CHAPITRE
DEUXIEME
JE CROIS EN
JÉSUS-CHRIST, LE FILS UNIQUE DE DIEU
La Bonne
Nouvelle : Dieu a envoyé son Fils
422
" Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né
d’une femme, né sujet de la loi, afin de racheter les sujets de la
loi, afin de nous conférer l’adoption filiale " (Ga 4, 4-5). Voici
" la Bonne Nouvelle touchant Jésus-Christ, Fils de Dieu " (Mc 1,
1) : Dieu a visité son peuple (cf. Lc 1, 68), il a accompli les
promesses faites à Abraham et à sa descendance (cf. Lc 1, 55) ; il
l’a fait au-delà de toute attente : Il a envoyé son " Fils
bien-aimé " (Mc 1, 11).
423 Nous
croyons et confessons que Jésus de Nazareth, né juif d’une fille
d’Israël, à Bethléem, au temps du roi Hérode le Grand et de
l’empereur César Auguste ; de son métier charpentier, mort crucifié
à Jérusalem, sous le procureur Ponce Pilate, pendant le règne de
l’empereur Tibère, est le Fils éternel de Dieu fait homme, qu’il est
" sorti de Dieu " (Jn 13, 3), " descendu du ciel " (Jn 3, 13 ; 6,
33), " venu dans la chair " (1 Jn 4, 2), car " le Verbe s’est fait
chair et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire
qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de
vérité (...). Oui, de sa plénitude nous avons tous reçu et grâce
pour grâce " (Jn 1, 14. 16).
424 Mûs
par la grâce de l’Esprit Saint et attirés par le Père nous croyons
et nous confessons au sujet de Jésus : " Tu es le Christ, le Fils du
Dieu Vivant " (Mt 16, 16). C’est sur le roc de cette foi, confessée
par S. Pierre, que le Christ a bâti son Église (cf. Mt 16, 18 ; S.
Léon le Grand, serm. 4, 3 : PL 54, 151 ; 51, 1 : PL 54, 309B ; 62,
2 : PL 350C-351A ; 83, 3 : PL 54, 432A).
" Annoncer
l’insondable richesse du Christ "
(Ep 3, 8)
425 La
transmission de la foi chrétienne, c’est d’abord l’annonce de
Jésus-Christ, pour conduire à la foi en Lui. Dès le commencement,
les premiers disciples ont brûlé du désir d’annoncer le Christ :
" Nous ne pouvons pas, quant à nous, ne pas publier ce que nous
avons vu et entendu " (Ac 4, 20). Et ils invitent les hommes de tous
les temps à entrer dans la joie de leur communion avec le Christ :
Ce que nous
avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons
contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; – car la
vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage
et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était auprès du Père
et qui nous est apparue ; – ce que nous avons vu et entendu, nous
vous l’annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec
nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son
Fils Jésus-Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre
joie soit complète (1 Jn 1, 1-4).
Au cœur de la
catéchèse : le Christ
426 " Au
cœur de la catéchèse nous trouvons essentiellement une Personne,
celle de Jésus de Nazareth, Fils unique du Père (...), qui a
souffert et qui est mort pour nous et qui maintenant, ressuscité,
vit avec nous pour toujours (...). Catéchiser (...), c’est dévoiler
dans la Personne du Christ tout le dessein éternel de Dieu. C’est
chercher à comprendre la signification des gestes et des paroles du
Christ, des signes réalisés par lui " (CT 5). Le but de la
catéchèse : " Mettre en communion avec Jésus-Christ : lui seul peut
conduire à l’amour du Père dans l’Esprit et nous faire participer à
la vie de la Trinité Sainte " (ibid.).
427
" Dans la catéchèse, c’est le Christ, Verbe incarné et Fils de Dieu,
qui est enseigné – tout le reste l’est en référence à lui ; et seul
le Christ enseigne, tout autre le fait dans la mesure où il est son
porte-parole, permettant au Christ d’enseigner par sa bouche (...).
Tout catéchiste devrait pouvoir s’appliquer à lui-même la
mystérieuse parole de Jésus : ‘Ma doctrine n’est pas de moi, mais de
celui qui m’a envoyé’ (Jn 7, 16) " (ibid., 6).
428 Celui
qui est appelé à " enseigner le Christ ", doit donc d’abord chercher
" ce gain suréminent qu’est la connaissance du Christ " ; il faut
" accepter de tout perdre (...) afin de gagner le Christ et d’être
trouvé en lui ", et de " le connaître, lui, avec la puissance de sa
résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme
dans la mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les
morts " (Ph 3, 8-11).
429 C’est
de cette connaissance amoureuse du Christ que jaillit le désir de
L’annoncer, d’" évangéliser ", et de conduire d’autres au " oui " de
la foi en Jésus-Christ. Mais en même temps se fait sentir le besoin
de toujours mieux connaître cette foi. A cette fin, en suivant
l’ordre du Symbole de la foi, seront d’abord présentés les
principaux titres de Jésus : le Christ, le Fils de Dieu, le Seigneur
(article 2). Le Symbole confesse ensuite les principaux
mystères de la vie du Christ : ceux de son Incarnation (article 3),
ceux de sa Pâque (articles 4 et 5), enfin ceux de sa
glorification (articles 6 et 7).
Article 2
" ET EN
JESÚS-CHRIST, SON FILS UNIQUE, NOTRE SEIGNEUR "
I. Jésus
430 Jésus
veut dire en hébreu : " Dieu sauve ". Lors de l’Annonciation, l’ange
Gabriel lui donne comme nom propre le nom de Jésus qui exprime à la
fois son identité et sa mission (cf. Lc 1, 31). Puisque " Dieu seul
peut remettre les péchés " (Mc 2, 7), c’est lui qui, en Jésus, son
Fils éternel fait homme " sauvera son peuple de ses péchés " (Mt 1,
21). En Jésus, Dieu récapitule ainsi toute son histoire de salut en
faveur des hommes.
431 Dans
l’histoire du salut, Dieu ne s’est pas contenté de délivrer Israël
de " la maison de servitude " (Dt 5, 6) en le faisant sortir
d’Égypte. Il le sauve encore de son péché. Parce que le péché est
toujours une offense faite à Dieu (cf. Ps 51, 6), c’est Lui seul qui
peut l’absoudre (cf. Ps 51, 12). C’est pourquoi Israël, en prenant
de plus en plus conscience de l’universalité du péché, ne pourra
plus chercher le salut que dans l’invocation du nom du Dieu
Rédempteur (cf. Ps 79, 9).
432 Le
nom de Jésus signifie que le nom même de Dieu est présent en la
personne de son Fils (cf. Ac 5, 41 ; 3 Jn 7) fait homme pour la
rédemption universelle et définitive des péchés. Il est le nom divin
qui seul apporte le salut (cf. Jn 3, 5 ; Ac 2, 21) et il peut
désormais être invoqué de tous car il s’est uni à tous les hommes
par l’Incarnation (cf. Rm 10, 6-13) de telle sorte qu’" il n’y a pas
sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel nous puissions
être sauvés " (Ac 4, 12 ; cf. Ac 9, 14 ; Jc 2, 7).
433 Le
nom du Dieu Sauveur était invoqué une seule fois par an par le grand
prêtre pour l’expiation des péchés d’Israël, quand il avait aspergé
le propitiatoire du Saint des Saints avec le sang du sacrifice (cf.
Lv 16, 15-16 ; Si 50, 20 ; He 9, 7). Le propitiatoire était le lieu
de la présence de Dieu (cf. Ex 25, 22 ; Lv 16, 2 ; Nb 7, 89 ; He 9,
5). Quand S. Paul dit de Jésus que " Dieu l’a destiné à être
propitiatoire par son propre sang " (Rm 3, 25), il signifie que dans
l’humanité de celui-ci, " c’était Dieu qui dans le Christ se
réconciliait le monde " (2 Co 5, 19).
434 La
Résurrection de Jésus glorifie le nom du Dieu Sauveur (cf. Jn 12,
28) car désormais, c’est le nom de Jésus qui manifeste en plénitude
la puissance suprême du " nom au-dessus de tout nom " (Ph 2, 9-10).
Les esprits mauvais craignent son nom (cf. Ac 16, 16-18 ; 19, 13-16)
et c’est en son nom que les disciples de Jésus font des miracles
(cf. Mc 16, 17), car tout ce qu’ils demandent au Père en son nom,
celui-ci le leur accorde (Jn 15, 16).
435 Le
nom de Jésus est au cœur de la prière chrétienne. Toutes les
oraisons liturgiques se concluent par la formule " par notre
Seigneur Jésus-Christ ". Le " Je vous salue, Marie " culmine dans
" et Jésus, le fruit de tes entrailles, est béni ". La prière du
cœur orientale appelée " prière à Jésus " dit : " Jésus-Christ, Fils
de Dieu, Seigneur prend pitié de moi pécheur ". De nombreux
chrétiens meurent en ayant, comme Ste Jeanne d’Arc, le seul mot de
" Jésus " aux lèvres (cf. P. Doncoeur et Y. Lanhers, La
réhabilitation de Jeanne la Pucelle, p. 39. 45. 56).
II. Christ
436 Christ
vient de la traduction grecque du terme hébreu " Messie " qui veut
dire " oint ". Il ne devient le nom propre de Jésus que parce que
celui-ci accomplit parfaitement la mission divine qu’il signifie. En
effet en Israël étaient oints au nom de Dieu ceux qui lui étaient
consacrés pour une mission venant de lui. C’était le cas des rois
(cf. 1 S 9, 16 ; 10, 1 ; 16, 1. 12-13 ; 1 R 1, 39), des prêtres (cf.
Ex 29, 7 ; Lv 8, 12) et, en de rares cas, des prophètes (cf. 1 R 19,
16). Ce devait être par excellence le cas du Messie que Dieu
enverrait pour instaurer définitivement son Royaume (cf. Ps 2, 2 ;
Ac 4, 26-27). Le Messie devait être oint par l’Esprit du Seigneur
(cf. Is 11, 2) à la fois comme roi et prêtre (cf. Za 4, 14 ; 6, 13)
mais aussi comme prophète (cf. Is 61, 1 ; Lc 4, 16-21). Jésus a
accompli l’espérance messianique d’Israël dans sa triple fonction de
prêtre, de prophète et de roi .
437
L’ange a annoncé aux bergers la naissance de Jésus comme celle du
Messie promis à Israël : " Aujourd’hui, dans la ville de David vous
est né un Sauveur qui est le Christ Seigneur " (Lc 2, 11). Dès
l’origine il est " celui que le Père a consacré et envoyé dans le
monde " (Jn 10, 36), conçu comme " saint " (Lc 1, 35) dans le sein
virginal de Marie. Joseph a été appelé par Dieu à " prendre chez lui
Marie son épouse " enceinte de " ce qui a été engendré en elle par
l’Esprit Saint " (Mt 1, 21) afin que Jésus " que l’on appelle
Christ " naisse de l’épouse de Joseph dans la descendance
messianique de David (Mt 1, 16 ; cf. Rm 1, 3 ; 2 Tm 2, 8 ; Ap 22,
16).
438 La
consécration messianique de Jésus manifeste sa mission divine.
" C’est d’ailleurs ce qu’indique son nom lui-même, car dans le nom
de Christ est sous-entendu Celui qui a oint, Celui qui a été oint et
l’Onction même dont il a été oint : Celui qui a oint, c’est le Père,
Celui qui a été oint, c’est le Fils, et il l’a été dans l’Esprit qui
est l’Onction " (S. Irénée, hær. 3, 18, 3). Sa consécration
messianique éternelle s’est révélée dans le temps de sa vie
terrestre lors de son baptême par Jean quand " Dieu l’a oint de
l’Esprit Saint et de puissance " (Ac 10, 38) " pour qu’il fût
manifesté à Israël " (Jn 1, 31) comme son Messie. Ses œuvres et ses
paroles le feront connaître comme " le saint de Dieu " (Mc 1, 24 ;
Jn 6, 69 ; Ac 3, 14).
439 De
nombreux juifs et même certains païens qui partageaient leur
espérance ont reconnu en Jésus les traits fondamentaux du " fils de
David " messianique promis par Dieu à Israël (cf. Mt 2, 2 ; 9, 27 ;
12, 23 ; 15, 22 ; 20, 30 ; 21, 9. 15). Jésus a accepté le titre de
Messie auquel il avait droit (cf. Jn 4, 25-26 ; 11, 27), mais non
sans réserve parce que celui-ci était compris par une partie de ses
contemporains selon une conception trop humaine (cf. Mt 22, 41-46),
essentiellement politique (cf. Jn 6, 15 ; Lc 24, 21).
440 Jésus
a accueilli la profession de foi de Pierre qui le reconnaissait
comme le Messie en annonçant la passion prochaine du Fils de l’Homme
(cf. Mt 16, 16-23). Il a dévoilé le contenu authentique de sa
royauté messianique à la fois dans l’identité transcendante du Fils
de l’Homme " qui est descendu du ciel " (Jn 3, 13 ; cf. Jn 6, 62 ;
Dn 7, 13) et dans sa mission rédemptrice comme Serviteur souffrant :
" Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir
et donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28 ; cf. Is
53, 10-12). C’est pourquoi le vrai sens de sa royauté n’est
manifesté que du haut de la Croix (cf. Jn 19, 19-22 ; Lc 23, 39-43).
C’est seulement après sa Résurrection que sa royauté messianique
pourra être proclamée par Pierre devant le Peuple de Dieu : " Que
toute la maison d’Israël le sache avec certitude : Dieu l’a fait
Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié " (Ac 2,
36).
III. Fils unique
de Dieu
441 Fils de
Dieu, dans l’Ancien Testament, est un titre donné aux anges (cf.
Dt 32, 8 ; Jb 1, 6), au peuple de l’Élection (cf. Ex 4, 22 ; Os 11,
1 ; Jr 3, 19 ; Si 36, 11 ; Sg 18, 13), aux enfants d’Israël (cf. Dt
14, 1 ; Os 2, 1) et à leurs rois (cf. 2 S 7, 14 ; Ps 82, 6). Il
signifie alors une filiation adoptive qui établit entre Dieu et sa
créature des relations d’une intimité particulière. Quand le
Roi-Messie promis est dit " fils de Dieu " (cf. 1 Ch 17, 13 ; Ps 2,
7), cela n’implique pas nécessairement, selon le sens littéral de
ces textes, qu’il soit plus qu’humain. Ceux qui ont désigné ainsi
Jésus en tant que Messie d’Israël (cf. Mt 27, 54) n’ont peut-être
pas voulu dire davantage (cf. Lc 23, 47).
442 Il
n’en va pas de même pour Pierre quand il confesse Jésus comme " le
Christ, le Fils du Dieu vivant " (Mt 16, 16) car celui-ci lui répond
avec solennité : " Cette révélation ne t’est pas venue de la
chair et du sang mais de mon Père qui est dans les cieux "
(Mt 16, 17). Parallèlement Paul dira à propos de sa conversion sur
le chemin de Damas : " Quand Celui qui dès le sein maternel m’a mis
à part et appelé par sa grâce daigna révéler en moi son Fils pour
que je l’annonce parmi les païens... " (Ga 1, 15-16). " Aussitôt il
se mit à prêcher Jésus dans les synagogues, proclamant qu’il est le
Fils de Dieu " (Ac 9, 20). Ce sera dès le début (cf. 1 Th 1, 10) le
centre de la foi apostolique (cf. Jn 20, 31) professée d’abord par
Pierre comme fondement de l’Église (cf. Mt 16, 18).
443 Si
Pierre a pu reconnaître le caractère transcendant de la filiation
divine de Jésus Messie, c’est que celui-ci l’a nettement laissé
entendre. Devant le Sanhédrin, à la demande de ses accusateurs :
" Tu es donc le Fils de Dieu ", Jésus a répondu : " Vous le dites
bien, je le suis " (Lc 22, 70 ; cf. Mt 26, 64 ; Mc 14, 61). Bien
avant déjà, Il s’est désigné comme " le Fils " qui connaît le Père
(cf. Mt 11, 27 ; 21, 37-38), qui est distinct des " serviteurs " que
Dieu a auparavant envoyés à son peuple (cf. Mt 21, 34-36), supérieur
aux anges eux-mêmes (cf. Mt 24, 36). Il a distingué sa filiation de
celle de ses disciples en ne disant jamais " notre Père " (cf. Mt 5,
48 ; 6, 8 ; 7, 21 ; Lc 11, 13) sauf pour leur ordonner " vous
donc priez ainsi : Notre Père " (Mt 6, 9) ; et il a souligné cette
distinction : " Mon Père et votre Père " (Jn 20, 17).
444 Les
Évangiles rapportent en deux moments solennels, le Baptême et la
transfiguration du Christ, la voix du Père qui Le désigne comme son
" Fils bien-aimé " (cf. Mt 3, 17 ; 17, 5). Jésus se désigne Lui-même
comme " le Fils Unique de Dieu " (Jn 3, 16) et affirme par ce titre
sa préexistence éternelle (cf. Jn 10, 36). Il demande la foi " au
nom du Fils unique de Dieu " (Jn 3, 18). Cette confession chrétienne
apparaît déjà dans l’exclamation du centurion face à Jésus en
croix : " Vraiment cet homme était Fils de Dieu " (Mc 15, 39). Dans
le mystère pascal seulement le croyant peut donner sa portée ultime
au titre de " Fils de Dieu ".
445 C’est
après sa Résurrection que sa filiation divine apparaît dans la
puissance de son humanité glorifiée : " Selon l’Esprit qui
sanctifie, par sa Résurrection d’entre les morts, il a été établi
comme Fils de Dieu dans sa puissance " (Rm 1, 4 ; cf. Ac 13, 33).
Les apôtres pourront confesser : " Nous avons vu sa gloire, gloire
qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de
vérité " (Jn 1, 14).
IV. Seigneur
446 Dans
la traduction grecque des livres de l’Ancien Testament, le nom
ineffable sous lequel Dieu s’est révélé à Moïse (cf. Ex 3, 14),
YHWH, est rendu par Kyrios (" Seigneur "). Seigneur
devient dès lors le nom le plus habituel pour désigner la divinité
même du Dieu d’Israël. C’est dans ce sens fort que le Nouveau
Testament utilise le titre de " Seigneur " à la fois pour le Père,
mais aussi, et c’est là la nouveauté, pour Jésus reconnu ainsi comme
Dieu lui-même (cf. 1 Co 2, 8).
447 Jésus
lui-même s’attribue de façon voilée ce titre lorsqu’il discute avec
les Pharisiens sur le sens du Psaume 109 (cf. Mt 22, 41-46 ; cf.
aussi Ac 2, 34-36 ; He 1, 13), mais aussi de manière explicite en
s’adressant à ses apôtres (cf. Jn 13, 13). Tout au long de sa vie
publique ses gestes de domination sur la nature, sur les maladies,
sur les démons, sur la mort et le péché, démontraient sa
souveraineté divine.
448 Très
souvent, dans les Évangiles, des personnes s’adressent à Jésus en
l’appelant " Seigneur ". Ce titre exprime le respect et la confiance
de ceux qui s’approchent de Jésus et qui attendent de lui secours et
guérison (cf. Mt 8, 2 ; 14, 30 ; 15, 22 ; e.a.). Sous la motion de
l’Esprit Saint, il exprime la reconnaissance du mystère divin de
Jésus (cf. Lc 1, 43 ; 2, 11). Dans la rencontre avec Jésus
ressuscité, il devient adoration : " Mon Seigneur et mon Dieu ! "
(Jn 20, 28). Il prend alors une connotation d’amour et d’affection
qui va rester le propre de la tradition chrétienne : " C’est le
Seigneur ! " (Jn 21, 7).
449 En
attribuant à Jésus le titre divin de Seigneur, les premières
confessions de foi de l’Église affirment, dès l’origine (cf. Ac 2,
34-36), que le pouvoir, l’honneur et la gloire dus à Dieu le Père
conviennent aussi à Jésus (cf. Rm 9, 5 ; Tt 2, 13 ; Ap 5, 13) parce
qu’il est de " condition divine " (Ph 2, 6) et que le Père a
manifesté cette souveraineté de Jésus en le ressuscitant des morts
et en l’exaltant dans sa gloire (cf. Rm 10, 9 ; 1 Co 12, 3 ; Ph 2,
11).
450 Dès
le commencement de l’histoire chrétienne, l’affirmation de la
seigneurie de Jésus sur le monde et sur l’histoire (cf. Ap 11, 15)
signifie aussi la reconnaissance que l’homme ne doit soumettre sa
liberté personnelle, de façon absolue, à aucun pouvoir terrestre,
mais seulement à Dieu le Père et au Seigneur Jésus-Christ : César
n’est pas " le Seigneur " (cf. Mc 12, 17 ; Ac 5, 29). " L’Église
croit (...) que la clé, le centre et la fin de toute histoire
humaine se trouve en son Seigneur et Maître " (GS 10, § 2 ; cf. 45,
§ 2).
451 La
prière chrétienne est marquée par le titre " Seigneur ", que ce soit
l’invitation à la prière " le Seigneur soit avec vous ", ou la
conclusion de la prière " par Jésus-Christ notre Seigneur " ou
encore le cri plein de confiance et d’espérance : " Maran atha "
(" le Seigneur vient ! ") ou " Marana tha " (" Viens,
Seigneur ! ") (1 Co 16, 22) : " Amen, viens, Seigneur Jésus ! " (Ap
22, 20).
EN BREF
452 Le nom de
Jésus signifie " Dieu qui sauve ". L’enfant né de la Vierge Marie
est appelé " Jésus " " car c’est Lui qui sauvera son peuple de ses
péchés " (Mt 1, 21) : " Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné
aux hommes par lequel il nous faille être sauvés " (Ac 4, 12).
