants aient une profonde vie spirituelle, de façon à saisir qu’on ne peut comprendre l’Écriture que si on la vit.

Dans cette perspective, je recommande que l’étude de la Parole de Dieu, transmise et écrite, ait lieu dans un esprit profondément ecclésial. Dans ce but, qu’on tienne justement compte, dans la formation académique, des interventions du Magistère sur cette thématique, lequel «n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis, pour autant que, par mandat divin et avec l’assistance du Saint-Esprit, il écoute cette Parole pieusement, la garde saintement et l’expose fidèlement»[146]. Il convient donc de veiller à ce que les études se déroulent dans la conviction que «selon le très sage dessein de Dieu, la sainte Tradition, la Sainte Écriture et le Magistère de l’Église sont reliés et associés entre eux de telle façon qu’aucun d’entre eux ne subsiste sans les autres»[147]. Je souhaite donc que, selon l’enseignement du Concile Vatican II, l’étude de l’Écriture Sainte, lue dans la communion de l’Église universelle, soit réellement comme l’âme des études théologiques[148].

Les saints et l’interprétation de l’Écriture

48. L’interprétation de la Sainte Écriture demeurerait incomplète si on ne se mettait pas à l’écoute de qui a véritablement vécu la Parole de Dieu, c’est-à-dire les saints[149]. De fait, «viva lectio est vita bonorum»[150]. En effet, l’interprétation la plus profonde de l’Écriture vient proprement de ceux qui se sont laissés modeler par la Parole de Dieu, à travers l’écoute, la lecture et la méditation assidue.

Ce n’est certainement pas un hasard si les grandes spiritualités qui ont marqué l’histoire de l’Église sont issues d’une référence explicite à l’Écriture. Je pense par exemple à saint Antoine abbé, mu par l’écoute des paroles du Christ: «Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi» (Mt 19, 21)[151]. Le cas de saint Basile le Grand n’est pas moins suggestif, lui qui, dans l’opera Moralia s’interroge: «Qu’est-ce qui est le propre de la foi? C’est la pleine et indubitable certitude de la vérité des paroles inspirées par Dieu […] Qu’est-ce qui est le propre du fidèle? De se conformer avec cette totale certitude à ce qu’expriment les paroles de l’Écriture, et ne pas oser en retrancher ou en ajouter une seule»[152]. Saint Benoît, dans sa Règle, renvoie à l’Écriture en tant que «norme parfaitement droite pour la vie humaine»[153]. Saint François d’Assise – écrit Tommaso de Celano – «en entendant que les disciples du Christ ne devaient posséder ni or, ni argent, ni monnaie, ni prendre de besace, ni pain, ni bâton pour la route, ni avoir de sandales, ni deux tuniques … aussitôt, exultant dans l’Esprit Saint, s’exclama: ‘cela je le veux, cela je le demande, cela je désire le faire de tout mon cœur!’»[154]. Sainte Claire d’Assise reprend pleinement à son compte l’expérience de saint François: «La forme de vie de l’Ordre des Sœurs pauvres (…) est celle-ci: observer le saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ»[155]. Saint Dominique de Guzman aussi, «partout, se présentait comme un homme évangélique, dans ses paroles comme dans ses œuvres» [156] et il voulait que tels soient ses frères prédicateurs: «des hommes évangéliques»[157]. Sainte Thérèse de Jésus, carmélite, qui dans ses écrits recourt continuellement à des images bibliques pour expliquer son expérience mystique, rappelle que Jésus lui-même lui révèle que «tout le mal du monde provient de l’absence de connaissance claire des vérités de l’Écriture Sainte»[158]. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus découvre l’Amour comme sa vocation personnelle en scrutant les Écritures, en particulier les chapitres 12 et 13 de la première Lettre aux Corinthiens;[159] c’est la même sainte qui décrit la fascination qu’exercent les Écritures: «Je n’ai qu’à jeter les yeux dans le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir»[160]. Chaque saint représente comme un rayon de lumière qui jaillit de la Parole de Dieu: de même nous pensons à saint Ignace de Loyola dans sa recherche de la vérité et dans le discernement spirituel; à saint Jean Bosco dans sa passion pour l’éducation des jeunes; à saint Jean-Marie Vianney dans sa conscience de la grandeur du sacerdoce comme don et devoir; à saint Pio de Pietrelcina en tant qu’instrument de la miséricorde divine; à saint Josemaría Escrivá dans sa prédication sur l’appel universel à la sainteté; à la bienheureuse Teresa de Calcutta, missionnaire de la charité de Dieu pour les plus délaissés, et jusqu’aux martyrs du nazisme et du communisme, représentés, d’une part, par sainte Bénédicte de la Croix (Édith Stein), moniale carmélite, et, d’autre part, par le bienheureux Aloys Stepinac, Cardinal Archevêque de Zagreb.

