TROISIEME
PARTIE
LA VIE DANS
LE CHRIST
1691
" Chrétien, reconnais ta dignité. Puisque tu participes
maintenant à la nature divine, ne dégénère pas en revenant à la
déchéance de ta vie passée. Rappelle-toi à quel Chef tu
appartiens et de quel Corps tu es membre. Souviens-toi que tu as
été arraché au pouvoir des ténèbres pour être transféré dans la
lumière et le Royaume de Dieu " (S. Léon le Grand, serm. 21,
2-3 : PL 54, 192A).
1692
Le Symbole de la foi a professé la grandeur des dons de Dieu à
l’homme dans l’œuvre de sa création, et plus encore par la
rédemption et la sanctification. Ce que la foi confesse, les
sacrements le communiquent : par " les sacrements qui les ont
fait renaître ", les chrétiens sont devenus " enfants de Dieu "
(Jn 1, 12 ; 1 Jn 3, 1), " participants de la nature divine " (2
P 1, 4). En reconnaissant dans la foi leur dignité nouvelle, les
chrétiens sont appelés à mener désormais une " vie digne de
l’Evangile du Christ " (Ph 1, 27). Par les sacrements et
la prière, ils reçoivent la grâce du Christ et les dons de son
Esprit qui les en rendent capables.
1693
Le Christ Jésus a toujours fait ce qui plaisait au Père
(cf. Jn 8, 29). Il a toujours vécu en parfaite communion avec
Lui. De même ses disciples sont-ils invités à vivre sous le
regard du Père" qui voit dans le secret " (cf. Mt 6) pour
devenir " parfaits comme le Père céleste est parfait " (Mt 5,
47).
1694
Incorporés au Christ par le baptême (cf. Rm 6, 5), les
chrétiens sont " morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ
Jésus " (Rm 6, 11), participant ainsi à la vie du Ressuscité
(cf. Col 2, 12). A la suite du Christ et en union avec lui (cf.
Jn 15, 5), les chrétiens peuvent " chercher à imiter Dieu comme
des enfants bien-aimés et suivre la voie de l’amour " (Ep 5, 1),
en conformant leurs pensées, leurs paroles et leurs actions aux
" sentiments qui sont dans le Christ Jésus " (Ph 2, 5) et en
suivant ses exemples (cf. Jn 13, 12-16).
1695
" Justifiés par le Nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit
de notre Dieu " (1 Co 6, 11), " sanctifiés et appelés à être
saints " (1 Co 1, 2), les chrétiens sont devenus " le Temple de
l’Esprit Saint " (cf. 1 Co 6, 19). Cet " Esprit du Fils "
leur apprend à prier le Père (cf. Ga 4, 6) et, étant devenu leur
vie, les fait agir (cf. Ga 5, 25) pour " porter les fruits de
l’Esprit " (Ga 5, 22) par la charité en œuvre. Guérissant les
blessures du péché, l’Esprit Saint nous " renouvelle
intérieurement par une transformation spirituelle " (Ep 4, 23),
il nous éclaire et nous fortifie pour vivre en " enfant de
lumière " (Ep 5, 8) par " la bonté, la justice et la vérité " en
toute chose (Ep 5, 9).
1696
La voie du Christ " mène à la vie ", une voie contraire " mène à
la perdition " (Mt 7, 13 ; cf. Dt 30, 15-20). La parabole
évangélique des deux voies reste toujours présente dans
la catéchèse de l’Église. Elle signifie l’importance des
décisions morales pour notre salut. " Il y a deux voies, l’une
de la vie, l’autre de la mort ; mais entre les deux, une grande
différence " (Didaché 1, 1).
1697
Dans la catéchèse, il importe de révéler en toute clarté
la joie et les exigences de la voie du Christ (cf. CT 29). La
catéchèse de la " vie nouvelle " (Rm 6, 4) en Lui sera :
– une
catéchèse du Saint Esprit, Maître intérieur de la vie selon
le Christ, doux hôte et ami qui inspire, conduit, rectifie et
fortifie cette vie ;
– une
catéchèse de la grâce, car c’est par grâce que nous sommes
sauvés, et c’est encore par la grâce que nos œuvres peuvent
porter du fruit pour la vie éternelle ;
– une
catéchèse des béatitudes, car la voie du Christ est résumée
dans les béatitudes, seul chemin vers le bonheur éternel auquel
le cœur de l’homme aspire ;
– une
catéchèse du péché et du pardon, car sans se
reconnaître pécheur, l’homme ne peut connaître la vérité sur
lui-même, condition de l’agir juste, et sans l’offre du pardon
il ne pourrait supporter cette vérité ;
– une
catéchèse des vertus humaines qui fait saisir la beauté et
l’attrait des droites dispositions pour le bien ;
– une
catéchèse des vertus chrétiennes de foi, d’espérance et de
charité qui s’inspire magnanimement de l’exemple des saints ;
– une
catéchèse du double commandement de la charité déployé dans
le Décalogue ;
– une
catéchèse ecclésiale, car c’est dans les multiples échanges
des " biens spirituels " dans la " communion des saints " que la
vie chrétienne peut croître, se déployer et se communiquer.
1698
La référence première et ultime de cette catéchèse sera toujours
Jésus Christ lui-même qui est " le chemin, la vérité et la vie "
(Jn 14, 6). C’est en le regardant dans la foi que les fidèles du
Christ peuvent espérer qu’il réalise lui-même en eux ses
promesses, et qu’en l’aimant de l’amour dont il les a aimés, ils
fassent les œuvres qui correspondent à leur dignité :
Je vous prie
de considérer que Jésus Christ notre Seigneur est votre
véritable Chef, et que vous êtes un de ses membres. Il est à
vous comme le chef est à ses membres ; tout ce qui est à lui est
à vous, son esprit, son Cœur, son corps, son âme, et toutes ses
facultés, et vous devez en faire usage comme de choses qui sont
vôtres, pour servir, louer, aimer et glorifier Dieu. Vous êtes à
Lui, comme les membres sont à leur chef. Aussi désire-t-il
ardemment faire usage de tout ce qui est en vous, pour le
service et la gloire de son Père, comme des choses qui sont à
lui (S. Jean Eudes, Le cœur admirable de la Très Sacrée Mère
de Dieu, 1, 5 : Oeuvres complètes v. 6 [Paris 1908]
p. 113-114).
Ma vie,
c’est le Christ (Ph 1, 21).
PREMIERE
SECTION
LA VOCATION
DE L’HOMME: LA VIE DANS L’ESPRIT
1699
La vie dans l’Esprit Saint accomplit la vocation de l’homme
(Chapitre premier). Elle est faite de charité divine et de
solidarité humaine (Chapitre deuxième). Elle est gracieusement
accordée comme un Salut (Chapitre troisième).
CHAPITRE
PREMIER
LA DIGNITE
DE LA PERSONNE HUMAINE
1700
La dignité de la personne humaine s’enracine dans sa création à
l’image et à la ressemblance de Dieu (article 1) ; elle
s’accomplit dans sa vocation à la béatitude divine (article 2).
Il appartient à l’être humain de se porter librement à cet
achèvement (article 3). Par ses actes délibérés (article 4), la
personne humaine se conforme, ou non, au bien promis par Dieu et
attesté par la conscience morale (article 5). Les êtres humains
s’édifient eux-mêmes et grandissent de l’intérieur : ils font de
toute leur vie sensible et spirituelle un matériau de leur
croissance (article 6). Avec l’aide de la grâce ils grandissent
dans la vertu (article 7), évitent le péché et s’ils l’ont
commis, s’en remettent comme l’enfant prodigue (cf. Lc 15,
11-31) à la miséricorde de notre Père des Cieux (article 8). Ils
accèdent ainsi à la perfection de la charité.
Article 1
L’homme
image de Dieu
1701
" Le Christ, dans la révélation du mystère du Père et de son
Amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre
la sublimité de sa vocation " (GS 22, § 1). C’est dans le
Christ, " image du Dieu invisible " (Col 1, 15 ; cf. 2 Co 4, 4),
que l’homme a été créé à " l’image et à la ressemblance " du
Créateur. C’est dans le Christ, rédempteur et sauveur, que
l’image divine, altérée dans l’homme par le premier péché, a été
restaurée dans sa beauté originelle et ennoblie de la grâce de
Dieu (cf. GS 22).
1702
L’image divine est présente en chaque homme. Elle resplendit
dans la communion des personnes, à la ressemblance de l’unité
des personnes divines entre elles (cf. chapitre deuxième).
1703
Dotée d’une âme " spirituelle et immortelle " (GS 14), la
personne humaine est " la seule créature sur la terre que Dieu a
voulue pour elle-même " (GS 24, § 3). Dès sa conception, elle
est destinée à la béatitude éternelle.
1704
La personne humaine participe à la lumière et à la force de
l’Esprit divin. Par la raison, elle est capable de comprendre
l’ordre des choses établi par le Créateur. Par sa volonté, elle
est capable de se porter d’elle-même vers son bien véritable.
Elle trouve sa perfection dans " la recherche et l’amour du vrai
et du bien " (GS 15, § 2).
1705
En vertu de son âme et de ses puissances spirituelles
d’intelligence et de volonté l’homme est doté de liberté " signe
privilégié de l’image divine " (GS 17).
1706
Par sa raison, l’homme connaît la voix de Dieu qui le presse
" d’accomplir le bien et d’éviter le mal " (GS 16). Chacun est
tenu de suivre cette loi qui résonne dans la conscience et qui
s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain. L’exercice de
la vie morale atteste la dignité de la personne.