453
Le nom de Christ signifie " oint ", " Messie ". Jésus est le Christ
car " Dieu L’a oint de l’Esprit Saint et de puissance " (Ac 10, 38).
Il était " celui qui doit venir " (Lc 7, 19), l’objet de
" l’espérance d’Israël " (Ac 28, 20).
454
Le nom de Fils de Dieu signifie la relation unique et éternelle de
Jésus-Christ à Dieu son Père : Il est le Fils unique du Père (cf. Jn
1, 14. 18 ; 3, 16. 18) et Dieu lui-même (cf. Jn 1, 1). Croire que
Jésus-Christ est le Fils de Dieu est nécessaire pour être chrétien
(cf. Ac 8, 37 ; 1 Jn 2, 23).
455
Le nom de Seigneur signifie la souveraineté divine. Confesser ou
invoquer Jésus comme Seigneur, c’est croire en sa divinité. " Nul ne
peut dire ‘Jésus est Seigneur’ s’il n’est avec l’Esprit Saint " (1
Co 12, 3)
Article 3
" JESÚS-CHRIST A
ETE CONÇU DU SAINT-ESPRIT, IL EST NE DE LA VIERGE MARIE "
Paragraphe 1. LE
FILS DE DIEU S’EST FAIT HOMME
I. Pourquoi le
Verbe s’est-il fait chair
456 Avec
le Credo de Nicée-Constantinople, nous répondons en confessant : " Pour
nous les hommes et pour notre salut Il descendit du ciel ; par
l’Esprit Saint, Il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait
homme ".
457 Le
Verbe s’est fait chair pour nous sauver en nous réconciliant avec
Dieu : " C’est Dieu qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en
victime de propitiation pour nos péchés " (1 Jn 4, 10). " Le Père a
envoyé son Fils, le sauveur du monde " (1 Jn 4, 14). " Celui-là a
paru pour ôter les péchés " (1 Jn 3, 5) :
Malade, notre
nature demandait à être guérie ; déchue, à être relevée ; morte, à
être ressuscitée. Nous avions perdu la possession du bien, il
fallait nous la rendre. Enfermés dans les ténèbres, il fallait nous
porter la lumière ; captifs, nous attendions un sauveur ;
prisonniers, un secours ; esclaves, un libérateur. Ces raisons-là
étaient-elles sans importance ? Ne méritaient-elles pas d’émouvoir
Dieu au point de le faire descendre jusqu’à notre nature humaine
pour la visiter, puisque l’humanité se trouvait dans un état si
misérable et si malheureux ? (S. Grégoire de Nysse, or. catech. 15 :
PG 45, 48B).
458 Le
Verbe s’est fait chair pour que nous connaissions ainsi l’amour
de Dieu : " En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous :
Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions
par lui " (1 Jn 4, 9). " Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné
son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas,
mais ait la vie éternelle " (Jn 3, 16).
459 Le
Verbe s’est fait chair pour être notre modèle de sainteté :
" Prenez sur vous mon joug et apprenez de moi... " (Mt 11, 29). " Je
suis la voie, la vérité et la vie ; nul ne vient au Père sans passer
par moi " (Jn 14, 6). Et le Père, sur la montagne de la
Transfiguration, ordonne : " Écoutez-le " (Mc 9, 7 ; cf. Dt 6, 4-5).
Il est en effet le modèle des Béatitudes et la norme de la Loi
nouvelle : " Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés "
(Jn 15, 12). Cet amour implique l’offrande effective de soi-même à
sa suite (cf. Mc 8, 34).
460 Le
Verbe s’est fait chair pour nous rendre " participants de la
nature divine " (2 P 1, 4) : " Car telle est la raison pour
laquelle le Verbe s’est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de
l’homme : c’est pour que l’homme, en entrant en communion avec le
Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de
Dieu " (S. Irénée, hær. 3, 19, 1). " Car le Fils de Dieu s’est fait
homme pour nous faire Dieu " (S. Athanase, inc. 54, 3 : PG 25,
192B). " Le Fils unique de Dieu, voulant que nous participions à sa
divinité, assuma notre nature, afin que Lui, fait homme, fit les
hommes Dieu " (S. Thomas d’A., opusc. 57 in festo Corp. Chr. 1).
II.
L’Incarnation
461
Reprenant l’expression de S. Jean (" Le Verbe s’est fait chair " :
Jn 1, 14), l’Église appelle " Incarnation " le fait que le Fils de
Dieu ait assumé une nature humaine pour accomplir en elle notre
salut. Dans une hymne attestée par S. Paul, l’Église chante le
mystère de l’Incarnation :
" Ayez entre
vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus : Lui, de
condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à
Dieu. Mais il s’anéantit lui-même prenant condition d’esclave et
devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il
s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la
Croix ! " (Ph 2, 5-8 ; cf. LH, cantique des Vêpres du samedi).
462
L’épître aux Hébreux parle du même mystère :
C’est pourquoi,
en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice
ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni
holocauste ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit : Voici, je
viens (...) pour faire ta volonté (He 10, 5-7, citant Ps 40, 7-9
LXX).
463 La
foi en l’Incarnation véritable du Fils de Dieu est le signe
distinctif de la foi chrétienne : " A ceci reconnaissez l’esprit de
Dieu : Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair est
de Dieu " (1 Jn 4, 2). C’est là la joyeuse conviction de l’Église
dès son commencement, lorsqu’elle chante " le grand mystère de la
piété " : " Il a été manifesté dans la chair " (1 Tm 3, 16).
III. Vrai Dieu
et vrai homme
464
L’événement unique et tout à fait singulier de l’Incarnation du Fils
de Dieu ne signifie pas que Jésus-Christ soit en partie Dieu et en
partie homme, ni qu’il soit le résultat du mélange confus entre le
divin et l’humain. Il s’est fait vraiment homme en restant vraiment
Dieu. Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme. Cette vérité de foi,
l’Église a dû la défendre et la clarifier au cours des premiers
siècles face à des hérésies qui la falsifiaient.
465 Les
premières hérésies ont moins nié la divinité du Christ que son
humanité vraie (docétisme gnostique). Dès les temps apostolique la
foi chrétienne a insisté sur la vraie incarnation du Fils de Dieu,
" venu dans la chair " (cf. 1 Jn 4, 2-3 ; 2 Jn 7). Mais dès le
troisième siècle, l’Église a dû affirmer contre Paul de Samosate,
dans un Concile réuni à Antioche, que Jésus-Christ est Fils de Dieu
par nature et non par adoption. Le premier Concile œcuménique de
Nicée, en 325, confessa dans son Credo que le Fils de Dieu est
" engendré, non pas créé, de la même substance (homousios –
DS 125) que le Père " et condamna Arius qui affirmait que " le Fils
de Dieu est sorti du néant " (DS 130) et qu’il serait " d’une autre
substance que le Père " (DS 126).
466
L’hérésie nestorienne voyait dans le Christ une personne humaine
conjointe à la personne divine du Fils de Dieu. Face à elle S.
Cyrille d’Alexandrie et le troisième Concile œcuménique réuni à
Ephèse en 431 ont confessé que " le Verbe, en s’unissant dans sa
personne une chair animée par une âme rationnelle, est devenu
homme " (DS 250). L’humanité du Christ n’a d’autre sujet que la
personne divine du Fils de Dieu qui l’a assumée et faite sienne dès
sa conception. Pour cela le Concile d’Ephèse a proclamé en 431 que
Marie est devenue en toute vérité Mère de Dieu par la conception
humaine du Fils de Dieu dans son sein : " Mère de Dieu, non parce
que le Verbe de Dieu a tiré d’elle sa nature divine, mais parce que
c’est d’elle qu’il tient le corps sacré doté d’une âme rationnelle,
uni auquel en sa personne le Verbe est dit naître selon la chair "
(DS 251).
467 Les
monophysites affirmaient que la nature humaine avait cessé d’exister
comme telle dans le Christ en étant assumée par sa personne divine
de Fils de Dieu. Confronté à cette hérésie, le quatrième Concile
œcuménique, à Chalcédoine, a confessé en 451 :
A la suite des
saints Pères, nous enseignons unanimement à confesser un seul et
même Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité
et parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme,
composé d’une âme rationnelle et d’un corps, consubstantiel au Père
selon la divinité, consubstantiel à nous selon l’humanité,
" semblable à nous en tout, à l’exception du péché " (He 4, 15) ;
engendré du Père avant tout les siècles selon la divinité, et en ces
derniers jours, pour nous et pour notre salut, né de la Vierge
Marie, Mère de Dieu, selon l’humanité.
Un seul et même
Christ, Seigneur, Fils unique, que nous devons reconnaître en deux
natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans
séparation. La différence des natures n’est nullement supprimée par
leur union, mais plutôt les propriétés de chacune sont sauvegardées
et réunies en une seule personne et une seule hypostase (DS
301-302).
468 Après
le Concile de Chalcédoine, certains firent de la nature humaine du
Christ une sorte de sujet personnel. Contre eux, le cinquième
Concile œcuménique, à Constantinople en 553, a confessé à propos du
Christ : " Il n’y a qu’une seule hypostase [ou personne], qui est
notre Seigneur Jésus-Christ, un de la Trinité " (DS 424).
Tout dans l’humanité du Christ doit donc être attribué à sa personne
divine comme à son sujet propre (cf. déjà Cc. Ephèse : DS 255), non
seulement les miracles mais aussi les souffrances (cf. DS 424) et
même la mort : " Celui qui a été crucifié dans la chair, notre
Seigneur Jésus-Christ, est vrai Dieu, Seigneur de la gloire et Un de
la sainte Trinité " (DS 432).
469
L’Église confesse ainsi que Jésus est inséparablement vrai Dieu et
vrai homme. Il est vraiment le Fils de Dieu qui s’est fait homme,
notre frère, et cela sans cesserd’être Dieu, notre Seigneur :
" Il resta ce
qu’Il était, Il assuma ce qu’il n’était pas ", chante la liturgie
romaine (LH, In Solemnitate Sanctae Dei Genetricis Mariae, antiphona
ad " Benedictus "; cf. S. Léon le Grand, serm. 21, 2 : PL 54, 192A).
Et la liturgie de S. Jean Chrysostome proclame et chante : " O Fils
unique et Verbe de Dieu, étant immortel, tu as daigné pour notre
salut t’incarner de la sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie,
qui sans changement es devenu homme, et qui as été crucifié, O
Christ Dieu, qui, par ta mort as écrasé la mort, qui es Un de la
Sainte Trinité, glorifié avec le Père et le Saint-Esprit,
sauve-nous ! " (Tropaire " O monoghenis ").
IV. Comment le
Fils de Dieu est-il homme ?
470 Parce
que dans l’union mystérieuse de l’Incarnation " la nature humaine a
été assumée, non absorbée " (GS 22, § 2), l’Église a été amenée au
cours des siècles à confesser la pleine réalité de l’âme humaine,
avec ses opérations d’intelligence et de volonté, et du corps humain
du Christ. Mais parallèlement, elle a eu à rappeler à chaque fois
que la nature humaine du Christ appartient en propre à la personne
divine du Fils de Dieu qui l’a assumée. Tout ce qu’il est et ce
qu’il fait en elle relève " d’Un de la Trinité ". Le Fils de Dieu
communique donc à son humanité son propre mode d’exister personnel
dans la Trinité. Ainsi, dans son âme comme dans son corps, le Christ
exprime humainement les mœurs divines de la Trinité (cf. Jn 14,
9-10) :
Le Fils de Dieu
a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence
d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur
d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous,
en tout semblable à nous, hormis le péché (GS 22, § 2).
L’âme et la
connaissance humaine du Christ
471
Apollinaire de Laodicée affirmait que dans le Christ le Verbe avait
remplacé l’âme ou l’esprit. Contre cette erreur l’Église a confessé
que le Fils éternel a assumé aussi une âme raisonnable humaine (cf.
DS 149).
472 Cette
âme humaine que le Fils de Dieu a assumée est douée d’une vraie
connaissance humaine. En tant que telle celle-ci ne pouvait pas être
de soi illimitée : elle était exercée dans les conditions
historiques de son existence dans l’espace et le temps. C’est
pourquoi le Fils de Dieu a pu vouloir en se faisant homme " croître
en sagesse, en taille et en grâce " (Lc 2, 52) et de même avoir à
s’enquérir sur ce que dans la condition humaine on doit apprendre de
manière expérimentale (cf. Mc 6, 38 ; Mc 8, 27 ; Jn 11, 34 ; etc.).
Cela correspondait à la réalité de son abaissement volontaire dans
" la condition d’esclave " (Ph 2,7).
473 Mais
en même temps, cette connaissance vraiment humaine du Fils de Dieu
exprimait la vie divine de sa personne (cf. S. Grégoire le Grand,
ep. 10, 39 : DS 475 : PL 77, 1097B). " La nature humaine du Fils de
Dieu, non par elle-même mais par son union au Verbe,
connaissait et manifestait en elle tout ce qui convient à Dieu " (S.
Maxime le Confesseur, qu. dub. 66 : PG 90, 840A). C’est en premier
le cas de la connaissance intime et immédiate que le Fils de Dieu
fait homme a de son Père (cf. Mc 14, 36 ; Mt 11, 27 ; Jn 1, 18 ; 8,
55 ; etc.). Le Fils montrait aussi dans sa connaissance humaine la
pénétration divine qu’il avait des pensées secrètes du cœur des
hommes (cf. Mc 2, 8 ; Jn 2, 25 ; 6, 61 ; etc.).
474 De
par son union à la Sagesse divine en la personne du Verbe incarné,
la connaissance humaine du Christ jouissait en plénitude de la
science des desseins éternels qu’il était venu révéler (cf. Mc 8,
31 ; 9, 31 ; 10, 33-34 ; 14, 18-20. 26-30). Ce qu’il reconnaît
ignorer dans ce domaine (cf. Mc 13, 32), il déclare ailleurs n’avoir
pas mission de le révéler (cf. Ac 1, 7).
La volonté
humaine du Christ
475 De
manière parallèle, l’Église a confessé au sixième Concile œcuménique
(Cc. Constantinople III en 681) que le Christ possède deux volontés
et deux opérations naturelles, divines et humaines, non pas
opposées, mais coopérantes, de sorte que le Verbe fait chair a voulu
humainement dans l’obéissance à son Père tout ce qu’il a décidé
divinement avec le Père et le Saint-Esprit pour notre salut (cf. DS
556-559). La volonté humaine du Christ " suit sa volonté divine,
sans être en résistance ni en opposition vis-à-vis d’elle, mais bien
plutôt en étant subordonnée à cette volonté toute-puissante " (DS
556).
Le vrai corps du
Christ
476
Puisque le Verbe s’est fait chair en assumant une vraie humanité, le
corps du Christ était délimité (cf. Cc. Latran en 649 : DS 504). A
cause de cela, le visage humain de Jésus peut être " dépeint " (Ga
3, 2). Au sixième Concile œcuménique (Cc. Nicée II en 787 : DS
600-603) l’Église a reconnu comme légitime qu’il soit représenté sur
des images saintes.
477 En
même temps l’Église a toujours reconnu que, dans le corps de Jésus,
" Dieu qui est par nature invisible est devenu visible à nos yeux "
(MR, Préface de Noël). En effet, les particularités individuelles du
corps du Christ expriment la personne divine du Fils de Dieu.
Celui-ci a fait siens les traits de son corps humain au point que,
dépeints sur une image sainte, ils peuvent être vénérés car le
croyant qui vénère son image, " vénère en elle la personne qui y est
dépeinte " (Cc. Nicée II : DS 601).
Le Cœur du Verbe
incarné
478 Jésus
nous a tous et chacun connus et aimés durant sa vie, son agonie et
sa passion et il s’est livré pour chacun de nous : " Le Fils de Dieu
m’a aimé et s’est livré pour moi " (Ga 2, 20). Il nous a tous aimés
d’un cœur humain. Pour cette raison, le Cœur sacré de Jésus,
transpercé par nos péchés et pour notre salut (cf. Jn 19, 34), " est
considéré comme le signe et le symbole éminents... de cet amour que
le divin Rédempteur porte sans cesse au père éternel et à tous les
hommes sans exception " (Pie XII, Enc. " Haurietis aquas " : DS
3924 ; cf. DS 3812).
EN BREF
479
Au temps établi par Dieu, le Fils unique du Père, la Parole
éternelle, c’est-à-dire le Verbe et l’Image substantielle du Père,
s’est incarné : sans perdre la nature divine il a assumé la nature
humaine.
480
Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, dans l’unité de sa
Personne divine ; pour cette raison il est l’unique Médiateur entre
Dieu et les hommes.
481
Jésus-Christ possède deux natures, la divine et l’humaine, non
confondues, mais unies dans l’unique Personne du Fils de Dieu.
482
Le Christ, étant vrai Dieu et vrai homme, a une intelligence et une
volonté humaines, parfaitement accordées et soumises à son
intelligence et sa volonté divines, qu’il a en commun avec le Père
et le Saint-Esprit.
483
L’Incarnation est donc le mystère de l’admirable union de la nature
divine et de la nature humaine dans l’unique Personne du Verbe.
Paragraphe 2.
" ... CONÇU DU SAINT-ESPRIT, NE DE LA VIERGE MARIE "
I. Conçu du
Saint-Esprit...
484
L’Annonciation à Marie inaugure la " plénitude des temps " (Ga 4,
4), c’est-à-dire l’accomplissement des promesses et des
préparations. Marie est invitée à concevoir Celui en qui habitera
" corporellement la plénitude de la divinité " (Col 2, 9). La
réponse divine à son " comment cela se fera-t-il, puisque je ne
connais point d’homme ? " (Lc 1, 34) est donnée par la puissance de
l’Esprit : " L’Esprit Saint viendra sur toi " (Lc 1, 35).
485 La
mission de l’Esprit Saint est toujours conjointe et ordonnée à celle
du Fils (cf. Jn 16, 14-15). L’Esprit Saint est envoyé pour
sanctifier le sein de la Vierge Marie et la féconder divinement, lui
qui est " le Seigneur qui donne la Vie ", en faisant qu’elle
conçoive le Fils éternel du Père dans une humanité tirée de la
sienne.
486 Le
Fils unique du Père en étant conçu comme homme dans le sein de la
Vierge Marie est " Christ ", c’est-à-dire oint par l’Esprit Saint
(cf. Mt 1, 20 ; Lc 1, 35), dès le début de son existence humaine,
même si sa manifestation n’a lieu que progressivement : aux bergers
(cf. Lc 2, 8-20), aux mages (cf. Mt 2, 1-12), à Jean-Baptiste (cf.
Jn 1, 31-34), aux disciples (cf. Jn 2, 11). Toute la vie de
Jésus-Christ manifestera donc " comment Dieu l’a oint d’Esprit et de
puissance " (Ac 10, 38).
II. ... Né de la
Vierge Marie
487 Ce
que la foi catholique croit au sujet de Marie se fonde sur ce
qu’elle croit au sujet du Christ, mais ce qu’elle enseigne sur Marie
éclaire à son tour sa foi au Christ.
La
prédestination de Marie
488
" Dieu a envoyé son Fils " (Ga 4, 4), mais pour lui " façonner un
corps " (cf. He 10, 5) il a voulu la libre coopération d’une
créature. Pour cela, de toute éternité, Dieu a choisi, pour être la
Mère de Son Fils, une fille d’Israël, une jeune juive de Nazareth en
Galilée, " une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la
maison de David, et le nom de la vierge était Marie " (Lc 1,
26-27) :
Le Père des
miséricordes a voulu que l’Incarnation fût précédée par une
acceptation de la part de cette Mère prédestinée, en sorte que, une
femme ayant contribué à l’œuvre de mort, de même une femme
contribuât aussi à la vie (LG 56 ; cf. 61).
489 Tout
au long de l’Ancienne Alliance, la mission de Marie a été
préparée par celle de saintes femmes. Tout au commencement, il y
a Eve : malgré sa désobéissance, elle reçoit la promesse d’une
descendance qui sera victorieuse du Malin (cf. Gn 3, 15) et celle
d’être la mère de tous les vivants (cf. Gn 3, 20). En vertu de cette
promesse, Sara conçoit un fils malgré son grand âge (cf. Gn 18,
10-14 ; 21, 1-2). Contre toute attente humaine, Dieu choisit ce qui
était tenu pour impuissant et faible (cf. 1 Co 1, 27) pour montrer
sa fidélité à sa promesse : Anne, la mère de Samuel (cf. 1 S 1),
Débora, Ruth, Judith et Esther, et beaucoup d’autres femmes. Marie
" occupe la première place parmi ces humbles et ces pauvres du
Seigneur qui espèrent et reçoivent le salut de lui avec confiance.
Avec elle, la fille de Sion par excellence, après la longue attente
de la promesse, s’accomplissent les temps et s’instaure l’économie
nouvelle " (LG 55).
L’Immaculée
Conception
490 Pour
être la Mère du Sauveur, Marie " fut pourvue par Dieu de dons à la
mesure d’une si grande tâche " (LG 56). L’ange Gabriel, au moment de
l’Annonciation la salue comme " pleine de grâce " (Lc 1, 28). En
effet, pour pouvoir donner l’assentiment libre de sa foi à l’annonce
de sa vocation, il fallait qu’elle soit toute portée par la grâce de
Dieu.
491 Au
long des siècles l’Église a pris conscience que Marie, " comblée de
grâce " par Dieu (Lc 1, 28), avait été rachetée dès sa conception.
C’est ce que confesse le dogme de l’Immaculée Conception, proclamé
en 1854 par le pape Pie IX :
La bienheureuse
Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une
grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des
mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte
de toute souillure du péché originel (DS 2803).
