CHAPITRE DEUXIEME
" TU AIMERAS TON PROCHAIN
COMME TOI-MEME "
Jésus dit à ses disciples :
" Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 13,
34).
2196 En réponse à la question posée sur le premier des
commandements, Jésus dit : " Le premier, c’est : ‘Ecoute
Israël ! Le Seigneur notre Dieu est l’Unique Seigneur ; et tu
aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme,
de tout ton esprit et de toute ta force !’ Voici le second : ‘Tu
aimeras ton prochain comme toi-même’. Il n’y a pas de
commandement plus grand que ceux-là " (Mc 12, 29-31).
L’apôtre S. Paul le rappelle : " Celui qui aime autrui a de ce
fait accompli la loi. En effet, le précepte : tu ne commettras
pas d’adultère ; tu ne tueras pas ; tu ne voleras pas ; tu ne
convoiteras pas, et tous les autres se résument en ces mots : tu
aimeras ton prochain comme toi-même. La charité ne fait point de
tort au prochain. La charité est donc la loi dans sa plénitude "
(Rm 13, 8-10).
Article 4
LE QUATRIEME COMMANDEMENT
Honore ton père et ta mère
afin d’avoir longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te
donne (Ex 20, 12).
Il leur était soumis (Lc 2,
51).
Le Seigneur Jésus a lui-même
rappelé la force de ce " commandement de Dieu " (Mc 7, 8-13).
L’Apôtre enseigne : " Enfants, obéissez à vos parents, dans le
Seigneur : cela est juste. ‘Honore ton père et ta mère’, tel est
le premier commandement auquel soit attaché une promesse : ‘pour
que tu t’en trouves bien et jouisses d’une longue vie sur la
terre’ " (Ep 6, 1-3 ; cf. Dt 5, 16).
2197 Le quatrième commandement ouvre la seconde table. Il
indique l’ordre de la charité. Dieu a voulu qu’après Lui, nous
honorions nos parents à qui nous devons la vie et qui nous ont
transmis la connaissance de Dieu. Nous sommes tenus d’honorer et
de respecter tous ceux que Dieu, pour notre bien, a revêtus de
son autorité.
2198 Ce précepte s’exprime sous la forme positive de
devoirs à accomplir. Il annonce les commandements suivants qui
concernent un respect particulier de la vie, du mariage, des
biens terrestres, de la parole. Il constitue l’un des fondements
de la doctrine sociale de l’Église.
2199 Le quatrième commandement s’adresse expressément aux
enfants dans leurs relations avec leurs père et mère, parce que
cette relation est la plus universelle. Il concerne également
les rapports de parenté avec les membres du groupe familial. Il
demande de rendre honneur, affection et reconnaissance aux aïeux
et aux ancêtres. Il s’étend enfin aux devoirs des élèves à
l’égard du maître, des employés à l’égard des employeurs, des
subordonnés à l’égard de leurs chefs, des citoyens à l’égard de
leur patrie, de ceux qui l’administrent ou la gouvernent.
Ce commandement implique et sous-entend les devoirs des parents,
tuteurs, maîtres, chefs, magistrats, gouvernants, de tous ceux
qui exercent une autorité sur autrui ou sur une communauté de
personnes.
2200 L’observation du quatrième commandement comporte sa
récompense : " Honore ton père et ta mère afin d’avoir longue
vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne " (Ex 20,
12 ; Dt 5, 16). Le respect de ce commandement procure avec les
fruits spirituels, des fruits temporels de paix et de
prospérité. Au contraire, l’inobservance de ce commandement
entraîne de grands dommages pour les communautés et pour les
personnes humaines.
I. La famille dans le plan de
Dieu
Nature de la famille
2201 La communauté conjugale est établie sur le
consentement des époux. Le mariage et la famille sont ordonnés
au bien des époux et à la procréation et à l’éducation des
enfants. L’amour des époux et la génération des enfants
instituent entre les membres d’une même famille des relations
personnelles et des responsabilités primordiales.
2202 Un homme et une femme unis en mariage forment avec
leurs enfants une famille. Cette disposition précède toute
reconnaissance par l’autorité publique ; elle s’impose à elle.
On la considérera comme la référence normale, en fonction de
laquelle doivent être appréciées les diverses formes de parenté.
2203 En créant l’homme et la femme, Dieu a institué la
famille humaine et l’a dotée de sa constitution fondamentale.
Ses membres sont des personnes égales en dignité. Pour le bien
commun de ses membres et de la société, la famille implique une
diversité de responsabilités, de droits et de devoirs.
La famille chrétienne
2204 " La famille chrétienne constitue une révélation et
une réalisation spécifiques de la communion ecclésiale ; pour
cette raison, ... elle doit être désignée comme une église
domestique " (FC 21 ; cf. LG 11). Elle est une communauté de
foi, d’espérance et de charité ; elle revêt dans l’Église une
importance singulière comme il apparaît dans le Nouveau
Testament (cf. Ep 5, 21-6. 4 ; Col 3, 18-21 ; 1 P 3, 1-7).
2205 La famille chrétienne est une communion de
personnes, trace et image de la communion du Père et du Fils
dans l’Esprit Saint. Son activité procréatrice et éducative est
le reflet de l’œuvre créatrice du Père. Elle est appelée à
partager la prière et le sacrifice du Christ. La prière
quotidienne et la lecture de la Parole de Dieu fortifient en
elle la charité. La famille chrétienne est évangélisatrice et
missionnaire.
2206 Les relations au sein de la famille entraînent une
affinité de sentiments, d’affections et d’intérêts, qui provient
surtout du mutuel respect des personnes. La famille est une
communauté privilégiée appelée à réaliser " une mise en
commun des pensées entre les époux et aussi une attentive
coopération des parents dans l’éducation des enfants " (GS 52, §
1).
II. La famille et la société
2207 La famille est la cellule originelle de la vie
sociale. Elle estla société naturelle où l’homme et la femme
sont appelés au don de soi dans l’amour et dans le don de la
vie. L’autorité, la stabilité et la vie de relations au sein de
la famille constituent les fondements de la liberté, de la
sécurité, de la fraternité au sein de la société. La famille est
la communauté dans laquelle, dès l’enfance, on peut apprendre
les valeurs morales, commencer à honorer Dieu et bien user de la
liberté. La vie de famille est initiation à la vie en société.
2208 La famille doit vivre de façon que ses membres
apprennent le souci et la prise en charge des jeunes et des
anciens, des personnes malades ou handicapées et des pauvres.
Nombreuses sont les familles qui, à certains moments, ne se
trouvent pas en mesure de fournir cette aide. Il revient alors à
d’autres personnes, à d’autres familles et, subsidiairement, à
la société, de pourvoir à leurs besoins : " La dévotion pure et
sans tache devant Dieu notre Père consiste en ceci : visiter
orphelins et veuves dans leurs épreuves et se garder de toute
souillure du monde " (Jc 1, 27).
2209 La famille doit être aidée et défendue par les
mesures sociales appropriées. Là où les familles ne sont pas en
mesure de remplir leurs fonctions, les autres corps sociaux ont
le devoir de les aider et de soutenir l’institution familiale.
Suivant le principe de subsidiarité, les communautés plus vastes
se garderont d’usurper ses pouvoirs ou de s’immiscer dans sa
vie.
2210 L’importance de la famille pour la vie et le
bien-être de la société (cf. GS 47, § 1) entraîne une
responsabilité particulière de celle-ci dans le soutien et
l’affermissement du mariage et de la famille. Que le pouvoir
civil considère comme un devoir grave de " reconnaître et de
protéger la vraie nature du mariage et de la famille, de
défendre la moralité publique et de favoriser la prospérité des
foyers " (GS 52, § 2).
2211 La communauté politique a le devoir d’honorer la
famille, de l’assister, de lui assurer notamment :
– la liberté de fonder un foyer, d’avoir des enfants et de les
élever en accord avec ses propres convictions morales et
religieuses ;
– la protection de la stabilité du lien conjugal et de
l’institution familiale ;
– la liberté de professer sa foi, de la transmettre, d’élever
ses enfants en elle, avec les moyens et les institutions
nécessaires ;
– le droit à la propriété privée, la liberté d’entreprendre,
d’obtenir un travail, un logement, le droit d’émigrer ;
– selon les institutions des pays, le droit aux soins médicaux,
à l’assistance pour les personnes âgées, aux allocations
familiales ;
– le protection de la sécurité et de la salubrité, notamment à
l’égard des dangers comme la drogue, la pornographie,
l’alcoolisme, etc.
– la liberté de former des associations avec d’autres familles
et d’être ainsi représentées auprès des autorités civiles (cf.
FC 46).
2212 Le quatrième commandement éclaire les autres
relations dans la société. Dans nos frères et sœurs, nous
voyons les enfants de nos parents ; dans nos cousins, les
descendants de nos aïeux ; dans nos concitoyens, les fils de
notre patrie ; dans les baptisés, les enfants de notre mère,
l’Église ; dans toute personne humaine, un fils ou une fille de
Celui qui veut être appelé " notre Père ". Par là, nos relations
avec notre prochain sont reconnues d’ordre personnel. Le
prochain n’est pas un " individu " de la collectivité humaine ;
il est " quelqu’un " qui, par ses origines connues mérite une
attention et un respect singuliers.
2213 Les communautés humaines sont composées de
personnes. Leur bon gouvernement ne se limite pas à la
garantie des droits et à l’accomplissement des devoirs, ainsi
qu’à la fidélité aux contrats. De justes relations entre
employeurs et employés, gouvernants et citoyens, supposent la
bienveillance naturelle conforme à la dignité des personnes
humaines, soucieuses de justice et de fraternité.
III. Devoirs des membres de la
famille
Devoirs des enfants
2214 La paternité divine est la source de la paternité
humaine (cf. Ep 3, 14) ; c’est elle qui fonde l’honneur des
parents. Le respect des enfants, mineurs ou adultes, pour leurs
père et mère (cf. Pr 1, 8 ; Tb 4, 3-4) se nourrit de l’affection
naturelle née du lien qui les unit. Il est demandé par le
précepte divin (cf. Ex 20, 12).
2215 Le respect pour les parents (piété filiale)
est fait de reconnaissance à l’égard de ceux qui, par le
don de la vie, leur amour et leur travail, ont mis leurs enfants
au monde et leur ont permis de grandir en taille, en sagesse et
en grâce. " De tout ton cœur, glorifie ton père et n’oublie pas
les douleurs de ta mère. Souviens-toi qu’ils t’ont donné le
jour ; comment leur rendras-tu ce qu’ils ont fait pour toi ? "
(Si 7, 27-28).
2216 Le respect filial se révèle par la docilité et l’obéissance
véritables. " Garde, mon fils, le précepte de ton père, ne
rejette pas l’enseignement de ta mère ... Dans tes démarches,
ils te guideront ; dans ton repos, ils te garderont ; à ton
réveil, ils te parleront " (Pr 6, 20-22). " Un fils sage aime la
remontrance, mais un moqueur n’écoute pas le reproche " (Pr 13,
1).
2217 Aussi longtemps que l’enfant vit au domicile de ses
parents, l’enfant doit obéir à toute demande des parents motivée
par son bien ou par celui de la famille. " Enfants, obéissez en
tout à vos parents, car cela est agréable au Seigneur " (Col 3,
20 ; cf. Ep 6, 1). Les enfants ont encore à obéir aux
prescriptions raisonnables de leurs éducateurs et de tous ceux
auxquels les parents les ont confiés. Mais si l’enfant est
persuadé en conscience qu’il est moralement mauvais d’obéir à
tel ordre, qu’il ne le suive pas.
En grandissant, les enfants continueront à respecter leurs
parents. Ils préviendront leurs désirs, solliciteront volontiers
leurs conseils et accepteront leurs admonestations justifiées.
L’obéissance envers les parents cesse avec l’émancipation des
enfants, mais non point le respect qui reste dû à jamais.
Celui-ci trouve, en effet, sa racine dans la crainte de Dieu, un
des dons du Saint-Esprit.
2218 Le quatrième commandement rappelle aux enfants
devenus grands, leurs responsabilités envers les
parents. Autant qu’ils le peuvent, ils doivent leur donner
l’aide matérielle et morale, dans les années de vieillesse, et
durant le temps de maladie, de solitude ou de détresse. Jésus
rappelle ce devoir de reconnaissance (cf. Mc 7, 10-12).
Le Seigneur a glorifié le père
devant les enfants et il a affermi le droit de la mère sur les
fils. Qui honore son père expie ses péchés et qui glorifie sa
mère amasse un trésor. Qui honore son père trouvera de la joie
dans ses enfants et au jour de la prière il sera exaucé. Qui
glorifie son père aura de longs jours et qui obéit au Seigneur
donnera du repos à sa mère (Si 3, 2-6).
Enfant, viens en aide à ton
père dans sa vieillesse et ne l’attriste pas durant sa vie. Même
si son esprit faiblit, sois indulgent, ne le méprise pas quand
tu es en pleine force ... Tel un blasphémateur, celui qui
délaisse son père, un maudit du Seigneur celui qui rudoie sa
mère (Si 3, 12. 16).
2219 Le respect filial favorise l’harmonie de toute la
vie familiale, il concerne aussi les relations entre frères
et sœurs. Le respect envers les parents irradie tout le
milieu familial. " La couronne des vieillards, les enfants de
leurs enfants " (Pr 17, 6). " Supportez-vous les uns les autres
dans la charité, en toute humilité, douceur et patience " (Ep 4,
2).