1707
" Séduit par le Malin, dès le début de l’histoire, l’homme a
abusé de sa liberté " (GS 13, § 1). Il a succombé à la tentation
et commis le mal. Il conserve le désir du bien, mais sa nature
porte la blessure du péché originel. Il est devenu enclin au mal
et sujet à l’erreur :
C’est en
lui-même que l’homme est divisé. Voici que toute la vie des
hommes, individuelle et collective, se manifeste comme une
lutte, combien dramatique, entre le bien et le mal, entre la
lumière et les ténèbres (GS 13, § 2).
1708
Par sa passion, le Christ nous a délivrés de Satan et du péché.
Il nous a mérité la vie nouvelle dans l’Esprit Saint. Sa grâce
restaure ce que le péché avait détérioré en nous.
1709
Celui qui croit au Christ devient fils de Dieu. Cette adoption
filiale le transforme en lui donnant de suivre l’exemple du
Christ. Elle le rend capable d’agir droitement et de pratiquer
le bien. Dans l’union avec son Sauveur, le disciple atteint la
perfection de la charité, la sainteté. Mûrie dans la grâce, la
vie morale s’épanouit en vie éternelle, dans la gloire du ciel.
EN BREF
1710
" Le Christ manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui
découvre la sublimité de sa vocation " (GS 22, § 1).
1711
Dotée d’une âme spirituelle, d’intelligence et de volonté, la
personne humaine est dès sa conception ordonnée à Dieu et
destinée à la béatitude éternelle. Elle poursuit sa perfection
dans " la recherche et l’amour du vrai et du bien " (GS 15, §
2).
1712
La liberté véritable est en l’homme le " signe privilégié de
l’image divine " (GS 17).
1713
L’homme est tenu de suivre la loi morale qui le presse
d’ "accomplir le bien et d’éviter le mal " (GS 16). Cette loi
résonne dans sa conscience.
1714
L’homme blessé dans sa nature par le péché originel est sujet à
l’erreur et enclin au mal dans l’exercice de sa liberté.
1715
Celui qui croit au Christ a la vie nouvelle dans l’Esprit Saint.
La vie morale, grandie et mûrie dans la grâce, doit s’accomplir
dans la gloire du ciel.
Article 2
Notre
vocation a la beatitude
I. Les
béatitudes
1716
Les béatitudes sont au cœur de la prédication de Jésus. Leur
annonce reprend les promesses faites au peuple élu depuis
Abraham. Elle les accomplit en les ordonnant non plus à la seule
jouissance d’une terre, mais au Royaume des Cieux :
Bienheureux
ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des cieux est à
eux.
Bienheureux
les doux, car ils possèderont la terre.
Bienheureux
les affligés, car ils seront consolés.
Bienheureux
les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront
rassasiés.
Bienheureux
les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Bienheureux
les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Bienheureux
les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Bienheureux
les persécutés pour la justice, car le Royaume de Dieu est à
eux.
Bienheureux
êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera et
qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause
de moi.
Soyez dans
la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans
les cieux
(Mt 5,
3-10).
1717
Les béatitudes dépeignent le visage de Jésus-Christ et en
décrivent la charité ; elles expriment la vocation des fidèles
associés à la gloire de sa Passion et de sa Résurrection ; elles
éclairent les actions et les attitudes caractéristiques de la
vie chrétienne ; elles sont les promesses paradoxales qui
soutiennent l’espérance dans les tribulations ; elles annoncent
les bénédictions et les récompenses déjà obscurément acquises
aux disciples ; elles sont inaugurées dans la vie de la Vierge
Marie et de tous les saints.
II. Le désir
de bonheur
1718
Les béatitudes répondent au désir naturel de bonheur. Ce désir
est d’origine divine : Dieu l’a mis dans le cœur de l’homme afin
de l’attirer à Lui qui seul peut le combler :
Tous
certainement nous voulons vivre heureux, et dans le genre humain
il n’est personne qui ne donne son assentiment à cette
proposition avant même qu’elle ne soit pleinement énoncée (S.
Augustin, mor. eccl. 1, 3, 4 : PL 32, 1312).
Comment
est-ce donc que je te cherche, Seigneur ? Puisqu’en te
cherchant, mon Dieu, je cherche la vie heureuse, fais que je te
cherche pour que vive mon âme, car mon corps vit de mon âme et
mon âme vit de toi (S. Augustin, conf. 10, 29).
Dieu seul
rassasie (S. Thomas d’A., symb. 1).
1719
Les béatitudes découvrent le but de l’existence humaine, la fin
ultime des actes humains : Dieu nous appelle à sa propre
béatitude. Cette vocation s’adresse à chacun personnellement,
mais aussi à l’ensemble de l’Église, peuple nouveau de ceux qui
ont accueilli la promesse et en vivent dans la foi.
III. La
béatitude chrétienne
1720
Le Nouveau Testament utilise plusieurs expressions pour
caractériser la béatitude à laquelle Dieu appelle l’homme :
l’avènement du Royaume de Dieu (cf. Mt 4, 17) ; la vision de
Dieu : " Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu " (Mt 5,
8 ; cf. 1 Jn 3, 2 ; 1 Co 13, 12) ; l’entrée dans la joie du
Seigneur (cf. Mt 25, 21. 23) ; l’entrée dans le Repos de Dieu
(He 4, 7-11) :
Là nous
reposerons et nous verrons ; nous verrons et nous aimerons ;
nous aimerons et nous louerons. Voilà ce qui sera à la fin sans
fin. Et quelle autre fin avons-nous, sinon de parvenir au
royaume qui n’aura pas de fin ? (S. Augustin, civ. 22, 30).
1721
Car Dieu nous a mis au monde pour le connaître, le servir et
l’aimer et ainsi parvenir en Paradis. La béatitude nous fait
participer à la nature divine (1 P 1, 4) et à la Vie éternelle
(cf. Jn 17, 3). Avec elle, l’homme entre dans la gloire du
Christ (cf. Rm 8, 18) et dans la jouissance de la vie
trinitaire.
1722
Une telle béatitude dépasse l’intelligence et les seules forces
humaines. Elle résulte d’un don gratuit de Dieu. C’est pourquoi
on la dit surnaturelle, ainsi que la grâce qui dispose l’homme à
entrer dans la jouissance divine.
" Bienheureux les cœurs purs parce qu’ils verront Dieu ".
Certes, selon sa grandeur et son inexprimable gloire, " nul ne
verra Dieu et vivra ", car le Père est insaisissable ; mais
selon son amour, sa bonté envers les hommes et sa
toute-puissance, il va jusqu’à accorder à ceux qui l’aiment le
privilège de voir Dieu ... " car ce qui est impossible aux
hommes est possible à Dieu " (S. Irénée, hær. 4, 20, 5).
1723
La béatitude promise nous place devant les choix moraux
décisifs. Elle nous invite à purifier notre cœur de ses
instincts mauvais et à rechercher l’amour de Dieu par dessus
tout. Elle nous enseigne que le vrai bonheur ne réside ni dans
la richesse ou le bien-être, ni dans la gloire humaine ou le
pouvoir, ni dans aucune œuvre humaine, si utile soit-elle, comme
les sciences, les techniques et les arts, ni dans aucune
créature, mais en Dieu seul, source de tout bien et de tout
amour :
La richesse
est la grande divinité du jour ; c’est à elle que la multitude,
toute la masse des hommes, rend un instinctif hommage. Ils
mesurent le bonheur d’après la fortune, et d’après la fortune
aussi ils mesurent l’honorabilité ... Tout cela vient de cette
conviction qu’avec la richesse on peut tout. La richesse est
donc une des idoles du jour et la notoriété en est une autre ...
La notoriété, le fait d’être connu et de faire du bruit dans le
monde (ce qu’on pourrait nommer une renommée de presse), en est
venue à être considérée comme un bien en elle-même, un souverain
bien, un objet, elle aussi, de véritable vénération (Newman,
mix. 5, sur la sainteté).
1724
Le Décalogue, le Sermon sur la Montagne et la catéchèse
apostolique nous décrivent les chemins qui conduisent au Royaume
des cieux. Nous nous y engageons pas à pas, par des actes
quotidiens, soutenus par la grâce de l’Esprit Saint. Fécondés
par la Parole du Christ, lentement nous portons des fruits dans
l’Église pour la gloire de Dieu (cf. la parabole du semeur : Mt
13, 3-23).
EN BREF
1725
Les béatitudes reprennent et accomplissent les promesses de Dieu
depuis Abraham en les ordonnant au Royaume des cieux. Elles
répondent au désir de bonheur que Dieu a placé dans le cœur de
l’homme.
1726
Les béatitudes nous enseignent la fin ultime à laquelle Dieu
nous appelle : le Royaume, la vision de Dieu, la participation à
la nature divine, la vie éternelle, la filiation, le repos en
Dieu.
1727
La béatitude de la vie éternelle est un don gratuit de Dieu ;
elle est surnaturelle comme la grâce qui y conduit.
1728
Les béatitudes nous placent devant des choix décisifs concernant
les biens terrestres ; elles purifient notre cœur pour nous
apprendre à aimer Dieu par dessus tout.
1729
La béatitude du Ciel détermine les critères de discernement dans
l’usage des biens terrestres conformément à la Loi de Dieu.
Article 3
La liberté
de l’homme
1730
Dieu a créé l’homme raisonnable en lui conférant la dignité
d’une personne douée de l’initiative et de la maîtrise de ses
actes. " Dieu a ‘laissé l’homme à son propre conseil’ (Si 15,
14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en
adhérant librement à Lui, parvenir à la pleine et bienheureuse
perfection " (GS 17) :
L’homme est
raisonnable, et par là semblable à Dieu, créé libre et maître de
ses actes (S. Irénée, hær. 4, 4, 3).