49. La sainteté dans son rapport à la Parole de Dieu s’inscrit ainsi d’une certaine façon dans la tradition prophétique, où la Parole de Dieu prend à son service la vie même du prophète. En ce sens, la sainteté dans l’Église constitue une herméneutique de l’Écriture dont personne ne peut faire abstraction. L’Esprit Saint qui a inspiré les auteurs sacrés est le même qui conduit les saints à donner leur vie pour l’Évangile. Se mettre à leur école représente un chemin sûr pour entreprendre une interprétation vivante et efficace de la Parole de Dieu.

De ce lien entre Parole de Dieu et sainteté, nous avons eu un témoignage direct pendant la XIIe Assemblée du Synode, lorsque le 12 octobre, sur la place saint Pierre, s’est déroulée la canonisation de quatre nouveaux saints: le prêtre Gaetano Errico, fondateur de la Congrégation des Missionnaires des Sacrés Cœurs de Jésus et Marie; Mère Maria Bernarda Bütler, née en Suisse et missionnaire en Équateur et en Colombie; Sœur Alphonsine de l’Immaculée Conception, première sainte canonisée née en Inde; la jeune laïque équatorienne Narcisa de Jésus Martillo Morán. Par leur vie, ils ont rendu témoignage pour le monde et pour l’Église à la fécondité éternelle de l’Évangile du Christ. Demandons au Seigneur que, par l’intercession de ces saints, canonisés précisément au cours de l’Assemblée synodale sur la Parole de Dieu, notre vie soit cette «bonne terre» sur laquelle le divin Semeur puisse semer la Parole afin qu’elle porte en nous des fruits de sainteté, «trente, soixante, cent pour un» (Mc 4, 20).


[1] Cf. XIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, Relatio ante disceptationem, I: L’ORf, 4 novembre 2008, p. 9.

[2] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 2.

[3] Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. 1: AAS 98 (2006), pp. 217-218.

[4] XIIe Assemblée Générale ordinaire du Synode des Évêques, Instrumentum laboris, n. 9.

[5] Credo de Nicée Constantinople: DS 150.

[6] Saint Bernard de Clairvaux, Homelia super missus est, IV, 11: PL 183, 86 B.

[7] Cf. Conc.Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 10.

[8] Cf. Proposition 3.

[9] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus Christ et de l’Église Dominus Iesus (6 août 2000) nn. 13-15: AAS 92 (2000), pp. 754-756.

[10] Cf. In Hexaemeron, XX, 5: Opera Omnia, V, Quaracchi 1891, pp. 425-426 ; Breviloquium I, 8: Opera Omnia, V, Quaracchi 1891, pp. 216-217.

[11] Saint Bonaventure, Itinerarium mentis in Deum, II, 12 : Opera Omnia, V, Quaracchi, 1891, pp. 302-303 ; cf. Commentarius in librum Ecclesiastes, Chap. 1, vers. 11; Quaestiones, II, 3, Quaracchi 1891, p. 16.

[12] Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 3; cf. Conc. Œcum. Vat. I, Const. dogm. sur la foi catholique Dei Filius, chap. 2, De revelatione: DS 3004.

[13] Cf. Proposition 13.

[15] Cf. Summa Theologiae, Ia-IIae, q. 94, a. 2.

[16] Cf. Commission Biblique Pontificale, Bible et morale, Racines bibliques de l’agir chrétien (11 mai 2008), nn. 13, 32 et 109.

[18] Cf. Benoît XVI, Méditation à l’occasion de l’ouverture du Synode des Évêques (6 octobre 2008): ASS 100 (2008), 758-761, L’ORf, 14 octobre 2008, p. 11.

[19] Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 14.

[20] Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. 1: AAS 98 (2006), pp. 217-218.

[21] «Ho Logos pachynetai (ou brachynetai)». Cf. Origène, Péri Archon, I, 2, 8: Sources Chrétiennes (par la suite SC ) 252, p. 127-129.

[22] Benoît XVI, Homélie au cours de la Messe de la Nativité du Seigneur (24 décembre 2006): AAS 99 (2007), p. 12, L’ORf, 2 janvier 2007, p. 2.

[23] Cf. XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, Message final, II, 4-6.

[24] Saint Maxime le Confesseur, La vie de Marie, n. 89 : CSCO 479, p. 77.

[25] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 9-10: AAS 99 (2007), pp. 111- 112.

[26] Cf. Benoît XVI, Audience Générale (15 avril 2009): L’ORf, 21 avril 2009, p. 2.

[27] Cf. Benoît XVI, Homélie en la solennité de l’Épiphanie du Seigneur (6 janvier 2009): L’ORf, 13 janvier 2009, p. 6.

[28] Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 4.

[29] Proposition 4.