2220 Pour les chrétiens, une spéciale gratitude est due à
ceux dont ils ont reçu le don de la foi, la grâce du baptême et
la vie dans l’Église. Il peut s’agir des parents, d’autres
membres de la famille, des grands-parents, des pasteurs, des
catéchistes, d’autres maîtres ou amis. " J’évoque le souvenir de
la foi sans feinte qui est en toi, celle qui habite d’abord en
ta grand-mère Loïs et en ta mère, Eunice, et qui, j’en suis
persuadé, est aussi en toi " (2 Tm 1, 5).
Devoirs des parents
2221 La fécondité de l’amour conjugal ne se réduit pas à
la seule procréation des enfants, mais doit s’étendre à leur
éducation morale et à leur formation spirituelle. " Le rôle
des parents dans l’éducation est d’une telle importance
qu’il est presque impossible de les remplacer " (GE 3). Le droit
et le devoir d’éducation sont pour les parents primordiaux et
inaliénables (cf. FC 36).
2222 Les parents doivent regarder leurs enfants comme des
enfants de Dieu et les respecter comme des personnes
humaines. Ils éduquent leurs enfants à accomplir la loi de
Dieu, en se montrant eux-mêmes obéissants à la volonté du Père
des Cieux.
2223 Les parents sont les premiers responsables de
l’éducation de leurs enfants. Ils témoignent de cette
responsabilité d’abord par la création d’un foyer, où la
tendresse, le pardon, le respect, la fidélité et le service
désintéressé sont de règle. Le foyer est un lieu approprié à l’éducation
des vertus. Celle-ci requiert l’apprentissage de
l’abnégation, d’un sain jugement, de la maîtrise de soi,
conditions de toute liberté véritable. Les parents enseigneront
aux enfants à subordonner " les dimensions physiques et
instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles " (CA
36). C’est une grave responsabilité pour les parents de donner
de bons exemples à leurs enfants. En sachant reconnaître devant
eux leurs propres défauts, ils seront mieux à même de les guider
et de les corriger :
" Qui aime son fils lui
prodigue des verges, qui corrige son fils en tirera profit " (Si
30, 1-2). " Et vous, pères, n’irritez pas vos enfants,
élevez-les au contraire en les corrigeant et avertissant selon
le Seigneur " (Ep 6, 4).
2224 Le foyer constitue un milieu naturel pour
l’initiation de l’être humain à la solidarité et aux
responsabilités communautaires. Les parents enseigneront aux
enfants à se garder des compromissions et des dégradations qui
menacent les sociétés humaines.
2225 Par la grâce du sacrement de mariage, les parents
ont reçu la responsabilité et le privilège d’évangéliser
leurs enfants. Ils les initieront dès le premier âge aux
mystères de la foi dont ils sont pour leurs enfants les
" premiers hérauts " (LG 11). Ils les associeront dès leur plus
tendre enfance à la vie de l’Église. Les manières de vivre
familiales peuvent nourrir les dispositions affectives qui
durant la vie entière restent d’authentiques préambules et des
soutiens d’une foi vivante.
2226 L’éducation à la foi par les parents doit
commencer dès la plus tendre enfance. Elle se donne déjà quand
les membres de la famille s’aident à grandir dans la foi par le
témoignage d’une vie chrétienne en accord avec l’Evangile. La
catéchèse familiale précède, accompagne et enrichit les autres
formes d’enseignement de la foi. Les parents ont la mission
d’apprendre à leurs enfants à prier et à découvrir leur vocation
d’enfants de Dieu (cf. LG 11). La paroisse est la communauté
eucharistique et le cœur de la vie liturgique des familles
chrétiennes ; elle est un lieu privilégié de la catéchèse des
enfants et des parents.
2227 Les enfants à leur tour contribuent à la
croissance de leurs parents dans la sainteté (cf. GS
48, § 4). Tous et chacun s’accorderont généreusement et sans se
lasser les pardons mutuels exigés par les offenses, les
querelles, les injustices et les abandons. L’affection mutuelle
le suggère. La charité du Christ le demande (cf. Mt 18, 21-22 ;
Lc 17, 4).
2228 Durant l’enfance, le respect et l’affection des
parents se traduisent d’abord par le soin et par l’attention
qu’ils consacrent à élever leurs enfants, à pourvoir à leurs
besoins physiques et spirituels. Au cours de la
croissance, le même respect et le même dévouement conduisent les
parents à éduquer leurs enfants à user droitement de leur raison
et de leur liberté.
2229 Premiers responsables de l’éducation de leurs
enfants, les parents ont le droit de choisir pour eux
une école qui correspond à leur propres convictions. Ce
droit est fondamental. Les parents ont, autant que possible, le
devoir de choisir les écoles qui les assisteront au mieux dans
leur tâche d’éducateurs chrétiens (cf. GE 6). Les pouvoirs
publics ont le devoir de garantir ce droit des parents et
d’assurer les conditions réelles de son exercice
2230 En devenant adultes, les enfants ont le devoir et le
droit de choisir leur profession et leur état de vie. Ils
assumeront ces nouvelles responsabilités dans la relation
confiante à leurs parents dont ils demanderont et recevront
volontiers les avis et les conseils. Les parents veilleront à ne
contraindre leurs enfants ni dans le choix d’une profession, ni
dans celui d’un conjoint. Ce devoir de réserve ne leur interdit
pas, bien au contraire, de les aider par des avis judicieux,
particulièrement lorsque ceux-ci envisagent de fonder un foyer.
2231 Certains ne se marient pas en vue de prendre soin de
leurs parents, ou de leurs frères et sœurs, de s’adonner plus
exclusivement à une profession ou pour d’autres motifs
honorables. Ils peuvent contribuer grandement au bien de la
famille humaine.
IV. La famille et le royaume
2232 Les liens familiaux, s’ils sont importants, ne sont
pas absolus. De même que l’enfant grandit vers sa maturité et
son autonomie humaines et spirituelles, de même sa vocation
singulière qui vient de Dieu s’affirme avec plus de clarté et de
force. Les parents respecteront cet appel et favoriseront la
réponse de leurs enfants à le suivre. Il faut se convaincre que
la vocation première du chrétien est de suivre Jésus (cf.
Mt 16, 25) : " Qui aime père et mère plus que moi, n’est pas
digne de moi, et qui aime fils ou fille plus que moi n’est pas
digne de moi " (Mt 10, 37).
2233 Devenir disciple de Jésus, c’est accepter
l’invitation d’appartenir à la famille de Dieu, de vivre
en conformité avec sa manière de vivre : " Quiconque fait la
volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon
frère et ma sœur, et ma mère " (Mt 12, 49).
Les parents accueilleront et respecteront avec joie et action de
grâce l’appel du Seigneur à un de leurs enfants de le suivre
dans la virginité pour le Royaume, dans la vie consacrée ou dans
le ministère sacerdotal.
V. Les autorités dans la
société civile
2234 Le quatrième commandement de Dieu nous ordonne aussi
d’honorer tous ceux qui, pour notre bien, ont reçu de Dieu une
autorité dans la société. Il éclaire les devoirs de ceux qui
exercent l’autorité comme de ceux à qui elle bénéficie.
Devoirs des autorités civiles
2235 Ceux qui exercent une autorité doivent l’exercer
comme un service. " Celui qui voudra devenir grand parmi vous,
sera votre serviteur " (Mt 20, 26). L’exercice d’une autorité
est moralement mesuré par son origine divine, sa nature
raisonnable et son objet spécifique. Nul ne peut commander ou
instituer ce qui est contraire à la dignité des personnes et à
la loi naturelle.
2236 L’exercice de l’autorité vise à rendre manifeste une
juste hiérarchie des valeurs afin de faciliter l’exercice de la
liberté et de la responsabilité de tous. Les supérieurs exercent
la justice distributive avec sagesse, tenant compte des besoins
et de la contribution de chacun et en vue de la concorde et de
la paix. Ils veillent à ce que les règles et dispositions qu’ils
prennent n’induisent pas en tentation en opposant l’intérêt
personnel à celui de la communauté (cf. CA 25).
2237 Les pouvoirs politiques sont tenus de
respecter les droits fondamentaux de la personne humaine. Ils
rendront humainement la justice dans le respect du droit de
chacun, notamment des familles et des déshérités.
Les droits politiques attachés à la citoyenneté peuvent et
doivent être accordés selon les exigences du bien commun. Ils ne
peuvent être suspendus par les pouvoirs publics sans motif
légitime et proportionné. L’exercice des droits politiques est
destiné au bien commun de la nation et de la communauté humaine.
Devoirs des citoyens
2238 Ceux qui sont soumis à l’autorité regarderont leurs
supérieurs comme représentants de Dieu qui les a institués
ministres de ses dons (cf. Rm 13, 1-2) : " Soyez soumis, à cause
du Seigneur, à toute institution humaine... Agissez en hommes
libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur
leur malice, mais en serviteurs de Dieu " (1 P 2, 13. 16). Leur
collaboration loyale comporte le droit, parfois le devoir
d’exercer une juste remontrance sur ce qui leur paraîtrait
nuisible à la dignité des personnes et au bien de la communauté.
2239 Le devoir des citoyens est de contribuer avec
les pouvoirs civils au bien de la société dans un esprit de
vérité, de justice, de solidarité et de liberté. L’amour et le
service de la patrie relèvent du devoir de reconnaissance
et de l’ordre de la charité. La soumission aux autorités
légitimes et le service du bien commun exigent des citoyens
qu’ils accomplissent leur rôle dans la vie de la communauté
politique.
2240 La soumission à l’autorité et la coresponsabilité du
bien commun exigent moralement le paiement des impôts,
l’exercice du droit de vote, la défense du pays :
Rendez à tous ce qui leur est
dû : à qui l’impôt, l’impôt ; à qui les taxes, les taxes ; à qui
la crainte, la crainte ; à qui l’honneur, l’honneur (Rm 13, 7).
Les chrétiens résident dans
leur propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils
s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens et supportent
toutes leurs charges comme des étrangers ... Ils obéissent aux
lois établies, et leur manière de vivre l’emporte sur les lois
... Si noble est le poste que Dieu leur a assigné qu’il ne leur
est pas permis de déserter (Epître à Diognète 5, 5. 10 ; 6, 10).
L’Apôtre nous exhorte à faire des prières et des actions de
grâce pour les rois et pour tous ceux qui exercent l’autorité,
" afin que nous puissions mener une vie calme et paisible en
toute piété et dignité " (1 Tm 2, 2).
2241 Les nations mieux pourvues sont tenues d’accueillir
autant que faire se peut l’étranger en quête de la
sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans
son pays d’origine. Les pouvoirs publics veilleront au respect
du droit naturel qui place l’hôte sous la protection de ceux qui
le reçoivent.
Les autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont ils
ont la charge subordonner l’exercice du droit d’immigration à
diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs
des migrants à l’égard du pays d’adoption. L’immigré est tenu de
respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et
spirituel de son pays d’accueil, d’obéir à ses lois et de
contribuer à ses charges.
2242 Le citoyen est obligé en conscience de ne pas suivre
les prescriptions des autorités civiles quand ces préceptes sont
contraires aux exigences de l’ordre moral, aux droits
fondamentaux des personnes ou aux enseignements de l’Evangile.
Le refus d’obéissance aux autorités civiles, lorsque
leurs exigences sont contraires à celles de la conscience
droite, trouve sa justification dans la distinction entre le
service de Dieu et le service de la communauté politique.
" Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui
appartient à Dieu " (Mt 22, 21). " Il faut obéir à Dieu plutôt
qu’aux hommes " (Ac 5, 29) :
Si l’autorité publique,
débordant sa compétence, opprime les citoyens, que ceux-ci ne
refusent pas ce qui est objectivement demandé par le bien
commun. Il leur est cependant permis de défendre leurs droits et
ceux de leurs concitoyens contre les abus du pouvoir, en
respectant les limites tracées par la loi naturelle et la loi
évangélique (GS 74, § 5).
2243 La résistance à l’oppression du pouvoir
politique ne recourra pas légitimement aux armes, sauf si se
trouvent réunis les conditions suivantes : (1) en cas de
violations certaines, graves et prolongées des droits
fondamentaux ; (2) après avoir épuisé tous les autres recours ;
(3) sans provoquer des désordres pires ; (4) qu’il y ait un
espoir fondé de réussite ; (5) s’il est impossible de prévoir
raisonnablement des solutions meilleures.
La communauté politique et
l’Église
2244 Toute institution s’inspire, même implicitement,
d’une vision de l’homme et de sa destinée, d’où elle tire ses
références de jugement, sa hiérarchie des valeurs, sa ligne de
conduite. La plupart des sociétés ont référé leur institutions à
une certaine prééminence de l’homme sur les choses. Seule la
Religion divinement révélée a clairement reconnu en Dieu,
Créateur et Rédempteur, l’origine et la destinée de l’homme.
L’Église invite les pouvoirs politiques à référer leurs
jugements et leurs décisions à cette inspiration de la Vérité
sur Dieu et sur l’homme :
Les sociétés qui ignorent
cette inspiration ou la refusent au nom de leur indépendance par
rapport à Dieu, sont amenées à chercher en elles-mêmes ou à
emprunter à une idéologie leurs références et leur fin, et,
n’admettant pas que l’on défende un critère objectif du bien et
du mal, se donnent sur l’homme et sur sa destinée un pouvoir
totalitaire, déclaré ou sournois, comme le montre l’histoire
(cf. CA 45 ; 46).