I. Liberté
et responsabilité
1731
La liberté est le pouvoir, enraciné dans la raison et la
volonté, d’agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de
poser ainsi par soi-même des actions délibérées. Par le libre
arbitre chacun dispose de soi. La liberté est en l’homme une
force de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté.
La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu,
notre béatitude.
1732
Tant qu’elle ne s’est pas fixée définitivement dans son bien
ultime qu’est Dieu, la liberté implique la possibilité de
choisir entre le bien et le mal, donc celle de grandir en
perfection ou de défaillir et de pécher. Elle caractérise les
actes proprement humains. Elle devient source de louange ou de
blâme, de mérite ou de démérite.
1733
Plus on fait le bien, plus on devient libre. Il n’y a de liberté
vraie qu’au service du bien et de la justice. Le choix de la
désobéissance et du mal est un abus de la liberté et conduit à
" l’esclavage du péché " (cf. Rm 6, 17).
1734
La liberté rend l’homme responsable de ses actes dans la
mesure où ils sont volontaires. Le progrès dans la vertu, la
connaissance du bien et l’ascèse accroissent la maîtrise de la
volonté sur ses actes.
1735
L’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent
être diminuées voire supprimées par l’ignorance, l’inadvertance,
la violence, la crainte, les habitudes, les affections
immodérées et d’autres facteurs psychiques ou sociaux.
1736
Tout acte directement voulu est imputable à son auteur :
Ainsi le
Seigneur demande à Adam après le péché dans le jardin :
" Qu’as-tu fait là ? " (Gn 3, 13). De même à Caïn (cf. Gn 4,
10). Ainsi encore le prophète Nathan au roi David après
l’adultère avec la femme d’Urie et le meurtre de celui-ci (cf. 2
S 12, 7-15).
Une action
peut être indirectement volontaire quant elle résulte d’une
négligence à l’égard de ce qu’on aurait dû connaître ou faire,
par exemple un accident provenant d’une ignorance du code de la
route.
1737
Un effet peut être toléré sans être voulu par l’agent, par
exemple l’épuisement d’une mère au chevet de son enfant malade.
L’effet mauvais n’est pas imputable s’il n’a été voulu ni comme
fin ni comme moyen de l’action, ainsi la mort reçue en portant
secours à une personne en danger. Pour que l’effet mauvais soit
imputable, il faut qu’il soit prévisible et que celui qui agit
ait la possibilité de l’éviter, par exemple dans le cas d’un
homicide commis par un conducteur en état d’ivresse.
1738
La liberté s’exerce dans les rapports entre les êtres humains.
Chaque personne humaine, créée à l’image de Dieu, a le droit
naturel d’être reconnue comme un être libre et responsable. Tous
doivent à chacun ce devoir du respect. Le droit à l’exercice
de la liberté est une exigence inséparable de la dignité de
la personne humaine, notamment en matière morale et religieuse
(cf. DH 2). Ce droit doit être civilement reconnu et protégé
dans les limites du bien commun et de l’ordre public (cf. DH 7).
II. La
liberté humaine dans l’économie du salut
1739
Liberté et péché. La liberté de l’homme est finie et
faillible. De fait, l’homme a failli. Librement, il a péché. En
refusant le projet d’amour de Dieu, il s’est trompé lui-même ;
il est devenu esclave du péché. Cette aliénation première en a
engendré une multitude d’autres. L’histoire de l’humanité,
depuis ses origines, témoigne des malheurs et des oppressions
nés du cœur de l’homme, par suite d’un mauvais usage de la
liberté.
1740
Menaces pour la liberté.L’exercice de la liberté n’implique
pas le droit de tout dire et de tout faire. Il est faux de
prétendre que " l’homme, sujet de la liberté, se suffit à
lui-même en ayant pour fin la satisfaction de son intérêt propre
dans la jouissance des biens terrestres " (CDF, instr.
" Libertatis conscientia " 13). Par ailleurs, les conditions
d’ordre économique et social, politique et culturel requises
pour un juste exercice de la liberté sont trop souvent méconnues
et violées. Ces situations d’aveuglement et d’injustice grèvent
la vie morale et placent aussi bien les forts que les faibles en
tentation de pécher contre la charité. En s’écartant de la loi
morale, l’homme porte atteinte à sa propre liberté, il
s’enchaîne à lui-même, rompt la fraternité de ses semblables et
se rebelle contre la vérité divine.
1741
Libération et salut. Par sa Croix glorieuse, le Christ a
obtenu le salut de tous les hommes. Il les a rachetés du péché
qui les détenait en esclavage. " C’est pour la liberté que le
Christ nous a libérés " (Ga 5, 1). En Lui, nous communions à
" la vérité qui nous rend libres " (Jn 8, 32). L’Esprit Saint
nous a été donné et, comme l’enseigne l’Apôtre, " là où est
l’Esprit, là est la liberté " (2 Co 3, 17). Dès maintenant, nous
nous glorifions de la " liberté des enfants de Dieu " (Rm 8,
21).
1742
Liberté et grâce. La grâce du Christ ne se pose nullement en
concurrente de notre liberté, quand celle-ci correspond au sens
de la vérité et du bien que Dieu a placé dans le cœur de
l’homme. Au contraire, comme l’expérience chrétienne en témoigne
notamment dans la prière, plus nous sommes dociles aux
impulsions de la grâce, plus s’accroissent notre liberté intime
et notre assurance dans les épreuves, comme devant les pressions
et les contraintes du monde extérieur. Par le travail de la
grâce, l’Esprit Saint nous éduque à la liberté spirituelle pour
faire de nous de libres collaborateurs de son œuvre dans
l’Église et dans le monde :
Dieu qui es
bon et tout-puissant, éloigne de nous ce qui nous arrête, afin
que sans aucune entrave, ni d’esprit ni de corps, nous soyons
libres pour accomplir ta volonté (MR, collecte du 32e
dimanche).
EN BREF
1743
" Dieu a laissé l’homme à son propre conseil " (Si 15, 14) pour
qu’il puisse librement adhérer à son Créateur et parvenir ainsi
à la bienheureuse perfection (cf. GS 17, § 1).
1744
La liberté est le pouvoir d’agir ou de ne pas agir et de poser
ainsi par soi-même des actions délibérées. Elle atteint la
perfection de son acte quand elle est ordonnée à Dieu, le
souverain Bien.
1745
La liberté caractérise les actes proprement humains. Elle rend
l’être humain responsable des actes dont il est volontairement
l’auteur. Son agir délibéré lui appartient en propre.
1746
L’imputabilité ou la responsabilité d’une action peut être
diminuée ou supprimée par l’ignorance, la violence, la crainte
et d’autres facteurs psychiques ou sociaux.
1747 Le droit à l’exercice
de la liberté est une exigence inséparable de la dignité de
l’homme, notamment en matière religieuse et morale.
Mais l’exercice de la liberté
n’implique pas le droit supposé de tout dire ni de tout faire.
1748
" C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés " (Ga 5,
1).
Article 4
La moralité
des actes humains
1749
La liberté fait de l’homme un sujet moral. Quand il agit de
manière délibérée, l’homme est, pour ainsi dire, le père de
ses actes. Les actes humains, c’est-à-dire librement choisis
par suite d’un jugement de conscience, sont moralement
qualifiables. Ils sont bons ou mauvais.
I. Les
sources de la moralité
1750 La
moralité des actes humains dépend :
– de l’objet
choisi ;
– de la fin
visée ou l’intention ;
– des
circonstances de l’action.
L’objet,
l’intention et les circonstances forment les " sources ", ou
éléments constitutifs, de la moralité des actes humains.
1751
L’objet choisi est un bien vers lequel se porte
délibérément la volonté. Il est la matière d’un acte humain.
L’objet choisi spécifie moralement l’acte du vouloir, selon que
la raison le reconnaît et le juge conforme ou non au bien
véritable. Les règles objectives de la moralité énoncent l’ordre
rationnel du bien et du mal, attesté par la conscience.
1752
Face à l’objet, l’intention se place du côté du sujet
agissant. Parce qu’elle se tient à la source volontaire de
l’action et la détermine par la fin, l’intention est un élément
essentiel dans la qualification morale de l’action. La fin est
le terme premier de l’intention et désigne le but poursuivi dans
l’action. L’intention est un mouvement de la volonté vers la
fin ; elle regarde le terme de l’agir. Elle est la visée du bien
attendu de l’action entreprise. Elle ne se limite pas à la
direction de nos actions singulières, mais peut ordonner vers un
même but des actions multiples ; elle peut orienter toute la vie
vers la fin ultime. Par exemple, un service rendu a pour fin
d’aider le prochain, mais peut être inspiré en même temps par
l’amour de Dieu comme fin ultime de toutes nos actions. Une même
action peut aussi être inspirée par plusieurs intentions, comme
de rendre service pour obtenir une faveur ou pour en tirer
vanité.
1753
Une intention bonne (par exemple : aider le prochain) ne rend ni
bon ni juste un comportement en lui-même désordonné (comme le
mensonge et la médisance). La fin ne justifie pas les moyens.
Ainsi ne peut-on pas justifier la condamnation d’un innocent
comme un moyen légitime de sauver le peuple. Par contre, une
intention mauvaise surajoutée (ainsi la vaine gloire) rend
mauvais un acte qui, de soi, peut être bon (comme l’aumône ; cf.
Mt 6, 2-4).
1754
Les circonstances, y compris les conséquences, sont les
éléments secondaires d’un acte moral. Elles contribuent à
aggraver ou à diminuer la bonté ou la malice morale des actes
humains (par exemple le montant d’un vol). Elles peuvent aussi
atténuer ou augmenter la responsabilité de l’agent (ainsi agir
par crainte de la mort). Les circonstances ne peuvent de soi
modifier la qualité morale des actes eux-mêmes ; elles ne
peuvent rendre ni bonne, ni juste une action en elle-même
mauvaise.