492 Cette
" sainteté éclatante absolument unique " dont elle est " enrichie
dès le premier instant de sa conception " (LG 56) lui vient tout
entière du Christ : elle est " rachetée de façon éminente en
considération des mérites de son Fils " (LG 53). Plus que toute
autre personne créée, le Père l’a " bénie par toutes sortes de
bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ " (Ep 1, 3). Il
l’a " élue en Lui, dès avant la fondation du monde, pour être sainte
et immaculée en sa présence, dans l’amour " (cf. Ep 1, 4).
493 Les
Pères de la tradition orientale appellent la Mère de Dieu " la Toute
Sainte " (Panaghia), ils la célèbrent comme " indemne de
toute tache de péché, ayant été pétrie par l’Esprit Saint, et formée
comme une nouvelle créature " (LG 56). Par la grâce de Dieu, Marie
est restée pure de tout péché personnel tout au long de sa vie.
" Qu’il me soit
fait selon ta parole... "
494 A
l’annonce qu’elle enfantera " le Fils du Très Haut " sans connaître
d’homme, par la vertu de l’Esprit Saint (cf. Lc 1, 28-37), Marie a
répondu par " l’obéissance de la foi " (Rm 1, 5), certaine que
" rien n’est impossible à Dieu " : " Je suis la servante du
Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole " (Lc 1, 37-38). Ainsi,
donnant à la parole de Dieu son consentement, Marie devint Mère de
Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché la retienne, la
volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement à la
personne et à l’œuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance
et avec lui, par la grâce de Dieu, au mystère de la Rédemption (cf.
LG 56) :
Comme dit S.
Irénée, " par son obéissance elle est devenue, pour elle-même et
pour tout le genre humain, cause de salut " (Hær. 3, 22, 4). Aussi,
avec lui, bon nombre d’anciens Pères disent : " Le nœud dû à la
désobéissance d’Eve, s’est dénoué par l’obéissance de Marie ; ce que
la vierge Eve avait noué par son incrédulité, la Vierge Marie l’a
dénoué par sa foi " (cf. ibid.) ; comparant Marie avec Eve,
ils appellent Marie " la Mère des vivants " et déclarent souvent :
" par Eve la mort, par Marie la vie " (LG 56).
La maternité
divine de Marie
495
Appelée dans les Évangiles " la mère de Jésus " (Jn 2, 1 ; 19, 25 ;
cf. Mt 13, 55), Marie est acclamée, sous l’impulsion de l’Esprit,
dès avant la naissance de son fils, comme " la mère de mon
Seigneur " (Lc 1, 43). En effet, Celui qu’elle a conçu comme homme
du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils selon la chair,
n’est autre que le Fils éternel du Père, la deuxième Personne de la
Sainte Trinité. L’Église confesse que Marie est vraiment Mère de
Dieu (Theotokos) (cf. DS 251).
La virginité de
Marie
496 Dès
les premières formulations de la foi (cf. DS 10-64), l’Église a
confessé que Jésus a été conçu par la seule puissance du
Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie, affirmant aussi
l’aspect corporel de cet événement : Jésus a été conçu " de l’Esprit
Saint sans semence virile " (Cc. Latran en 649 : DS 503). Les Pères
voient dans la conception virginale le signe que c’est vraiment le
Fils de Dieu qui est venu dans une humanité comme la nôtre :
Ainsi, S. Ignace
d’Antioche (début IIe siècle) : " Vous êtes fermement convaincus au
sujet de notre Seigneur qui est véritablement de la race de David
selon la chair (cf. Rm 1, 3), Fils de Dieu selon la volonté et la
puissance de Dieu (cf. Jn 1, 13), véritablement né d’une vierge,
(...) il a été véritablement cloué pour nous dans sa chair sous
Ponce Pilate (...) il a véritablement souffert, comme il est aussi
véritablement ressuscité " (Smyrn. 1-2).
497 Les
récits évangéliques (cf. Mt 1, 18-25 ; Lc 1, 26-38) comprennent la
conception virginale comme une œuvre divine qui dépasse toute
compréhension et toute possibilité humaines (cf. Lc 1, 34) : " Ce
qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ", dit l’ange à
Joseph au sujet de Marie, sa fiancée (Mt 1, 20). L’Église y voit
l’accomplissement de la promesse divine donnée par le prophète
Isaïe : " Voici que la vierge concevra et enfantera un fils " (Is 7,
14, d’après la traduction grecque de Mt 1, 23).
498 On a
été parfois troublé par le silence de l’Évangile de S. Marc et des
Épîtres du Nouveau Testament sur la conception virginale de Marie.
On a aussi pu se demander s’il ne s’agissait pas ici de légendes ou
de constructions théologiques sans prétentions historiques. A quoi
il faut répondre : La foi en la conception virginale de Jésus a
rencontré vive opposition, moqueries ou incompréhension de la part
des non-croyants, juifs et païens (cf. S. Justin, dial. 66, 67 ;
Origène, Cels. 1, 32. 69 ; e.a.) : elle n’était pas motivée par la
mythologie païenne ou par quelque adaptation aux idées du temps. Le
sens de cet événement n’est accessible qu’à la foi qui le voit dans
ce " lien qui relie les mystères entre eux " (DS 3016), dans
l’ensemble des mystères du Christ, de son Incarnation à sa Pâque. S.
Ignace d’Antioche témoigne déjà de ce lien : " Le prince de ce monde
a ignoré la virginité de Marie et son enfantement, de même que la
mort du Seigneur : trois mystères retentissants qui furent accomplis
dans le silence de Dieu " (Eph. 19, 1 ; cf. 1 Co 2, 8).
Marie –
" toujours Vierge "
499
L’approfondissement de sa foi en la maternité virginale a conduit
l’Église à confesser la virginité réelle et perpétuelle de Marie
(cf. DS 427) même dans l’enfantement du Fils de Dieu fait homme (cf.
DS 291 ; 294 ; 442 ; 503 ; 571 ; 1880). En effet la naissance du
Christ " n’a pas diminué, mais consacré l’intégrité virginale " de
sa mère (LG 57). La liturgie de l’Église célèbre Marie comme la
Aeiparthenos, " toujours vierge " (cf. LG 52).
500 A
cela on objecte parfois que l’Écriture mentionne des frères et sœurs
de Jésus (cf. Mc 3, 31-35 ; 6, 3 ; 1 Co 9, 5 ; Ga 1, 19). L’Église a
toujours compris ces passages comme ne désignant pas d’autres
enfants de la Vierge Marie : en effet Jacques et Joseph, " frères de
Jésus " (Mt 13, 55), sont les fils d’une Marie disciple du Christ
(cf. Mt 27, 56) qui est désignée de manière significative comme
" l’autre Marie " (Mt 28, 1). Il s’agit de proches parents de Jésus,
selon une expression connue de l’Ancien Testament (cf. Gn 13, 8 ;
14, 16 ; 29, 15 ; etc.).
501 Jésus
est le Fils unique de Marie. Mais la maternité spirituelle de Marie
(cf. Jn 19, 26-27 ; Ap 12, 17) s’étend à tous les hommes qu’il est
venu sauver : " Elle engendra son Fils, dont Dieu a fait ‘l’aîné
d’une multitude de frères’ (Rm 8, 29), c’est-à-dire de croyants, à
la naissance et à l’éducation desquels elle apporte la coopération
de son amour maternel " (LG 63).
La maternité
virginale de Marie dans le dessein de Dieu
502 Le
regard de la foi peut découvrir, en lien avec l’ensemble de la
Révélation, les raisons mystérieuses pour lesquelles Dieu, dans son
dessein salvifique, a voulu que son Fils naisse d’une vierge. Ces
raisons touchent aussi bien la personne et la mission rédemptrice du
Christ que l’accueil de cette mission par Marie pour tous les
hommes :
503 La
virginité de Marie manifeste l’initiative absolue de Dieu dans
l’Incarnation. Jésus n’a que Dieu comme Père (cf. Lc 2, 48-49). " La
nature humaine qu’il a prise ne l’a jamais éloigné du Père (...) ;
naturellement Fils de son Père par sa divinité, naturellement fils
de sa mère par son humanité, mais proprement Fils de Dieu dans ses
deux natures " (Cc. Frioul en 796 : DS 619).
504 Jésus
est conçu du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie parce
qu’il est le Nouvel Adam (cf. 1 Co 15, 45) qui inaugure la
création nouvelle : " Le premier homme, issu du sol, est terrestre ;
le second homme, lui, vient du ciel " (1 Co 15, 47). L’humanité du
Christ est, dès sa conception, remplie de l’Esprit Saint car Dieu
" lui donne l’Esprit sans mesure " (Jn 3, 34). C’est de " sa
plénitude " à lui, tête de l’humanité rachetée (cf. Col 1, 18), que
" nous avons reçu grâce sur grâce " (Jn 1, 16).
505
Jésus, le Nouvel Adam, inaugure par sa conception virginale la
nouvelle naissance des enfants d’adoption dans l’Esprit Saint
par la foi. " Comment cela se fera-t-il ? " (Lc 1, 34 ; cf. Jn 3,
9). La participation à la vie divine ne vient pas " du sang, ni du
vouloir de chair, ni du vouloir d’homme, mais de Dieu " (Jn 1, 13).
L’accueil de cette vie est virginal car celle-ci est entièrement
donnée par l’Esprit à l’homme. Le sens sponsal de la vocation
humaine par rapport à Dieu (cf. 2 Co 11, 2) est accompli
parfaitement dans la maternité virginale de Marie.
506 Marie
est vierge parce que sa virginité est le signe de sa foi
" que nul doute n’altère " (LG 63) et de sa donation sans partage à
la volonté de Dieu (cf. 1 Co 7, 34-35). C’est sa foi qui lui donne
de devenir la mère du Sauveur : " Bienheureuse Marie, plus encore
parce qu’elle a reçu la foi du Christ que parce qu’Elle a conçu la
chair du Christ " (S. Augustin, virg. 3 : PL 40, 398).
507 Marie
est à la fois vierge et mère car elle est la figure et la plus
parfaite réalisation de l’Église (cf. LG 63) : " L’Église devient à
son tour une Mère, grâce à la parole de Dieu qu’elle reçoit dans la
foi : par la prédication en effet, et par le Baptême elle engendre,
à une vie nouvelle et immortelle, des fils conçus du Saint-Esprit et
nés de Dieu. Elle est aussi vierge, ayant donné à son Époux sa foi,
qu’elle garde intègre et pure " (LG 64).
EN BREF
508
Dans la descendance d’Eve, Dieu a choisi la Vierge Marie pour être
la Mère de son Fils. " Pleine de grâce ", elle est " le fruit le
plus excellent de la Rédemption " (SC 103) : dès le premier instant
de sa conception, elle est totalement préservée de la tache du péché
originel et elle est restée pure de tout péché personnel tout au
long de sa vie.
509
Marie est vraiment " Mère de Dieu " puisqu’elle est la mère du Fils
éternel de Dieu fait homme, qui est Dieu lui-même.
510
Marie " est restée Vierge en concevant son Fils, Vierge en
l’enfantant, Vierge en le portant, Vierge en le nourrissant de son
sein, Vierge toujours " (S. Augustin, serm. 186, 1 : PL 38, 999) :
de tout son être elle est " la servante du Seigneur " (Lc 1, 38).
511
La Vierge Marie a " coopéré au salut des hommes avec sa foi et son
obéissance libres " (LG 56). Elle a prononcé son oui " au nom de
toute la nature humaine " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 30, 1) : Par
son obéissance, elle est devenue la nouvelle Eve, mère des vivants.
Paragraphe 3.
LES MYSTERES DE LA VIE DU CHRIST
512 Le
Symbole de la foi ne parle, concernant la vie du Christ, que des
mystères de l’Incarnation (conception et naissance) et de la Pâque
(passion, crucifixion, mort, sépulture, descente aux enfers,
résurrection, ascension). Il ne dit rien, explicitement, des
mystères de la vie cachée et publique de Jésus, mais les articles de
la foi concernant l’Incarnation et la Pâque de Jésus éclairent
toute la vie terrestre du Christ. " Tout ce que Jésus a fait et
enseigné, depuis le commencement jusqu’au jour où (...) Il fut
enlevé au ciel " (Ac 1, 1-2) est à voir à la lumière des mystères de
Noël et de Pâques.
513 La
Catéchèse, selon les circonstances, déploiera toute la richesse des
mystères de Jésus. Ici il suffit d’indiquer quelques éléments
communs à tous les mystères de la vie du Christ (I), pour esquisser
ensuite les principaux mystères de la vie cachée (II) et publique
(III) de Jésus.
I. Toute la vie
du Christ est mystère
514
Beaucoup de choses qui intéressent la curiosité humaine au sujet de
Jésus ne figurent pas dans les Évangiles. Presque rien n’est dit sur
sa vie à Nazareth, et même une grande part de sa vie publique n’est
pas relatée (cf. Jn 20, 30). Ce qui a été écrit dans les Évangiles,
l’a été " pour que vous croyez que Jésus est le Christ, le Fils de
Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom " (Jn 20, 31).
515 Les
Évangiles sont écrits par des hommes qui ont été parmi les premiers
à avoir la foi (cf. Mc 1, 1 ; Jn 21, 24) et qui veulent la faire
partager à d’autres. Ayant connu dans la foi qui est Jésus, ils ont
pu voir et faire voir lestraces de son mystèredans toute sa vie
terrestre. Des langes de sa nativité (cf. Lc 2, 7) jusqu’au vinaigre
de sa passion (cf. Mt 27, 48) et au suaire de sa Résurrection (cf.
Jn 20, 7), tout dans la vie de Jésus est signe de son mystère. A
travers ses gestes, ses miracles, ses paroles, il a été révélé
qu’" en Lui habite corporellement toute la plénitude de la
divinité " (Col 2, 9). Son humanité apparaît ainsi comme le
" sacrement ", c’est-à-dire le signe et l’instrument de sa divinité
et du salut qu’il apporte : ce qu’il y avait de visible dans sa vie
terrestre conduisit au mystère invisible de sa filiation divine et
de sa mission rédemptrice.
Les traits
communs des mystères de Jésus
516 Toute
la vie du Christ est Révélation du Père : ses paroles et ses
actes, ses silences et ses souffrances, sa manière d’être et de
parler. Jésus peut dire : " Qui me voit, voit le Père " (Jn 14, 9),
et le Père : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le " (Lc 9,
35). Notre Seigneur s’étant fait homme pour accomplir la volonté du
Père (cf. He 10, 5-7), les moindres traits de ses mystères nous
manifestent " l’amour de Dieu pour nous " (1 Jn 4, 9).
517 Toute
la vie du Christ est mystère de Rédemption. La Rédemption
nous vient avant tout par le sang de la Croix (cf. Ep 1, 7 ; Col 1,
13-14 ; 1 P 1, 18-19), mais ce mystère est à l’œuvre dans toute la
vie du Christ : dans son Incarnation déjà, par laquelle, en se
faisant pauvre, il nous enrichit par sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9) ;
dans sa vie cachée qui, par sa soumission (cf. Lc 2, 51), répare
notre insoumission ; dans sa parole qui purifie ses auditeurs (cf.
Jn 15, 3) ; dans ses guérisons et ses exorcismes, par lesquels " il
a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies " (Mt 8, 17 ;
cf. Is 53, 4) ; dans sa Résurrection, par laquelle il nous justifie
(cf. Rm 4, 25).
518 Toute
la vie du Christ est mystère de Récapitulation. Tout ce que
Jésus a fait, dit et souffert, avait pour but de rétablir l’homme
déchu dans sa vocation première :
Lorsqu’il s’est
incarné et s’est fait homme, il a récapitulé en lui-même la longue
histoire des hommes et nous a procuré le salut en raccourci, de
sorte que ce que nous avions perdu en Adam, c’est-à-dire d’être à
l’image et à la ressemblance de Dieu, nous le recouvrions dans le
Christ Jésus (S. Irénée, hær. 3, 18, 1). C’est d’ailleurs pourquoi
le Christ est passé par tous les âges de la vie, rendant par là à
tous les hommes la communion avec Dieu (ibid. 3, 18, 7 ; cf. 2, 22,
4).
Notre communion
aux mystères de Jésus
519 Toute
la richesse du Christ " est destinée à tout homme et constitue le
bien de chacun " (RH 11). Le Christ n’a pas vécu sa vie pour
lui-même, mais pour nous, de son Incarnation " pour nous les
hommes et pour notre salut " jusqu’à sa mort " pour nos péchés " (1
Co 15, 3) et à sa Résurrection " pour notre justification " (Rm 4,
25). Maintenant encore, il est " notre avocat auprès du Père " (1 Jn
2, 1), " étant toujours vivant pour intercéder en notre faveur " (He
7, 25). Avec tout ce qu’il a vécu et souffert pour nous une fois
pour toutes, il reste présent pour toujours " devant la face de Dieu
en notre faveur " (He 9, 24).
520 En
toute sa vie, Jésus se montre comme notre modèle (cf. Rm 15,
5 ; Ph 2, 5) : il est " l’homme parfait " (GS 38) qui nous invite à
devenir ses disciples et à le suivre : par son abaissement, il nous
a donné un exemple à imiter (cf. Jn 13, 15), par sa prière, il
attire à la prière (cf. Lc 11, 1), par sa pauvreté, il appelle à
accepter librement le dénuement et les persécutions (cf. Mt 5,
11-12).
521 Tout
ce que le Christ a vécu, il fait que nous puissions le vivre en
Lui et qu’il le vive en nous. " Par son Incarnation, le
Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme " (GS
22, § 2). Nous sommes appelés à ne faire plus qu’un avec lui ; ce
qu’il a vécu dans sa chair pour nous et comme notre modèle, il nous
y fait communier comme les membres de son Corps :
Nous devons
continuer et accomplir en nous les états et mystères de Jésus, et le
prier souvent qu’il les consomme et accomplisse en nous et en toute
son Église (...). Car le Fils de Dieu a dessein de mettre une
participation, et de faire comme une extension et continuation de
ses mystères en nous et en toute son Église, par les grâces qu’il
veut nous communiquer, et par les effets qu’il veut opérer en nous
par ces mystères. Et par ce moyen il veut les accomplir en nous (S.
Jean Eudes, Le royaume de Jésus, 3, 4 : Oeuvres complètes,
v. 1 [Vannes 1905] p. 310-311).
II. Les mystères
de l’enfance et de la vie cachée de Jésus
Les préparations
522 La
venue du Fils de Dieu sur la terre est un événement si immense que
Dieu a voulu le préparer pendant des siècles. Rites et sacrifices,
figures et symboles de la Première alliance (cf. He 9, 15), Il fait
tout converger vers le Christ ; Il l’annonce par la bouche des
prophètes qui se succèdent en Israël. Il éveille par ailleurs dans
le cœur des païens l’obscure attente de cette venue.
523 Saint
Jean le Baptiste est le précurseur (cf. Ac 13, 24) immédiat du
Seigneur, envoyé pour Lui préparer le chemin (cf. Mt 3, 3).
" Prophète du Très-Haut " (Lc 1, 76), il dépasse tous les prophètes
(cf. Lc 7, 26), il en est le dernier (cf. Mt 11,13), il inaugure
l’Évangile (cf. Ac 1, 22 ; Lc 16, 16) ; il salue la venue du Christ
dès le sein de sa mère (cf. Lc 1, 41) et il trouve sa joie à être
" l’ami de l’époux " (Jn 3, 29) qu’il désigne comme " l’Agneau de
Dieu qui ôte le péché du monde " (Jn 1, 29). Précédant Jésus " avec
l’esprit et la puissance d’Elie " (Lc 1, 17), il lui rend témoignage
par sa prédication, son baptême de conversion et finalement son
martyre (cf. Mc 6, 17-29).
524 En
célébrant chaque année la liturgie de l’Avent, l’Église
actualise cette attente du Messie : en communiant à la longue
préparation de la première venue du Sauveur, les fidèles
renouvellent l’ardent désir de son second Avènement (cf. Ap 22, 17).
Par la célébration de la nativité et du martyre du Précurseur,
l’Église s’unit à son désir : " Il faut que Lui grandisse et que moi
je décroisse " (Jn 3, 30).
Le mystère de
Noël
525 Jésus
est né dans l’humilité d’une étable, dans une famille pauvre (cf. Lc
2, 6-7) ; de simples bergers sont les premiers témoins de
l’événement. C’est dans cette pauvreté que se manifeste la gloire du
ciel (cf. Lc 2, 8-20). L’Église ne se lasse pas de chanter la gloire
de cette nuit :
La Vierge
aujourd’hui met au monde l’Éternel
Et la terre
offre une grotte à l’Inaccessible.
Les anges et les
pasteurs le louent
Et les mages
avec l’étoile s’avancent,
Car Tu es né
pour nous,
Petit Enfant,
Dieu éternel !
(Kontakion de
Romanos le Mélode)
526
" Devenir enfant " par rapport à Dieu est la condition pour entrer
dans le Royaume (cf. Mt 18, 3-4) ; pour cela il faut s’abaisser (cf.
Mt 23, 12), devenir petit ; plus encore : il faut " naître d’en
haut " (Jn 3, 7), " naître de Dieu " (Jn 1, 13) pour " devenir
enfants de Dieu " (Jn 1, 12). Le mystère de Noël s’accomplit en nous
lorsque le Christ " prend forme " en nous (Ga 4, 19). Noël est le
mystère de cet " admirable échange " :
O admirable
échange ! Le créateur du genre humain, assumant un corps et une âme,
a daigné naître d’une vierge et, devenu homme sans l’intervention de
l’homme, Il nous a fait don de sa divinité (LH, antienne de l’octave
de Noël).
Les mystères de
l’enfance de Jésus
527 La
circoncision de Jésus, le huitième jour après sa naissance (cf.
Lc 2, 21), est signe de son insertion dans la descendance d’Abraham,
dans le peuple de l’alliance, de sa soumission à la loi (cf. Ga 4,
4), et de sa députation au culte d’Israël auquel Il participera
pendant toute sa vie. Ce signe préfigure " la circoncision du
Christ " qu’est le Baptême (cf. Col 2, 11-13).