2245 L’ Églisequi, en raison de sa charge et de sa
compétence, ne se confond d’aucune manière avec la communauté
politique, est à la fois le signe et la sauvegarde du caractère
transcendant de la personne humaine. " L’Église respecte et
promeut la liberté politique et la responsabilité des citoyens "
(GS 76, § 3).
2246 Il appartient à la mission de l’Église de " porter
un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine
politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le
salut des âmes l’exigent, en utilisant tous les moyens, et
ceux-là seulement, qui sont conformes à l’Evangile et en
harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et
des situations " (GS 76, § 5).
EN BREF
2247 " Honore ton père et ta mère " (Dt 5, 16 ; Mc 7, 8).
2248 Selon le quatrième commandement, Dieu a voulu qu’après
lui, nous honorions nos parents et ceux qu’il a, pour notre
bien, revêtus d’ autorité.
2249 La communauté conjugale est établie sur l’alliance et le
consentement des époux. Le mariage et la famille sont ordonnés
au bien des conjoints, à la procréation et à l’éducation des
enfants.
2250 " Le bien humain et chrétien de la personne et de la
société est étroitement lié à la bonne santé de la communauté
conjugale et familiale " (GS 47, § 1).
2251 Les enfants doivent à leurs parents respect, gratitude,
juste obéissance et aide. Le respect filial favorise l’harmonie
de toute la vie familiale.
2252 Les parents sont les premiers responsables de
l’éducation de leurs enfants à la foi, à la prière et à toutes
les vertus. Ils ont le devoir de pourvoir dans toute la mesure
du possible aux besoins physiques et spirituels de leurs
enfants.
2253 Les parents doivent respecter et favoriser la vocation
de leurs enfants. Ils se rappelleront et enseigneront que le
premier appel du chrétien, c’est de suivre Jésus.
2254 L’autorité publique est tenue de respecter les droits
fondamentaux de la personne humaine et les conditions d’exercice
de sa liberté.
2255 Le devoir des citoyens est de travailler avec les
pouvoirs civils à l’édification de la société dans un esprit de
vérité, de justice, de solidarité et de liberté.
2256 Le citoyen est obligé en conscience de ne pas suivre les
prescriptions des autorités civiles quand ces préceptes sont
contraires aux exigences de l’ordre moral. " Il faut obéir à
Dieu plutôt qu’aux hommes " (Ac 5, 29).
2257 Toute société réfère ses jugements et sa conduite à une
vision de l’homme et de sa destinée. Hors des lumières de
l’Evangile sur Dieu et sur l’homme, les sociétés deviennent
aisément totalitaires.
Article 5
LE CINQUIEME COMMANDEMENT
Tu ne commettras pas de
meurtre (Ex 20, 13).
Vous avez appris qu’il a été
dit aux anciens : " Tu ne tueras pas. Celui qui tuera sera
passible du jugement. " Et moi, je vous dis que quiconque se met
en colère contre son frère sera passible du jugement (Mt 5,
21-22).
2258 " La vie humaine est sacrée parce que, dès
son origine, elle comporte l’action créatrice de Dieu et demeure
pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son
unique fin. Dieu seul est le maître de la vie de son
commencement à son terme : personne en aucune circonstance ne
peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un
être humain innocent " (CDF, instr. " Donum vitæ "intr. 5).
I. Le respect de la vie
humaine
Le témoignage de l’Histoire
Sainte
2259 L’Écriture, dans le récit du meurtre d’Abel par son
frère Caïn (cf. Gn 4, 8-12), révèle, dès les débuts de
l’histoire humaine, la présence dans l’homme de la colère et de
la convoitise, conséquences du péché originel. L’homme est
devenu l’ennemi de son semblable. Dieu dit la scélératesse de ce
fratricide : " Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie
vers moi. Maintenant donc maudit sois-tu de par le sol qui a
ouvert sa bouche pour prendre de ta main le sang de ton frère "
(Gn 4, 10-11).
2260 L’alliance de Dieu et de l’humanité est tissée des
rappels du don divin de la vie humaine et de la violence
meurtrière de l’homme :
Je demanderai compte du sang
de chacun de vous ... Qui verse le sang de l’homme, par l’homme
aura son sang versé. Car à l’image de Dieu l’homme a été fait
(Gn 9, 5-6).
L’Ancien Testament a toujours considéré le sang comme un signe
sacré de la vie (cf. Lv 17, 14). La nécessité de cet
enseignement est de tous les temps.
2261 L’Écriture précise l’interdit du cinquième
commandement : " Tu ne tueras pas l’innocent ni le juste " (Ex
23, 7). Le meurtre volontaire d’un innocent est gravement
contraire à la dignité de l’être humain, à la règle d’or et à la
sainteté du Créateur. La loi qui le proscrit est universellement
valable : elle oblige tous et chacun, toujours et partout.
2262 Dans le Sermon sur la Montagne, le Seigneur rappelle
le précepte : " Tu ne tueras pas " (Mt 5, 21), il y ajoute la
proscription de la colère, de la haine et de la vengeance.
Davantage encore, le Christ demande à son disciple de tendre
l’autre joue (cf. Mt 5, 22-39), d’aimer ses ennemis (cf. Mt 5,
44). Lui-même ne s’est pas défendu et a dit à Pierre de laisser
l’épée au fourreau (cf. Mt 26, 57).
La légitime défense
2263 La défense légitime des personnes et des sociétés
n’est pas une exception à l’interdit du meurtre de l’innocent
que constitue l’homicide volontaire. " L’action de se défendre
peut entraîner un double effet : l’un est la conservation de sa
propre vie, l’autre la mort de l’agresseur ... L’un seulement
est voulu ; l’autre ne l’est pas " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2,
64, 7).
2264 L’amour envers soi-même demeure un principe
fondamental de la moralité. Il est donc légitime de faire
respecter son propre droit à la vie. Qui défend sa vie n’est pas
coupable d’homicide même s’il est contraint de porter à son
agresseur un coup mortel :
Si pour se défendre on exerce
une violence plus grande qu’il ne faut, ce sera illicite. Mais
si l’on repousse la violence de façon mesurée, ce sera licite...
Et il n’est pas nécessaire au salut que l’on omette cet acte de
protection mesurée pour éviter de tuer l’autre ; car on est
davantage tenu de veiller à sa propre vie qu’à celle d’autrui
(S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 64, 7).
2265 En plus d’un droit, la légitime défense peut être un
devoir grave, pour qui est responsable de la vie d’autrui. La
défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur
hors d’état de nuire. A ce titre, les détenteurs légitimes de
l’autorité ont le droit de recourir même aux armes pour
repousser les agresseurs de la communauté civile confiée à leur
responsabilité.
2266 L’effort fait par l’Etat pour empêcher la diffusion
de comportements qui violent les droits de l’homme et les règles
fondamentales du vivre ensemble civil, correspond à une exigence
de la protection du bien commun. L’autorité publique légitime a
le droit et le devoir d’infliger des peines proportionnelles à
la gravité du délit. La peine a pour premier but de réparer le
désordre introduit par la faute. Quand cette peine est
volontairement acceptée par le coupable, elle a valeur
d’expiation. La peine, en plus de protéger l’ordre public et la
sécurité des personnes, a un but médicinal: elle doit, dans la
mesure du possible, contribuer à l’amendement du coupable.
2267 L’enseignement traditionnel de l’Eglise n’exclut
pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont
pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, si celle-ci
est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de
l’injuste agresseur la vie d’êtres humains.
Mais si des moyens non sanglants suffisent à défendre et à
protéger la sécurité des personnes contre l’agresseur,
l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci
correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun et
sont plus conformes à la dignité de la personne humaine.
Aujourd’hui, en effet, étant données les possibilités dont
l’Etat dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant
incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever
définitivement la possibilité de se repentir, les cas d’absolue
nécessité de supprimer le coupable " sont désormais assez rares,
sinon même pratiquement inexistants " (Evangelium vitae,
n. 56).
L’homicide volontaire
2268 Le cinquième commandement proscrit comme gravement
peccamineux l’homicide direct et volontaire. Le meurtrier
et ceux qui coopèrent volontairement au meurtre commettent un
péché qui crie vengeance au ciel (cf. Gn 4, 10).
L’infanticide (cf. GS 51, § 3), le fratricide, le parricide et
le meurtre du conjoint sont des crimes spécialement graves en
raison des liens naturels qu’il brisent. Des préoccupations
d’eugénisme ou d’hygiène publique ne peuvent justifier aucun
meurtre, fût-il commandé par les pouvoirs publics.
2269 Le cinquième commandement interdit de ne rien faire
dans l’intention de provoquer indirectement la mort d’une
personne. La loi morale défend d’exposer sans raison grave
quelqu’un à un risque mortel ainsi que de refuser l’assistance à
une personne en danger.
L’acceptation par la société humaine de famines meurtrières sans
s’efforcer d’y porter remède est une scandaleuse injustice et
une faute grave. Les trafiquants, dont les pratiques usurières
et mercantiles provoquent la faim et la mort de leurs frères en
humanité, commettent indirectement un homicide. Celui-ci leur
est imputable (cf. Am 8, 4-10).
L’homicide involontaire n’est pas moralement imputable.
Mais on n’est pas excusé d’une faute grave si, sans raisons
proportionnées, on a agit de manière à entraîner la mort, même
sans l’intention de la donner.
L’avortement
2270 La vie humaine doit être respectée et protégée de
manière absolue depuis le moment de la conception. Dès le
premier moment de son existence, l’être humain doit se voir
reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels le droit
inviolable de tout être innocent à la vie (cf. CDF, instr.
" Donum vitæ " 1, 1).
Avant d’être façonné dans le
ventre maternel, je te connaissais. Avant ta sortie du sein, je
t’ai consacré (Jr 1, 5 ; cf. Jb 10, 8-12 ; Ps 22, 10-11).
Mes os n’étaient point cachés
devant toi quand je fus fait dans le secret, brodé dans les
profondeurs de la terre (Ps 139, 15).
2271 Depuis le premier siècle, l’Église a affirmé la
malice morale de tout avortement provoqué. Cet enseignement n’a
pas changé. Il demeure invariable. L’avortement direct,
c’est-à-dire voulu comme une fin ou comme un moyen, est
gravement contraire à la loi morale :
Tu ne tueras pas l’embryon par
l’avortement et tu ne feras pas périr le nouveau-né (Didaché 2,
2 ; cf. Barnabé, ep. 19, 5 ; Epître à Diognète 5, 5 ;
Tertullien, apol. 9).
Dieu, maître de la vie, a
confié aux hommes le noble ministère de la vie, et l’homme doit
s’en acquitter d’une manière digne de lui. La vie doit donc être
sauvegardée avec soin extrême dès la conception : l’avortement
et l’infanticide sont des crimes abominables (GS 51, § 3).
2272 La coopération formelle à un avortement constitue
une faute grave. L’Église sanctionne d’une peine canonique
d’excommunication ce délit contre la vie humaine. " Qui procure
un avortement, si l’effet s’en suit, encourt l’excommunication
latæ sententiæ " (⇒
CIC, can. 1398) " par le fait même de la commission du délit " (⇒
CIC, can. 1314) et aux conditions prévues par le Droit (cf.
⇒ CIC, can. 1323-1324). L’Église n’entend pas ainsi
restreindre le champ de la miséricorde. Elle manifeste la
gravité du crime commis, le dommage irréparable causé à
l’innocent mis à mort, à ses parents et à toute la société.
2273 Le droit inaliénable à la vie de tout individu
humain innocent constitue un élément constitutif de la
société civile et de sa législation :
" Les droits inaliénables de la personne devront être reconnus
et respectés par la société civile et l’autorité politique. Les
droits de l’homme ne dépendent ni des individus, ni des parents,
et ne représentent pas même une concession de la société et de
l’état ; ils appartiennent à la nature humaine et sont inhérents
à la personne en raison de l’acte créateur dont elle tire son
origine. Parmi ces droits fondamentaux, il faut nommer le droit
à la vie et à l’intégrité physique de tout être humain depuis la
conception jusqu’à la mort " (CDF, instr. " Donum vitæ " 3).
" Dans le moment où une loi positive prive une catégorie d’êtres
humains de la protection que la législation civile doit leur
accorder, l’Etat en vient à nier l’égalité de tous devant la
loi. Quand l’Etat ne met pas sa force au service des droits de
tous les citoyens, et en particulier des plus faibles, les
fondements même d’un état de droit se trouvent menacés... Comme
conséquence du respect et de la protection qui doivent être
assurés à l’enfant dès le moment de sa conception, la loi devra
prévoir des sanctions pénales appropriées pour toute violation
délibérée de ses droits " (CDF, instr. " Donum vitæ " 3)
2274 Puisqu’il doit être traité comme une personne, dès
la conception, l’embryon devra être défendu dans son intégrité,
soigné et guéri, dans la mesure du possible comme tout autre
être humain.