II. Les
actes bons et les actes mauvais
1755
L’acte moralement bon suppose à la fois la bonté de
l’objet, de la fin et des circonstances. Une fin mauvaise
corrompt l’action, même si son objet est bon en soi (comme de
prier et de jeûner " pour être vu des hommes ").
L’objet
du choix peut à lui seul vicier l’ensemble d’un agir. Il y a
des comportements concrets – comme la fornication – qu’il est
toujours erroné de choisir, parce que leur choix comporte un
désordre de la volonté, c’est-à-dire un mal moral.
1756
Il est donc erroné de juger de la moralité des actes humains en
ne considérant que l’intention qui les inspire, ou les
circonstances (milieu, pression sociale, contrainte ou nécessité
d’agir, etc.) qui en sont le cadre. Il y a des actes qui par
eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances et
des intentions, sont toujours gravement illicites en raison de
leur objet ; ainsi le blasphème et le parjure, l’homicide et
l’adultère. Il n’est pas permis de faire le mal pour qu’il en
résulte un bien.
EN BREF
1757
L’objet, l’intention et les circonstances constituent les trois
" sources " de la moralité des actes humains.
1758
L’objet choisi spécifie moralement l’acte du vouloir selon que
la raison le reconnaît et le juge bon ou mauvais.
1759
" On ne peut justifier une action mauvaise faite avec une bonne
intention " (S. Thomas d’A., dec. præc. 6). La fin ne justifie
pas les moyens.
1760
L’acte moralement bon suppose à la fois la bonté de l’objet, de
la fin et des circonstances.
1761
Il y a des comportements concrets qu’il est toujours erroné de
choisir parce que leur choix comporte un désordre de la volonté,
c’est-à-dire un mal moral. Il n’est pas permis de faire le mal
pour qu’il en résulte un bien.
Article 5
La moralité
des passions
1762
La personne humaine s’ordonne à la béatitude par ses actes
délibérés : les passions ou sentiments qu’elle éprouve peuvent
l’y disposer et y contribuer.
I. Les
Passions
1763
Le terme de " passions " appartient au patrimoine chrétien. Les
sentiments ou passions désignent les émotions ou mouvements de
la sensibilité, qui inclinent à agir ou à ne pas agir en vue de
ce qui est ressenti ou imaginé comme bon ou comme mauvais.
1764
Les passions sont des composantes naturelles du psychisme
humain, elles forment le lieu de passage et assurent le lien
entre la vie sensible et la vie de l’esprit. Notre Seigneur
désigne le cœur de l’homme comme la source d’où jaillit le
mouvement des passions (cf. Mc 7, 21).
1765
Les passions sont nombreuses. La passion la plus fondamentale
est l’amour provoqué par l’attrait du bien. L’amour cause le
désir du bien absent et l’espoir de l’obtenir. Ce mouvement
s’achève dans le plaisir et la joie du bien possédé.
L’appréhension du mal cause la haine, l’aversion et la crainte
du mal à venir. Ce mouvement s’achève dans la tristesse du mal
présent ou la colère qui s’y oppose.
1766
" Aimer, c’est vouloir du bien à quelqu’un " (S. Thomas d’A., s.
th. 2-2, 26, 4). Toutes les autres affections ont leur source
dans ce mouvement originel du cœur de l’homme vers le bien. Il
n’y a que le bien qui soit aimé (cf. S. Augustin, Trin. 8, 3,
4). " Les passions sont mauvaises si l’amour est mauvais, bonnes
s’il est bon " (S. Augustin, civ.14, 7).
II. Passions
et vie morale
1767
En elles-mêmes, les passions ne sont ni bonnes ni mauvaises.
Elles ne reçoivent de qualification morale que dans la mesure où
elles relèvent effectivement de la raison et de la volonté. Les
passions sont dites volontaires, " ou bien parce qu’elles sont
commandées par la volonté, ou bien parce que la volonté n’y fait
pas obstacle " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 24, 1). Il
appartient à la perfection du bien moral ou humain que les
passions soient réglées par la raison (cf. s. th. 2-2, 24, 3).
1768
Les grands sentiments ne décident ni de la moralité, ni de la
sainteté des personnes ; ils sont le réservoir inépuisable des
images et des affections où s’exprime la vie morale. Les
passions sont moralement bonnes quand elles contribuent à une
action bonne, et mauvaises dans le cas contraire. La volonté
droite ordonne au bien et à la béatitude les mouvements
sensibles qu’elle assume ; la volonté mauvaise succombe aux
passions désordonnées et les exacerbe. Les émotions et
sentiments peuvent être assumés dans les vertus, ou
pervertis dans les vices.
1769
Dans la vie chrétienne, l’Esprit Saint lui-même accomplit son
œuvre en mobilisant l’être tout entier y compris ses douleurs,
craintes et tristesses, comme il apparaît dans l’Agonie et la
Passion du Seigneur. Dans le Christ, les sentiments humains
peuvent recevoir leur consommation dans la charité et la
béatitude divine.
1770
La perfection morale est que l’homme ne soit pas mû au bien par
sa volonté seulement, mais aussi par son appétit sensible selon
cette parole du Psaume : " Mon cœur et ma chair crient de joie
vers le Dieu vivant " (Ps 84, 3).
EN BREF
1771
Le terme " passions " désigne les affections ou les sentiments.
A travers ses émotions, l’homme pressent le bien et soupçonne le
mal.
1772
Les principales passions sont l’amour et la haine, le désir et
la crainte, la joie, la tristesse et la colère.
1773
Dans les passions comme mouvements de la sensibilité, il n’y a
ni bien ni mal moral. Mais selon qu’elles relèvent ou non de la
raison et de la volonté, il y a en elles bien ou mal moral.
1774
Les émotions et les sentiments peuvent être assumés dans les
vertus, ou pervertis dans les vices.
1775
La perfection du bien moral est que l’homme ne soit pas mû au
bien par sa seule volonté mais aussi par son " cœur ".
Article 6
La
conscience morale
1776
" Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une
loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est
tenu d’obéir. Cette voix qui ne cesse de le presser d’aimer et
d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun
résonne dans l’intimité de son cœur ... C’est une loi inscrite
par Dieu au cœur de l’homme. La conscience est le centre le plus
intime et le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est
seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre " (GS 16).
I. Le
jugement de conscience
1777
Présente au cœur de la personne, la conscience morale (cf. Rm 2,
14-16), lui enjoint, au moment opportun, d’accomplir le bien et
d’éviter le mal. Elle juge aussi les choix concrets, approuvant
ceux qui sont bons, dénonçant ceux qui sont mauvais (cf. Rm 1,
32). Elle atteste l’autorité de la vérité en référence au Bien
suprême dont la personne humaine reçoit l’attirance et accueille
les commandements. Quand il écoute la conscience morale, l’homme
prudent peut entendre Dieu qui parle.
1778
La conscience morale est un jugement de la raison par lequel la
personne humaine reconnaît la qualité morale d’un acte concret
qu’elle va poser, est en train d’exécuter ou a accompli. En tout
ce qu’il dit et fait, l’homme est tenu de suivre fidèlement ce
qu’il sait être juste et droit. C’est par le jugement de sa
conscience que l’homme perçoit et reconnaît les prescriptions de
la loi divine :
La
conscience est une loi de notre esprit, mais qui dépasse notre
esprit, qui nous fait des injonctions, qui signifie
responsabilité et devoir, crainte et espérance ... Elle est la
messagère de Celui qui, dans le monde de la nature comme dans
celui de la grâce, nous parle à travers le voile, nous instruit
et nous gouverne. La conscience est le premier de tous les
vicaires du Christ (Newman, lettre au Duc de Norfolk 5).
1779
Il importe à chacun d’être assez présent à lui-même pour
entendre et suivre la voix de sa conscience. Cette requête d’intériorité
est d’autant plus nécessaire que la vie nous expose souvent à
nous soustraire à toute réflexion, examen ou retour sur soi :
Fais retour
à ta conscience, interroge-la ... Retournez, frères, à
l’intérieur et en tout ce que vous faites, regardez le Témoin,
Dieu (S. Augustin, ep. Jo. 8, 9).
1780
La dignité de la personne humaine implique et exige la
rectitude de la conscience morale. La conscience morale
comprend la perception des principes de la moralité
(" syndérèse "), leur application dans les circonstances données
par un discernement pratique des raisons et des biens et, en
conclusion, le jugement porté sur les actes concrets à poser ou
déjà posés. La vérité sur le bien moral, déclarée dans la loi de
la raison, est reconnue pratiquement et concrètement par le
jugement prudent de la conscience. On appelle prudent
l’homme qui choisit conformément à ce jugement.
1781
La conscience permet d’assumer la responsabilité des
actes posés. Si l’homme commet le mal, le juste jugement de la
conscience peut demeurer en lui le témoin de la vérité
universelle du bien, en même temps que de la malice de son choix
singulier. Le verdict du jugement de conscience demeure un gage
d’espérance et de miséricorde. En attestant la faute commise, il
rappelle le pardon à demander, le bien à pratiquer encore et la
vertu à cultiver sans cesse avec la grâce de Dieu :
Devant Lui,
nous apaisons notre cœur, parce que, si notre cœur nous
condamne, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout
(1 Jn 3, 19-20).
1782
L’homme a le droit d’agir en conscience et en liberté afin de
prendre personnellement les décisions morales. " L’homme ne doit
pas être contraint d’agir contre sa conscience. Mais il ne doit
pas être empêché non plus d’agir selon sa conscience, surtout en
matière religieuse " (DH 3).