528 L’Épiphanie
est la manifestation de Jésus comme Messie d’Israël, Fils de
Dieu et Sauveur du monde. Avec le Baptême de Jésus au Jourdain et
les noces de Cana (cf. LH, antienne du Magnificat des secondes
vêpres de l’Épiphanie), elle célèbre l’adoration de Jésus par des
" mages " venus d’Orient (Mt 2, 1). Dans ces " mages ",
représentants des religions païennes environnantes, l’Évangile voit
les prémices des nations qui accueillent la Bonne Nouvelle du salut
par l’Incarnation. La venue des mages à Jérusalem pour " rendre
hommage au roi des Juifs " (Mt 2, 2) montre qu’ils cherchent en
Israël, à la lumière messianique de l’étoile de David (cf. Nb 24,
17 ; Ap 22, 16), celui qui sera le roi des nations (cf. Nb 24,
17-19). Leur venue signifie que les païens ne peuvent découvrir
Jésus et l’adorer comme Fils de Dieu et Sauveur du monde qu’en se
tournant vers les juifs (cf. Jn 4, 22) et en recevant d’eux leur
promesse messianique telle qu’elle est contenue dans l’Ancien
Testament (cf. Mt 2, 4-6). L’Épiphanie manifeste que " la plénitude
des païens entre dans la famille des patriarches " (S. Léon le
Grand, serm. 33, 3 : PL 54, 242) et acquiert la Israelitica
dignitas (MR, Vigile Pascale 26 : prière après la troisième
lecture).
529 La
présentation de Jésus au Temple (cf. Lc 2, 22-39) Le montre
comme le Premier-Né appartenant au Seigneur (cf. Ex 13, 12-13). Avec
Siméon et Anne c’est toute l’attente d’Israël qui vient à la
rencontre de son Sauveur (la tradition byzantine appelle ainsi
cet événement). Jésus est reconnu comme le Messie tant attendu,
" lumière des nations " et " gloire d’Israël ", mais aussi " signe
de contradiction ". Le glaive de douleur prédit à Marie annonce
cette autre oblation, parfaite et unique, de la Croix qui donnera le
salut que Dieu a " préparé à la face de tous les peuples ".
530 La
fuite en Égypte et le massacre des innocents (cf. Mt 2, 13-18)
manifestent l’opposition des ténèbres à la lumière : " Il est venu
chez lui et les siens ne l’ont pas reçu " (Jn 1, 11). Toute la vie
du Christ sera sous le signe de la persécution. Les siens la
partagent avec lui (cf. Jn 15, 20). Sa montée d’Égypte (cf. Mt 2,
15) rappelle l’Exode (cf. Os 11, 1) et présente Jésus comme le
libérateur définitif.
Les mystères de
la vie cachée de Jésus
531
Pendant la plus grande partie de sa vie, Jésus a partagé la
condition de l’immense majorité des hommes : une vie quotidienne
sans apparente grandeur, vie de travail manuel, vie religieuse juive
soumise à la Loi de Dieu (cf. Ga 4, 4), vie dans la communauté. De
toute cette période il nous est révélé que Jésus était " soumis " à
ses parents et qu’" il croissait en sagesse, en taille et en grâce
devant Dieu et devant les hommes " (Lc 2, 51-52).
532 La
soumission de Jésus à sa mère et son père légal accomplit
parfaitement le quatrième commandement. Elle est l’image temporelle
de son obéissance filiale à son Père céleste. La soumission de tous
les jours de Jésus à Joseph et à Marie annonçait et anticipait la
soumission du Jeudi Saint : " Non pas ma volonté... " (Lc 22, 42).
L’obéissance du Christ dans le quotidien de la vie cachée inaugurait
déjà l’œuvre de rétablissement de ce que la désobéissance d’Adam
avait détruit (cf. Rm 5, 19).
533 La
vie cachée de Nazareth permet à tout homme de communier à Jésus par
les voies les plus quotidiennes de la vie :
Nazareth est
l’école où l’on commence à comprendre la vie de Jésus : l’école de
l’Évangile (...). Une leçon de silence d’abord. Que naisse en
nous l’estime du silence, cette admirable et indispensable condition
de l’esprit (...). Une leçon de vie familiale. Que Nazareth
nous enseigne ce qu’est la famille, sa communion d’amour, son
austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable (...).
Une leçon de travail. Nazareth, ô maison du " Fils du
Charpentier ", c’est ici que nous voudrions comprendre et célébrer
la loi sévère et rédemptrice du labeur humain (...) ; comme nous
voudrions enfin saluer ici tous les travailleurs du monde entier et
leur montrer leur grand modèle, leur frère divin (Paul VI, discours
5 janvier 1964 à Nazareth ).
534 Le
recouvrement de Jésus au Temple (cf. Lc 2, 41-52) est le seul
événement qui rompt le silence des Évangiles sur les années cachées
de Jésus. Jésus y laisse entrevoir le mystère de sa consécration
totale à une mission découlant de sa filiation divine : " Ne
saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père ? " Marie et
Joseph " ne comprirent pas " cette parole, mais ils l’accueillirent
dans la foi, et Marie " gardait fidèlement tous ces souvenirs en son
cœur ", tout au long des années où Jésus restait enfoui dans le
silence d’une vie ordinaire.
III. Les
mystères de la vie publique de Jésus
Le Baptême de
Jésus
535 Le
commencement (cf. Lc 3, 23) de la vie publique de Jésus est son
Baptême par Jean dans le Jourdain (cf. Ac 1, 22). Jean proclamait
" un baptême de repentir pour la rémission des péchés " (Lc 3, 3).
Une foule de pécheurs, publicains et soldats (cf. Lc 3, 10-14),
Pharisiens et Sadducéens (cf. Mt 3, 7) et prostituées (cf. Mt 21,
32) vient se faire baptiser par lui. " Alors paraît Jésus ". Le
Baptiste hésite, Jésus insiste : il reçoit le Baptême. Alors
l’Esprit Saint, sous forme de colombe, vient sur Jésus, et la voix
du ciel proclame : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé " (Mt 3,
13-17). C’est la manifestation (" Épiphanie ") de Jésus comme Messie
d’Israël et Fils de Dieu.
536 Le
Baptême de Jésus, c’est, de sa part, l’acceptation et l’inauguration
de sa mission de Serviteur souffrant. Il se laisse compter parmi les
pécheurs (cf. Is 53, 12) ; il est déjà " l’Agneau de Dieu qui ôte le
péché du monde " (Jn 1, 29) ; déjà, il anticipe le " baptême " de sa
mort sanglante (cf. Mc 10, 38 ; Lc 12, 50). Il vient déjà
" accomplir toute justice " (Mt 3, 15), c’est-à-dire qu’il se soumet
tout entier à la volonté de son Père : il accepte par amour le
baptême de mort pour la rémission de nos péchés (cf. Mt 26, 39). A
cette acceptation répond la voix du Père qui met toute sa
complaisance en son Fils (cf. Lc 3, 22 ; Is 42, 1). L’Esprit que
Jésus possède en plénitude dès sa conception, vient " reposer " sur
lui (Jn 1, 32-33 ; cf. Is 11, 2). Il en sera la source pour toute
l’humanité. A son Baptême, " les cieux s’ouvrirent " (Mt 3, 16) que
le péché d’Adam avait fermés ; et les eaux sont sanctifiées par la
descente de Jésus et de l’Esprit, prélude de la création nouvelle.
537 Par
le Baptême, le chrétien est sacramentellement assimilé à Jésus qui
anticipe en son baptême sa mort et sa résurrection ; il doit entrer
dans ce mystère d’abaissement humble et de repentance, descendre
dans l’eau avec Jésus, pour remonter avec lui, renaître de l’eau et
de l’Esprit pour devenir, dans le Fils, fils bien-aimé du Père et
" vivre dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4) :
Ensevelissons-nous avec le Christ par le Baptême, pour ressusciter
avec lui ; descendons avec lui, pour être élevés avec lui ;
remontons avec lui, pour être glorifiés en lui (S. Grégoire de Naz.,
or. 40, 9 : PG 36, 369B).
Tout ce qui
s’est passé dans le Christ nous fait connaître qu’après le bain
d’eau, l’Esprit Saint vole sur nous du haut du ciel et qu’adoptés
par la Voix du Père, nous devenons fils de Dieu (S. Hilaire, Mat.
2 : PL 9, 927).
La Tentation de
Jésus
538 Les
Évangiles parlent d’un temps de solitude de Jésus au désert
immédiatement après son baptême par Jean : " Poussé par l’Esprit "
au désert, Jésus y demeure quarante jours sans manger ; il vit avec
les bêtes sauvages et les anges le servent (cf. Mc 1, 12-13). A la
fin de ce temps, Satan le tente par trois fois cherchant à mettre en
cause son attitude filiale envers Dieu. Jésus repousse ces attaques
qui récapitulent les tentations d’Adam au Paradis et d’Israël au
désert, et le diable s’éloigne de lui " pour revenir au temps
marqué " (Lc 4, 13).
539 Les
Évangélistes indiquent le sens salvifique de cet événement
mystérieux. Jésus est le nouvel Adam, resté fidèle là où le premier
a succombé à la tentation. Jésus accomplit parfaitement la vocation
d’Israël : contrairement à ceux qui provoquèrent jadis Dieu pendant
quarante ans au désert (cf. Ps 95, 10), le Christ se révèle comme le
Serviteur de Dieu totalement obéissant à la volonté divine. En cela,
Jésus est vainqueur du diable : il a " ligoté l’homme fort " pour
lui reprendre son butin (Mc 3, 27). La victoire de Jésus sur le
tentateur au désert anticipe la victoire de la passion, obéissance
suprême de son amour filial du Père.
540 La
tentation de Jésus manifeste la manière qu’a le Fils de Dieu d’être
Messie, à l’opposé de celle que lui propose Satan et que les hommes
(cf. Mt 16, 21-23) désirent lui attribuer. C’est pourquoi le Christ
a vaincu le Tentateur pour nous : " Car nous n’avons pas un
grand prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été
éprouvé en tout, d’une manière semblable, à l’exception du péché "
(He 4, 15). L’Église s’unit chaque année par les quarante jours du
Grand Carême au mystère de Jésus au désert.
" Le Royaume de
Dieu est tout proche "
541
" Après que Jean eut été livré, Jésus se rendit en Galilée. Il y
proclamait en ces termes la Bonne Nouvelle venue de Dieu : ‘Les
temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche :
repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle’ " (Mc 1, 15). " Pour
accomplir la volonté du Père, le Christ inaugura le Royaume des
cieux sur la terre " (LG 3). Or, la volonté du Père, c’est
d’" élever les hommes à la communion de la vie divine " (LG 2). Il
le fait en rassemblant les hommes autour de son Fils, Jésus-Christ.
Ce rassemblement est l’Église, qui est sur terre " le germe et le
commencement du Royaume de Dieu " (LG 5).
542 Le
Christ est au cœur de ce rassemblement des hommes dans la " famille
de Dieu ". Il les convoque autour de lui par sa parole, par ses
signes qui manifestent le règne de Dieu, par l’envoi de ses
disciples. Il réalisera la venue de son Royaume surtout par le grand
mystère de sa Pâque : sa mort sur la Croix et sa Résurrection. " Et
moi, élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi " (Jn 12,
32). A cette union avec le Christ tous les hommes sont appelés (cf.
LG 3).
L’annonce du
Royaume de Dieu
543 Tous les
hommes sont appelés à entrer dans le Royaume. Annoncé d’abord
aux enfants d’Israël (cf. Mt 10, 5-7), ce Royaume messianique est
destiné à accueillir les hommes de toutes les nations (cf. Mt 8,
11 ; 28, 19). Pour y accéder, il faut accueillir la parole de
Jésus :
La parole du
Seigneur est en effet comparée à une semence qu’on sème dans un
champ : ceux qui l’écoutent avec foi et sont agrégés au petit
troupeau du Christ ont accueilli son royaume lui-même ; puis, par sa
propre vertu, la semence croît jusqu’au temps de la moisson (LG 5).
544 Le
Royaume appartient aux pauvres et aux petits, c’est-à-dire à
ceux qui l’ont accueilli avec un cœur humble. Jésus est envoyé pour
" porter la bonne nouvelle aux pauvres " (Lc 4, 18 ; cf. 7, 22). Il
les déclare bienheureux car " le Royaume des cieux est à eux " (Mt
5, 3) ; c’est aux " petits " que le Père a daigné révéler ce qui
reste caché aux sages et aux habiles (cf. Mt 11, 25). Jésus partage
la vie des pauvres, de la crèche à la croix ; il connaît la faim
(cf. Mc 2, 23-26 ; Mt 21, 18), la soif (cf. Jn 4, 6-7 ; 19, 28) et
le dénuement (cf. Lc 9, 58). Plus encore : il s’identifie aux
pauvres de toutes sortes et fait de l’amour actif envers eux la
condition de l’entrée dans son Royaume (cf. Mt 25, 31-46).
545 Jésus
invite les pécheurs à la table du Royaume : " Je ne suis pas
venu appeler les justes, mais les pécheurs " (Mc 2, 17 ; cf. 1 Tm 1,
15). Il les invite à la conversion sans laquelle on ne peut entrer
dans le Royaume, mais il leur montre en parole et en acte la
miséricorde sans bornes de son Père pour eux (cf. Lc 15, 11-32) et
l’immense " joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent "
(Lc 15, 7). La preuve suprême de cet amour sera le sacrifice de sa
propre vie " en rémission des péchés " (Mt 26, 28).
546 Jésus
appelle à entrer dans le Royaume à travers les paraboles,
trait typique de son enseignement (cf. Mc 4, 33-34). Par elles, il
invite au festin du Royaume (cf. Mt 22, 1-14), mais il demande aussi
un choix radical : pour acquérir le Royaume, il faut tout donner
(cf. Mt 13, 44-45) ; les paroles ne suffisent pas, il faut des actes
(cf. Mt 21, 28-32). Les paraboles sont comme des miroirs pour
l’homme : accueille-t-il la parole comme un sol dur ou comme une
bonne terre (cf. Mt 13, 3-9) ? Que fait-il des talents reçus (cf. Mt
25, 14-30) ? Jésus et la présence du Royaume en ce monde sont
secrètement au cœur des paraboles. Il faut entrer dans le Royaume,
c’est-à-dire devenir disciple du Christ pour " connaître les
mystères du Royaume des cieux " (Mt 13, 11). Pour ceux qui restent
" dehors " (Mc 4, 11), tout demeure énigmatique (cf. Mt 13, 10-15).
Les signes du
Royaume de Dieu
547 Jésus
accompagne ses paroles par de nombreux " miracles, prodiges et
signes " (Ac 2, 22) qui manifestent que le Royaume est présent en
Lui. Ils attestent que Jésus est le Messie annoncé (cf. Lc 7,
18-23).
548 Les
signes accomplis par Jésus témoignent que le Père l’a envoyé (cf. Jn
5, 36 ; 10, 25). Ils invitent à croire en lui (cf. Jn 10, 38). A
ceux qui s’adressent à lui avec foi, il accorde ce qu’ils demandent
(cf. Mc 5, 25-34 ; 10, 52 ; etc.). Alors les miracles fortifient la
foi en Celui qui fait les œuvres de son Père : ils témoignent qu’il
est le Fils de Dieu (cf. Jn 10, 31-38). Mais ils peuvent aussi être
" occasion de chute " (Mt 11, 6). Ils ne veulent pas satisfaire la
curiosité et les désirs magiques. Malgré ses miracles si évidents,
Jésus est rejeté par certains (cf. Jn 11, 47-48) ; on l’accuse même
d’agir par les démons (cf. Mc 3, 22).
549 En
libérant certains hommes des maux terrestres de la faim (cf. Jn 6,
5-15), de l’injustice (cf. Lc 19, 8), de la maladie et de la mort
(cf. Mt 11, 5), Jésus a posé des signes messianiques ; il n’est
cependant pas venu pour abolir tous les maux ici-bas (cf. Lc 12, 13.
14 ; Jn 18, 36), mais pour libérer les hommes de l’esclavage le plus
grave, celui du péché (cf. Jn 8, 34-36), qui les entrave dans leur
vocation de fils de Dieu et cause tous leurs asservissements
humains.
550 La
venue du Royaume de Dieu est la défaite du royaume de Satan (cf. Mt
12, 26) : " Si c’est par l’Esprit de Dieu que j’expulse les démons,
c’est qu’alors le Royaume de Dieu est arrivé pour vous " (Mt 12,
28). Les exorcismes de Jésus libèrent des hommes de l’emprise
des démons (cf. Lc 8, 26-39). Ils anticipent la grande victoire de
Jésus sur " le prince de ce monde " (Jn 12, 31). C’est par la Croix
du Christ que le Royaume de Dieu sera définitivement établi : " Dieu
a régné du haut du bois " (Hymne " Vexilla Regis ").
" Les clefs du
Royaume "
551 Dès
le début de sa vie publique, Jésus choisit des hommes au nombre de
douze pour être avec Lui et pour participer à sa mission (cf. Mc 3,
13-19) ; il leur donne part à son autorité " et il les envoya
proclamer le Royaume de Dieu et guérir " (Lc 9, 2). Ils restent pour
toujours associés au Royaume du Christ car celui-ci dirige par eux
l’Église :
Je dispose pour
vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi ; vous
mangerez et boirez à la table en mon Royaume, et vous siégerez sur
des trônes, pour juger les douze tribus d’Israël (Lc 22, 29-30).
552 Dans
le collège des Douze Simon Pierre tient la première place (cf. Mc 3,
16 ; 9, 2 ; Lc 24, 34 ; 1 Co 15, 5). Jésus lui a confié une mission
unique. Grâce à une révélation venant du Père, Pierre avait
confessé : " Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ". Notre
Seigneur lui avait alors déclaré : " Tu es Pierre, et sur cette
pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne tiendront
pas contre elle " (Mt 16, 18). Le Christ, " Pierre vivante " (1 P 2,
4), assure à son Église bâtie sur Pierre la victoire sur les
puissances de mort. Pierre, en raison de la foi confessée par lui,
demeurera le roc inébranlable de l’Église. Il aura mission de garder
cette foi de toute défaillance et d’y affermir ses frères (cf. Lc
22, 32).
553 Jésus
a confié à Pierre une autorité spécifique : " Je te donnerai les
clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera
tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce
sera tenu dans les cieux pour délié " (Mt 16, 19). Le " pouvoir des
clefs " désigne l’autorité pour gouverner la maison de Dieu, qui est
l’Église. Jésus, " le Bon Pasteur " (Jn 10, 11) a confirmé cette
charge après sa Résurrection : " Pais mes brebis " (Jn 21, 15-17).
Le pouvoir de " lier et délier " signifie l’autorité pour absoudre
les péchés, prononcer des jugements doctrinaux et prendre des
décisions disciplinaires dans l’Église. Jésus a confié cette
autorité à l’Église par le ministère des apôtres (cf. Mt 18, 18) et
particulièrement de Pierre, le seul à qui il a confié explicitement
les clefs du Royaume.
Un avant-goût du
Royaume : La Transfiguration
554 A
partir du jour où Pierre a confessé que Jésus est le Christ, le Fils
du Dieu vivant, le Maître " commença de montrer à ses disciples
qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, y souffrir (...) être mis
à mort et, le troisième jour, ressusciter " (Mt 16, 21) : Pierre
refuse cette annonce (cf. Mt 16, 22-23), les autres ne la
comprennent pas davantage (cf. Mt 17, 23 ; Lc 9, 45). C’est dans ce
contexte que se situe l’épisode mystérieux de la Transfiguration de
Jésus (cf. Mt 17, 1-8 par. ; 2 P 1, 16-18), sur une haute montagne,
devant trois témoins choisis par lui : Pierre, Jacques et Jean. Le
visage et les vêtements de Jésus deviennent fulgurants de lumière,
Moïse et Elie apparaissent, lui " parlant de son départ qu’il allait
accomplir à Jérusalem " (Lc 9, 31). Une nuée les couvre et une voix
du ciel dit : " Celui-ci est mon Fils, mon Élu ; écoutez-le " (Lc 9,
35).
555 Pour
un instant, Jésus montre sa gloire divine, confirmant ainsi la
confession de Pierre. Il montre aussi que, pour " entrer dans sa
gloire " (Lc 24, 26), il doit passer par la Croix à Jérusalem. Moïse
et Elie avaient vu la gloire de Dieu sur la Montagne ; la Loi et les
prophètes avaient annoncé les souffrances du Messie (cf. Lc 24, 27).
La passion de Jésus est bien la volonté du Père : le Fils agit en
Serviteur de Dieu (cf. Is 42, 1). La nuée indique la présence de
l’Esprit Saint : " Toute la Trinité apparut : le Père dans la voix,
le Fils dans l’homme, l’Esprit dans la nuée lumineuse " (S. Thomas
d’A., s. th. 3, 45, 4, ad 2) :
Tu t’es
transfiguré sur la montagne, et, autant qu’ils en étaient capables,
tes disciples ont contemplé ta Gloire, Christ Dieu afin que
lorsqu’ils Te verraient crucifié, ils comprennent que ta passion
était volontaire et qu’ils annoncent au monde que Tu es vraiment le
rayonnement du Père (Liturgie byzantine, Kontakion de la fête de la
Transfiguration).
556 Au
seuil de la vie publique : le Baptême ; au seuil de la Pâque : la
Transfiguration. Par le Baptême de Jésus " fut manifesté le mystère
de notre première régénération " : notre Baptême ; la
Transfiguration " est le sacrement de la seconde régénération " :
notre propre résurrection (S. Thomas d’A., s. th. 3, 45, 4, ad 2).