Le diagnostic prénatal est moralement licite, " s’il
respecte la vie et l’intégrité de l’embryon et du fœtus humain,
et s’il est orienté à sa sauvegarde ou à sa guérison
individuelle ... Il est gravement en opposition avec la loi
morale, quand il prévoit, en fonction des résultats,
l’éventualité de provoquer un avortement. Un diagnostic ne doit
pas être l’équivalent d’une sentence de mort " (CDF, instr.
" Donum vitæ " 1, 2).
2275 " On doit considérer comme licite les interventions
sur l’embryon humain, à condition qu’elles respectent la vie et
l’intégrité de l’embryon et qu’elles ne comportent pas pour lui
de risques disproportionnés, mais qu’elles visent à sa guérison,
à l’amélioration de ses conditions de santé, ou à sa survie
individuelle " (CDF, instr. " Donum vitæ " 1, 3).
" Il est immoral de produire des embryons humains destinés à
être exploités comme un matériau biologique disponible (CDF,
instr. " Donum vitæ " 1, 5).
" Certaines tentatives d’intervention sur le patrimoine
chromosomique ou génétique ne sont pas thérapeutiques, mais
tendent à la production d’êtres humains sélectionnés selon le
sexe ou d’autres qualités préétablies. Ces manipulations sont
contraires à la dignité personnelle de l’être humain, à son
intégrité et à son identité " unique, non réitérable (CDF,
instr. " Donum vitæ " 1, 6).
L’euthanasie
2276 Ceux dont la vie est diminuée où affaiblie réclament
un respect spécial. Les personnes malades ou handicapées doivent
être soutenues pour mener une vie aussi normale que possible.
2277 Quels qu’en soient les motifs et les moyens,
l’euthanasie directe consiste à mettre fin à la vie de personnes
handicapées, malades ou mourantes. Elle est moralement
irrecevable.
Ainsi une action ou une omission qui, de soi ou dans
l’intention, donne la mort afin de supprimer la douleur,
constitue un meurtre gravement contraire à la dignité de la
personne humaine et au respect du Dieu vivant, son Créateur.
L’erreur de jugement dans laquelle on peut être tombé de bonne
foi, ne change pas la nature de cet acte meurtrier, toujours à
proscrire et à exclure.
2278 La cessation de procédures médicales onéreuses,
périlleuses, extraordinaires ou disproportionnées avec les
résultats attendus peut être légitime. C’est le refus de
" l’acharnement thérapeutique ". On ne veut pas ainsi donner la
mort ; on accepte de ne pas pouvoir l’empêcher. Les décisions
doivent être prises par le patient s’il en a la compétence et la
capacité, ou sinon par les ayant droit légaux, en respectant
toujours la volonté raisonnable et les intérêts légitimes du
patient.
2279 Même si la mort est considérée comme imminente, les
soins ordinairement dus à une personne malade ne peuvent être
légitimement interrompus. L’usage des analgésiques pour alléger
les souffrances du moribond, même au risque d’abréger ses jours,
peut être moralement conforme à la dignité humaine si la mort
n’est pas voulue, ni comme fin ni comme moyen, mais seulement
prévue et tolérée comme inévitable. Les soins palliatifs
constituent une forme privilégiée de la charité désintéressée. A
ce titre ils doivent être encouragés.
Le suicide
2280 Chacun est responsable de sa vie devant Dieu qui la
lui a donnée. C’est Lui qui en reste le souverain Maître. Nous
sommes tenus de la recevoir avec reconnaissance et de la
préserver pour son honneur et le salut de nos âmes. Nous sommes
les intendants et non les propriétaires de la vie que Dieu nous
a confiée. Nous n’en disposons pas.
2281 Le suicide contredit l’inclination naturelle de
l’être humain à conserver et à perpétuer sa vie. Il est
gravement contraire au juste amour de soi. Il offense également
l’amour du prochain, parce qu’il brise injustement les liens de
solidarité avec les sociétés familiale, nationale et humaine à
l’égard desquelles nous demeurons obligés. Le suicide est
contraire à l’amour du Dieu vivant.
2282 S’il est commis dans l’intention de servir
d’exemple, notamment pour les jeunes, le suicide prend encore la
gravité d’un scandale. La coopération volontaire au suicide est
contraire à la loi morale.
Des troubles psychiques graves, l’angoisse ou la crainte grave
de l’épreuve, de la souffrance ou de la torture peuvent diminuer
la responsabilité du suicidaire.
2283 On ne doit pas désespérer du salut éternel des
personnes qui se sont donné la mort. Dieu peut leur ménager par
les voies que lui seul connaît, l’occasion d’une salutaire
repentance. L’Église prie pour les personnes qui ont attenté à
leur vie.
II. Le respect de la dignité
des personnes
Le respect de l’âme d’autrui :
le scandale
2284 Le scandale est l’attitude ou le comportement qui
portent autrui à faire le mal. Celui qui scandalise se fait le
tentateur de son prochain. Il porte atteinte à la vertu et à la
droiture ; il peut entraîner son frère dans la mort spirituelle.
Le scandale constitue une faute grave si par action ou omission
il entraîne délibérément autrui à une faute grave.
2285 Le scandale revêt une gravité particulière en vertu
de l’autorité de ceux qui le causent ou de la faiblesse de ceux
qui le subissent. Il a inspiré à notre Seigneur cette
malédiction : " Qui scandalise un de ces petits, il vaudrait
mieux pour lui qu’on l’ait précipité dans la mer avec une pierre
au cou ! " (Mt 18, 6 ; cf. 1 Co 8, 10-13). Le scandale est grave
lorsqu’il est porté par ceux qui, par nature ou par fonction,
sont tenus d’enseigner et d’éduquer les autres. Jésus en fait le
reproche aux scribes et aux pharisiens : Il les compare à des
loups déguisés en agneaux (cf. Mt 7, 15).
2286 Le scandale peut être provoqué par la loi ou par les
institutions, par la mode ou par l’opinion.
Ainsi se rendent coupables de scandale ceux qui instituent des
lois ou des structures sociales menant à la dégradation des
mœurs et à la corruption de la vie religieuse, ou à des
" conditions sociales qui, volontairement ou non, rendent ardue
et pratiquement impossible une conduite chrétienne conforme aux
commandements " (Pie XII, discours 1er juin 1941). Il
en va de même des chefs d’entreprises qui portent des règlements
incitant à la fraude, des maîtres qui " exaspèrent " leurs
enfants (cf. Ep 6, 4 ; Col 3, 21) ou de ceux qui, manipulant
l’opinion publique, la détournent des valeurs morales.
2287 Celui qui use de pouvoirs dont il dispose dans des
conditions qui entraînent à mal faire, se rend coupable de
scandale et responsable du mal qu’il a, directement ou
indirectement, favorisé. " Il est impossible que les scandales
n’arrivent pas, mais malheur à celui par qui ils arrivent " (Lc
17, 1).
Le respect de la santé
2288 La vie et la santé physique sont des biens précieux
confiés par Dieu. Nous avons à en prendre soin raisonnablement
en tenant compte des nécessités d’autrui et du bien commun.
Le soin de la santé des citoyens requiert l’aide de la
société pour obtenir les conditions d’existence qui permettent
de grandir et d’atteindre la maturité : nourriture et vêtement,
habitat, soins de santé, enseignement de base, emploi,
assistance sociale.
2289 Si la morale appelle au respect de la vie
corporelle, elle ne fait pas de celle-ci une valeur absolue.
Elle s’insurge contre une conception néo-païenne qui tend à
promouvoir le culte du corps, à tout lui sacrifier, à
idolâtrer la perfection physique et la réussite sportive. Par le
choix sélectif qu’elle opère entre les forts et les faibles, une
telle conception peut conduire à la perversion des rapports
humains.
2290 La vertu de tempérance dispose à éviter toutes
les sortes d’excès, l’abus de la table, de l’alcool, du
tabac et des médicaments. Ceux qui en état d’ivresse ou par goût
immodéré de la vitesse, mettent en danger la sécurité d’autrui
et la leur propre sur les routes, en mer ou dans les airs, se
rendent gravement coupables.
2291 L’usage de la drogue inflige de très graves
destructions à la santé et à la vie humaine. En dehors
d’indications strictement thérapeutiques, c’est une faute grave.
La production clandestine et le trafic de drogues sont des
pratiques scandaleuses ; ils constituent une coopération
directe, puisqu’ils y incitent, à des pratiques gravement
contraires à la loi morale.
Le respect de la personne et
la recherche scientifique
2292 Les expérimentations scientifiques, médicales ou
psychologiques, sur les personnes ou les groupes humains peuvent
concourir à la guérison des malades et au progrès de la santé
publique.
2293 La recherche scientifique de base comme la recherche
appliquée constituent une expression significative de la
seigneurie de l’homme sur la création. La science et la
technique sont de précieuses ressources quand elles sont mises
au service de l’homme et en promeuvent le développement intégral
au bénéfice de tous ; elles ne peuvent cependant indiquer à
elles seules le sens de l’existence et du progrès humain. La
science et la technique sont ordonnées à l’homme, dont elles
tirent origine et accroissement ; elles trouvent donc dans la
personne et ses valeurs morales l’indication de leur finalité et
la conscience de leurs limites.
2294 Il est illusoire de revendiquer la neutralité morale
de la recherche scientifique et de ses applications. D’autre
part, les critères d’orientation ne peuvent être déduits ni de
la simple efficacité technique, ni de l’utilité qui peut en
découler pour les uns au détriment des autres, ni pis encore,
des idéologies dominantes. La science et la technique requièrent
de par leur signification intrinsèque le respect inconditionné
des critères fondamentaux de la moralité ; elles doivent être au
service de la personne humaine, de ses droits inaliénables, de
son bien véritable et intégral, conformément au projet et à la
volonté de Dieu.
2295 Les recherches ou expérimentations sur l’être humain
ne peuvent légitimer des actes en eux-mêmes contraires à la
dignité des personnes et à la loi morale. Le consentement
éventuel des sujets ne justifie pas de tels actes.
L’expérimentation sur l’être humain n’est pas moralement
légitime si elle fait courir à la vie ou à l’intégrité physique
et psychique du sujet des risques disproportionnés ou évitables.
L’expérimentation sur les êtres humains n’est pas conforme à la
dignité de la personne si de plus elle a lieu sans le
consentement éclairé du sujet ou de ses ayants droits.
2296 La transplantation d’organes est conforme à
la loi morale si les dangers et les risques physiques et
psychiques encourus par le donneur sont proportionnés au bien
recherché chez le destinataire. La donation d’organes
après la mort est un acte noble et méritoire et doit être
encouragée comme une manifestation de généreuse solidarité. Il
n’est pas moralement acceptable si le donneur ou ses proches
ayants droits n’y ont pas donné leur consentement explicite. De
plus, il est moralement inadmissible de provoquer directement la
mutilation invalidante ou la mort d’un être humain, fût-ce pour
retarder le décès d’autres personnes.
Le respect de l’intégrité
corporelle
2297 Les enlèvements et la prise d’otages
font régner la terreur et, par la menace, exercent
d’intolérables pressions sur les victimes. Ils sont moralement
illégitimes. Le terrorisme sans discrimination menace,
blesse et tue ; il est gravement contraire à la justice et à la
charité. La torture qui use de violence physique ou
morale pour arracher des aveux, pour châtier des coupables,
effrayer des opposants, satisfaire la haine est contraire au
respect de la personne et de la dignité humaine. En dehors
d’indications médicales d’ordre strictement thérapeutique, les
amputations, mutilations ou stérilisations directement
volontaires des personnes innocentes sont contraires à la loi
morale (cf. DS 3722).
2298 Dans les temps passés, des pratiques cruelles ont
été communément pratiquées par des gouvernements légitimes pour
maintenir la loi et l’ordre, souvent sans protestation des
pasteurs de l’Église, qui ont eux-mêmes adopté dans leurs
propres tribunaux les prescriptions du droit romain sur la
torture. A côté de ces faits regrettables, l’Église a toujours
enseigné le devoir de clémence et de miséricorde ; elle a
défendu aux clercs de verser le sang. Dans les temps récents, il
est devenu évident que ces pratiques cruelles n’étaient ni
nécessaires à l’ordre public, ni conformes aux droits légitimes
de la personne humaine. Au contraire, ces pratiques conduisent
aux pires dégradations. Il faut œuvrer à leur abolition. Il faut
prier pour les victimes et leurs bourreaux.
Le respect des morts
2299 L’attention et le soin seront accordés aux mourants
pour les aider à vivre leurs derniers moments dans la dignité et
la paix. Ils seront aidés par la prière de leurs proches.
Ceux-ci veilleront à ce que les malades reçoivent en temps
opportun les sacrements qui préparent à la rencontre du Dieu
vivant.
2300 Les corps des défunts doivent être traités avec
respect et charité dans la foi et l’espérance de la
résurrection. L’ensevelissement des morts est une œuvre de
miséricorde corporelle (cf. Tb 1, 16-18) ; elle honore les
enfants de Dieu, temples de l’Esprit Saint.
2301 L’autopsie des cadavres peut être moralement admise
pour des motifs d’enquête légale ou de recherche scientifique.
Le don gratuit d’organes après la mort est légitime et peut être
méritoire.
L’Église permet l’incinération si celle-ci ne manifeste pas une
mise en cause de la foi dans la résurrection des corps (cf.
⇒ CIC, can. 1176, § 3).