II. La formation de la conscience
1783 La conscience doit être informée et le jugement
moral éclairé. Une conscience bien formée est droite et
véridique. Elle formule ses jugements suivant la raison,
conformément au bien véritable voulu par la sagesse du Créateur.
L’éducation de la conscience est indispensable à des êtres
humains soumis à des influences négatives et tentés par le péché
de préférer leur jugement propre et de récuser les enseignements
autorisés.
1784 L’éducation de la conscience est une tâche de toute
la vie. Dès les premières années, elle éveille l’enfant à la
connaissance et à la pratique de la loi intérieure reconnue par
la conscience morale. Une éducation prudente enseigne la vertu ;
elle préserve ou guérit de la peur, de l’égoïsme et de
l’orgueil, des ressentiments de la culpabilité et des mouvements
de complaisance, nés de la faiblesse et des fautes humaines.
L’éducation de la conscience garantit la liberté et engendre la
paix du cœur.
1785 Dans la formation de la conscience la Parole de Dieu
est la lumière sur notre route ; il nous faut l’assimiler dans
la foi et la prière, et la mettre en pratique. Il nous faut
encore examiner notre conscience au regard de la Croix du
Seigneur. Nous sommes assistés des dons de l’Esprit Saint, aidés
par le témoignage ou les conseils d’autrui et guidés par
l’enseignement autorisé de l’Église (cf. DH 14).
III. Les
choix de la conscience
1786
Mise en présence d’un choix moral, la conscience peut porter
soit un jugement droit en accord avec la raison et avec la loi
divine, soit au contraire, un jugement erroné qui s’en éloigne.
1787
L’homme est quelquefois affronté à des situations qui rendent le
jugement moral moins assuré et la décision difficile. Mais il
doit toujours rechercher ce qui est juste et bon et discerner la
volonté de Dieu exprimée dans la loi divine.
1788
A cet effet, l’homme s’efforce d’interpréter les données de
l’expérience et les signes des temps grâce à la vertu de
prudence, aux conseils des personnes avisées et à l’aide de
l’Esprit Saint et de ses dons.
1789
Quelques règles s’appliquent dans tous les cas :
– Il n’est
jamais permis de faire le mal pour qu’il en résulte un bien.
– La " règle
d’or " : " Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour
vous, faites-le vous-mêmes pour eux " (Mt 7, 12 ; cf. Lc 6, 31 ;
Tb 4, 15).
– La charité
passe toujours par le respect du prochain et de sa conscience :
" En parlant contre les frères et en blessant leur conscience
..., c’est contre le Christ que vous péchez " (1 Co 8, 12). " Ce
qui est bien, c’est de s’abstenir... de tout ce qui fait buter
ou tomber ou faiblir ton frère " (Rm 14, 21).
IV. le
jugement erroné
1790
L’être humain doit toujours obéir au jugement certain de sa
conscience. S’il agissait délibérément contre ce dernier, il se
condamnerait lui-même. Mais il arrive que la conscience morale
soit dans l’ignorance et porte des jugements erronés sur des
actes à poser ou déjà commis.
1791
Cette ignorance peut souvent être imputée à la responsabilité
personnelle. Il en va ainsi, " lorsque l’homme se soucie peu de
rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché
rend peu à peu la conscience presque aveugle " (GS 16). En ces
cas, la personne est coupable du mal qu’elle commet.
1792
L’ignorance du Christ et de son Évangile, les mauvais exemples
donnés par autrui, la servitude des passions, la prétention à
une autonomie mal entendue de la conscience, le refus de
l’autorité de l’Église et de son enseignement, le manque de
conversion et de charité peuvent être à l’origine des déviations
du jugement dans la conduite morale.
1793
Si – au contraire – l’ignorance est invincible, ou le jugement
erroné sans responsabilité du sujet moral, le mal commis par la
personne ne peut lui être imputé. Il n’en demeure pas moins un
mal, une privation, un désordre. Il faut donc travailler à
corriger la conscience morale de ses erreurs.
1794
La conscience bonne et pure est éclairée par la foi véritable.
Car la charité procède en même temps " d’un cœur pur, d’une
bonne conscience et d’une foi sans détours " (1 Tm 1, 5 ; cf. 3,
9 ; 2 Tm 1, 3 ; 1 P 3, 21 ; Ac 24, 16) :
Plus la
conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes
s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux
règles objectives de la moralité (GS 16).
EN BREF
1795
" La conscience est le centre le plus intime et le plus secret
de l’homme, le sanctuaire où il est le seul avec Dieu et où sa
voix se fait entendre " (GS 16).
1796
La conscience morale est un jugement de la raison par lequel la
personne humaine reconnaît la qualité morale d’un acte concret.
1797
Pour l’homme qui a commis le mal, le verdict de sa conscience
demeure un gage de conversion et d’espérance.
1798
Une conscience bien formée est droite et véridique. Elle formule
ses jugements suivant la raison, conformément au bien véritable
voulu par la sagesse du Créateur. Chacun doit prendre les moyens
de former sa conscience.
1799
Mise en présence d’un choix moral, la conscience peut porter
soit un jugement droit en accord avec la raison et avec la loi
divine, soit au contraire, un jugement erroné qui s’en éloigne.
1800
L’être humain doit toujours obéir au jugement certain de sa
conscience.
1801
La conscience morale peut rester dans l’ignorance ou porter des
jugements erronés. Ces ignorances et ces erreurs ne sont pas
toujours exemptes de culpabilité.
1802
La Parole de Dieu est une lumière sur nos pas. Il nous faut
l’assimiler dans la foi et dans la prière, et la mettre en
pratique. Ainsi se forme la conscience morale.
Article 7
Les vertus
1803
" Tout ce qui est vrai, tout ce qui est digne, tout ce qui est
juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui
a bon renom, s’il est quelque vertu et s’il est quelque chose de
louable, que ce soit pour vous ce qui compte " (Ph 4, 8).
La vertu est
une disposition habituelle et ferme à faire le bien. Elle permet
à la personne, non seulement d’accomplir des actes bons, mais de
donner le meilleur d’elle-même. De toutes ses forces sensibles
et spirituelles, la personne vertueuse tend vers le bien ; elle
le poursuit et le choisit en des actions concrètes.
Le but d’une
vie vertueuse consiste à devenir semblable à Dieu (S. Grégoire
de Nysse, beat. 1 : PG 44, 1200D).
I. Les
vertus humaines
1804
Les vertus humaines sont des attitudes fermes, des
dispositions stables, des perfections habituelles de
l’intelligence et de la volonté qui règlent nos actes, ordonnent
nos passions et guident notre conduite selon la raison et la
foi. Elles procurent facilité, maîtrise et joie pour mener une
vie moralement bonne. L’homme vertueux, c’est celui qui
librement pratique le bien.
Les vertus
morales sont humainement acquises. Elles sont les fruits et les
germes des actes moralement bons ; elles disposent toutes les
puissances de l’être humain à communier à l’amour divin.
Distinction
des vertus cardinales
1805
Quatre vertus jouent un rôle charnière. Pour cette raison on les
appelle " cardinales " ; toutes les autres se regroupent autour
d’elles. Ce sont : la prudence, la justice, la force et la
tempérance. " Aime-t-on la rectitude ? Les vertus sont les
fruits de ses travaux, car elle enseigne tempérance et prudence,
justice et courage " (Sg 8, 7). Sous d’autres noms, ces vertus
sont louées dans de nombreux passages de l’Écriture.
1806
La prudence est la vertu qui dispose la raison pratique à
discerner en toute circonstance notre véritable bien et à
choisir les justes moyens de l’accomplir. " L’homme avisé
surveille ses pas " (Pr 14, 15). " Soyez sages et sobres en vue
de la prière " (1 P 4, 7). La prudence est la " droite règle de
l’action ", écrit saint Thomas (s. th. 2-2, 47, 2) après
Aristote. Elle ne se confond ni avec la timidité ou la peur, ni
avec la duplicité ou la dissimulation. Elle est dite auriga
virtutum : elle conduit les autres vertus en leur indiquant
règle et mesure. C’est la prudence qui guide immédiatement le
jugement de conscience. L’homme prudent décide et ordonne sa
conduite suivant ce jugement. Grâce à cette vertu, nous
appliquons sans erreur les principes moraux aux cas particuliers
et nous surmontons les doutes sur le bien à accomplir et le mal
à éviter.
1807
La justice est la vertu morale qui consiste dans la
constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce
qui leur est dû. La justice envers Dieu est appelée " vertu de
religion ". Envers les hommes, elle dispose à respecter les
droits de chacun et à établir dans les relations humaines
l’harmonie qui promeut l’équité à l’égard des personnes et du
bien commun. L’homme juste, souvent évoqué dans les Livres
saints, se distingue par la droiture habituelle de ses pensées
et la rectitude de sa conduite envers le prochain. " Tu n’auras
ni faveur pour le petit, ni complaisance pour le grand ; c’est
avec justice que tu jugeras ton prochain " (Lv 19, 15).
" Maîtres, accordez à vos esclaves le juste et l’équitable,
sachant que, vous aussi, vous avez un Maître au ciel " (Col 4,
1).
1808
La force est la vertu morale qui assure dans les
difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du
bien. Elle affermit la résolution de résister aux tentations et
de surmonter les obstacles dans la vie morale. La vertu de force
rend capable de vaincre la peur, même de la mort, d’affronter
l’épreuve et les persécutions. Elle dispose à aller jusqu’au
renoncement et au sacrifice de sa vie pour défendre une juste
cause. " Ma force et mon chant, c’est le Seigneur " (Ps 118,
14). " Dans le monde, vous aurez de l’affliction, mais courage,
moi j’ai vaincu le monde " (Jn 16, 33).