Dès maintenant nous participons à la Résurrection du Seigneur par
l’Esprit Saint qui agit dans les sacrements du Corps du Christ. La
Transfiguration nous donne un avant-goût de la glorieuse venue du
Christ " qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à
son corps de gloire " (Ph 3, 21). Mais elle nous rappelle aussi
qu’" il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans
le Royaume de Dieu " (Ac 14, 22) :
Cela Pierre ne
l’avait pas encore compris quand il désirait vivre avec le Christ
sur la montagne (cf. Lc 9, 33). Il t’a réservé cela, Pierre, pour
après la mort. Mais maintenant il dit lui-même : Descend pour peiner
sur la terre, pour servir sur la terre, pour être méprisé, crucifié
sur la terre. La Vie descend pour se faire tuer ; le Pain descend
pour avoir faim ; la Voie descend, pour se fatiguer en chemin ; la
Source descend, pour avoir soif ; et tu refuses de peiner ? (S.
Augustin, serm. 78, 6 : PL 38, 492-493).
La montée de
Jésus à Jérusalem
557 " Or,
comme approchait le temps où il devait être emporté de ce monde,
Jésus prit résolument le chemin de Jérusalem " (Lc 9, 51 ; cf. Jn
13, 1). Par cette décision, il signifiait qu’il montait à Jérusalem
prêt à mourir. A trois reprises il avait annoncé sa passion et sa
Résurrection (cf. Mc 8, 31-33 ; 9, 31-32 ; 10, 32-34). En se
dirigeant vers Jérusalem, il dit : " Il ne convient pas qu’un
prophète périsse hors de Jérusalem " (Lc 13, 33).
558 Jésus
rappelle le martyre des prophètes qui avaient été mis à mort à
Jérusalem (cf. Mt 23, 37a). Néanmoins, il persiste à appeler
Jérusalem à se rassembler autour de lui : " Combien de fois j’ai
voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble
ses poussins sous ses ailes (...) et vous n’avez pas voulu ! " (Mt
23, 37b). Quand Jérusalem est en vue, il pleure sur elle et exprime
encore une fois le désir de son cœur : " Ah ! Si en ce jour tu avais
compris, toi aussi, le message de paix ! Mais, hélas, il est demeuré
caché à tes yeux " (Lc 19, 41-42).
L’entrée
messianique de Jésus à Jérusalem
559
Comment Jérusalem va-t-elle accueillir son Messie ? Alors qu’il
s’était toujours dérobé aux tentatives populaires de le faire roi
(cf. Jn 6, 15), Jésus choisit le temps et prépare les détails de son
entrée messianique dans la ville de " David, son père " (Lc 1, 32 ;
cf. Mt 21, 1-11) Il est acclamé comme le fils de David, celui qui
apporte le salut ( "Hosanna " veut dire " sauve donc ! ", " donne le
salut ! "). Or " Roi de Gloire " (Ps 24, 7-10) entre danssaVille
" monté sur un ânon " (Za 9, 9) : il ne conquiert pas la Fille de
Sion, figure de son Église, par la ruse ni par la violence, mais par
l’humilité qui témoigne de la Vérité (cf. Jn 18, 37). C’est pourquoi
les sujets de son Royaume, ce jour-là, sont les enfants (cf. Mt 21,
15-16 ; Ps 8, 3) et les " pauvres de Dieu ", qui l’acclament comme
les anges l’annonçaient aux bergers (cf. Lc 19, 38 ; 2, 14). Leur
acclamation, " Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur " (Ps
118, 26), est reprise par l’Église dans le " Sanctus " de la
liturgie eucharistique pour ouvrir le mémorial de la Pâque du
Seigneur.
560 L’entrée
de Jésus à Jérusalem manifeste la Venue du Royaume que le
Roi-Messie va accomplir par la Pâque de sa Mort et de sa
Résurrection. C’est par sa célébration, le dimanche des Rameaux, que
la liturgie de l’Église ouvre la grande Semaine Sainte.
EN BREF
561
" Toute la vie du Christ fut un continuel enseignement : ses
silences, ses miracles, ses gestes, sa prière, son amour de l’homme,
sa prédilection pour les petits et les pauvres, l’acceptation du
sacrifice total sur la Croix pour la rédemption du monde, sa
Résurrection sont l’actuation de sa parole et l’accomplissement de
la Révélation " (CT 9).
562
Les disciples du Christ doivent se conformer à Lui jusqu’à ce qu’il
soit formé en eux (cf. Ga 4, 19). " C’est pourquoi nous sommes
assumés dans les mystères de sa vie, configurés à lui, associés à sa
mort et à sa Résurrection, en attendant de l’être à son Règne " (LG
7).
563
Berger ou Mage, on ne peut atteindre Dieu ici-bas qu’en
s’agenouillant devant la crèche de Bethléem et en l’adorant caché
dans la faiblesse d’un enfant.
564
Par sa soumission à Marie et Joseph, ainsi que par son humble
travail pendant de longues années à Nazareth, Jésus nous donne
l’exemple de la sainteté dans la vie quotidienne de la famille et du
travail.
565
Dès le début de sa vie publique, à son baptême, Jésus est le
" Serviteur ", entièrement consacré à l’œuvre rédemptrice qui
s’accomplira par le " baptême " de sa passion.
566
La tentation au désert montre Jésus, Messie humble qui triomphe de
Satan par sa totale adhésion au dessein de salut voulu par le Père.
567
Le Royaume des cieux a été inauguré sur la terre par le Christ. " Il
brille aux yeux des hommes dans la parole, les œuvres et la présence
du Christ " (LG 5). L’Église est le germe et le commencement de ce
Royaume. Ses clefs sont confiées à Pierre.
568
La Transfiguration du Christ a pour but de fortifier la foi des
apôtres en vue de la passion : la montée sur la " haute montagne "
prépare la montée au Calvaire. Le Christ, Tête de l’Église,
manifeste ce que son Corps contient et rayonne dans les sacrements :
" l’espérance de la Gloire " (Col 1, 27) (cf. S. Léon le Grand,
serm. 51, 3 : PL 54, 310C).
569
Jésus est monté volontairement à Jérusalem tout en sachant qu’il y
mourrait de mort violente à cause de la contradiction de la part des
pécheurs (cf. He 12, 3)..
570
L’entrée de Jésus à Jérusalem manifeste la venue du Royaume que le
Roi-Messie, accueilli dans sa ville par les enfants et les humbles
de cœur, va accomplir par la Pâque de sa Mort et de sa Résurrection.
Article 4
" JESÚS-CHRIST A
SOUFFERT SOUS PONCE PILATE, IL A ETE CRUCIFIE, IL EST MORT, IL A ETE
ENSEVELI "
571 Le
mystère pascal de la Croix et de la Résurrection du Christ est au
centre de la Bonne Nouvelle que les apôtres, et l’Église à leur
suite, doivent annoncer au monde. Le dessein sauveur de Dieu s’est
accompli " une fois pour toutes " (He 9, 26) par la mort rédemptrice
de son Fils Jésus-Christ.
572
L’Église reste fidèle à " l’interprétation de toutes les Écritures "
donnée par Jésus lui-même avant comme après sa Pâque : " Ne
fallait-il pas que le Messie endurât ces souffrances pour entrer
dans sa gloire ? " (Lc 24, 26-27. 44-45). Les souffrances de Jésus
ont pris leur forme historique concrète du fait qu’il a été " rejeté
par les anciens, les grands prêtres et les scribes " (Mc 8, 31) qui
l’ont " livré aux païens pour être bafoué, flagellé et mis en
croix " (Mt 20, 19).
573 La
foi peut donc essayer de scruter les circonstances de la mort de
Jésus, transmises fidèlement par les Évangiles (cf. DV 19) et
éclairées par d’autres sources historiques, pour mieux comprendre le
sens de la Rédemption.
Paragraphe 1.
JESUS ET ISRAËL
574 Dès
les débuts du ministère public de Jésus, des Pharisiens et des
partisans d’Hérode, avec des prêtres et des scribes, se sont mis
d’accord pour le perdre (cf. Mc 3, 6). Par certains de ses actes
(expulsions de démons, cf. Mt 12, 24 ; pardon des péchés, cf. Mc 2,
7 ; guérisons le jour du sabbat, cf. Mc 3, 1-6 ; interprétation
originale des préceptes de pureté de la Loi, cf. Mc 7, 14-23 ;
familiarité avec les publicains et les pécheurs publics, cf. Mc 2,
14-17) Jésus a semblé à certains, mal intentionnés, suspect de
possession (cf. Mc 3, 22 ; Jn 8, 48 ; 10, 20). On l’accuse de
blasphème (cf. Mc 2, 7 ; Jn 5, 18 ; 10, 33) et de faux prophétisme
(cf. Jn 7, 12 ; 7, 52), crimes religieux que la Loi châtiait par la
peine de mort sous forme de lapidation (cf. Jn 8, 59 ; 10, 31).
575 Bien
des actes et des paroles de Jésus ont donc été un " signe de
contradiction " (Lc 2, 34) pour les autorités religieuses de
Jérusalem, celles que l’Évangile de S. Jean appelle souvent " les
Juifs " (cf. Jn 1, 19 ; 2, 18 ; 5, 10 ; 7, 13 ; 9, 22 ; 18, 12 ; 19,
38 ; 20, 19), plus encore que pour le commun du Peuple de Dieu (cf.
Jn 7, 48-49). Certes, ses rapports avec les Pharisiens ne furent pas
uniquement polémiques. Ce sont des Pharisiens qui le préviennent du
danger qu’il court (cf. Lc 13, 31). Jésus loue certains d’entre eux
comme le scribe de Mc 12, 34 et il mange à plusieurs reprises chez
des Pharisiens (cf. Lc 7, 36 ; 14, 1). Jésus confirme des doctrines
partagées par cette élite religieuse du Peuple de Dieu : la
résurrection des morts (cf. Mt 22, 23-34 ; Lc 20, 39), les formes de
piété (aumône, jeûne et prière, cf. Mt 6, 18) et l’habitude de
s’adresser à Dieu comme Père, le caractère central du commandement
de l’amour de Dieu et du prochain (cf. Mc 12, 28-34).
576 Aux
yeux de beaucoup en Israël, Jésus semble agir contre les
institutions essentielles du Peuple élu :
– La soumission
à la Loi dans l’intégralité de ses préceptes écrits et, pour les
Pharisiens, dans l’interprétation de la tradition orale.
– La centralité
du Temple de Jérusalem comme lieu saint où Dieu habite d’une manière
privilégiée.
– La foi dans le
Dieu unique dont aucun homme ne peut partager la gloire.
I. Jésus et la
Loi
577 Jésus
a fait une mise en garde solennelle au début du Sermon sur la
Montagne où Il a présenté la Loi donnée par Dieu au Sinaï lors de la
Première alliance à la lumière de la grâce de la Nouvelle Alliance :
N’allez pas
croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis
pas venu abolir mais accomplir. Car je vous le dis en vérité, avant
que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point
sur l’i ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. Celui
donc qui violera l’un de ces moindres préceptes, sera tenu pour
moindre dans le Royaume des cieux ; au contraire, celui qui les
exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le
Royaume de cieux " (Mt 5, 17-19).
578
Jésus, le Messie d’Israël, le plus grand donc dans le Royaume des
cieux, se devait d’accomplir la Loi en l’exécutant dans son
intégralité jusque dans ses moindres préceptes selon ses propres
paroles. Il est même le seul à avoir pu le faire parfaitement (cf.
Jn 8, 46). Les Juifs, de leur propre aveu, n’ont jamais pu accomplir
la Loi dans son intégralité sans en violer le moindre précepte (cf.
Jn 7, 19 ; Ac 13, 38-41 ; 15, 10). C’est pourquoi à chaque fête
annuelle de l’Expiation, les enfants d’Israël demandent à Dieu
pardon pour leurs transgressions de la Loi. En effet, la Loi
constitue un tout et, comme le rappelle S. Jacques, " aurait-on
observé la Loi tout entière, si l’on commet un écart sur un seul
point, c’est du tout que l’on devient justiciable " (Jc 2, 10 ; cf.
Ga 3, 10 ; 5, 3).
579 Ce
principe de l’intégralité de l’observance de la Loi, non seulement
dans sa lettre mais dans son esprit, était cher aux Pharisiens. En
le dégageant pour Israël, ils ont conduit beaucoup de Juifs du temps
de Jésus à un zèle religieux extrême (cf. Rm 10, 2). Celui-ci, s’il
ne voulait pas se résoudre en une casuistique " hypocrite " (cf. Mt
15, 3-7 ; Lc 11, 39-54), ne pouvait que préparer le Peuple à cette
intervention de Dieu inouïe que sera l’exécution parfaite de la Loi
par le seul Juste à la place de tous les pécheurs (cf. Is 53, 11 ;
He 9, 15).
580
L’accomplissement parfait de la Loi ne pouvait être l’œuvre que du
divin Législateur né sujet de la Loi en la personne du Fils (cf. Ga
4, 4). En Jésus, la Loi n’apparaît plus gravée sur des tables de
pierre mais " au fond du cœur " (Jr 31, 33) du Serviteur qui, parce
qu’il " apporte fidèlement le droit " (Is 42, 3) est devenu
" l’alliance du peuple " (Is 42, 6). Jésus accomplit la Loi jusqu’à
prendre sur Lui " la malédiction de la Loi " (Ga 3, 13) encourue par
ceux qui ne " pratiquent pas tous les préceptes de la Loi " (Ga 3,
10) car " la mort du Christ a eu lieu pour racheter les
transgressions de la Première alliance " (He 9, 15).
581 Jésus
est apparu aux yeux des Juifs et de leurs chefs spirituels comme un
" rabbi " (cf. Jn 11, 38 ; 3, 2 ; Mt 22, 23-24. 34-36). Il a souvent
argumenté dans le cadre de l’interprétation rabbinique de la Loi
(cf. Mt 12, 5 ; 9, 12 ; Mc 2, 23– 27 ; Lc 6, 6-9 ; Jn 7, 22-23).
Mais en même temps, Jésus ne pouvait que heurter les docteurs de la
Loi car il ne se contentait pas de proposer son interprétation parmi
les leurs, " il enseignait comme quelqu’un qui a autorité et non pas
comme les scribes " (Mt 7, 28-29). En lui, c’est la même Parole de
Dieu qui avait retenti au Sinaï pour donner à Moïse la Loi écrite
qui se fait entendre de nouveau sur la Montagne des Béatitudes (cf.
Mt 5, 1). Elle n’abolit pas la Loi mais l’accomplit en fournissant
de manière divine son interprétation ultime : " Vous avez appris
qu’il a été dit aux ancêtres (...) moi je vous dis " (Mt 5, 33-34).
Avec cette même autorité divine, il désavoue certaines " traditions
humaines " (Mc 7, 8) des Pharisiens qui " annulent la Parole de
Dieu " (Mc 7, 13).
582
Allant plus loin, Jésus accomplit la Loi sur la pureté des aliments,
si importante dans la vie quotidienne juive, en dévoilant son sens
" pédagogique " (cf. Ga 3, 24) par une interprétation divine :
" Rien de ce qui pénètre du dehors dans l’homme ne peut le souiller
(...) – ainsi il déclarait purs tous les aliments. Ce qui sort de
l’homme, voilà ce qui souille l’homme. Car c’est du dedans, du cœur
des hommes que sortent les desseins pervers " (Mc 7, 18-21). En
délivrant avec autorité divine l’interprétation définitive de la
Loi, Jésus s’est trouvé affronté à certains docteurs de la Loi qui
ne recevaient pas son interprétation de la Loi garantie pourtant par
les signes divins qui l’accompagnaient (cf. Jn 5, 36 ; 10, 25.
37-38 ; 12, 37). Ceci vaut particulièrement pour la question du
sabbat : Jésus rappelle, souvent avec des arguments rabbiniques (cf.
Mc 2, 25-27 ; Jn 7, 22-24), que le repos du sabbat n’est pas troublé
par le service de Dieu (cf. Mt 12, 5 ; Nb 28, 9) ou du prochain (cf.
Lc 13, 15-16 ; 14, 3-4) qu’accomplissent ses guérisons.
II. Jésus et le
Temple
583
Jésus, comme les prophètes avant lui, a professé pour le Temple de
Jérusalem le plus profond respect. Il y a été présenté par Joseph et
Marie quarante jours après sa naissance (cf. Lc 2, 22-39). A l’âge
de douze ans, il décide de rester dans le Temple pour rappeler à ses
parents qu’il se doit aux affaires de son Père (cf. Lc 2, 46-49). Il
y est monté chaque année au moins pour la Pâque pendant sa vie
cachée (cf. Lc 2, 41) ; son ministère public lui-même a été rythmé
par ses pèlerinages à Jérusalem pour les grandes fêtes juives (cf.
Jn 2, 13-14 ; 5, 1. 14 ; 7, 1. 10. 14 ; 8, 2 ; 10, 22-23).
584 Jésus
est monté au Temple comme au lieu privilégié de la rencontre de
Dieu. Le Temple est pour lui la demeure de son Père, une maison de
prière, et il s’indigne de ce que son parvis extérieur soit devenu
un lieu de trafic (cf. Mt 21, 13). S’il chasse les marchands du
Temple, c’est par amour jaloux pour son Père : " Ne faites pas de la
maison de mon Père une maison de commerce. Ses disciples se
rappelèrent qu’il est écrit : ‘Le zèle pour ta maison me dévorera’
(Ps 69, 10) " (Jn 2, 16-17). Après sa Résurrection, les apôtres ont
gardé un respect religieux pour le Temple (cf. Ac 2, 46 ; 3, 1 ; 5,
20. 21 ; etc.).
585 Au
seuil de sa passion, Jésus a cependant annoncé la ruine de ce
splendide édifice dont il ne restera plus pierre sur pierre (cf. Mt
24, 1-2). Il y a ici annonce d’un signe des derniers temps qui vont
s’ouvrir avec sa propre Pâque (cf. Mt 24, 3 ; Lc 13, 35). Mais cette
prophétie a pu être rapportée de manière déformée par de faux
témoins lors de son interrogatoire chez le grand prêtre (cf. Mc 14,
57-58) et lui être renvoyée comme injure lorsqu’il était cloué sur
la croix (cf. Mt 27, 39-40).
586 Loin
d’avoir été hostile au Temple (cf. Mt 8, 4 ; 23, 21 ; Lc 17, 14 ; Jn
4, 22) où il a donné l’essentiel de son enseignement (cf. Jn 18,
20), Jésus a voulu payer l’impôt du Temple en s’associant Pierre
(cf. Mt 17, 24-27) qu’il venait de poser comme fondement pour son
Église à venir (cf. Mt 16, 18). Plus encore, il s’est identifié au
Temple en se présentant comme la demeure définitive de Dieu parmi
les hommes (cf. Jn 2, 21 ; Mt 12, 6). C’est pourquoi sa mise à mort
corporelle (cf. Jn 2, 18-22) annonce la destruction du Temple qui
manifestera l’entrée dans un nouvel âge de l’histoire du salut :
" L’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que
vous adorerez le Père " (Jn 4, 21 ; cf. Jn 4, 23-24 ; Mt 27, 51 ; He
9, 11 ; Ap 21, 22).
III. Jésus et la
foi d’Israël au Dieu Unique et Sauveur
587 Si la
Loi et le Temple de Jérusalem ont pu être occasion de
" contradiction " (cf. Lc 2, 34) de la part de Jésus pour les
autorités religieuses d’Israël, c’est son rôle dans la rédemption
des péchés, œuvre divine par excellence, qui a été pour elles la
véritable pierre d’achoppement (cf. Lc 20, 17-18 ; Ps 118, 22).
588 Jésus
a scandalisé les Pharisiens en mangeant avec les publicains et les
pécheurs (cf. Lc 5, 30) aussi familièrement qu’avec eux-mêmes (cf.
Lc 7, 36 ; 11, 37 ; 14, 1). Contre ceux d’entre eux " qui se
flattaient d’être des justes et n’avaient que mépris pour les
autres " (Lc 18, 9 ; cf. Jn 7, 49 ; 9, 34), Jésus a affirmé : " Je
ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs au repentir "
(Lc 5, 32). Il est allé plus loin en proclamant face aux Pharisiens
que, le péché étant universel (cf. Jn 8, 33-36), ceux qui prétendent
ne pas avoir besoin de salut s’aveuglent sur eux-mêmes (cf. Jn 9,
40-41).
589 Jésus
a surtout scandalisé parce qu’Il a identifié sa conduite
miséricordieuse envers les pécheurs avec l’attitude de Dieu Lui-même
à leur égard (cf. Mt 9, 13 ; Os 6, 6). Il est allé jusqu’à laisser
entendre qu’en partageant la table des pécheurs (cf. Lc 15, 1-2), Il
les admettait au banquet messianique (cf. Lc 15, 23-32). Mais c’est
tout particulièrement en pardonnant les péchés que Jésus a mis les
autorités religieuses d’Israël devant un dilemme. Ne diraient-elles
pas avec justesse dans leur effroi : " Dieu seul peut pardonner les
péchés " (Mc 2, 7) ? En pardonnant les péchés, ou bien Jésus
blasphème car c’est un homme qui se fait l’égal de Dieu (cf. Jn 5,
18 ; 10, 33), ou bien Il dit vrai et sa personne rend présent et
révèle le nom de Dieu (cf. Jn 17, 6. 26).
590 Seule
l’identité divine de la personne de Jésus peut justifier une
exigence aussi absolue que celle-ci : " Celui qui n’est pas avec moi
est contre moi " (Mt 12, 30) ; de même quand Il dit qu’il y a en Lui
" plus que Jonas, (...) plus que Salomon " (Mt 12, 41-42), " plus
que le Temple " (Mt 12, 6) ; quand Il rappelle à son sujet que David
a appelé le Messie son Seigneur (cf. Mt 12, 36. 37), quand Il
affirme : " Avant qu’Abraham fut, Je Suis " (Jn 8, 58) ; et même :
" Le Père et moi nous sommes un " (Jn 10, 30).