III. La sauvegarde de la paix
La paix
2302 En rappelant le précepte : " Tu ne tueras pas " (Mt
5, 21), notre Seigneur demande la paix du cœur et dénonce
l’immoralité de la colère meurtrière et de la haine :
La colère est un désir de vengeance. " Désirer la
vengeance pour le mal de celui qu’il faut punir est illicite " ;
mais il et louable d’imposer une réparation " pour la correction
des vices et le maintien de la justice " (S. Thomas d’A., s. th.
2-2, 158, 1, ad 3). Si la colère va jusqu’au désir délibéré de
tuer le prochain ou de le blesser grièvement, elle va gravement
contre la charité ; elle est péché mortel. Le Seigneur dit :
" Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du
jugement " (Mt 5, 22).
2303 La haine volontaire est contraire à la
charité. La haine du prochain est un péché quand l’homme lui
veut délibérément du mal. La haine du prochain est un péché
grave quand on lui souhaite délibérément un tort grave. " Eh
bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, priez pour vos
persécuteurs ; ainsi vous serez fils de votre Père qui est aux
cieux... " (Mt 5, 44-45).
2304 Le respect et la croissance de la vie humaine
demandent la paix. La paix n’est pas seulement absence de
guerre et elle ne se borne pas à assurer l’équilibre des forces
adverses. La paix ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde
des biens des personnes, la libre communication entre les êtres
humains, le respect de la dignité des personnes et des peuples,
la pratique assidue de la fraternité. Elle est " tranquillité de
l’ordre " (S. Augustin, civ. 10, 13). Elle est œuvre de la
justice (cf. Is 32, 17) et effet de la charité (cf. GS 78, §§
1-2).
2305 La paix terrestre est image et fruit de la paix
du Christ, le " Prince de la paix " messianique (Is 9, 5).
Par le sang de sa croix, il a " tué la haine dans sa propre
chair " (Ep 2, 16 ; cf. Col 1, 20-22), il a réconcilié avec Dieu
les hommes et fait de son Église le sacrement de l’unité du
genre humain et de son union avec Dieu. " Il est notre paix "
(Ep 2, 14). Il déclare " bienheureux les artisans de paix " (Mt
5, 9).
2306 Ceux qui renoncent à l’action violente et sanglante,
et recourent pour la sauvegarde des droits de l’homme à des
moyens de défense à la portée des plus faibles rendent
témoignage à la charité évangélique, pourvu que cela se fasse
sans nuire aux droits et obligations des autres hommes et des
sociétés. Ils attestent légitimement la gravité des risques
physiques et moraux du recours à la violence avec ses ruines et
ses morts (cf. GS 78, § 5).
Eviter la guerre
2307 Le cinquième commandement interdit la destruction
volontaire de la vie humaine. A cause des maux et des injustices
qu’entraîne toute guerre, l’Église presse instamment chacun de
prier et d’agir pour que la Bonté divine nous libère de
l’antique servitude de la guerre (cf. GS 81, § 4).
2308 Chacun des citoyens et des gouvernants est tenu
d’œuvrer pour éviter les guerres.
Aussi longtemps cependant " que le risque de guerre subsistera,
qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et
disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux
gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de
règlement pacifiques, le droit de légitime défense " (GS 79, §
4).
2309 Il faut considérer avec rigueur les strictes
conditions d’une légitime défense par la force militaire.
La gravité d’une telle décision la soumet à des conditions
rigoureuses de légitimité morale. Il faut à la fois :
– Que le dommage infligé par l’agresseur à la nation ou à la
communauté des nations soit durable, grave et certain.
– Que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés
impraticables ou inefficaces.
– Que soient réunies les conditions sérieuses de succès.
– Que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des
désordres plus graves que le mal à éliminer. La puissance des
moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans
l’appréciation de cette condition.
Ce sont les éléments
traditionnels énumérés dans la doctrine dite de la " guerre
juste ".
L’appréciation de ces conditions de légitimité morale appartient
au jugement prudentiel de ceux qui ont la charge du bien commun.
2310 Les pouvoirs publics ont dans ce cas le droit et le
devoir d’imposer aux citoyens les obligations nécessaires à
la défense nationale.
Ceux qui se vouent au service de la patrie dans la vie
militaire, sont des serviteurs de la sécurité et de la liberté
des peuples. S’ils s’acquittent correctement de leur tâche, ils
concourent vraiment au bien commun de la nation et au maintien
de la paix (cf. GS 79, § 5).
2311 Les pouvoirs publics pourvoiront équitablement au
cas de ceux qui, pour des motifs de conscience, refusent
l’emploi des armes, tout en demeurant tenus de servir sous une
autre forme la communauté humaine (cf. GS 79, § 3).
2312 L’Église et la raison humaine déclarent la validité
permanente de la loi morale durant les conflits armés.
" Ce n’est pas parce que la guerre est malheureusement engagée
que tout devient par le fait même licite entre les parties
adverses " (GS 79, § 4).
2313 Il faut respecter et traiter avec humanité les
non-combattants, les soldats blessés et les prisonniers.
Les actions délibérément contraires au droit des gens et à ses
principes universels, comme les ordres qui les commandent, sont
des crimes. Une obéissance aveugle ne suffit pas à excuser ceux
qui s’y soumettent. Ainsi l’extermination d’un peuple, d’une
nation ou d’une minorité ethnique doit être condamnée comme un
péché mortel. On est moralement tenu de résister aux ordres qui
commandent un génocide.
2314 " Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la
destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs
habitants, est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même,
qui doit être condamné fermement et sans hésitation " (GS 80, §
4). Un risque de la guerre moderne est de fournir l’occasion aux
détenteurs des armes scientifiques, notamment atomiques,
biologiques ou chimiques, de commettre de tels crimes.
2315 L’accumulation des armes apparaît à beaucoup
comme une manière paradoxale de détourner de la guerre des
adversaires éventuels. Ils y voient le plus efficace des moyens
susceptibles d’assurer la paix entre les nations. Ce procédé de
dissuasion appelle de sévères réserves morales. La course aux
armements n’assure pas la paix. Loin d’éliminer les causes
de guerre, elle risque de les aggraver. La dépense de richesses
fabuleuses dans la préparation d’armes toujours nouvelles
empêche de porter remède aux populations indigentes (PP 53) ;
elle entrave le développement des peuples. Le surarmement
multiplie les raisons de conflits et augmente le risque de la
contagion.
2316 La production et le commerce des armes touchent le
bien commun des nations et de la communauté internationale. Dès
lors les autorités publiques ont le droit et le devoir de les
réglementer. La recherche d’intérêts privés ou collectifs à
court terme ne peut légitimer des entreprises qui attisent la
violence et les conflits entre les nations, et qui compromettre
l’ordre juridique international.
2317 Les injustices, les inégalités excessives d’ordre
économique ou sociale, l’envie, la méfiance et l’orgueil qui
sévissent entre les hommes et les nations, menacent sans cesse
la paix et causent les guerres. Tout ce qui est fait pour
vaincre ces désordres contribue à édifier la paix et à éviter la
guerre :
Dans la mesure où les hommes
sont pécheurs, le danger de guerre menace, et il en sera ainsi
jusqu’au retour du Christ. Mais, dans la mesure où, unis dans
l’amour, les hommes surmontent le péché, ils surmontent aussi la
violence jusqu’à l’accomplissement de cette parole : " Ils
forgeront leurs glaives en socs et leurs lances en serpes. On ne
lèvera pas le glaive nation contre nation et on n’apprendra plus
la guerre " (Is 2, 4) (GS 78, § 6).
EN BREF
2318 " Dieu tient en son pouvoir l’âme de tout vivant et le
souffle de toute chair d’homme " (Jb 12, 10).
2319 Toute vie humaine, dès le moment de la conception
jusqu’à la mort, est sacrée parce que la personne humaine a été
voulue pour elle-même à l’image et à la ressemblance du Dieu
vivant et saint.
2320 Le meurtre d’un être humain est gravement contraire à la
dignité de la personne et à la sainteté du Créateur.
2321 L’interdit du meurtre n’abroge pas le droit de mettre
hors d’état de nuire un injuste agresseur. La légitime défense
est un devoir grave pour qui est responsable de la vie d’autrui
ou du bien commun.
2322 Dès sa conception, l’enfant a le droit à la vie.
L’avortement direct, c’est-à-dire voulu comme une fin ou comme
un moyen, est une " pratique infâme " (GS 27, § 3) gravement
contraire à la loi morale. L’Église sanctionne d’une peine
canonique d’excommunication ce délit contre la vie humaine.
2323 Puisqu’il doit être traité comme une personne dès sa
conception, l’embryon doit être défendu dans son intégrité,
soigné et guéri comme tout autre être humain.
2324 L’euthanasie volontaire, quels qu’en soient les formes
et les motifs, constitue un meurtre. Elle est gravement
contraire à la dignité de la personne humaine et au respect du
Dieu vivant, son Créateur.
2325 Le suicide est gravement contraire à la justice, à
l’espérance et à la charité. Il est interdit par le cinquième
commandement.
2326 Le scandale constitue une faute grave quand par action
ou par omission il entraîne délibérément à pécher gravement.
2327 A cause
des maux et des injustices qu’entraîne toute guerre nous devons
faire tout ce qui est raisonnablement possible pour l’éviter.
L’Église prie : " De la famine, de la peste et de la guerre
délivre-nous, Seigneur ".
2328 L’Église et la raison humaine déclarent la validité
permanente de la loi morale durant les conflits armés. Les
pratiques délibérément contraires au droit des gens et à ses
principes universels sont des crimes.
2329 " La course aux armements est une plaie extrêmement
grave de l’humanité et lèse les pauvres d’une manière
intolérable " (GS 81, § 3).
2330 " Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés
fils de Dieu " (Mt 5, 9).
Article 6
LE SIXIEME COMMANDEMENT
Tu ne commettras pas
d’adultère (Ex 20, 14 ; Dt 5, 17).
Vous avez entendu qu’il a été
dit : " Tu ne commettras pas d’adultère ". Eh bien ! moi je vous
dis : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis,
dans son cœur, l’adultère avec elle (Mt 5, 27-28).
I. " Homme et femme, il les
créa... "
2331 " Dieu est amour. Il vit en lui-même un mystère de
communion et d’amour. En créant l’humanité de l’homme et de la
femme à son image ... Dieu inscrit en elle la vocation,
et donc la capacité et la responsabilité correspondantes, à
l’amour et à la communion " (FC 11).
" Dieu créa l’homme à son image ... homme et femme, il les
créa " (Gn 1, 27) ; " Croissez et multipliez-vous " (Gn 1, 28) ;
" le jour où Dieu créa l’homme, à la ressemblance de Dieu il le
fit, homme et femme il les créa : il les bénit et les appela du
nom d’homme le jour où ils furent créés " (Gn 5, 1-2).
2332 La sexualité affecte tous les aspects de la
personne humaine, dans l’unité de son corps et de son âme. Elle
concerne particulièrement l’affectivité, la capacité d’aimer et
de procréer, et, d’une manière plus générale, l’aptitude à nouer
des liens de communion avec autrui.
2333 Il revient à chacun, homme et femme, de reconnaître
et d’accepter son identité sexuelle. La différence
et la complémentarité physiques, morales et spirituelles
sont orientées vers les biens du mariage et l’épanouissement de
la vie familiale. L’harmonie du couple et de la société dépend
en partie de la manière dont sont vécus entre les sexes la
complémentarité, le besoin et l’appui mutuels.
2334 " En créant l’être humain homme et femme, Dieu donne
la dignité personnelle d’une manière égale à l’homme et à la
femme " (FC 22 ; cf. GS 49, § 2). " L’homme est une personne et
cela dans la même mesure pour l’homme et pour la femme, car tous
les deux sont créés à l’image et à la ressemblance d’un Dieu
personnel " (MD 6).
2335 Chacun des deux sexes est, avec une égale dignité,
quoique de façon différente, image de la puissance et de la
tendresse de Dieu. L’union de l’homme et la femme dans le
mariage est une manière d’imiter dans la chair la générosité et
la fécondité du Créateur : " L’homme quitte son père et sa mère
afin de s’attacher à sa femme ; tous deux ne forment qu’une
seule chair " (Gn 2, 24). De cette union procèdent toutes les
générations humaines (cf. Gn 4, 1-2 ; 25-26 ; 5, 1).
2336 Jésus est venu restaurer la création dans la pureté
de ses origines. Dans le Sermon sur la montagne, il interprète
de manière rigoureuse le dessein de Dieu : " Vous avez entendu
qu’il a été dit : ‘Tu ne commettras pas d’adultère’. Eh bien !
moi je vous dis : ‘Quiconque regarde une femme pour la désirer a
déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle :’ " (Mt 5,
27-28). L’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni (cf. Mt
19, 6).
La Tradition de l’Église a entendu le sixième commandement comme
englobant l’ensemble de la sexualité humaine.
II. La vocation à la chasteté
2337 La chasteté signifie l’intégration réussie de la
sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de
l’homme dans son être corporel et spirituel. La sexualité, en
laquelle s’exprime l’appartenance de l’homme au monde corporel
et biologique, devient personnelle et vraiment humaine
lorsqu’elle est intégrée dans la relation de personne à
personne, dans le don mutuel entier et temporellement illimité,
de l’homme et de la femme.
La vertu de chasteté comporte donc l’intégrité de la personne et
l’intégralité du don.