1809
La tempérance est la vertu morale qui modère l’attrait
des plaisirs et procure l’équilibre dans l’usage des biens
créés. Elle assure la maîtrise de la volonté sur les instincts
et maintient les désirs dans les limites de l’honnêteté. La
personne tempérante oriente vers le bien ses appétits sensibles,
garde une saine discrétion et " ne se laisse pas entraîner pour
suivre les passions de son cœur " (Si 5, 2 ; cf. 37, 27-31). La
tempérance est souvent louée dans l’Ancien Testament : " Ne te
laisse pas aller à tes convoitises, réprime tes appétits " (Si
18, 30). Dans le Nouveau Testament, elle est appelée
" modération " ou " sobriété ". Nous devons " vivre avec
modération, justice et piété dans le monde présent " (Tt 2, 12).
Bien vivre
n’est autre chose qu’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son
âme et de tout son agir. On Lui conserve un amour entier (par la
tempérance) que nul malheur ne peut ébranler (ce qui relève de
la force), qui n’obéit qu’à Lui seul (et ceci est la justice),
qui veille pour discerner toutes choses de peur de se laisser
surprendre par la ruse et le mensonge (et ceci est la prudence)
(S. Augustin, mor. eccl. 1, 25, 46 : PL 32, 1330-1331).
Les vertus
et la grâce
1810
Les vertus humaines acquises par l’éducation, par des actes
délibérés et par une persévérance toujours reprise dans
l’effort, sont purifiées et élevées par la grâce divine. Avec
l’aide de Dieu, elles forgent le caractère et donnent aisance
dans la pratique du bien. L’homme vertueux est heureux de les
pratiquer.
1811
Il n’est pas facile pour l’homme blessé par le péché de garder
l’équilibre moral. Le don du salut par le Christ nous accorde la
grâce nécessaire pour persévérer dans la recherche des vertus.
Chacun doit toujours demander cette grâce de lumière et de
force, recourir aux sacrements, coopérer avec le Saint-Esprit,
suivre ses appels à aimer le bien et à se garder du mal.
II. Les
vertus théologales
1812
Les vertus humaines s’enracinent dans les vertus théologales qui
adaptent les facultés de l’homme à la participation de la nature
divine (cf. 2 P 1, 4). Car les vertus théologales se réfèrent
directement à Dieu. Elles disposent les chrétiens à vivre en
relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu Un et Trine pour
origine, pour motif et pour objet.
1813
Les vertus théologales fondent, animent et caractérisent l’agir
moral du chrétien. Elles informent et vivifient toutes les
vertus morales. Elles sont infusées par Dieu dans l’âme des
fidèles pour les rendre capables d’agir comme ses enfants et de
mériter la vie éternelle. Elles sont le gage de la présence et
de l’action du Saint Esprit dans les facultés de l’être humain.
Il y a trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la
charité (cf. 1 Co 13, 13).
La foi
1814
La foi est la vertu théologale par laquelle nous croyons en Dieu
et à tout ce qu’Il nous a dit et révélé, et que la Sainte Église
nous propose à croire, parce qu’Il est la vérité même. Par la
foi " l’homme s’en remet tout entier librement à Dieu " (DV 5).
C’est pourquoi le croyant cherche à connaître et à faire la
volonté de Dieu. " Le juste vivra de la foi " (Rm 1, 17). La foi
vivante " agit par la charité " (Ga 5, 6).
1815
Le don de la foi demeure en celui qui n’a pas péché contre elle
(cf. Cc. Trente : DS 1545). Mais " sans les œuvres, la foi est
morte " (Jc 2, 26) : privée de l’espérance et de l’amour, la foi
n’unit pas pleinement le fidèle au Christ et n’en fait pas un
membre vivant de son Corps.
1816
Le disciple du Christ ne doit pas seulement garder la foi et en
vivre, mais encore la professer, en témoigner avec assurance et
la répandre : " Tous doivent être prêts à confesser le Christ
devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la Croix, au
milieu des persécutions qui ne manquent jamais à l’Église " (LG
42 ; cf. DH 14). Le service et le témoignage de la foi sont
requis pour le Salut : " Quiconque se déclarera pour moi devant
les hommes, je me déclarerai, moi aussi, pour lui devant mon
Père qui est aux cieux ; mais celui qui me reniera devant les
hommes, je le renierai, moi aussi, devant mon Père qui est aux
cieux " (Mt 10, 32-33).
L’espérance
1817
L’espérance est la vertu théologale par laquelle nous désirons
comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en
mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en
prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la
grâce du Saint-Esprit. " Gardons indéfectible la confession de
l’espérance, car celui qui a promis est fidèle " (He 10, 23).
" Cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus
Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce du
Christ, nous obtenions en espérance l’héritage de la vie
éternelle " (Tt 3, 6-7).
1818
La vertu d’espérance répond à l’aspiration au bonheur placée par
Dieu dans le cœur de tout homme ; elle assume les espoirs qui
inspirent les activités des hommes ; elle les purifie pour les
ordonner au Royaume des cieux ; elle protège du découragement ;
elle soutient en tout délaissement ; elle dilate le cœur dans
l’attente de la béatitude éternelle. L’élan de l’espérance
préserve de l’égoïsme et conduit au bonheur de la charité.
1819
L’espérance chrétienne reprend et accomplit l’espérance du
peuple élu qui trouve son origine et son modèle dans l’espérance
d’Abraham comblé en Isaac des promesses de Dieu et purifié
par l’épreuve du sacrifice (cf. Gn 17, 4-8 ; 22, 1-18).
" Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi père
d’une multitude de peuples " (Rm 4, 18).
1820
L’espérance chrétienne se déploie dès le début de la prédication
de Jésus dans l’annonce des béatitudes. Les béatitudes
élèvent notre espérance vers le Ciel comme vers la nouvelle
Terre promise ; elles en tracent le chemin à travers les
épreuves qui attendent les disciples de Jésus. Mais par les
mérites de Jésus Christ et de sa passion, Dieu nous garde dans
" l’espérance qui ne déçoit pas " (Rm 5, 5). L’espérance est
" l’ancre de l’âme ", sûre et ferme, " qui pénètre ... là où est
entré pour nous, en précurseur, Jésus " (He 6, 19-20). Elle est
aussi une arme qui nous protège dans le combat du salut :
" Revêtons la cuirasse de la foi et de la charité, avec le
casque de l’espérance du salut " (1 Th 5, 8). Elle nous procure
la joie dans l’épreuve même : " avec la joie de l’espérance,
constants dans la tribulation " (Rm 12, 12). Elle s’exprime et
se nourrit dans la prière, tout particulièrement dans celle du
Pater, résumé de tout ce que l’espérance nous fait
désirer.
1821
Nous pouvons donc espérer la gloire du ciel promise par Dieu à
ceux qui l’aiment (cf. Rm 8, 28-30) et font sa volonté (cf. Mt
7, 21). En toute circonstance, chacun doit espérer, avec la
grâce de Dieu, " persévérer jusqu’à la fin " (cf. Mt 10, 22 ;
cf. Cc. Trente : DS 1541) et obtenir la joie du ciel, comme
l’éternelle récompense de Dieu pour les bonnes œuvres accomplies
avec la grâce du Christ. Dans l’espérance l’Église prie que
" tous les hommes soient sauvés " (1 Tm 2, 4). Elle aspire à
être, dans la gloire du ciel, unie au Christ, son Epoux :
Espère, ô
mon âme, espère. Tu ignores le jour et l’heure. Veille
soigneusement, tout passe avec rapidité, quoique ton impatience
rende douteux ce qui est certain, et long un temps bien court.
Songe que plus tu combattras, plus tu prouveras l’amour que tu
portes à ton Dieu, et plus tu te réjouiras un jour avec ton
Bien-Aimé, dans un bonheur et un ravissement qui ne pourront
jamais finir (Ste. Thérèse de Jésus, excl. 15, 3).
La charité
1822
La charité est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu
par-dessus toute chose pour Lui-même, et notre prochain comme
nous-mêmes pour l’amour de Dieu.
1823
Jésus fait de la charité le commandement nouveau (cf. Jn
13, 34). En aimant les siens " jusqu’à la fin " (Jn 13, 1), il
manifeste l’amour du Père qu’il reçoit. En s’aimant les uns les
autres, les disciples imitent l’amour de Jésus qu’ils reçoivent
aussi en eux. C’est pourquoi Jésus dit : " Comme le Père m’a
aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour " (Jn
15, 9). Et encore : " Voici mon commandement : Aimez-vous les
uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 15, 12).
1824
Fruit de l’Esprit et plénitude de la loi, la charité garde
les commandements de Dieu et de son Christ :
" Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous
demeurerez en mon amour " (Jn 15, 9-10 ; cf. Mt 22, 40 ; Rm 13,
8-10).
1825
Le Christ est mort par amour pour nous alors que nous étions
encore " ennemis " (Rm 5, 10). Le Seigneur nous demande d’aimer
comme Lui jusqu’à nos ennemis (Mt 5, 44), de nous faire
le prochain du plus lointain (cf. Lc 10, 27-37), d’aimer les
enfants (cf. Mc 9, 37) et les pauvres comme Lui-même (cf. Mt 25,
40. 45).
L’apôtre
saint Paul a donné un incomparable tableau de la charité : " La
charité prend patience, la charité rend service, elle ne jalouse
pas, elle ne plastronne pas, elle ne s’enfle pas d’orgueil, elle
ne fait rien de laid, elle ne cherche pas son intérêt, elle ne
s’irrite pas, elle n’entretient pas de rancune, elle ne se
réjouit pas de l’injustice, mais elle trouve sa joie dans la
vérité. Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout,
elle endure tout " (1 Co 13, 4-7).
1826
" Sans la charité, dit encore l’Apôtre, je ne suis rien ... ".