591 Jésus
a demandé aux autorités religieuses de Jérusalem de croire en Lui à
cause des œuvres de son Père qu’Il accomplit (cf. Jn 10, 36-38).
Mais un tel acte de foi devait passer par une mystérieuse mort à
soi-même pour une nouvelle " naissance d’en haut " (Jn 3, 7) dans
l’attirance de la grâce divine (cf. Jn 6, 44). Une telle exigence de
conversion face à un accomplissement si surprenant des promesses
(cf. Is 53, 1) permet de comprendre la tragique méprise du Sanhédrin
estimant que Jésus méritait la mort comme blasphémateur (cf. Mc 3,
6 ; Mt 26, 64-66). Ses membres agissaient ainsi à la fois par
ignorance (cf. Lc 23, 34 ; Ac 3, 17-18) et par l’endurcissement (cf.
Mc 3, 5 ; Rm 11, 25) de l’incrédulité (cf. Rm 11, 20).
EN BREF
592
Jésus n’a pas aboli la Loi du Sinaï, mais Il l’a accomplie (cf. Mt
5, 17-19) avec une telle perfection (cf. Jn 8, 46) qu’Il en révèle
le sens ultime (cf. Mt 5, 33) et qu’Il rachète les transgressions
contre elle (cf. He 9, 15).
593
Jésus a vénéré le Temple en y montant aux fêtes juives de pèlerinage
et Il a aimé d’un amour jaloux cette demeure de Dieu parmi les
hommes. Le Temple préfigure son mystère. S’Il annonce sa
destruction, c’est comme manifestation de sa propre mise à mort et
de l’entrée dans un nouvel âge de l’histoire du salut, où son Corps
sera le Temple définitif.
594
Jésus a posé des actes, tel le pardon des péchés, qui L’ont
manifesté comme étant le Dieu Sauveur lui-même (cf. Jn 5, 16-18).
Certains Juifs, qui, ne reconnaissant pas le Dieu fait homme (cf. Jn
1, 14), voyaient en Lui un homme qui se fait Dieu (cf. Jn 10, 33),
L’ont jugé comme un blasphémateur.
Paragraphe 2.
JESUS EST MORT CRUCIFIE
I. Le procès de
Jésus
Divisions des
autorités juives à l’égard de Jésus
595 Parmi
les autorités religieuses de Jérusalem, non seulement il s’est
trouvé le pharisien Nicodème (cf. Jn 7, 52) ou le notable Joseph
d’Arimathie pour être en secret disciples de Jésus (cf. Jn 19,
38-39), mais il s’est produit pendant longtemps des dissensions au
sujet de Celui-ci (cf. Jn 9, 16-17 ; 10, 19-21) au point qu’à la
veille même de sa passion, S. Jean peut dire d’eux qu’" un bon
nombre crut en lui ", quoique d’une manière très imparfaite (Jn 12,
42). Cela n’a rien d’étonnant si l’on tient compte qu’au lendemain
de la Pentecôte " une multitude de prêtres obéissait à la foi " (Ac
6, 7) et que " certains du parti des Pharisiens étaient devenus
croyants " (Ac 15, 5) au point que S. Jacques peut dire à S. Paul
que " plusieurs milliers de Juifs ont embrassé la foi et ce sont
tous d’ardents partisans de la Loi " (Ac 21, 20).
596 Les
autorités religieuses de Jérusalem n’ont pas été unanimes dans la
conduite à tenir vis-à-vis de Jésus (cf. Jn 9, 16 ; 10, 19). Les
pharisiens ont menacé d’excommunication ceux qui le suivraient (cf.
Jn 9, 22). A ceux qui craignaient que " tous croient en Jésus et que
les Romains viennent détruire notre Lieu Saint et notre nation " (Jn
11, 48), le grand prêtre Caïphe proposa en prophétisant : " Il est
de votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple et que la
nation ne périsse pas tout entière " (Jn 11, 49-50). Le Sanhédrin,
ayant déclaré Jésus " passible de mort " (Mt 26, 66) en tant que
blasphémateur, mais ayant perdu le droit de mise à mort (cf. Jn 18,
31), livre Jésus aux Romains en l’accusant de révolte politique (cf.
Lc 23, 2) ce qui mettra celui-ci en parallèle avec Barrabas accusé
de " sédition " (Lc 23, 19). Ce sont aussi des menaces politiques
que les grands prêtres exercent sur Pilate pour qu’il condamne Jésus
à mort (cf. Jn 19, 12. 15. 21).
Les Juifs ne
sont pas collectivement responsables de la mort de Jésus
597 En
tenant compte de la complexité historique du procès de Jésus
manifestée dans les récits évangéliques, et quel que puisse être le
péché personnel des acteurs du procès (Judas, le Sanhédrin, Pilate)
que seul Dieu connaît, on ne peut en attribuer la responsabilité à
l’ensemble des Juifs de Jérusalem, malgré les cris d’une foule
manipulée (cf. Mc 15, 11) et les reproches globaux contenus dans les
appels à la conversion après la Pentecôte (cf. Ac 2, 23. 36 ; 3,
13-14 ; 4, 10 ; 5, 30 ; 7, 52 ; 10, 39 ; 13, 27-28 ; 1 Th 2, 14-15).
Jésus lui-même en pardonnant sur la croix (cf. Lc 23, 34) et Pierre
à sa suite ont fait droit à " l’ignorance " (Ac 3, 17) des Juifs de
Jérusalem et même de leurs chefs. Encore moins peut-on, à partir du
cri du peuple : " Que son sang soit sur nous et sur nos enfants "
(Mt 27, 25) qui signifie une formule de ratification (cf. Ac 5, 28 ;
18, 6), étendre la responsabilité aux autres Juifs dans l’espace et
dans le temps :
Aussi bien
l’Église a-t-elle déclaré au Concile Vatican II : " Ce qui a été
commis durant la passion ne peut être imputé ni indistinctement à
tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. (...) Les
Juifs ne doivent pas être présentés comme réprouvés par Dieu, ni
maudits comme si cela découlait de la Sainte Écriture " (NA 4).
Tous les
pécheurs furent les auteurs de la passion du Christ
598
L’Église, dans le Magistère de sa foi et dans le témoignage de ses
saints, n’a jamais oublié que " les pécheurs eux-mêmes furent les
auteurs et comme les instruments de toutes les peines qu’endura le
divin Rédempteur " (Catech. R. 1, 5, 11 ; cf. He 12, 3). Tenant
compte du fait que nos péchés atteignent le Christ Lui-même (cf. Mt
25, 45 ; Ac 9, 4-5), l’Église n’hésite pas à imputer aux chrétiens
la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus,
responsabilité dont ils ont trop souvent accablé uniquement les
Juifs :
Nous devons
regarder comme coupables de cette horrible faute, ceux qui
continuent à retomber dans leurs péchés. Puisque ce sont nos crimes
qui ont fait subir à Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la
croix, à coup sûr ceux qui se plongent dans les désordres et dans le
mal " crucifient de nouveau dans leur cœur, autant qu’il est en eux,
le Fils de Dieu par leurs péchés et le couvrent de confusion " (He
6, 6). Et il faut le reconnaître, notre crime à nous dans ce cas est
plus grand que celui des Juifs. Car eux, au témoignage de l’apôtre,
" s’ils avaient connu le Roi de gloire, ils ne l’auraient jamais
crucifié " (1 Co 2, 8). Nous, au contraire, nous faisons profession
de Le connaître. Et lorsque nous Le renions par nos actes, nous
portons en quelque sorte sur Lui nos mains meurtrières (Catech. R.
1, 5, 11).
Et les démons,
ce ne sont pas eux qui L’ont crucifié ; c’est toi qui avec eux L’as
crucifié et Le crucifies encore, en te délectant dans les vices et
les péchés (S. François d’Assise, admon. 5, 3).
II. La mort
rédemptrice du Christ dans le dessein divin de salut
" Jésus livré
selon le dessein bien arrêté de Dieu "
599 La
mort violente de Jésus n’a pas été le fruit du hasard dans un
concours malheureux de circonstances. Elle appartient au mystère du
dessein de Dieu, comme S. Pierre l’explique aux Juifs de Jérusalem
dès son premier discours de Pentecôte : " Il avait été livré selon
le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu " (Ac 2, 23). Ce
langage biblique ne signifie pas que ceux qui ont " livré Jésus "
(Ac 3, 13) n’ont été que les exécutants passifs d’un scénario écrit
d’avance par Dieu.
600 A
Dieu tous les moments du temps sont présents dans leur actualité. Il
établit donc son dessein éternel de " prédestination " en y incluant
la réponse libre de chaque homme à sa grâce : " Oui, vraiment, ils
se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur
Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate avec les nations
païennes et les peuples d’Israël (cf. Ps 2, 1-2), de telle sorte
qu’ils ont accompli tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu
avais prédestiné " (Ac 4, 27-28). Dieu a permis les actes issus de
leur aveuglement (cf. Mt 26, 54 ; Jn 18, 36 ; 19, 11) en vue
d’accomplir son dessein de salut (cf. Ac 3, 17-18).
" Mort pour nos
péchés selon les Écritures "
601 Ce
dessein divin de salut par la mise à mort du " Serviteur, le Juste "
(Is 53, 11 ; cf. Ac 3, 14) avait été annoncé par avance dans
l’Écriture comme un mystère de rédemption universelle, c’est-à-dire
de rachat qui libère les hommes de l’esclavage du péché (cf. Is 53,
11-12 ; Jn 8, 34-36). S. Paul professe, dans une confession de foi
qu’il dit avoir " reçue " (1 Co 15, 3) que " le Christ est mort pour
nos péchés selon les Écritures " (ibidem ; cf. aussi Ac 3,
18 ; 7, 52 ; 13, 29 ; 26, 22-23). La mort rédemptrice de Jésus
accomplit en particulier la prophétie du Serviteur souffrant (cf. Is
53, 7-8 et Ac 8, 32-35). Jésus lui-même a présenté le sens de sa vie
et de sa mort à la lumière du Serviteur souffrant (cf. Mt 20, 28).
Après sa Résurrection, il a donné cette interprétation des Écritures
aux disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 25-27), puis aux apôtres
eux-mêmes (cf. Lc 24, 44-45).
" Dieu l’a fait
péché pour nous "
602 S.
Pierre peut en conséquence formuler ainsi la foi apostolique dans le
dessein divin de salut : " Vous avez été affranchis de la vaine
conduite héritée de vos pères par un sang précieux, comme d’un
agneau sans reproche et sans tache, le Christ, discerné avant la
fondation du monde et manifesté dans les derniers temps à cause de
vous " (1 P 1, 18-20). Les péchés des hommes, consécutifs au péché
originel, sont sanctionnés par la mort (cf. Rm 5, 12 ; 1 Co 15, 56).
En envoyant son propre Fils dans la condition d’esclave (cf. Ph 2,
7), celle d’une humanité déchue et vouée à la mort à cause du péché
(cf. Rm 8, 3), " Dieu l’a fait péché pour nous, lui qui n’avait pas
connu le péché, afin qu’en lui nous devenions justice pour Dieu " (2
Co 5, 21).
603 Jésus
n’a pas connu la réprobation comme s’il avait lui-même péché (cf. Jn
8, 46). Mais dans l’amour rédempteur qui l’unissait toujours au Père
(cf. Jn 8, 29), il nous a assumé dans l’égarement de notre péché par
rapport à Dieu au point de pouvoir dire en notre nom sur la croix :
" Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné " (Mc 15, 34 ; Ps
22, 1). L’ayant rendu ainsi solidaire de nous pécheurs, " Dieu n’a
pas épargné son propre Fils mais l’a livré pour nous tous " (Rm 8,
32) pour que nous soyons " réconciliés avec Lui par la mort de son
Fils " (Rm 5, 10).
Dieu a
l’initiative de l’amour rédempteur universel
604 En
livrant son Fils pour nos péchés, Dieu manifeste que son dessein sur
nous est un dessein d’amour bienveillant qui précède tout mérite de
notre part : " En ceci consiste l’amour : ce n’est pas nous qui
avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son
Fils en victime de propitiation pour nos péchés " (1 Jn 4, 10 ; cf.
4, 19). " La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors
que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous " (Rm 5, 8).
605 Cet
amour est sans exclusion Jésus l’a rappelé en conclusion de la
parabole de la brebis perdue : " Ainsi on ne veut pas, chez votre
Père qui est aux cieux, qu’un seul de ses petits ne se perde " (Mt
18, 14). Il affirme " donner sa vie en rançon pour la multitude "
(Mt 20, 28) ; ce dernier terme n’est pas restrictif : il oppose
l’ensemble de l’humanité à l’unique personne du Rédempteur qui se
livre pour la sauver (cf. Rm 5, 18-19). L’Église, à la suite des
apôtres (cf. 2 Co 5, 15 ; 1 Jn 2, 2), enseigne que le Christ est
mort pour tous les hommes sans exception : " Il n’y a, il n’y a eu
et il n’y aura aucun homme pour qui le Christ n’ait pas souffert "
(Cc. Quiercy en 853 : DS 624).
III. Le Christ
s’est offert lui-même à son Père pour nos péchés
Toute la vie du
Christ est offrande au Père
606 Le
Fils de Dieu, " descendu du ciel non pour faire sa volonté mais
celle de son Père qui l’a envoyé " (Jn 6, 38), " dit en entrant dans
le monde : (...) Voici je viens (...) pour faire ô Dieu ta volonté.
(...) C’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par
l’oblation du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes " (He 10,
5-10). Dès le premier instant de son Incarnation, le Fils épouse le
dessein de salut divin dans sa mission rédemptrice : " Ma nourriture
est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son
œuvre à bonne fin " (Jn 4, 34). Le sacrifice de Jésus " pour les
péchés du monde entier " (1 Jn 2, 2) est l’expression de sa
communion d’amour au Père : " Le Père m’aime parce que je donne ma
vie " (Jn 10, 17). " Il faut que le monde sache que j’aime le Père
et que je fais comme le Père m’a commandé " (Jn 14, 31).
607 Ce
désir d’épouser le dessein d’amour rédempteur de son Père anime
toute la vie de Jésus (cf. Lc 12, 50 ; 22, 15 ; Mt 16, 21-23) car sa
passion rédemptrice est la raison d’être de son Incarnation :
" Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis
venu à cette heure " (Jn 12, 27). " La coupe que m’a donnée le Père
ne la boirai-je pas ? " (Jn 18, 11). Et encore sur la croix avant
que " tout soit accompli " (Jn 19, 30), il dit : " J’ai soif " (Jn
19, 28).
" L’Agneau qui
enlève le péché du monde "
608 Après
avoir accepté de Lui donner le Baptême à la suite des pécheurs (cf.
Lc 3, 21 ; Mt 3, 14-15), Jean-Baptiste a vu et montré en Jésus
l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde (cf. Jn 1, 29. 36).
Il manifeste ainsi que Jésus est à la fois le Serviteur souffrant
qui, silencieux, se laisse mener à l’abattoir (cf. Is 53, 7 ; Jr 11,
19) et porte le péché des multitudes (cf. Is 53, 12), et l’agneau
Pascal symbole de la rédemption d’Israël lors de la première Pâque
(cf. Ex 12, 3-14 ; Jn 19, 36 ; 1 Co 5, 7). Toute la vie du Christ
exprime sa mission : servir et donner sa vie en rançon pour la
multitude (cf. Mc 10, 45).
Jésus épouse
librement l’amour rédempteur du Père
609 En
épousant dans son cœur humain l’amour du Père pour les hommes, Jésus
" les a aimés jusqu’à la fin " (Jn 13, 1) " car il n’y a pas de plus
grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime " (Jn 15, 13).
Ainsi dans la souffrance et dans la mort, son humanité est devenue
l’instrument libre et parfait de son amour divin qui veut le salut
des hommes (cf. He 2, 10. 17-18 ; 4, 15 ; 5, 7-9). En effet, il a
librement accepté sa passion et sa mort par amour de son Père et des
hommes que Celui-ci veut sauver : " Personne ne m’enlève la vie,
mais je la donne de moi-même " (Jn 10, 18). D’où la souveraine
liberté du Fils de Dieu quand il va lui-même vers la mort (cf. Jn
18, 4-6 ; Mt 26, 53).
A la Cène Jésus
a anticipé l’offrande libre de sa vie
610 Jésus
a exprimé suprêmement l’offrande libre de Lui-même dans le repas
pris avec les douze apôtres (cf. Mt 26, 20), dans " la nuit où Il
fut livré " (1 Co 11, 23). La veille de sa passion, alors qu’Il
était encore libre, Jésus a fait de cette dernière Cène avec ses
apôtres le mémorial de son offrande volontaire au Père (cf. 1 Co 5,
7) pour le salut des hommes : " Ceci est mon corps donné pour
vous " (Lc 22, 19). " Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui
va être répandu pour une multitude en rémission des péchés "
(Mt 26, 28).
611
L’Eucharistie qu’il institue à ce moment sera le " mémorial " (1 Co
11, 25) de son sacrifice. Jésus inclut les apôtres dans sa propre
offrande et leur demande de la perpétuer (cf. Lc 22, 19). Par là,
Jésus institue ses apôtres prêtres de l’Alliance Nouvelle : " Pour
eux Je me consacre afin qu’ils soient eux aussi consacrés dans la
vérité " (Jn 17, 19 ; cf. Cc. Trente : DS 1752 ; 1764).
L’agonie à
Gethsémani
612 La
coupe de la Nouvelle Alliance, que Jésus a anticipée à la Cène en
s’offrant lui-même (cf. Lc 22, 20), il l’accepte ensuite des mains
du Père dans son agonie à Gethsémani (cf. Mt 26, 42) en se faisant
" obéissant jusqu’à la mort " (Ph 2, 8 ; cf. He 5, 7-8). Jésus
prie : " Mon Père, s’il est possible que cette coupe passe loin de
moi... " (Mt 26, 39). Il exprime ainsi l’horreur que représente la
mort pour sa nature humaine. En effet celle-ci, comme la nôtre, est
destinée à la vie éternelle ; en plus, à la différence de la nôtre,
elle est parfaitement exempte du péché (cf. He 4, 15) qui cause la
mort (cf. Rm 5, 12) ; mais surtout elle est assumée par la personne
divine du " Prince de la Vie " (Ac 3, 15), du " Vivant " (Ap 1, 17 ;
cf. Jn 1, 4 ; 5, 26). En acceptant dans sa volonté humaine que la
volonté du Père soit faite (cf. Mt 26, 42), il accepte sa mort en
tant que rédemptrice pour " porter lui-même nos fautes dans son
corps sur le bois " (1 P 2, 24).
La mort du
Christ est le sacrifice unique et définitif
613 La
mort du Christ est à la fois le sacrifice Pascal qui
accomplit la rédemption définitive des hommes (cf. 1 Co 5, 7 ; Jn 8,
34-36) par l’Agneau qui porte le péché du monde (cf. Jn 1, 29 ; 1 P
1, 19) et le sacrifice de la Nouvelle Alliance (cf. 1 Co 11,
25) qui remet l’homme en communion avec Dieu (cf. Ex 24, 8) en le
réconciliant avec Lui par le sang répandu pour la multitude en
rémission des péchés (cf. Mt 26, 28 ; Lv 16, 15-16).
614 Ce
sacrifice du Christ est unique, il achève et dépasse tous les
sacrifices (cf. He 10, 10). Il est d’abord un don de Dieu le Père
lui-même : c’est le Père qui livre son Fils pour nous réconcilier
avec lui (cf. 1 Jn 4, 10). Il est en même temps offrande du Fils de
Dieu fait homme qui, librement et par amour (cf. Jn 15, 13), offre
sa vie (cf. Jn 10, 17-18) à son Père par l’Esprit Saint (cf. He 9,
14), pour réparer notre désobéissance.
Jésus substitue
son obéissance à notre désobéissance
615
" Comme par la désobéissance d’un seul la multitude a été constituée
pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul la multitude sera
constituée juste " (Rm 5, 19). Par son obéissance jusqu’à la mort,
Jésus a accompli la substitution du Serviteur souffrant qui " offre
sa vie en sacrifice expiatoire ", " alors qu’il portait le
péché des multitudes " " qu’il justifie en s’accablant lui-même de
leurs fautes " (Is 53, 10-12). Jésus a réparé pour nos fautes et
satisfait au Père pour nos péchés (cf. Cc. Trente : DS 1529).
Sur la croix,
Jésus consomme son sacrifice
616 C’est " l’amour jusqu’à la
fin " (Jn 13, 1) qui confère sa valeur de rédemption et de
réparation, d’expiation et de satisfaction au sacrifice du Christ.
Il nous a tous connus et aimés dans l’offrande de sa vie (cf. Ga 2,
20 ; Ep 5, 2. 25). " L’amour du Christ nous presse, à la pensée que,
si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts " (2 Co 5, 14).
Aucun homme, fût-il le plus saint, n’était en mesure de prendre sur
lui les péchés de tous les hommes et de s’offrir en sacrifice pour
tous. L’existence dans le Christ de la Personne divine du Fils, qui
dépasse et, en même temps, embrasse toutes les personnes humaines,
et qui le constitue Tête de toute l’humanité, rend possible son
sacrifice rédempteur pour
tous.
617 " Par
sa sainte passion, sur le bois de la Croix, Il nous a mérité la
justification " enseigne le Concile de Trente (DS 1529) : soulignant
le caractère unique du sacrifice du Christ comme " principe de salut
éternel " (He 5, 9). Et l’Église vénère la Croix en chantant :
" Salut, O Croix, notre unique espérance " (Hymne " Vexilla
Regis ").