L’intégrité de la personne
2338 La personne chaste maintient l’intégrité des forces
de vie et d’amour déposées en elle. Cette intégrité assure
l’unité de la personne, elle s’oppose à tout comportement qui la
blesserait. Elle ne tolère ni la double vie, ni le double
langage (cf. Mt 5, 37).
2339 La chasteté comporte un apprentissage de la
maîtrise de soi, qui est une pédagogie de la liberté
humaine. L’alternative est claire : ou l’homme commande à ses
passions et obtient la paix, ou il se laisse asservir par elles
et devient malheureux (cf. Si 1, 22). " La dignité de l’homme
exige de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû
et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul
effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure.
L’homme parvient à cette dignité lorsque, se délivrant de toute
servitude des passions, par le choix libre du bien, il marche
vers sa destinée et prend soin de s’en procurer réellement les
moyens par son ingéniosité " (GS 17).
2340 Celui qui veut demeurer fidèle aux promesses de son
Baptême et résister aux tentations veillera à en prendre les
moyens : la connaissance de soi, la pratique d’une ascèse
adaptée aux situations rencontrées, l’obéissance aux
commandements divins, la mise en œuvre des vertus morales et la
fidélité à la prière. "La chasteté nous recompose ; elle nous
ramène à cette unité que nous avions perdue en nous
éparpillant " (S. Augustin, conf. 10, 29).
2341 La vertu de chasteté est placée sous la mouvance de
la vertu cardinale de tempérance, qui vise à imprégner de
raison les passions et les appétits de la sensibilité humaine.
2342 La maîtrise de soi est une œuvre de longue
haleine. Jamais on ne la considèrera comme acquise une fois
pour toutes. Elle suppose un effort repris à tous les âges de la
vie (cf. Tt 2, 1-6). L’effort requis peut être plus intense à
certaines époques, ainsi lorsque se forme la personnalité,
pendant l’enfance et l’adolescence.
2343 La chasteté connaît des lois de croissance
qui passe par des degrés marqués par l’imperfection et trop
souvent par le péché. " Jour après jour, l’homme vertueux et
chaste se construit par des choix nombreux et libres. Ainsi, il
connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes
d’une croissance " (FC 9).
2344 La chasteté représente une tâche éminemment
personnelle, elle implique aussi un effort culturel, car
il existe une " interdépendance entre l’essor de la personne et
le développement de la société elle-même " (GS 25, § 1). La
chasteté suppose le respect des droits de la personne, en
particulier celui de recevoir une information et une éducation
qui respectent les dimensions morales et spirituelles de la vie
humaine.
2345 La chasteté est une vertu morale. Elle est aussi un
don de Dieu, une grâce, un fruit de l’œuvre spirituelle
(cf. Ga 5, 22). Le Saint-Esprit donne d’imiter la pureté du
Christ (cf. 1 Jn 3, 3) à celui qu’a régénéré l’eau du Baptême.
L’intégralité du don de soi
2346 La charité est la forme de toutes les vertus. Sous
son influence, la chasteté apparaît comme une école de don de la
personne. La maîtrise de soi est ordonnée au don de soi. La
chasteté conduit celui qui la pratique à devenir auprès du
prochain un témoin de la fidélité et de la tendresse de Dieu.
2347 La vertu de chasteté s’épanouit dans l’amitié.
Elle indique au disciple comment suivre et imiter Celui qui nous
a choisis comme ses propres amis (cf. Jn 15, 15), s’est donné
totalement à nous et nous fait participer à sa condition divine.
La chasteté est promesse d’immortalité.
La chasteté s’exprime notamment dans l’amitié pour le
prochain. Développée entre personnes de même sexe ou de
sexes différents, l’amitié représente un grand bien pour tous.
Elle conduit à la communion spirituelle.
Les divers régimes de la
chasteté
2348 Tout baptisé est appelé à la chasteté. Le chrétien a
" revêtu le Christ " (Ga 3, 27), modèle de toute chasteté. Tous
les fidèles du Christ sont appelés à mener une vie chaste selon
leur état de vie particulier. Au moment de son Baptême, le
chrétien s’est engagé à conduire dans la chasteté son
affectivité.
2349 " La chasteté doit qualifier les personnes suivant
leurs différents états de vie : les unes dans la virginité ou le
célibat consacré, manière éminente de se livrer plus facilement
à Dieu d’un cœur sans partage ; les autres, de la façon que
détermine pour tous la loi morale et selon qu’elles sont mariées
ou célibataires " (CDF, décl. " Persona humana " 11). Les
personnes mariées sont appelées à vivre la chasteté conjugale ;
les autres pratiquent la chasteté dans la continence :
Il existe trois formes de la
vertu de chasteté : l’une des épouses, l’autre du veuvage, la
troisième de la virginité. Nous ne louons pas l’une d’elles à
l’exclusion des autres. C’est en quoi la discipline de l’Église
est riche (S. Ambroise, vid. 23 : PL 153, 255A).
2350 Les fiancés sont appelés à vivre la chasteté
dans la continence. Ils verront dans cette mise à l’épreuve une
découverte du respect mutuel, un apprentissage de la fidélité et
de l’espérance de se recevoir l’un et l’autre de Dieu. Ils
réserveront au temps du mariage les manifestations de tendresse
spécifiques de l’amour conjugal. Ils s’aideront mutuellement à
grandir dans la chasteté.
Les offenses à la chasteté
2351 La luxure est un désir désordonné ou une
jouissance déréglée du plaisir vénérien. Le plaisir sexuel est
moralement désordonnée, quand il est recherché pour lui-même,
isolé des finalités de procréation et d’union.
2352 Par la masturbation, il faut entendre
l’excitation volontaire des organes génitaux, afin d’en retirer
un plaisir vénérien. " Dans la ligne d’une tradition constante,
tant le magistère de l’Église que le sens moral des fidèles ont
affirmé sans hésitation que la masturbation est un acte
intrinsèquement et gravement désordonné ". " Quel qu’en soit le
motif, l’usage délibéré de la faculté sexuelle en dehors des
rapports conjugaux normaux en contredit la finalité ". La
jouissance sexuelle y est recherchée en dehors de " la relation
sexuelle requise par l’ordre moral, celle qui réalise, dans le
contexte d’un amour vrai, le sens intégral de la donation
mutuelle et de la procréation humaine " (CDF, décl. " Persona
humana " 9).
Pour former un jugement équitable sur la responsabilité morale
des sujets et pour orienter l’action pastorale, on tiendra
compte de l’immaturité affective, de la force des habitudes
contractées, de l’état d’angoisse ou des autres facteurs
psychiques ou sociaux qui peuvent atténuer, voire même réduire
au minimum la culpabilité morale.
2353 La fornication est l’union charnelle en
dehors du mariage entre un homme et une femme libres. Elle est
gravement contraire à la dignité des personnes et de la
sexualité humaine naturellement ordonnée au bien des époux ainsi
qu’à la génération et à l’éducation des enfants. En outre c’est
un scandale grave quand il y a corruption des jeunes.
2354 La pornographie consiste à retirer les actes
sexuels, réels ou simulés, de l’intimité des partenaires pour
les exhiber à des tierces personnes de manière délibérée. Elle
offense la chasteté parce qu’elle dénature l’acte conjugal, don
intime des époux l’un à l’autre. Elle porte gravement atteinte à
la dignité de ceux qui s’y livrent (acteurs, commerçants,
public), puisque chacun devient pour l’autre l’objet d’un
plaisir rudimentaire et d’un profit illicite. Elle plonge les
uns et les autres dans l’illusion d’un monde factice. Elle est
une faute grave. Les autorités civiles doivent empêcher la
production et la distribution de matériaux pornographiques.
2355 La prostitution porte atteinte à la dignité
de la personne qui se prostitue, réduite au plaisir vénérien que
l’on tire d’elle. Celui qui paie pêche gravement contre
lui-même : il rompt la chasteté à laquelle l’engageait son
Baptême et souille son corps, temple de l’Esprit Saint (cf. 1 Co
6, 15-20). La prostitution constitue un fléau social. Il touche
habituellement des femmes, mais aussi des hommes, des enfants ou
des adolescents (dans ces deux derniers cas, le péché se double
d’un scandale). S’il est toujours gravement peccamineux de se
livrer à la prostitution, la misère, le chantage et la pression
sociale peuvent atténuer l’imputabilité de la faute.
2356 Le viol désigne l’entrée par effraction, avec
violence, dans l’intimité sexuelle d’une personne. Il est
atteinte à la justice et à la charité. Le viol blesse
profondément le droit de chacun au respect, à la liberté, à
l’intégrité physique et morale. Il crée un préjudice grave, qui
peut marquer la victime sa vie durant. Il est toujours un acte
intrinsèquement mauvais. Plus grave encore est le viol commis de
la part des parents (cf. inceste) ou d’éducateurs envers les
enfants qui leur sont confiés.
Chasteté et homosexualité
2357 L’homosexualité désigne les relations entre des
hommes ou des femmes qui éprouvent une attirance sexuelle,
exclusive ou prédominante, envers des personnes du même sexe.
Elle revêt des formes très variables à travers les siècles et
les cultures. Sa genèse psychique reste largement inexpliquée.
S’appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des
dépravations graves (cf. Gn 19, 1-29 ; Rm 1, 24-27 ; 1 Co 6,
10 ; 1 Tm 1, 10), la Tradition a toujours déclaré que " les
actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés " (CDF,
décl. " Persona humana " 8). Ils sont contraires à la loi
naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne
procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle
véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas.
2358 Un nombre non négligeable d’hommes et de femmes
présente des tendances homosexuelles foncières. Cette
propension, objectivement désordonnée, constitue pour la plupart
d’entre eux une épreuve. Ils doivent être accueillis avec
respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard
toute marque de discrimination injuste. Ces personnes sont
appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, et si
elles sont chrétiennes, à unir au sacrifice de la croix du
Seigneur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de
leur condition.
2359 Les personnes homosexuelles sont appelées à la
chasteté. Par les vertus de maîtrise, éducatrices de la liberté
intérieure, quelquefois par le soutien d’une amitié
désintéressée, par la prière et la grâce sacramentelle, elles
peuvent et doivent se rapprocher, graduellement et résolument,
de la perfection chrétienne.
III. L’amour des époux
2360 La sexualité est ordonnée à l’amour conjugal de
l’homme et de la femme. Dans le mariage l’intimité corporelle
des époux devient un signe et un gage de communion spirituelle.
Entre les baptisés, les liens du mariage sont sanctifiés par le
sacrement.
2361 " La sexualité, par laquelle l’homme et la femme se
donnent l’un à l’autre par les actes propres et exclusifs des
époux, n’est pas quelque chose de purement biologique, mais
concerne la personne humaine dans ce qu’elle a de plus intime.
Elle ne se réalise de façon véritablement humaine que si elle
est partie intégrante de l’amour dans lequel l’homme et la femme
s’engagent entièrement l’un vis-à-vis de l’autre jusqu’à la
mort " (FC 11) :
Tobie se leva du lit, et dit à
Sara : " Debout, ma sœur ! Il faut prier tous deux, et recourir
à notre Seigneur, pour obtenir sa grâce et sa protection ". Elle
se leva et ils se mirent à prier pour obtenir d’être protégés,
et il commença ainsi : " Tu es béni, Dieu de nos pères ... C’est
toi qui a créé Adam, c’est toi qui a créé Eve sa femme, pour
être son secours et son appui, et la race humaine est née de ces
deux-là. C’est toi qui a dit : ‘Il ne faut pas que l’homme reste
seul, faisons-lui une aide semblable à lui’. Et maintenant, ce
n’est pas le plaisir que je cherche en prenant ma sœur, mais je
le fais d’un cœur sincère. Daigne avoir pitié d’elle et de moi
et nous mener ensemble à la vieillesse ! " Et ils dirent de
concert : "Amen, amen ". Et ils se couchèrent pour la nuit (Tb
8, 4-9).
2362 " Les actes qui réalisent l’union intime et chaste
des époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécue d’une manière
vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque
par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie
et la reconnaissance " (GS 49, § 2). La sexualité est source de
joie et de plaisir :
Le Créateur lui-même (...) a
établi que dans cette fonction [de génération] les époux
éprouvent un plaisir et une satisfaction du corps et de
l’esprit. Donc, les époux ne font rien de mal en recherchant ce
plaisir et en en jouissant. Ils acceptent ce que le Créateur
leur a destiné. Néanmoins, les époux doivent savoir se maintenir
dans les limites d’une juste modération (Pie XII, discours 29
octobre 1951).
2363 Par l’union des époux se réalise la double fin du
mariage : le bien des époux eux-mêmes et la transmission de la
vie. On ne peut séparer ces deux significations ou valeurs du
mariage sans altérer la vie spirituelle du couple ni
compromettre les biens du mariage et l’avenir de la famille.
L’amour conjugal de l’homme et de la femme est ainsi placé sous
la double exigence de la fidélité et de la fécondité.
La fidélité conjugale
2364 Le couple conjugal forme " une intime communauté de
vie et d’amour fondée et dotée de ses lois propres par le
Créateur. Elle est établie sur l’alliance des conjoints,
c’est-à-dire sur leur consentement personnel et irrévocable "
(GS 48, § 1). Tous deux se donnent définitivement et totalement
l’un à l’autre. Ils ne sont plus deux, mais forment désormais
une seule chair. L’alliance contractée librement par les époux
leur impose l’obligation de la maintenir une et indissoluble
(cf.