Et tout ce qui est privilège, service, vertu même ... " sans la
charité, cela ne me sert de rien " (1 Co 13, 1-4). La charité
est supérieure à toutes les vertus. Elle est la première des
vertus théologales : " Les trois demeurent : la foi, l’espérance
et la charité. Mais la charité est la plus grande " (1 Co
13, 13).
1827
L’exercice de toutes les vertus est animé et inspiré par la
charité. Celle-ci est le " lien de la perfection " (Col 3, 14) ;
elle est la forme des vertus ; elle les articule et les
ordonne entre elles ; elle est source et terme de leur pratique
chrétienne. La charité assure et purifie notre puissance humaine
d’aimer. Elle l’élève à la perfection surnaturelle de l’amour
divin.
1828
La pratique de la vie morale animée par la charité donne au
chrétien la liberté spirituelle des enfants de Dieu. Il ne se
tient plus devant Dieu comme un esclave, dans la crainte
servile, ni comme le mercenaire en quête de salaire, mais comme
un fils qui répond à l’amour de " celui qui nous a aimés le
premier " (1 Jn 4, 19) :
Ou bien nous
nous détournons du mal par crainte du châtiment, et nous sommes
dans la disposition de l’esclave. Ou bien nous poursuivons
l’appât de la récompense et nous ressemblons aux mercenaires. Ou
enfin c’est pour le bien lui-même et l’amour de celui qui
commande que nous obéissons ... et nous sommes alors dans la
disposition des enfants (S. Basile, reg. fus. prol. 3 : PG 31,
896B).
1829
La charité a pour fruits la joie, la paix et la
miséricorde ; elle exige la bienfaisance et la correction
fraternelle ; elle est bienveillance ; elle suscite la
réciprocité, demeure désintéressée et libérale ; elle est amitié
et communion :
L’achèvement
de toutes nos œuvres, c’est la dilection. Là est la fin ; c’est
pour l’obtenir que nous courons, c’est vers elle que nous
courons ; une fois arrivés, c’est en elle que nous nous
reposerons (S. Augustin, ep. Jo. 10, 4).
III. Les
dons et les Fruits du Saint-Esprit
1830
La vie morale des chrétiens est soutenue par les dons du
Saint-Esprit. Ceux-ci sont des dispositions permanentes qui
rendent l’homme docile à suivre les impulsions de l’Esprit
Saint.
1831
Les sept dons du Saint-Esprit sont la sagesse,
l’intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la
crainte de Dieu. Ils appartiennent en leur plénitude au Christ,
Fils de David (cf. Is 11, 1-2). Ils complètent et mènent à leur
perfection les vertus de ceux qui les reçoivent. Ils rendent les
fidèles dociles à obéir avec promptitude aux inspirations
divines.
Que ton
Esprit bon me conduise sur une terre unie (Ps 143, 10).
Tout ceux
qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu... Enfants et donc
héritiers ; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ (Rm 8,
14. 17).
1832
Les fruits de l’Esprit sont des perfections que forme en
nous le Saint-Esprit comme des prémices de la gloire éternelle.
La tradition de l’Église en énumère douze : " charité, joie,
paix, patience, longanimité, bonté, bénignité, mansuétude,
fidélité, modestie, continence, chasteté " (Ga 5, 22-23 vulg.).
EN BREF
1833
La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le
bien.
1834
Les vertus humaines sont des dispositions stables de
l’intelligence et de la volonté, qui règlent nos actes,
ordonnent nos passions et guident notre conduite selon la raison
et la foi. Elles peuvent être regroupées autour de quatre vertus
cardinales : la prudence, la justice, la force et la tempérance.
1835
La prudence dispose la raison pratique à discerner, en toute
circonstance, notre véritable bien et à choisir les justes
moyens de l’accomplir.
1836
La justice consiste dans la constante et ferme volonté de donner
à Dieu et au prochain ce qui lui est dû.
1837
La force assure, dans les difficultés, la fermeté et la
constance dans la poursuite du bien.
1838
La tempérance modère l’attrait des plaisirs sensibles et procure
l’équilibre dans l’usage des biens créés.
1839
Les vertus morales grandissent par l’éducation, par des actes
délibérés et par la persévérance dans l’effort. La grâce divine
les purifie et les élève.
1840
Les vertus théologales disposent les chrétiens à vivre en
relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu pour origine,
pour motif et pour objet, Dieu connu par la foi, espéré et aimé
pour Lui-même.
1841
Il y a trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la
charité (cf. 1 Co 13, 13). Elles informent et vivifient toutes
les vertus morales.
1842
Par la foi nous croyons en Dieu et nous croyons tout ce qu’Il
nous a révélé et que la Sainte Église nous propose à croire.
1843
Par l’espérance nous désirons et attendons de Dieu avec une
ferme confiance la vie éternelle et les grâces pour la mériter.
1844
Par la charité nous aimons Dieu par-dessus toute chose et notre
prochain comme nous-même pour l’amour de Dieu. Elle est le
" lien de la perfection " (Col 3, 14) et la forme de toutes les
vertus.
1845
Les sept dons du Saint Esprit accordés aux chrétiens sont la
sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science, la
piété et la crainte de Dieu.
Article 8
Le péché
I. La
miséricorde et le péché
1846
L’Evangile est la révélation, en Jésus Christ, de la miséricorde
de Dieu pour les pécheurs (cf. Lc 15). L’ange l’annonce à
Joseph : " Tu lui donneras le nom de Jésus : car c’est lui qui
sauvera son peuple de ses péchés " (Mt 1, 21). Il en va de même
de l’Eucharistie, sacrement de la Rédemption : " Ceci est mon
sang, le sang de l’Alliance, qui va être répandu pour une
multitude en rémission des péchés " (Mt 26, 28).
1847
" Dieu nous a créés sans nous, il n’a pas voulu nous sauver sans
nous " (S. Augustin, serm. 169, 11, 13 : PL 38, 923). L’accueil
de sa miséricorde réclame de nous l’aveu de nos fautes. " Si
nous disons : ‘Nous n’avons pas de péché’, nous nous abusons, la
vérité n’est pas en nous. Si nous confessons nos péchés, Il est
assez fidèle et juste pour remettre nos péchés et nous purifier
de toute injustice " (1 Jn 1, 8-9).
1848
Comme l’affirme saint Paul : " Où le péché s’est multiplié, la
grâce a surabondé ". Mais pour faire son œuvre, la grâce doit
découvrir le péché pour convertir notre cœur et nous conférer
" la justice pour la vie éternelle par Jésus Christ Notre
Seigneur " (Rm 5, 20-21). Tel un médecin qui sonde la plaie
avant de la panser, Dieu, par sa Parole et par son Esprit,
projette une lumière vive sur le péché :
La
conversion requiert la mise en lumière du péché, elle
contient en elle-même le jugement intérieur de la conscience. On
peut y voir la preuve de l’action de l’Esprit de vérité au plus
profond de l’homme, et cela devient en même temps le
commencement d’un nouveau don de la grâce et de l’amour :
" Recevez l’Esprit Saint ". Ainsi, dans cette " mise en lumière
du péché " nous découvrons un double don : le don de la
vérité de la conscience et le don de la certitude de la
rédemption. L’Esprit de vérité est le Consolateur (DeV 31).
II. La
définition du péché
1849
Le péché est une faute contre la raison, la vérité, la
conscience droite ; il est un manquement à l’amour véritable,
envers Dieu et envers le prochain, à cause d’un attachement
pervers à certains biens. Il blesse la nature de l’homme et
porte atteinte à la solidarité humaine. Il a été défini comme
" une parole, un acte ou un désir contraires à la loi
éternelle " (S. Augustin, Faust. 22, 27 : PL 42, 418 ; S. Thomas
d’A., s. th. 1-2, 71, 6).
1850
Le péché est une offense de Dieu : " Contre toi, toi seul, j’ai
péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait " (Ps 51, 6). Le
péché se dresse contre l’amour de Dieu pour nous et en détourne
nos cœurs. Comme le péché premier, il est une désobéissance, une
révolte contre Dieu, par la volonté de devenir " comme des
dieux ", connaissant et déterminant le bien et le mal (Gn 3, 5).
Le péché est ainsi " amour de soi jusqu’au mépris de Dieu " (S.
Augustin, civ. 14, 28). Par cette exaltation orgueilleuse de
soi, le péché est diamétralement contraire à l’obéissance de
Jésus qui accomplit le salut (cf. Ph 2, 6-9).
1851
C’est précisément dans la Passion où la miséricorde du Christ va
le vaincre, que le péché manifeste le mieux sa violence et sa
multiplicité : incrédulité, haine meurtrière, rejet et moqueries
de la part des chefs et du peuple, lâcheté de Pilate et cruauté
des soldats, trahison de Judas si dure à Jésus, reniement de
Pierre et abandon des disciples. Cependant, à l’heure même des
ténèbres et du Prince de ce monde (cf. Jn 14, 30), le sacrifice
du Christ devient secrètement la source de laquelle jaillira
intarissablement le pardon de nos péchés.
III. La
diversité des péchés
1852
La variété des péchés est grande. L’Écriture en fournit
plusieurs listes. L’épître aux Galates oppose les œuvres de la
chair au fruit de l’Esprit : " On sait bien tout ce que produit
la chair : fornication, impureté, débauche, idolâtrie, magie,
haines, discorde, jalousie, emportements, disputes, dissensions,
scissions, sentiments d’envie, orgies, ripailles et choses
semblables – et je vous préviens, comme je l’ai déjà fait, que
ceux qui commettent ces fautes là n’hériteront pas du Royaume de
Dieu " (5, 19-21 ; cf. Rm 1, 28-32 ; 1 Co 6, 9-10 ; Ep 5, 3-5 ;
Col 3, 5-8 ; 1 Tm 1, 9-10 ; 2 Tm 3, 2-5).