Notre
participation au sacrifice du Christ
618 La
Croix est l’unique sacrifice du Christ " seul médiateur entre Dieu
et les hommes " (1 Tm 2, 5). Mais, parce que, dans sa Personne
divine incarnée, " il s’est en quelque sorte uni lui-même à tout
homme " (GS 22, § 2), il " offre à tous les hommes, d’une façon que
Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal " (GS
22, § 5). Il appelle ses disciples à " prendre leur croix et à le
suivre " (Mt 16, 24) car " il a souffert pour nous, il nous a tracé
le chemin afin que nous suivions ses pas " (1 P 2, 21). Il veut en
effet associer à son sacrifice rédempteur ceux-là même qui en sont
les premiers bénéficiaires (cf. Mc 10, 39 ; Jn 21, 18-19 ; Col 1,
24). Cela s’accomplit suprêmement pour sa Mère, associée plus
intimement que tout autre au mystère de sa souffrance rédemptrice
(cf. Lc 2, 35) :
En dehors de la
Croix il n’y a pas d’autre échelle par où monter au ciel (Ste. Rose
de Lima, vita).
EN BREF
619
" Le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures " (1 Co 15,
3).
620
Notre salut découle de l’initiative d’amour de Dieu envers nous car
" c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de
propitiation pour nos péchés " (1 Jn 4, 10). " C’est Dieu qui dans
le Christ se réconciliait le monde " (2 Co 5, 19).
621
Jésus s’est offert librement pour notre salut. Ce don, il le
signifie et le réalise à l’avance pendant la dernière cène : " Ceci
est mon corps, qui va être donné pour vous " (Lc 22, 19).
622
En ceci consiste la rédemption du Christ : il " est venu donner sa
vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28), c’est-à-dire " aimer
les siens jusqu’à la fin " (Jn 13, 1) pour qu’ils soient
" affranchis de la vaine conduite héritée de leurs pères " (1 P 1,
18).
623
Par son obéissance aimante au Père, " jusqu’à la mort de la croix "
(Ph 2, 8), Jésus accomplit la mission expiatrice (cf. Is 53, 10) du
Serviteur souffrant qui " justifie les multitudes en s’accablant
lui-même de leurs fautes " (Is 53, 11 ; cf. Rm 5, 19).
Paragraphe 3.
JESÚS-CHRIST A ETE ENSEVELI
624 " Par
la grâce de Dieu, au bénéfice de tout homme, il a goûté la mort "
(He 2, 9). Dans son dessein de salut, Dieu a disposé que son Fils
non seulement " mourrait pour nos péchés " (1 Co 15, 3) mais aussi
qu’il " goûterait la mort ", c’est-à-dire connaîtrait l’état de
mort, l’état de séparation entre son âme et son corps, durant le
temps compris entre le moment où il a expiré sur la croix et le
moment où il est ressuscité. Cet état du Christ mort est le mystère
du sépulcre et de la descente aux enfers. C’est le mystère du Samedi
Saint où le Christ déposé au tombeau (cf. Jn 19, 42) manifeste le
grand repos sabbatique de Dieu (cf. He 4, 7-9) après
l’accomplissement (cf. Jn 19, 30) du salut des hommes qui met en
paix l’univers entier (cf. Col 1, 18-20).
Le Christ au
sépulcre dans son corps
625 Le
séjour du Christ au tombeau constitue le lien réel entre l’état
passible du Christ avant Pâque et son actuel état glorieux de
Ressuscité. C’est la même personne du " Vivant " qui peut dire :
" J’ai été mort et me voici vivant pour les siècles des siècles "
(Ap 1, 18) :
Dieu [le Fils]
n’a pas empêché la mort de séparer l’âme du corps, selon l’ordre
nécessaire à la nature, mais il les a de nouveau réunis l’un à
l’autre par la Résurrection, afin d’être lui-même dans sa
personne le point de rencontre de la mort et de la vie en
arrêtant en lui la décomposition de la nature produite par la mort
et en devenant lui-même principe de réunion pour les parties
séparées (S. Grégoire de Nysse, or. catech. 16 : PG 45, 52B).
626
Puisque le " Prince de la vie " qu’on a mis à mort (Ac 3, 15) est
bien le même que " le Vivant qui est ressuscité " (Lc 24, 5-6), il
faut que la personne divine du Fils de Dieu ait continué à assumer
son âme et son corps séparés entre eux par la mort :
Du fait qu’à la
mort du Christ l’âme a été séparée de la chair, la personne unique
ne s’est pas trouvée divisée en deux personnes ; car le corps et
l’âme du Christ ont existé au même titre dès le début dans la
personne du Verbe ; et dans la mort, quoique séparés l’un de
l’autre, ils sont restés chacun avec la même et unique personne du
Verbe (S. Jean Damascène, f. o. 3, 27 : PG 94, 1098A).
" Tu ne
laisseras pas ton saint voir la corruption "
627 La
mort du Christ a été une vraie mort en tant qu’elle a mis fin à son
existence humaine terrestre. Mais à cause de l’union que la Personne
du Fils a gardé avec son Corps, il n’est pas devenu une dépouille
mortelle comme les autres car " il n’était pas possible qu’il fût
retenu en son pouvoir (de la mort) " (Ac 2, 24). C’est pourquoi " la
vertu divine a préservé le corps du Christ de la corruption " (S.
Thomas d’A., s. th. 3, 51, 3). Du Christ on peut dire à la fois :
" Il a été retranché de la terre des vivants " (Is 53, 8) ; et :
" Ma chair reposera dans l’espérance que tu n’abandonneras pas mon
âme aux enfers et ne laisseras pas ton saint voir la corruption "
(Ac 2, 26-27 ; cf. Ps 16, 9-10). La Résurrection de Jésus " le
troisième jour " (1 Co 15, 4 ; Lc 24, 46 ; cf. Mt 12, 40 ; Jon 2,
1 ; Os 6, 2) en était la preuve car la corruption était censée se
manifester à partir du quatrième jour (cf. Jn 11, 39).
" Ensevelis avec
le Christ... "
628 Le
Baptême, dont le signe originel et plénier est l’immersion, signifie
efficacement la descente au tombeau du chrétien qui meurt au péché
avec le Christ en vue d’une vie nouvelle : " Nous avons été
ensevelis avec le Christ par le Baptême dans la mort, afin que,
comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous
vivions nous aussi dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4 ; cf. Col 2,
12 ; Ep 5, 26).
EN BREF
629
Au bénéfice de tout homme Jésus a goûté la mort (cf. He 2, 9). C’est
vraiment le Fils de Dieu fait homme qui est mort et qui a été
enseveli.
630
Pendant le séjour du Christ au tombeau sa Personne divine a continué
à assumer tant son âme que son corps séparés pourtant entre eux par
la mort. C’est pourquoi le corps du Christ mort " n’a pas vu la
corruption " (Ac 12, 37).
Article 5
" JESÚS-CHRIST
EST DESCENDU AUX ENFERS, EST RESSUSCITE DES MORTS LE TROISIEME
JOUR "
631
" Jésus est descendu dans les régions inférieures de la terre. Celui
qui est descendu est le même que celui qui est aussi monté " (Ep 4,
9-10). Le Symbole des apôtres confesse en un même article de foi la
descente du Christ aux enfers et sa Résurrection des morts le
troisième jour, parce que dans sa Pâque c’est du fond de la mort
qu’il a fait jaillir la vie :
Le Christ, ton
Fils
qui, remonté des
Enfers,
répandit sur le
genre humain sa sereine clarté,
et vit et règne
pour les siècles des siècles.
Amen
(MR,
Vigile Pascale 18 : Exsultet)
Paragraphe 1. LE
CHRIST EST DESCENDU AUX ENFERS
632 Les
fréquentes affirmations du Nouveau Testament selon lesquelles Jésus
" est ressuscité d’entre les morts " (Ac 3, 15 ; Rm 8, 11 ; 1 Co 15,
20) présupposent, préalablement à la résurrection, que celui-ci soit
demeuré dans le séjour des morts (cf. He 13, 20). C’est le sens
premier que la prédication apostolique a donné à la descente de
Jésus aux enfers : Jésus a connu la mort comme tous les hommes et
les a rejoints par son âme au séjour des morts. Mais il y est
descendu en Sauveur, proclamant la bonne nouvelle aux esprits qui y
étaient détenus (cf. 1 P 3, 18-19).
633 Le
séjour des morts où le Christ mort est descendu, l’Écriture
l’appelle les enfers, le Shéol ou l’Hadès (cf. Ph 2, 10 ; Ac 2, 24 ;
Ap 1, 18 ; Ep 4, 9) parce que ceux qui s’y trouvent sont privés de
la vision de Dieu (cf. Ps 6, 6 ; 88, 11-13). Tel est en effet, en
attendant le Rédempteur, le cas de tous les morts, méchants ou
justes (cf. Ps 89, 49 ; 1 S 28, 19 ; Ez 32, 17-32) ce qui ne veut
pas dire que leur sort soit identique comme le montre Jésus dans la
parabole du pauvre Lazare reçu dans " le sein d’Abraham " (cf. Lc
16, 22-26). " Ce sont précisément ces âmes saintes, qui attendaient
leur Libérateur dans le sein d’Abraham, que Jésus-Christ délivra
lorsqu’il descendit aux enfers " (Catech. R. 1, 6, 3). Jésus n’est
pas descendu aux enfers pour y délivrer les damnés (cf. Cc. Rome de
745 : DS 587) ni pour détruire l’enfer de la damnation (cf. DS
1011 ; 1077) mais pour libérer les justes qui l’avaient précédé (cf.
Cc. Tolède IV en 625 : DS 485 ; Mt 27, 52-53).
634 " La
Bonne Nouvelle a été également annoncée aux morts... " (1 P 4, 6).
La descente aux enfers est l’accomplissement, jusqu’à la plénitude,
de l’annonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la
mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais
immensément vaste dans sa signification réelle d’extension de
l’œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous
les lieux, car tous ceux qui sont sauvés ont été rendus participants
de la Rédemption.
635 Le
Christ est donc descendu dans la profondeur de la mort (cf. Mt 12,
24 ; Rm 10, 7 ; Ep 4, 9) afin que " les morts entendent la voix du
Fils de Dieu et que ceux qui l’auront entendue vivent " (Jn 5, 25).
Jésus, " le Prince de la vie " (Ac 3, 15), a " réduit à
l’impuissance, par sa mort, celui qui a la puissance de la mort,
c’est-à-dire le diable, et a affranchi tous ceux qui, leur vie
entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort " (He
2, 14-15). Désormais le Christ ressuscité " détient la clef de la
mort et de l’Hadès " (Ap 1, 18) et " au nom de Jésus tout genou
fléchit au ciel, sur terre et aux enfers " (Ph 2, 10).
Un grand silence
règne aujourd’hui sur la terre, un grand silence et une grande
solitude. Un grand silence parce que le Roi dort. La terre a tremblé
et s’est calmée parce que Dieu s’est endormi dans la chair et qu’il
est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles (...). Il
va chercher Adam, notre premier Père, la brebis perdue. Il veut
aller visiter tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et à
l’ombre de la mort. Il va pour délivrer de leurs douleurs Adam dans
les liens et Eve, captive avec lui, lui qui est en même temps leur
Dieu et leur Fils (...) ‘Je suis ton Dieu, et à cause de toi je suis
devenu ton Fils. Lève-toi, toi qui dormais, car je ne t’ai pas créé
pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Relève-toi d’entre
les morts, je suis la Vie des morts’ (Ancienne homélie pour le
Samedi Saint : PG 43, 440A. 452C. 461).
EN BREF
636
Dans l’expression " Jésus est descendu aux enfers ", le symbole
confesse que Jésus est mort réellement, et que, par sa mort pour
nous, il a vaincu la mort et le diable " qui a la puissance de la
mort " (He 2, 14).
637
Le Christ mort, dans son âme unie à sa personne divine, est descendu
au séjour des morts. Il a ouvert aux justes qui l’avaient précédé
les portes du ciel.
Paragraphe 2. LE
TROISIEME JOUR IL EST RESSUSCITE DES MORTS
638
" Nous vous annonçons la Bonne Nouvelle : la promesse faite à nos
pères, Dieu l’a accomplie en notre faveur à nous, leurs enfants : Il
a ressuscité Jésus " (Ac 13, 32-33). La Résurrection de Jésus est la
vérité culminante de notre foi dans le Christ, crue et vécue comme
vérité centrale par la première communauté chrétienne, transmise
comme fondamentale par la Tradition, établie par les documents du
Nouveau Testament, prêchée comme partie essentielle du mystère
pascal en même temps que la Croix :
Le Christ est
ressuscité des morts.
Par sa mort Il a
vaincu la mort,
Aux morts Il a
donné la vie.
(Liturgie
byzantine, Tropaire de Pâques)
I. L’événement
historique et transcendant
639 Le
mystère de la résurrection du Christ est un événement réel qui a eu
des manifestations historiquement constatées comme l’atteste le
Nouveau Testament. Déjà S. Paul peut écrire aux Corinthiens vers
l’an 56 : " Je vous ai donc transmis ce que j’avais moi-même reçu, à
savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures,
qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour
selon les Écritures, qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze " (1
Co 15, 3-4). L’apôtre parle ici de la vivante tradition de la
Résurrection qu’il avait apprise après sa conversion aux portes
de Damas (cf. Ac 9, 3-18).
Le tombeau vide
640
" Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici,
mais il est ressuscité " (Lc 24, 5-6). Dans le cadre des événements
de Pâques, le premier élément que l’on rencontre est le sépulcre
vide. Il n’est pas en soi une preuve directe. L’absence du corps du
Christ dans le tombeau pourrait s’expliquer autrement (cf. Jn 20,
13 ; Mt 28, 11-15). Malgré cela, le sépulcre vide a constitué pour
tous un signe essentiel. Sa découverte par les disciples a été le
premier pas vers la reconnaissance du fait de la Résurrection. C’est
le cas des saintes femmes d’abord (cf. Lc 24, 3. 22-23), puis de
Pierre (cf. Lc 24, 12). " Le disciple que Jésus aimait " (Jn 20, 2)
affirme qu’en entrant dans le tombeau vide et en découvrant " les
linges gisant " (Jn 20, 6) " il vit et il crut " (Jn 20, 8). Cela
suppose qu’il ait constaté dans l’état du sépulcre vide (cf. Jn 20,
5-7) que l’absence du corps de Jésus n’a pas pu être une œuvre
humaine et que Jésus n’était pas simplement revenu à une vie
terrestre comme cela avait été le cas de Lazare (cf. Jn 11, 44).
Les apparitions
du Ressuscité
641 Marie
de Magdala et les saintes femmes, qui venaient achever d’embaumer le
corps de Jésus (cf. Mc 16, 1 ; Lc 24, 1) enseveli à la hâte à cause
de l’arrivée du Sabbat le soir du Vendredi Saint (cf. Jn 19, 31.
42), ont été les premières à rencontrer le Ressuscité (cf. Mt 28,
9-10 ; Jn 20, 11-18). Ainsi les femmes furent les premières
messagères de la Résurrection du Christ pour les apôtres eux-mêmes
(cf. Lc 24, 9-10). C’est à eux que Jésus apparaît ensuite, d’abord à
Pierre, puis aux Douze (cf. 1 Co 15, 5). Pierre, appelé à confirmer
la foi de ses frères (cf. Lc 22, 31-32), voit donc le Ressuscité
avant eux et c’est sur son témoignage que la communauté s’écrie :
" C’est bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité et il est apparu à
Simon " (Lc 24, 34. 36).
642 Tout
ce qui est arrivé dans ces journées Pascales engage chacun des
apôtres – et Pierre tout particulièrement – dans la construction de
l’ère nouvelle qui a débuté au matin de Pâques. Comme témoins du
Ressuscité ils demeurent les pierres de fondation de son Église. La
foi de la première communauté des croyants est fondée sur le
témoignage d’hommes concrets, connus des chrétiens et, pour la
plupart, vivant encore parmi eux. Ces " témoins de la Résurrection
du Christ " (cf. Ac 1, 22) sont avant tout Pierre et les Douze, mais
pas seulement eux : Paul parle clairement de plus de cinq cents
personnes auxquelles Jésus est apparu en une seule fois, en plus de
Jacques et de tous les apôtres (cf. 1 Co 15, 4-8).
643
Devant ces témoignages il est impossible d’interpréter la
Résurrection du Christ en-dehors de l’ordre physique, et de ne pas
la reconnaître comme un fait historique. Il résulte des faits que la
foi des disciples a été soumise à l’épreuve radicale de la passion
et de la mort en croix de leur maître annoncée par celui-ci à
l’avance (cf. Lc 22, 31-32). La secousse provoquée par la passion
fut si grande que les disciples (tout au moins certains d’entre eux)
ne crurent pas aussitôt à la nouvelle de la résurrection. Loin de
nous montrer une communauté saisie par une exaltation mystique, les
Évangiles nous présentent les disciples abattus ( "le visage
sombre " : Lc 24, 17) et effrayés (cf. Jn 20, 19). C’est pourquoi
ils n’ont pas cru les saintes femmes de retour du tombeau et " leurs
propos leur ont semblé du radotage " (Lc 24, 11 ; cf. Mc 16, 11.
13). Quand Jésus se manifeste aux onze au soir de Pâques, " il leur
reproche leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à
ceux qui l’avaient vu ressuscité " (Mc 16, 14).
644 Même
mis devant la réalité de Jésus ressuscité, les disciples doutent
encore (cf. Lc 24, 38), tellement la chose leur paraît impossible :
ils croient voir un esprit (cf. Lc 24, 39). " Dans leur joie ils ne
croient pas encore et demeurent saisis d’étonnement " (Lc 24, 41).
Thomas connaîtra la même épreuve du doute (cf. Jn 20, 24-27) et,
lors de la dernière apparition en Galilée rapportée par Matthieu,
" certains cependant doutèrent " (Mt 28, 17). C’est pourquoi
l’hypothèse selon laquelle la résurrection aurait été un " produit "
de la foi (ou de la crédulité) des apôtres est sans consistance.
Bien au contraire, leur foi dans la Résurrection est née – sous
l’action de la grâce divine – de l’expérience directe de la réalité
de Jésus ressuscité.
L’état de
l’humanité ressuscitée du Christ
645 Jésus
ressuscité établit avec ses disciples des rapports directs, à
travers le toucher (cf. Lc 24, 39 ; Jn 20, 27) et le partage du
repas (cf. Lc 24, 30. 41-43 ; Jn 21, 9. 13-15). Il les invite par là
à reconnaître qu’il n’est pas un esprit (cf. Lc 24, 39) mais surtout
à constater que le corps ressuscité avec lequel il se présente à eux
est le même qui a été martyrisé et crucifié puisqu’il porte encore
les traces de sa passion (cf. Lc 24, 40 ; Jn 20, 20. 27). Ce corps
authentique et réel possède pourtant en même temps les propriétés
nouvelles d’un corps glorieux : il n’est plus situé dans l’espace et
le temps, mais peut se rendre présent à sa guise où et quand il veut
(cf. Mt 28, 9. 16-17 ; Lc 24, 15. 36 ; Jn 20, 14. 19. 26 ; 21, 4)
car son humanité ne peut plus être retenue sur terre et n’appartient
plus qu’au domaine divin du Père (cf. Jn 20, 17). Pour cette raison
aussi Jésus ressuscité est souverainement libre d’apparaître comme
il veut : sous l’apparence d’un jardinier (cf. Jn 20, 14-15) ou
" sous d’autres traits " (Mc 16, 12) que ceux qui étaient familiers
aux disciples, et cela pour susciter leur foi (cf. Jn 20, 14. 16 ;
21, 4. 7).
646 La
Résurrection du Christ ne fut pas un retour à la vie terrestre,
comme ce fut le cas pour les résurrections qu’il avait accomplies
avant Pâques : la fille de Jaïre, le jeune de Naïm, Lazare. Ces
faits étaient des événements miraculeux, mais les personnes
miraculées retrouvaient, par le pouvoir de Jésus, une vie terrestre
" ordinaire ". A un certain moment, ils mourront de nouveau. La
Résurrection du Christ est essentiellement différente. Dans son
corps ressuscité, il passe de l’état de mort à une autre vie au-delà
du temps et de l’espace. Le corps de Jésus est, dans la
Résurrection, rempli de la puissance du Saint-Esprit ; il participe
à la vie divine dans l’état de sa gloire, si bien que S. Paul peut
dire du Christ qu’il est " l’homme céleste " (cf. 1 Co 15, 35-50).
La Résurrection
comme événement transcendant
647 " O
nuit, chante l’‘Exsultet’ de Pâques, toi seule as pu connaître le
moment où le Christ est sorti vivant du séjour des morts " (MR,
Vigile Pascale). En effet, personne n’a été le témoin oculaire de
l’événement même de la Résurrection et aucun évangéliste ne le
décrit. Personne n’a pu dire comment elle s’était faite
physiquement. Moins encore son essence la plus intime, le passage à
une autre vie, fut perceptible aux sens. Événement historique
constatable par le signe du tombeau vide et par la réalité des
rencontres des apôtres avec le Christ ressuscité, la Résurrection
n’en demeure pas moins, en ce qu’elle transcende et dépasse
l’histoire, au cœur du mystère de la foi. C’est pourquoi le Christ
ressuscité ne se manifeste pas au monde (cf. Jn 14, 22) mais à ses
disciples, " à ceux qui étaient montés avec lui de Galilée à
Jérusalem, ceux-là mêmes qui sont maintenant ses témoins auprès du
peuple " (Ac 13, 31).