⇒ CIC, can. 1056). " Ce que Dieu a uni, l’homme ne
doit point le séparer " (Mc 10, 9 ; cf. Mt 19, 1-12 ; 1 Co 7,
10-11).
2365 La fidélité exprime la constance dans le maintien de
la parole donnée. Dieu est fidèle. Le sacrement du mariage fait
entrer l’homme et la femme dans la fidélité du Christ pour son
Église. Par la chasteté conjugale, ils rendent témoignage à ce
mystère à la face du monde.
S. Jean Chrysostome suggère
aux jeunes mariés de tenir ce discours à leur épouse : " Je t’ai
prise dans mes bras, et je t’aime, et je te préfère à ma vie
même. Car la vie présente n’est rien, et mon rêve le plus ardent
est de la passer avec toi, de telle sorte que nous soyons
assurés de n’être pas séparés dans celle qui nous est réservée
... Je mets ton amour au-dessus de tout, et rien ne me serait
plus pénible que de n’avoir pas les mêmes pensées que les
tiennes " (hom. in Eph. 20, 8 : PG 62, 146-147).
La fécondité du mariage
2366 La fécondité est un don, une fin du mariage,
car l’amour conjugal tend naturellement à être fécond. L’enfant
ne vient pas de l’extérieur s’ajouter à l’amour mutuel des
époux ; il surgit au cœur même de ce don mutuel, dont il est un
fruit et un accomplissement. Aussi l’Église, qui " prend parti
pour la vie " (FC 30), enseigne-t-elle que " tout acte
matrimonial doit rester par soi ouvert à la transmission de la
vie " (HV 11). " Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le
magistère, est fondée sur le lien indissoluble que Dieu a voulu
et que l’homme ne peut rompre de son initiative entre les deux
significations de l’acte conjugal : union et procréation " (HV
12 ; cf. Pie XI, enc. " Casti connubii ").
2367 Appelés à donner la vie, les époux participent à la
puissance créatrice et à la paternité de Dieu (cf. Ep 3, 14-15 ;
Mt 23, 9). " Dans le devoir qui leur incombe de transmettre la
vie et d’être des éducateurs (ce qu’il faut considérer comme
leur mission propre), les époux savent qu’ils sont les
coopérateurs du Dieu créateur et comme ses interprètes. Ils
s’acquitteront donc de leur charge en toute responsabilité
humaine et chrétienne " (GS 50, § 2).
2368 Un aspect particulier de cette responsabilité
concerne la régulation de la procréation. Pour de justes
raisons (cf. GS 50), les époux peuvent vouloir espacer les
naissances de leurs enfants. Il leur revient de vérifier que
leur désir ne relève pas de l’égoïsme mais est conforme à la
juste générosité d’une paternité responsable. En outre ils
régleront leur comportement suivant les critères objectifs de la
moralité :
Lorsqu’il s’agit de mettre en
accord l’amour conjugal avec la transmission responsable de la
vie, la moralité du comportement ne dépend pas de la seule
sincérité de l’intention et de la seule appréciation des
motifs ; mais elle doit être déterminée selon des critères
objectifs, tirés de la nature même de la personne et de ses
actes, critères qui respectent, dans un contexte d’amour
véritable, la signification totale d’une donation réciproque et
d’une procréation à la mesure de l’homme ; chose impossible si
la vertu de chasteté conjugale n’est pas pratiquée d’un cœur
loyal (GS 51, § 3).
2369 " C’est en sauvegardant ces deux aspects essentiels,
union et procréation, que l’acte conjugal conserve intégralement
le sens de mutuel et véritable amour et son ordination à la très
haute vocation de l’homme à la paternité " (HV 12).
2370 La continence périodique, les méthodes de régulation
des naissances fondées sur l’auto-observation et le recours aux
périodes infécondes (cf. HV 16) sont conformes aux critères
objectifs de la moralité. Ces méthodes respectent le corps des
époux, encouragent la tendresse entre eux et favorisent
l’éducation d’une liberté authentique. En revanche, est
intrinsèquement mauvaise " toute action qui, soit en prévision
de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le
développement de ses conséquences naturelles, se proposerait
comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation "
(HV 14) :
Au langage qui exprime
naturellement la donation réciproque et totale des époux, la
contraception oppose un langage objectivement contradictoire
selon lequel il ne s’agit plus de se donner totalement l’un à
l’autre. Il en découle non seulement le refus positif de
l’ouverture à la vie, mais aussi une falsification de la vérité
interne de l’amour conjugal, appelé à être un don de la personne
tout entière. Cette différence anthropologique et morale entre
la contraception et le recours aux rythmes périodiques implique
deux conceptions de la personne et de la sexualité humaine
irréductibles l’une à l’autre (FC 32).
2371 " Par ailleurs, que tous sachent bien que la vie
humaine et la charge de la transmettre ne se limitent pas aux
horizons de ce monde et n’y trouvent ni leur pleine dimension,
ni leur plein sens, mais qu’elles sont toujours à mettre en
référence avec la destinée éternelle des hommes " (GS 51,
§ 4).
2372 L’Etat est responsable du bien-être des citoyens. A
ce titre, il est légitime qu’il intervienne pour orienter la
croissance de la population. Il peut le faire par voie d’une
information objective et respectueuse, mais non point par voie
autoritaire et contraignante. Il ne peut légitimement se
substituer à l’initiative des époux, premiers responsables de la
procréation et de l’éducation de leurs enfants (cf. PP 37 ; HV
23). Dans ce domaine il ne possède pas l’autorité d’intervenir
par des moyens contraires à la loi morale.
Le don de l’enfant
2373 La Sainte Écriture et la pratique traditionnelle de
l’Église voient dans les familles nombreuses un signe de
la bénédiction divine et de la générosité des parents (cf. GS
50, § 2).
2374 Grande est la souffrance des couples qui se
découvrent stériles. " Que pourrais-tu me donner, demande Abram
à Dieu ? Je m’en vais sans enfant ... " (Gn 15, 2). " Fais-moi
avoir aussi des enfants ou je meurs ! " crie Rachel à son mari
Jacob (Gn 30, 1).
2375 Les recherches qui visent à réduire la stérilité
humaine sont à encourager, à la condition qu’elles soient
placées " au service de la personne humaine, de ses droits
inaliénables, de son bien véritable et intégral, conformément au
projet et à la volonté de Dieu " (CDF, instr. " Donum vitæ "
intr. 2).
2376 Les techniques qui provoquent une dissociation des
parentés, par l’intervention d’une personne étrangère au couple
(don de sperme ou d’ovocyte, prêt d’utérus) sont gravement
déshonnêtes. Ces techniques (insémination et fécondation
artificielles hétérologues) lèsent le droit de l’enfant à naître
d’un père et d’une mère connus de lui et liés entre eux par le
mariage. Elles trahissent " le droit exclusif à ne devenir père
et mère que l’un par l’autre " (CDF, instr. " Donum vitæ " 2,
1).
2377 Pratiquées au sein du couple, ces techniques
(insémination et fécondation artificielles homologues) sont
peut-être moins préjudiciables, mais elles restent moralement
irrecevables. Elles dissocient l’acte sexuel de l’acte
procréateur. L’acte fondateur de l’existence de l’enfant n’est
plus un acte par lequel deux personnes se donnent l’une à
l’autre, il " remet la vie et l’identité de l’embryon au pouvoir
des médecins et des biologistes, et instaure une domination de
la technique sur l’origine et la destinée de la personne
humaine. Une telle relation de domination est de soi contraire à
la dignité et à l’égalité qui doivent être communes aux parents
et aux enfants (cf. CDF, instr. " Donum vitæ " 2, 5). " La
procréation est moralement privée de sa perfection propre quand
elle n’est pas voulue comme le fruit de l’acte conjugal,
c’est-à-dire du geste spécifique de l’union des époux ... Seul
le respect du lien qui existe entre les significations de l’acte
conjugal et le respect de l’unité de l’être humain permet une
procréation conforme à la dignité de la personne " (CDF, instr.
" Donum vitæ " 2, 4).
2378 L’enfant n’est pas un dû, mais un don.
Le " don le plus excellent du mariage " est une personne
humaine. L’enfant ne peut être considéré comme un objet de
propriété, ce à quoi conduirait la reconnaissance d’un prétendu
" droit à l’enfant ". En ce domaine, seul l’enfant possède de
véritables droits : celui " d’être le fruit de l’acte spécifique
de l’amour conjugal de ses parents, et aussi le droit d’être
respecté comme personne dès le moment de sa conception " (CDF,
instr. " Donum vitæ " 2, 8).
2379 L’Evangile montre que la stérilité physique n’est
pas un mal absolu. Les époux qui, après avoir épuisé les recours
légitimes à la médecine, souffrent d’infertilité s’associeront à
la Croix du Seigneur, source de toute fécondité spirituelle. Ils
peuvent marquer leur générosité en adoptant des enfants
délaissés ou en remplissant des services exigeants à l’égard
d’autrui.
IV. Les offenses à la dignité
du mariage
2380 L’adultère. Ce mot désigne l’infidélité
conjugale. Lorsque deux partenaires, dont l’un au moins est
marié, nouent entre eux une relation sexuelle, même éphémère,
ils commettent un adultère. Le Christ condamne l’adultère même
de simple désir (cf. Mt 5, 27-28). Le sixième commandement et le
Nouveau Testament proscrivent absolument l’adultère (cf. Mt 5,
32 ; 19, 6 ; Mc 10, 12 ; 1 Co 6, 9-10). Les prophètes en
dénoncent la gravité. Ils voient dans l’adultère la figure du
péché d’idolâtrie (cf. Os 2, 7 ; Jr 5, 7 ; 13, 27).
2381 L’adultère est une injustice. Celui qui le commet
manque à ses engagements. Il blesse le signe de l’Alliance
qu’est le lien matrimonial, lèse le droit de l’autre conjoint et
porte atteinte à l’institution du mariage, en violant le contrat
qui le fonde. Il compromet le bien de la génération humaine et
des enfants qui ont besoin de l’union stable des parents.
Le divorce
2382 Le Seigneur Jésus a insisté sur l’intention
originelle du Créateur qui voulait un mariage indissoluble (cf.
Mt 5, 31-32 ; 19, 3-9 ; Mc 10, 9 ; Lc 16, 18 ; 1 Co 7, 10-11).
Il abroge les tolérances qui s’étaient glissées dans la loi
ancienne (cf. Mt 19, 7-9).
Entre baptisés, " le mariage conclu et consommé ne peut être
dissout par aucune puissance humaine ni pour aucune cause, sauf
par la mort " (⇒
CIC, can. 1141).
2383 La séparation des époux avec maintien du lien
matrimonial peut être légitime en certains cas prévus par le
Droit canonique (cf.
⇒ CIC, cann. 1151-1155).
Si le divorce civil reste la seule manière possible d’assurer
certains droits légitimes, le soin des enfants ou la défense du
patrimoine, il peut être toléré sans constituer une faute
morale.
2384 Le divorce est une offense grave à la loi
naturelle. Il prétend briser le contrat librement consenti par
les époux de vivre l’un avec l’autre jusqu’à la mort. Le divorce
fait injure à l’Alliance de salut dont le mariage sacramentel
est le signe. Le fait de contracter une nouvelle union, fût-elle
reconnue par la loi civile, ajoute à la gravité de la rupture :
le conjoint remarié se trouve alors en situation d’adultère
public et permanent :
Si le mari, après s’être
séparé de sa femme, s’approche d’une autre femme, il est
lui-même adultère, parce qu’il fait commettre un adultère à
cette femme ; et la femme qui habite avec lui est adultère,
parce qu’elle a attiré à elle le mari d’une autre (S. Basile,
moral. règle 73 : PG 31, 849D-853B).
2385 Le divorce tient aussi son caractère immoral du
désordre qu’il introduit dans la cellule familiale et dans la
société. Ce désordre entraîne des préjudices graves : pour le
conjoint, qui se trouve abandonné ; pour les enfants,
traumatisés par la séparation des parents, et souvent tiraillés
entre eux ; pour son effet de contagion, qui en fait une
véritable plaie sociale.
2386 Il se peut que l’un des conjoints soit la victime
innocente du divorce prononcé par la loi civile ; il ne
contrevient pas alors au précepte moral. Il existe une
différence considérable entre le conjoint qui s’est efforcé avec
sincérité d’être fidèle au sacrement du mariage et se voit
injustement abandonné, et celui qui, par une faute grave de sa
part, détruit un mariage canoniquement valide (cf. FC 84).
Autres offenses à la dignité
du mariage
2387 On comprend le drame de celui qui, désireux de se
convertir à l’Evangile, se voit obligé de répudier une ou
plusieurs femmes avec lesquelles il a partagé des années de vie
conjugale. Cependant la polygamie ne s’accorde pas à la
loi morale. Elle " s’oppose radicalement à la communion
conjugale : elle nie, en effet, de façon directe le dessein de
Dieu tel qu’il nous a été révélé au commencement ; elle est
contraire à l’égale dignité personnelle de la femme et de
l’homme, lesquels dans le mariage se donnent dans un amour total
qui, de ce fait même, est unique et exclusif " (FC 19 ; cf. GS
47, § 2). Le chrétien ancien polygame est gravement tenu en
justice d’honorer les obligations contractées à l’égard de ses
anciennes femmes et de ses enfants.