[30] Cf. Saint Jean de la Croix, Montée du Carmel, II, 22.

[31] Proposition 47.

[33] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Le message de Fatima, (26 juin 2000): Ench. Vat. 19, n. 974-1021.

[34] Adversus haereses, IV, 7, 4; SC 100, p. 465; V, 1, 3: SC 153, p. 73; V, 28,4: SC 153, p. 361.

[35] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 12: AAS 99 (2007), pp. 113-114.

[36] Cf. Proposition 5.

[37] Adversus haereses, III 24, 1: SC 34, p. 401.

[38] Homeliae in Genesim, XXI, n. 1; PG 53, 175.

[39] Epistula 120, 10: CSEL 55, pp. 500-506.

[40] Homiliae Ezechielem I. VII. 17: CC 142, p. 94.

[41] «Oculi ergo devotae animae sunt columbarum quia sensus eius per Spiritum sanctum sunt illuminati et edocti, spiritualia sapientes… Nunc quidem aperitur animae talis sensus, ut intellegat Scripturas»: Richard de Saint-Victor, Explicatio in Cantica canticorum, 15: PL 196, 450 B et D.

[42] Sacramentum Serapionis, II (XX), Didascalia et Constitutiones apostolorum, ed. F. X. Funk II, Paderborn 1906, p. 161.

[43] Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 7.

[46] Cf. Proposition 3.

[47] Cf. XIIe Assemblée Générale ordinaire du Synode des Évêques, Message final, n. 5.

[48] Expositio Evangelii secundum Lucam 6, 33: SC45, p. 240.

[49] Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 13.

[50] Catéchisme de l’Église Catholique n. 102. Cf. aussi Rupert de Deutz, De operibus Spiritus Sancti, I, 6: SC 131, pp. 72-74.

[51] Enarrationes in Psalmos, 103, IV, 1: PL 37, 1378. Affirmations analogues chez Origène, In Ioannem V, 5-6: SC 120, pp. 380-384.

[52] Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 21.

[53] Ibidem n. 9.

[54] Cf. Propositions 5 et 12.

[55] Cf. Conc. œcum.  Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 12.

[56] Cf. Proposition 12.

[57] Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 11.

[58] Proposition 4.

[59] Prol. Opera omnia V, Quaracchi 1891, pp. 201-202.

[61] Cf.  Proposition 4.

[62] Cf.  XIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, Relatio post disceptationem, n. 12.

[63] Conc. Œcum.  Vat. II, Const. dogm. Sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 5.

[64] Proposition 4.

[65] Par exemple  Dt 28,1-2.15.45; 32,1; dans les prophètes cf. Jr 7,22-28; Is 2,8; 3,10; 6,3; 13,2; jusqu’aux derniers: cf. Za 3,8. Chez saint Paul cf. Rm 10,14-18; 1Th 2,13.

[66] Proposition 55.

[67] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 33: AAS 99 (2007), (pp. 132-133).

[68] Idem, Deus caritas est (25 décembre 2005), 41: AAS 98 (2006), p. 251.

[69] Proposition 55.

[70] Cf. Expositio Evangelii secundum Lucam 2, 19: PL 15, pp. 1559-1560.

[71] Breviloquium, Prol. Opera Omnia, V, Quaracchi 1891, pp. 201-202.

[72] Somme Théologique, Ia-IIae, q.106, art.2.

[73] Commission biblique pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église (15 avril 1993), III, A, 3 : Ench. Vat. 13, n. 3035. Dans l’édition du Cerf, Paris, 2010 (citée par la suite), p. 83.

[74] Conc. œcum. vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 12.

[75] Contra epistulam Manichaei quam vocant fundamenti, V, 6: PL 42,176.

[76] Cf. Benoît XVI, Audience générale (14 novembre 2007) : L’ORf, 20 novembre 2007, p. 12.

[77] Commentariorum in Isaiam libri, Prol. : PL 24,17.

[78] Epistula 52, 7 : CSEL 54, p. 426.

[79] Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église (15 avril 1993), II, A, 2 : Ench. Vat. 13, n. 2988.

[80] Ibidem, II, A, 2 : Ench. Vat. 13, n. 2991.

[81] Homiliae in Ezechielem, I, VII, 8: CCL 142, 87 (PL 76, 843 D).

[82] Conc. œcum. vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 24 ; cf. Leon XIII, Lett. enc. Providentissimus Deus (18 novembre 1893), Pars II, sub fine : AAS 26 (1893-94), pp. 269-292 ; Benoît XV, Lett.enc. Spiritus Paraclitus (15 septembre 1920), Pars III : AAS 12(1920), pp. 285-422.

[83] Cf. Proposition 26.

[84] Cf. Commission biblique pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église (15 avril 1993), A-B: Ench. Vat. 13, nn. 2846-3150.

[87] Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 10.