II. La
Résurrection – œuvre de la Sainte Trinité
648 La
Résurrection du Christ est objet de foi en tant qu’elle est une
intervention transcendante de Dieu lui-même dans la création et dans
l’histoire. En elle, les trois Personnes divines à la fois agissent
ensemble et manifestent leur originalité propre. Elle s’est fait par
la puissance du Père qui " a ressuscité " (cf. Ac 2, 24) le Christ,
son Fils, et a de cette façon introduit de manière parfaite son
humanité – avec son corps – dans la Trinité. Jésus est
définitivement révélé " Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit,
par sa Résurrection d’entre les morts " (Rm 1, 3-4). S. Paul insiste
sur la manifestation de la puissance de Dieu (cf. Rm 6, 4 ; 2 Co 13,
4 ; Ph 3, 10 ; Ep 1, 19-22 ; He 7, 16) par l’œuvre de l’Esprit qui a
vivifié l’humanité morte de Jésus et l’a appelée à l’état glorieux
de Seigneur.
649 Quant
au Fils, il opère sa propre Résurrection en vertu de sa puissance
divine. Jésus annonce que le Fils de l’homme devra beaucoup
souffrir, mourir, et ensuite ressusciter (sens actif du mot) (cf. Mc
8, 31 ; 9, 9-31 ; 10, 34). Ailleurs, il affirme explicitement : " Je
donne ma vie pour la reprendre. (...) J’ai pouvoir de la donner et
pouvoir de la reprendre " (Jn 10, 17-18). " Nous croyons (...) que
Jésus est mort, puis est ressuscité " (1 Th 4, 14).
650 Les
Pères contemplent la Résurrection à partir de la personne divine du
Christ qui est restée unie à son âme et à son corps séparés entre
eux par la mort : " Par l’unité de la nature divine qui demeure
présente dans chacune des deux parties de l’homme, celles-ci
s’unissent à nouveau. Ainsi la mort se produit par la séparation du
composé humain, et la Résurrection par l’union des deux parties
séparées " (S. Grégoire de Nysse, res. 1 : PG 46, 617B) ; cf. aussi
DS 325 ; 359 ; 369 ; 539).
III. Sens et
portée salvifique de la Résurrection
651 " Si
le Christ n’est pas ressuscité, alors notre prédication est vaine et
vaine aussi notre foi " (1 Co 15, 14). La Résurrection constitue
avant tout la confirmation de tout ce que le Christ lui-même a fait
et enseigné. Toutes les vérités, même les plus inaccessibles à
l’esprit humain, trouvent leur justification si en ressuscitant le
Christ a donné la preuve définitive qu’il avait promise, de son
autorité divine.
652 La
Résurrection du Christ est accomplissement des promesses de
l’Ancien Testament (cf. Lc 24, 26-27. 44-48) et de Jésus lui-même
durant sa vie terrestre (cf. Mt 28, 6 ; Mc 16, 7 ; Lc 24, 6-7).
L’expression " selon les Écritures " (cf. 1 Co 15, 3-4 et le Symbole
de Nicée-Constantinople) indique que la Résurrection du Christ
accomplit ces prédictions.
653 La
vérité de la divinité de Jésus est confirmée par sa
Résurrection. Il avait dit : " Quand vous aurez élevé le Fils de
l’Homme, alors vous saurez que Je Suis " (Jn 8, 28). La Résurrection
du Crucifié démontra qu’il était vraiment " Je Suis ", le Fils de
Dieu et Dieu Lui-même. S. Paul a pu déclarer aux Juifs : " La
promesse faite à nos pères, Dieu l’a accomplie en notre faveur
(...) ; il a ressuscité Jésus, ainsi qu’il était écrit au Psaume
premier : Tu es mon Fils, moi-même aujourd’hui je t’ai engendré "
(Ac 13, 32. 34 ; cf. Ps 2, 7). La Résurrection du Christ est
étroitement liée au mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu. Elle
en est l’accomplissement selon le dessein éternel de Dieu.
654 Il y
a un double aspect dans le mystère Pascal : par sa mort il nous
libère du péché, par sa Résurrection il nous ouvre l’accès à une
nouvelle vie. Celle-ci est d’abord la justification qui nous
remet dans la grâce de Dieu (cf. Rm 4, 25) " afin que, comme le
Christ est ressuscité des morts, nous vivions nous aussi dans une
vie nouvelle " (Rm 6, 4). Elle consiste en la victoire sur la mort
du péché et dans la nouvelle participation à la grâce (cf. Ep 2,
4-5 ; 1 P 1, 3). Elle accomplit l’adoption filiale car les
hommes deviennent frères du Christ, comme Jésus lui-même appelle ses
disciples après sa Résurrection : " Allez annoncer à mes frères "
(Mt 28, 10 ; Jn 20, 17). Frères non par nature, mais par don de la
grâce, parce que cette filiation adoptive procure une participation
réelle à la vie du Fils unique, qui s’est pleinement révélée dans sa
Résurrection.
655
Enfin, la Résurrection du Christ – et le Christ ressuscité lui-même
– est principe et source de notre résurrection future : " Le
Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont
endormis (...), de même que tous meurent en Adam, tous aussi
revivront dans le Christ " (1 Co 15, 20-22). Dans l’attente de cet
accomplissement, le Christ ressuscité vit dans le cœur de ses
fidèles. En Lui les chrétiens " goûtent aux forces du monde à
venir " (He 6, 5) et leur vie est entraînée par le Christ au sein de
la vie divine (cf. Col 3, 1-3) " afin qu’ils ne vivent plus pour
eux-mêmes mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux " (2
Co 5, 15).
EN BREF
656
La foi en la Résurrection a pour objet un événement à la fois
historiquement attesté par les disciples qui ont réellement
rencontré le Ressuscité, et mystérieusement transcendant en tant
qu’entrée de l’humanité du Christ dans la gloire de Dieu.
657 Le tombeau vide et les linges
gisants signifient par eux-mêmes que le corps
du Christ a échappé aux liens de la
mort et de la corruption par la puissance de Dieu. Ils préparent les
disciples à la rencontre du Ressuscité.
658
Le Christ, " premier né d’entre les morts " (Col 1, 18), est le
principe de notre propre résurrection, dès maintenant par la
justification de notre âme (cf. Rm 6, 4), plus tard par la
vivification de notre corps (cf. Rm 8, 11).
Article 6
" JESUS EST
MONTE AUX CIEUX, IL SIEGE A LA DROITE DE DIEU, LE PERE
TOUT-PUISSANT "
659 " Or
le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il
s’assit à la droite de Dieu " (Mc 16, 19). Le Corps du Christ a été
glorifiée dès l’instant de sa Résurrection comme le prouvent les
propriétés nouvelles et surnaturelles dont jouit désormais son corps
en permanence (cf. Lc 24, 31 ; Jn 20, 19. 26). Mais pendant les
quarante jours où il va manger et boire familièrement avec ses
disciples (cf. Ac 10, 41) et les instruire sur le Royaume (cf. Ac 1,
3), sa gloire reste encore voilée sous les traits d’une humanité
ordinaire (cf. Mc 16, 12 ; Lc 24, 15 ; Jn 20, 14-15 ; 21, 4). La
dernière apparition de Jésus se termine par l’entrée irréversible de
son humanité dans la gloire divine symbolisée par la nuée (cf. Ac 1,
9 ; cf. aussi Lc 9, 34-35 ; Ex 13, 22) et par le ciel (cf. Lc 24,
51) où il siège désormais à la droite de Dieu (cf. Mc 16, 19 ; Ac 2,
33 ; 7, 56 ; cf. aussi Ps 110, 1). Ce n’est que de manière tout à
fait exceptionnelle et unique qu’il se montrera à Paul " comme à
l’avorton " (1 Co 15, 8) en une dernière apparition qui le constitue
apôtre (cf. 1 Co 9, 1 ; Ga 1, 16).
660 Le
caractère voilé de la gloire du Ressuscité pendant ce temps
transparaît dans sa parole mystérieuse à Marie-Madeleine : " Je ne
suis pas encore monté vers le Père. Mais va vers mes frères et
dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et
votre Dieu " (Jn 20, 17). Ceci indique une différence de
manifestation entre la gloire du Christ ressuscité et celle du
Christ exalté à la droite du Père. L’événement à la fois historique
et transcendant de l’Ascension marque la transition de l’une à
l’autre.
661 Cette
dernière étape demeure étroitement unie à la première, c’est-à-dire
à la descente du ciel réalisée dans l’Incarnation. Seul celui qui
est " sorti du Père " peut " retourner au Père " : le Christ (cf. Jn
16, 28). " Personne n’est jamais monté aux cieux sinon le Fils de
l’Homme qui est descendu des cieux " (Jn 3, 13 ; cf. Ep 4, 8-10).
Laissée à ses forces naturelles, l’humanité n’a pas accès à la
" Maison du Père " (Jn 14, 2), à la vie et à la félicité de Dieu. Le
Christ seul a pu ouvrir cet accès à l’homme, " de sorte que nous,
ses membres, nous ayons l’espérance de le rejoindre là où Lui, notre
Tête et notre Principe, nous a précédés " (MR, Préface de
l’Ascension)
662
" Moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi "
(Jn 12, 32). L’élévation sur la Croix signifie et annonce
l’élévation de l’Ascension au ciel. Elle en est le début.
Jésus-Christ, l’unique Prêtre de l’Alliance nouvelle et éternelle,
n’est pas " entré dans un sanctuaire fait de mains d’hommes (...)
mais dans le ciel, afin de paraître maintenant à la face de Dieu en
notre faveur " (He 7, 24). Au ciel le Christ exerce en permanence
son sacerdoce, " étant toujours vivant pour intercéder en faveur de
ceux qui par lui s’avancent vers Dieu " (He 9, 25). Comme " grand
prêtre des biens à venir " (He 9, 11), il est le centre et l’acteur
principal de la liturgie qui honore le Père dans les cieux (cf. Ap
4, 6-11).
663 Le
Christ, désormais, siège à la droite du Père : : " Par droite
du Père nous entendons la gloire et l’honneur de la divinité, où
celui qui existait comme Fils de Dieu avant tous les siècles comme
Dieu et consubstantiel au Père, s’est assis corporellement après
qu’il s’est incarné et que sa chair a été glorifiée " (S. Jean
Damascène, f. o. 4, 2 : PG 94, 1104C).
664 La
session à la droite du Père signifie l’inauguration du règne du
Messie, accomplissement de la vision du prophète Daniel concernant
le Fils de l’homme : " A lui fut conféré empire, honneur et royaume,
et tous les peuples, nations et langues le servirent. Son empire est
un empire à jamais, qui ne passera point et son royaume ne sera
point détruit " (Dn 7, 14). A partir de ce moment, les apôtres sont
devenus les témoins du " Règne qui n’aura pas de fin " (Symbole de
Nicée-Constantinople).
EN BREF
665
L’ascension du Christ marque l’entrée définitive de l’humanité de
Jésus dans le domaine céleste de Dieu d’où il reviendra (cf. Ac 1,
11), mais qui entre-temps le cache aux yeux des hommes (cf. Col 3,
3).
666
Jésus-Christ, tête de l’Église, nous précède dans le Royaume
glorieux du Père pour que nous, membres de son corps, vivions dans
l’espérance d’être un jour éternellement avec lui.
667
Jésus-Christ, étant entré une fois pour toutes dans le sanctuaire du
ciel, intercède sans cesse pour nous comme le médiateur qui nous
assure en permanence l’effusion de l’Esprit Saint .
Article 7
" D’OU IL
VIENDRA JUGER LES VIVANTS ET LES MORTS "
I. Il reviendra
dans la gloire
Le Christ règne
déjà par l’Église...
668 " Le
Christ est mort et revenu à la vie pour être le Seigneur des morts
et des vivants " (Rm 14, 9). L’Ascension du Christ au Ciel signifie
sa participation, dans son humanité, à la puissance et à l’autorité
de Dieu lui-même. Jésus-Christ est Seigneur : il possède tout
pouvoir dans les cieux et sur la terre. Il est " au-dessus de toute
autorité, pouvoir, puissance et souveraineté ", car le Père " a tout
mis sous ses pieds " (Ep 1, 20-22). Le Christ est le Seigneur du
cosmos (cf. Ep 4, 10 ; 1 Co 15, 24. 27-28) et de l’histoire. En lui,
l’histoire de l’homme et même toute la création trouvent leur
" récapitulation " (Ep 1, 10), leur achèvement transcendant.
669 Comme
Seigneur, le Christ est aussi la tête de l’Église qui est son Corps
(cf. Ep 1, 22). Élevé au ciel et glorifié, ayant ainsi accompli
pleinement sa mission, il demeure sur la terre dans son Église. La
Rédemption est la source de l’autorité que le Christ, en vertu de
l’Esprit Saint, exerce sur l’Église (cf. Ep 4, 11-13). " Le règne du
Christ est déjà mystérieusement présent dans l’Église ", " germe et
commencement de ce Royaume sur la terre " (LG 3 ; 5).
670
Depuis l’Ascension, le dessein de Dieu est entré dans son
accomplissement. Nous sommes déjà à " la dernière heure " (1 Jn 2,
18 ; cf. 1 P 4, 7). " Ainsi donc déjà les derniers temps sont
arrivés pour nous. Le renouvellement du monde est irrévocablement
acquis et, en toute réalité, anticipé dès maintenant : en effet,
déjà sur la terre l’Église est parée d’une sainteté imparfaite mais
véritable " (LG 48). Le Royaume du Christ manifeste déjà sa présence
par les signes miraculeux (cf. Mc 16, 17-18) qui accompagnent son
annonce par l’Église (cf. Mc 16, 20).
... en attendant
que tout Lui soit soumis
671 Déjà
présent dans son Église, le Règne du Christ n’est cependant pas
encore achevé " avec puissance et grande gloire " (Lc 21, 27 ; cf.
Mt 25, 31) par l’avènement du Roi sur la terre. Ce Règne est encore
attaqué par les puissances mauvaises (cf. 2 Th 2, 7) même si elles
ont été déjà vaincues à la base par la Pâque du Christ. Jusqu’à ce
que tout lui ai été soumis (cf. 1 Co 15, 28), " jusqu’à l’heure où
seront réalisés les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la
justice habite, l’Église en pèlerinage porte dans ses sacrements et
ses institutions, qui relèvent de ce temps, la figure du siècle qui
passe ; elle vit elle-même parmi les créatures qui gémissent
présentement encore dans les douleurs de l’enfantement et attendent
la manifestation des fils de Dieu " (LG 48). Pour cette raison les
chrétiens prient, surtout dans l’Eucharistie (cf. 1 Co 11, 26), pour
hâter le retour du Christ (cf. 2 P 3, 11-12) en lui disant :
" Viens, Seigneur " (1 Co 16, 22 ; Ap 22, 17. 20).
672 Le
Christ a affirmé avant son Ascension que ce n’était pas encore
l’heure de l’établissement glorieux du Royaume messianique attendu
par Israël (cf. Ac 1, 6-7) qui devait apporter à tous les hommes,
selon les prophètes (cf. Is 11, 1-9), l’ordre définitif de la
justice, de l’amour et de la paix. Le temps présent est, selon le
Seigneur, le temps de l’Esprit et du témoignage (cf. Ac 1, 8), mais
c’est aussi un temps encore marqué par la " détresse " (1 Co 7, 26)
et l’épreuve du mal (cf. Ep 5, 16) qui n’épargne pas l’Église (cf. 1
P 4, 17) et inaugure les combats des derniers jours (cf. 1 Jn 2,
18 ; 4, 3 ; 1 Tm 4, 1). C’est un temps d’attente et de veille (cf.
Mt 25, 1. 13 ; Mc 13, 33-37).
L’avènement
glorieux du Christ, espérance d’Israël
673
Depuis l’Ascension, l’avènement du Christ dans la gloire est
imminent (cf. Ap 22, 20) même s’il ne nous " appartient pas de
connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa seule
autorité " (Ac 1, 7 ; cf. Mc 13, 32). Cet avènement eschatologique
peut s’accomplir à tout moment (cf. Mt 24, 44 ; 1 Th 5, 2) même s’il
est " retenu ", lui et l’épreuve finale qui le précédera (cf. 2 Th
2, 3-12).
674 La
venue du Messie glorieux est suspendue à tout moment de l’histoire
(cf. Rm 11, 31) à sa reconnaissance par " tout Israël " (Rm 11, 26 ;
Mt 23, 39) dont " une partie s’est endurcie " (Rm 11, 25) dans
" l’incrédulité " (Rm 11, 20) envers Jésus. S. Pierre le dit aux
juifs de Jérusalem après la Pentecôte : " Repentez-vous et
convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés et qu’ainsi le
Seigneur fasse venir le temps de répit. Il enverra alors le Christ
qui vous est destiné, Jésus, celui que le Ciel doit garder jusqu’au
temps de la restauration universelle dont Dieu a parlé dans la
bouche de ses saints prophètes " (Ac 3, 19-21). Et S. Paul lui fait
écho : " Si leur mise à l’écart fut une réconciliation pour le
monde, que sera leur assomption, sinon la vie sortant des morts ? "
(Rm 11, 15). L’entrée de " la plénitude des juifs " (Rm 11, 12) dans
le salut messianique, à la suite de " la plénitude des païens " (Rm
11, 25 ; cf. Lc 21, 24), donnera au Peuple de Dieu de " réaliser la
plénitude du Christ " (Ep 4, 13) dans laquelle " Dieu sera tout en
tous " (1 Co 15, 28).
L’Épreuve ultime
de l’Église
675 Avant
l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale
qui ébranlera la foi de nombreux croyants (cf. Lc 18, 8 ; Mt 24,
12). La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre (cf.
Lc 21, 12 ; Jn 15, 19-20) dévoilera le " mystère d’iniquité " sous
la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une
solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la
vérité. L’imposture religieuse suprême est celle de l’Anti-Christ,
c’est-à-dire celle d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie
lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair (cf.
2 Th 2, 4-12 ; 1 Th 5, 2-3 ; 2 Jn 7 ; 1 Jn 2, 18. 22).
676 Cette
imposture antichristique se dessine déjà dans le monde chaque fois
que l’on prétend accomplir dans l’histoire l’espérance messianique
qui ne peut s’achever qu’au-delà d’elle à travers le jugement
eschatologique : même sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté cette
falsification du Royaume à venir sous le nom de millénarisme (cf. DS
3839), surtout sous la forme politique d’un messianisme sécularisé,
" intrinsèquement perverse " (cf. Pie XI, enc. " Divini Redemptoris "
condamnant le " faux mysticisme " de cette " contrefaçon de la
rédemption des humbles " ; GS 20-21).
677
L’Église n’entrera dans la gloire du Royaume qu’à travers cette
ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa
Résurrection (cf. Ap 19, 1-9). Le Royaume ne s’accomplira donc pas
par un triomphe historique de l’Église (cf. Ap 13, 8) selon un
progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement
ultime du mal (cf. Ap 20, 7-10) qui fera descendre du Ciel son
Épouse (cf. Ap 21, 2-4). Le triomphe de Dieu sur la révolte du mal
prendra la forme du Jugement dernier (cf. Ap 20, 12) après l’ultime
ébranlement cosmique de ce monde qui passe (cf. 2 P 3, 12-13).
II. Pour juger
les vivants et les morts
678 A la
suite des prophètes (cf. Dn 7, 10 ; Jl 3-4 ; Ml 3, 19) et de
Jean-Baptiste (cf. Mt 3, 7-12), Jésus a annoncé dans sa prédication
le Jugement du dernier Jour. Alors seront mis en lumière la conduite
de chacun (cf. Mc 12, 38-40) et le secret des cœurs (cf. Lc 12,
1-3 ; Jn 3, 20-21 ; Rm 2, 16 ; 1 Co 4, 5). Alors sera condamnée
l’incrédulité coupable qui a tenu pour rien la grâce offerte par
Dieu (cf. Mt 11, 20-24 ; 12, 41-42). L’attitude par rapport au
prochain révélera l’accueil ou le refus de la grâce et de l’amour
divin (cf. Mt 5, 22 ; 7, 1-5). Jésus dira au dernier jour : " Tout
ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est
à moi que vous l’avez fait " (Mt 25, 40).
679 Le
Christ est Seigneur de la vie éternelle. Le plein droit de juger
définitivement les œuvres et les cœurs des hommes appartient à Lui
en tant que Rédempteur du monde. Il a " acquis " ce droit par sa
Croix. Aussi le Père a-t-il remis " le jugement tout entier au
Fils " (Jn 5, 22 ; cf. Jn 5, 27 ; Mt 25, 31 ; Ac 10, 42 ; 17, 31 ; 2
Tm 4, 1). Or, le Fils n’est pas venu pour juger, mais pour sauver (
cf. Jn 3, 17) et pour donner la vie qui est en lui (cf. Jn 5, 26).
C’est par le refus de la grâce en cette vie que chacun se juge déjà
lui-même (cf. Jn 3, 18 ; 12, 48), reçoit selon ses œuvres (cf. 1 Co
3, 12-15) et peut même se damner pour l’éternité en refusant
l’Esprit d’amour (cf. Mt 12, 32 ; He 6, 4-6 ; 10, 26-31).
EN BREF
680
Le Christ Seigneur règne déjà par l’Église, mais toutes choses de ce
monde ne lui sont pas encore soumises. Le triomphe du Royaume du
Christ ne se fera pas sans un dernier assaut des puissances du mal.
681
Au Jour du Jugement, lors de la fin du monde, le Christ viendra dans
la gloire pour accomplir le triomphe définitif du bien sur le mal
qui, comme le grain et l’ivraie, auront grandi ensemble au cours de
l’histoire .
682
En venant à la fin des temps juger les vivants et les morts, le
Christ glorieux révélera la disposition secrète des cœurs et rendra
à chaque homme selon ses œuvres et selon son accueil ou son refus de
la grâce.
|