1853
On peut distinguer les péchés selon leur objet, comme pour tout
acte humain, ou selon les vertus auxquelles ils s’opposent, par
excès ou par défaut, ou selon les commandements qu’ils
contrarient. On peut les ranger aussi selon qu’ils concernent
Dieu, le prochain ou soi-même ; on peut les diviser en péchés
spirituels et charnels, ou encore en péchés en pensée, en
parole, par action ou par omission. La racine du péché est dans
le cœur de l’homme, dans sa libre volonté, selon l’enseignement
du Seigneur : " Du cœur en effet procèdent mauvais desseins,
meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages,
diffamations. Voilà les choses qui rendent l’homme impur " (Mt
15, 19). Dans le cœur réside aussi la charité, principe des
œuvres bonnes et pures, que blesse le péché.
IV. La
gravité du péché : péché mortel et véniel
1854
Il convient d’apprécier les péchés selon leur gravité. Déjà
perceptible dans l’Écriture (cf. 1 Jn 5, 16-17), la distinction
entre péché mortel et péché véniel s’est imposée dans la
tradition de l’Église. L’expérience des hommes la corrobore.
1855
Le péché mortel détruit la charité dans le cœur de
l’homme par une infraction grave à la loi de Dieu ; il détourne
l’homme de Dieu, qui est sa fin ultime et sa béatitude en Lui
préférant un bien inférieur.
Le péché
véniel laisse subsister la charité, même s’il l’offense et
la blesse.
1856
Le péché mortel, attaquant en nous le principe vital qu’est la
charité, nécessite une nouvelle initiative de la miséricorde de
Dieu et une conversion du cœur qui s’accomplit normalement dans
le cadre du sacrement de la Réconciliation :
Lorsque la
volonté se porte à une chose de soi contraire à la charité par
laquelle on est ordonné à la fin ultime, le péché par son objet
même a de quoi être mortel... qu’il soit contre l’amour de Dieu,
comme le blasphème, le parjure, etc. ou contre l’amour du
prochain, comme l’homicide, l’adultère, etc ... En revanche,
lorsque la volonté du pécheur se porte quelquefois à une chose
qui contient en soi un désordre mais n’est cependant pas
contraire à l’amour de Dieu et du prochain, tel que parole
oiseuse, rire superflu, etc., de tels péchés sont véniels (S.
Thomas d’A., s. th. 1-2, 88, 2).
1857
Pour qu’un péché soit mortel trois conditions sont
ensemble requises : " Est péché mortel tout péché qui a pour
objet une matière grave, et qui est commis en pleine conscience
et de propos délibéré " (RP 17).
1858
La matière grave est précisée par les Dix commandements
selon la réponse de Jésus au jeune homme riche : " Ne tue pas,
ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux
témoignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta mère "
(Mc 10, 18). La gravité des péchés est plus ou moins grande : un
meurtre est plus grave qu’un vol. La qualité des personnes
lésées entre aussi en ligne de compte : la violence exercée
contre les parents est de soi plus grave qu’envers un étranger.
1859
Le péché mortel requiert pleine connaissance et entier
consentement. Il présuppose la connaissance du caractère
peccamineux de l’acte, de son opposition à la Loi de Dieu. Il
implique aussi un consentement suffisamment délibéré pour être
un choix personnel. L’ignorance affectée et l’endurcissement du
cœur (cf. Mc 3, 5-6 ; Lc 16, 19-31) ne diminuent pas, mais
augmentent le caractère volontaire du péché.
1860
L’ignorance involontaire peut diminuer sinon excuser
l’imputabilité d’une faute grave. Mais nul n’est censé ignorer
les principes de la loi morale qui sont inscrits dans la
conscience de tout homme. Les impulsions de la sensibilité, les
passions peuvent également réduire le caractère volontaire et
libre de la faute, de même que des pressions extérieures ou des
troubles pathologiques. Le péché par malice, par choix délibéré
du mal, est le plus grave.
1861
Le péché mortel est une possibilité radicale de la liberté
humaine comme l’amour lui-même. Il entraîne la perte de la
charité et la privation de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire
de l’état de grâce. S’il n’est pas racheté par le repentir et le
pardon de Dieu, il cause l’exclusion du Royaume du Christ et la
mort éternelle de l’enfer, notre liberté ayant le pouvoir de
faire des choix pour toujours, sans retour. Cependant si nous
pouvons juger qu’un acte est en soi une faute grave, nous devons
confier le jugement sur les personnes à la justice et à la
miséricorde de Dieu.
1862
On commet un péché véniel quand on n’observe pas dans une
matière légère la mesure prescrite par la loi morale, ou bien
quand on désobéit à la loi morale en matière grave, mais sans
pleine connaissance ou sans entier consentement.
1863
Le péché véniel affaiblit la charité ; il traduit une affection
désordonnée pour des biens créés ; il empêche les progrès de
l’âme dans l’exercice des vertus et la pratique du bien moral ;
il mérite des peines temporelles. Le péché véniel délibéré et
resté sans repentance nous dispose peu à peu à commettre le
péché mortel. Cependant le péché véniel ne rompt pas l’Alliance
avec Dieu. Il est humainement réparable avec la grâce de Dieu.
" Il ne prive pas de la grâce sanctifiante ou déifiante et de la
charité, ni par suite, de la béatitude éternelle " (RP 17) :
L’homme ne
peut, tant qu’il est dans la chair, éviter tout péché, du moins
les péchés légers. Mais ces péchés que nous disons légers, ne
les tiens pas pour anodins : si tu les tiens pour anodins quand
tu les pèses, tremble quand tu les comptes. Nombre d’objets
légers font une grande masse ; nombre de gouttes emplissent un
fleuve ; nombre de grains font un monceau. Quelle est alors
notre espérance ? Avant tout, la confession ... (S. Augustin,
ep. Jo. 1, 6).
1864
" Tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le
blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis " (Mt 12, 31 ; cf.
Mc 3, 29 ; Lc 12, 10). Il n’y a pas de limites à la miséricorde
de Dieu, mais qui refuse délibérément d’accueillir la
miséricorde de Dieu par le repentir rejette le pardon de ses
péchés et le salut offert par l’Esprit Saint (cf. DeV 46). Un
tel endurcissement peut conduire à l’impénitence finale et à la
perte éternelle.
V. La
prolifération du péché
1865
Le péché crée un entraînement au péché ; il engendre le vice par
la répétition des mêmes actes. Il en résulte des inclinations
perverses qui obscurcissent la conscience et corrompent
l’appréciation concrète du bien et du mal. Ainsi le péché
tend-il à se reproduire et à se renforcer, mais il ne peut
détruire le sens moral jusqu’en sa racine.
1866
Les vices peuvent être rangés d’après les vertus qu’ils
contrarient, ou encore rattachés aux péchés capitaux que
l’expérience chrétienne a distingués à la suite de S. Jean
Cassien et de S. Grégoire le Grand (mor. 31, 45 : PL 76, 621A).
Ils sont appelés capitaux parce qu’ils sont générateurs d’autres
péchés, d’autres vices. Ce sont l’orgueil, l’avarice, l’envie,
la colère, l’impureté, la gourmandise, la paresse ou acédie.
1867
La tradition catéchétique rappelle aussi qu’il existe des " péchés
qui crient vers le ciel ". Crient vers le ciel : le sang
d’Abel (cf. Gn 4, 10) ; le péché des Sodomites (cf. Gn 18, 20 ;
19, 13) ; la clameur du peuple opprimé en Egypte (cf. Ex 3,
7-10) ; la plainte de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin
(cf. Ex 22, 20-22) ; l’injustice envers le salarié (cf. Dt 24,
14-15 ; Jc 5, 4).
1868
Le péché est un acte personnel. De plus, nous avons une
responsabilité dans les péchés commis par d’autres, quand
nous y coopérons :
– en y
participant directement et volontairement ;
– en les
commandant, les conseillant, les louant ou les approuvant ;
– en ne les
révélant pas ou en ne les empêchant pas, quand on y est tenu ;
– en
protégeant ceux qui font le mal.
1869
Ainsi le péché rend les hommes complices les uns des autres,
fait régner entre eux la concupiscence, la violence et
l’injustice. Les péchés provoquent des situations sociales et
des institutions contraires à la Bonté divine. Les " structures
de péché " sont l’expression et l’effet des péchés personnels.
Elles induisent leurs victimes à commettre le mal à leur tour.
Dans un sens analogique elles constituent un " péché social "
(cf. RP 16).
EN BREF
1870
" Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour
faire à tous miséricorde " (Rm 11, 32).
1871
Le péché est " une parole, un acte ou un désir contraires à la
loi éternelle. Il est une offense à Dieu. Il se dresse contre
Dieu dans une désobéissance contraire à l’obéissance du Christ.
1872
Le péché et un acte contraire à la raison. Il blesse la nature
de l’homme et porte atteinte à la solidarité humaine.
1873
La racine de tous les péchés est dans le cœur de l’homme. Leurs
espèces et leur gravité se mesurent principalement selon leur
objet.
1874
Choisir délibérément, c’est-à-dire en le sachant et en le
voulant, une chose gravement contraire à la loi divine et à la
fin dernière de l’homme, c’est commettre un péché mortel.
Celui-ci détruit en nous la charité sans laquelle la béatitude
éternelle est impossible. Sans repentir, il entraîne la mort
éternelle.
1875
Le péché véniel constitue un désordre moral réparable par la
charité qu’il laisse subsister en nous.
1876
La répétition des péchés, même véniels, engendre les vices parmi
lesquels on distingue les péchés capitaux.
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