[89] Ibid. n. 4: AAS 86 (1994), p. 235; La DC n. 2073, p. 504.

[90] Ibid. n. 5: AAS 86 (1994), p. 235; La DC n. 2073, p. 505.

[91] Ibid. n. 5: AAS 86 (1994), p. 236; La DC n. 2073, p. 505.

[92] Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église (15 avril 1993), III, C, 1: Ench. Vat. 13, n. 3065.

[93] N. 12.

[95] Cf. Proposition 26.

[96] Proposition 27.

[98] Cf. Ibid.

[99] Ibid.

[100] Cf. Proposition 27.

[102] Jean-Paul  II, Lett. enc. Fides et ratio (14 septembre 1998), n. 55: AAS 91 (1999), pp. 49-50.

[103] Cf. Benoît  XVI, Discours au 4ème Congrès national ecclésial d’Italie (19 octobre 2006): AAS 98 (2006), pp. 804-815; L’ORf, 24 octobre 2006, p. 3-4.

[104] Cf.  Proposition 6.

[105] Cf. Saint Augustin, De libero arbitrio, III, XXI, 59: PL 32, 1300; De Trinitate, II, I, 2: PL 42, 845.

[106] Congrégation pour l’Éducation Catholique, Instr. Inspectis dierum (10 novembre 1989), n. 26: AAS 82 (1990), p. 618.

[108] Summa Theologiae, I, q.1, a.10, ad 1.

[110] Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église (15 avril 1993), II, A, 2: Ench. Vat. N. 2987.

[111] Ibid., II, B, 2: Ench. Vat. 13, n. 3003.

[113] Ibidem.

[114] Cf. Benoît XVI, Audience générale (9 janvier 2008): L’ORf, 15 janvier 2008, p. 12.

[115] Cf. Proposition 29.

[116] De arca Noe, 2, 8: PL 176, 642 C-D.

[118] Cf. Proposition 10; Commission Biblique Pontificale, Le peuple juif et ses Écritures saintes dans la Bible chrétienne (24 mai 2001), n. 3-5: Ench. Vat. 20, nn. 748-755.

[120] Proposition 52.

[121] Cf. Commission Biblique Pontificale, Le peuple juif et ses Écritures saintes dans la Bible chrétienne (24 mai 2001), 19: Ench. Vat. 20, nn. 799-801; cf. Origène, Homélies sur les Nombres 9, 4: SC 415, p. 238-242.

[124] Proposition 52.

[125] Questiones in Heptateuchum, 2, 73: PL 34, 623.

[126] Homiliae in Ezechielem, I, VI, 15: PL, 76, 836 B.

[127] Proposition 29.

[128] Jean-Paul II, Message au Grand Rabbin de Rome (22 mai 2004). La DC n. 2316, p. 553.

[131] Jean-Paul II, Discours aux grands rabbins d’Israël (23 mars 2000), La DC n. 2224, p. 372.

[132] Cf. Propositions 46 et 47.

[133] Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église (15 avril 1993), I, F; pp. 62-63: Ench. Vat. 13, n. 2974.

[135] Proposition 46.

[136] Proposition 28.

[137] Conc. Œcum.Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 23.

[138] On rappelle cependant qu’en ce qui concerne les Livres dits deutérocanoniques de l’Ancien Testament et leur inspiration, les Catholiques et les Orthodoxes n’ont pas exactement le même canon biblique que les Anglicans et les Protestants.

[139] Cf. XIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, Relatio post disceptationem, n. 36.

[140] Proposition 36.

[142] Conc. Œcum. Vat. II, Décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio, n. 21.

[143] Cf. Proposition 36.

[144] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 10.

[145] Lett. enc. Ut unum sint, (25 mai 1995), n. 44: AAS 87 (1995), p. 947.

[146] Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 10.

[149] Cf. Proposition 22.

[150] S. Grégoire le Grand, Moralia in Job XXIV, VIII, 16: PL 76, 295.

[151] Cf. Saint Athanase, Vita Antonii, 2, 4: PL 73, 127.

[152] Moralia, Regula : LXXX, XXII, PG 31, 867.

[153] Règle, n. 73, 3: SC 182, p. 673.

[154] Tommaso de Celano, La vita prima di S. Francesco, 22, 2-3: FF 670.672.

[155] Règle, I, 1-2: FF 2292.

[156] B. Giordano da Sassonia, Libellus de principiis Ordinis Praedicatorum, 104 : Monumenta Fratrum Praedicatorum Historica, Roma 1935, 16, p. 75.

[157] Ordre des Frères Prêcheurs, Premières Constitutions ou Consuetudines, II, XXXI.

[158] Vie 40, 1.

[159] Cf. Histoire d’une âme, Ms B, foglio 3 recto.

[160] Ibidem, Ms C, foglio 35 verso.
 

   

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