2388 L’inceste désigne des relations intimes entre
parents ou alliés, à un degré qui interdit entre eux le mariage
(cf. Lv 18, 7-20). S. Paul stigmatise cette faute
particulièrement grave : " On n’entend parler que d’inconduite
parmi vous ... C’est au point que l’un d’entre vous vit avec la
femme de son père ! ... Il faut qu’au nom du Seigneur Jésus ...
nous livrions cet individu à Satan pour la perte de sa chair
... " (1 Co 5, 1. 4-5). L’inceste corrompt les relations
familiales et marque une régression vers l’animalité.
2389 On peut rattacher à l’inceste les abus sexuels
perpétrés par des adultes sur des enfants ou adolescents confiés
à leur garde. La faute se double alors d’une atteinte
scandaleuse portée à l’intégrité physique et morale des jeunes,
qui en resteront marqués leur vie durant, et d’une violation de
la responsabilité éducative.
2390 Il y a union libre lorsque l’homme et la
femme refusent de donner une forme juridique et publique à une
liaison impliquant l’intimité sexuelle.
L’expression est fallacieuse : que peut signifier une union dans
laquelle les personnes ne s’engagent pas l’une envers l’autre et
témoignent ainsi d’un manque de confiance, en l’autre, en
soi-même, ou en l’avenir ?
L’expression recouvre des situations différentes : concubinage,
refus du mariage en tant que tel, incapacité à se lier par des
engagements à long terme (cf. FC 81). Toutes ces situations
offensent la dignité du mariage ; elles détruisent l’idée même
de la famille ; elles affaiblissent le sens de la fidélité.
Elles sont contraires à la loi morale : l’acte sexuel doit
prendre place exclusivement dans le mariage ; en dehors de
celui-ci, il constitue toujours un péché grave et exclut de la
communion sacramentelle.
2391 Plusieurs réclament aujourd’hui une sorte de " droit
à l’essai ", là où il existe une intention de se marier.
Quelle que soit la fermeté du propos de ceux qui s’engagent dans
des rapports sexuels prématurés, " ceux-ci ne permettent pas
d’assurer dans sa sincérité et sa fidélité la relation
interpersonnelle d’un homme et d’une femme, et notamment de les
protéger contre les fantaisies et les caprices " (CDF, décl.
" Persona humana " 7). L’union charnelle n’est moralement
légitime que lorsque s’est instaurée une communauté de vie
définitive entre l’homme et la femme. L’amour humain ne tolère
pas l’ "essai ". Il exige un don total et définitif des
personnes entre elles (cf. FC 80).
EN BREF
2392 " L’amour est la vocation fondamentale et innée de tout
être humain " (FC 11).
2393 En créant l’être humain homme et femme, Dieu donne la
dignité personnelle d’une manière égale à l’un et à l’autre. Il
revient à chacun, homme et femme, de reconnaître et d’accepter
son identité sexuelle.
2394 Le Christ est le modèle de la chasteté. Tout baptisé est
appelé à mener une vie chaste, chacun selon son propre état de
vie.
2395 La chasteté signifie l’intégration de la sexualité dans
la personne. Elle comporte l’apprentissage de la maîtrise
personnelle.
2396 Parmi les péchés gravement contraires à la chasteté, il
faut citer la masturbation, la fornication, la pornographie et
les pratiques homosexuelles.
2397 L’alliance que les époux ont librement contractée
implique un amour fidèle. Elle leur confère l’obligation de
garder indissoluble leur mariage.
2398 La fécondité est un bien, un don, une fin du mariage. En
donnant la vie, les époux participent à la paternité de Dieu.
2399 La régulation des naissances représente un des aspects
de la paternité et de la maternité responsables. La légitimité
des intentions des époux ne justifie pas le recours à des moyens
moralement irrecevables (p. ex. la stérilisation directe ou la
contraception).
2400 L’adultère et le divorce, la polygamie et l’union libre
sont des offenses graves à la dignité du mariage.
Article 7
LE SEPTIEME COMMANDEMENT
Tu ne commettras pas de vol
(Ex 20, 15 ; Dt 5, 19).
Tu ne voleras pas (Mt 19, 18).
2401 Le septième commandement défend de prendre ou de
retenir le bien du prochain injustement et de faire du tort au
prochain en ses biens de quelque manière que ce soit. Il
prescrit la justice et la charité dans la gestion des biens
terrestres et des fruits du travail des hommes. Il demande en
vue du bien commun le respect de la destination universelle des
biens et du droit de propriété privée. La vie chrétienne
s’efforce d’ordonner à Dieu et à la charité fraternelle les
biens de ce monde.
I. La Destination universelle
et la propriété privée des biens
2402 Au commencement, Dieu a confié la terre et ses
ressources à la gérance commune de l’humanité pour qu’elle en
prenne soin, la maîtrise par son travail et jouisse de ses
fruits (cf. Gn 1, 26-29). Les biens de la création sont destinés
à tout le genre humain. Cependant la terre est répartie entre
les hommes pour assurer la sécurité de leur vie, exposée à la
pénurie et menacée par la violence. L’appropriation des biens
est légitime pour garantir la liberté et la dignité des
personnes, pour aider chacun à subvenir à ses besoins
fondamentaux et aux besoins de ceux dont il a la charge. Elle
doit permettre que se manifeste une solidarité naturelle entre
les hommes.
2403 Le droit à la propriété privée, acquise ou
reçue de manière juste, n’abolit pas la donation originelle de
la terre à l’ensemble de l’humanité. La destination
universelle des biens demeure primordiale, même si la
promotion du bien commun exige le respect de la propriété
privée, de son droit et de son exercice.
2404 " L’homme, dans l’usage qu’il en fait, ne doit
jamais tenir les choses qu’il possède légitimement comme
n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme communes :
en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui, mais
aux autres " (GS 69, § 1). La propriété d’un bien fait de son
détenteur un administrateur de la Providence pour le faire
fructifier et en communiquer les bienfaits à autrui, et d’abord
à ses proches.
2405 Les biens de production – matériels ou immatériels –
comme des terres ou des usines, des compétences ou des arts,
requièrent les soins de leurs possesseurs pour que leur
fécondité profite au plus grand nombre. Les détenteurs des biens
d’usage et de consommation doivent en user avec tempérance,
réservant la meilleure part à l’hôte, au malade, au pauvre.
2406 L’autorité politique a le droit et le devoir
de régler, en fonction du bien commun, l’exercice légitime du
droit de propriété (cf. GS 71, § 4 ; SRS 42 ; CA 40 ; 48).
II. Le respect des personnes
et de leurs biens
2407 En matière économique, le respect de la dignité
humaine exige la pratique de la vertu de tempérance, pour
modérer l’attachement aux biens de ce monde ; de la vertu de
justice, pour préserver les droits du prochain et lui
accorder ce qui lui est dû ; et de la solidarité, suivant
la règle d’or et selon la libéralité du Seigneur qui " de riche
qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa
pauvreté " (2 Co 8, 9).
Le respect des biens d’autrui
2408 Le septième commandement interdit le vol,
c’est-à-dire l’usurpation du bien d’autrui contre la volonté
raisonnable du propriétaire. Il n’y a pas de vol si le
consentement peut être présumé ou si le refus est contraire à la
raison et à la destination universelle des biens. C’est le cas
de la nécessité urgente et évidente où le seul moyen de subvenir
à des besoins immédiats et essentiels (nourriture, abri,
vêtement ...) est de disposer et d’user des biens d’autrui (cf.
GS 69, § 1).
2409 Toute manière de prendre et de détenir injustement
le bien d’autrui, même si elle ne contredit pas les dispositions
de la loi civile, est contraire au septième commandement. Ainsi,
retenir délibérément des biens prêtés ou des objets perdus ;
frauder dans le commerce (cf. Dt 25, 13-16) ; payer d’injustes
salaires (cf. Dt 24, 14-15 ; Jc 5, 4) ; hausser les prix en
spéculant sur l’ignorance ou la détresse d’autrui (cf. Am 8,
4-6).
Sont encore moralement illicites : la spéculation par laquelle
on agit pour faire varier artificiellement l’estimation des
biens, en vue d’en tirer un avantage au détriment d’autrui ; la
corruption par laquelle on détourne le jugement de ceux qui
doivent prendre des décisions selon le droit ; l’appropriation
et l’usage privés des biens sociaux d’une entreprise ; les
travaux mal faits, la fraude fiscale, la contrefaçon des chèques
et des factures, les dépenses excessives, le gaspillage.
Infliger volontairement un dommage aux propriétés privées ou
publiques est contraire à la loi morale et demande réparation.
2410 Les promesses doivent être tenues, et les
contrats rigoureusement observés dans la mesure où
l’engagement pris est moralement juste. Une part notable de la
vie économique et sociale dépend de la valeur des contrats entre
personnes physiques ou morales. Ainsi les contrats commerciaux
de vente ou d’achat, les contrats de location ou de travail.
Tout contrat doit être convenu et exécuté de bonne foi.
2411 Les contrats sont soumis à la justice commutative
qui règle les échanges entre les personnes et entre les
institutions, dans l’exact respect de leurs droits. La justice
commutative oblige strictement ; elle exige la sauvegarde des
droits de propriété, le paiement des dettes et la prestation des
obligations librement contractées. Sans la justice commutative,
aucune autre forme de justice n’est possible.
On distingue la justice commutative de la justice
légale qui concerne ce que le citoyen doit équitablement à
la communauté, et de la justice distributive qui règle ce
que la communauté doit aux citoyens proportionnellement à leurs
contributions et à leurs besoins.
2412 En vertu de la justice commutative, la réparation
de l’injustice commise exige la restitution du bien
dérobé à son propriétaire :
Jésus bénit Zachée de son engagement : " Si j’ai fait du tort à
quelqu’un, je lui rends le quadruple " (Lc 19, 8). Ceux qui,
d’une manière directe ou indirecte, se sont emparés d’un bien
d’autrui, sont tenus de le restituer, ou de rendre l’équivalent
en nature ou en espèce, si la chose a disparu, ainsi que les
fruits et avantages qu’en aurait légitimement obtenu son
propriétaire. Sont également tenus de restituer à proportion de
leur responsabilité et de leur profit tous ceux qui ont
participé au vol en quelque manière, ou en ont profité en
connaissance de cause ; par exemple ceux qui l’auraient ordonné,
ou aidé, ou recélé.
2413 Les jeux de hasard (jeu de cartes, etc.) ou
les paris ne sont pas en eux-mêmes contraires à la
justice. Ils deviennent moralement inacceptables lorsqu’ils
privent la personne de ce qui lui est nécessaire pour subvenir à
ses besoins et à ceux d’autrui. La passion du jeu risque de
devenir un asservissement grave.Parier injustement ou tricher
dans les jeux constitue une matière grave, à moins que le
dommage infligé soit si léger que celui qui le subit ne puisse
raisonnablement le considérer comme significatif.
2414 Le septième commandement proscrit les actes ou
entreprises qui, pour quelque raison que ce soit, égoïste ou
idéologique, mercantile ou totalitaire, conduisent à asservir
des êtres humains, à méconnaître leur dignité personnelle, à
les acheter, à les vendre et à les échanger comme des
marchandises. C’est un péché contre la dignité des personnes et
leurs droits fondamentaux que de les réduire par la violence à
une valeur d’usage ou à une source de profit. S. Paul ordonnait
à un maître chrétien de traiter son esclave chrétien " non plus
comme un esclave, mais comme un frère ..., comme un homme, dans
le Seigneur " (Phm 16).
Le respect de l’intégrité de
la création
2415 Le septième commandement demande le respect de
l’intégrité de la création.Les animaux, comme les plantes et les
êtres inanimés, sont naturellement destinés au bien commun de
l’humanité passée, présente et future (cf. Gn 1, 28-31). L’usage
des ressources minérales, végétales et animales de l’univers, ne
peut être détaché du respect des exigences morales. La
domination accordée par le Créateur à l’homme sur les êtres
inanimés et les autres vivants n’est pas absolue ; elle est
mesurée par le souci de la qualité de la vie du prochain, y
compris des générations à venir ; elle exige un respect
religieux de l’intégrité de la création (cf. CA 37-38).
2416 Les animaux sont des créatures de Dieu.
Celui-ci les entoure de sa sollicitude providentielle (cf. Mt 6,
26). Par leur simple existence, ils le bénissent et lui rendent
gloire (cf. Dn 3, 57-58). Aussi les hommes leur doivent-ils
bienveillance. On se rappellera avec quelle délicatesse les
saints, comme S. François d’Assise ou S. Philippe Neri,
traitaient les animaux.
2417 Dieu a confiés les animaux à la gérance de celui
qu’Il a créé à son image (cf. Gn 2, 19-20 ; 9, 1-4). Il est donc
légitime de se servir des animaux pour la nourriture et la
confection des vêtements. On peut les domestiquer pour qu’ils
assistent l’homme dans ses travaux et dans ses loisirs. Les
expérimentations médicales et scientifiques sur les animaux sont
des pratiques moralement acceptables, pourvu qu’elles restent
dans des limites raisonnables et contribuent a soigner ou sauver
des vies humaines.
2418 Il est contraire à la dignité humaine de faire
souffrir inutilement les animaux et de gaspiller leurs vies. Il
est également indigne de dépenser pour eux des sommes qui
devraient en priorité soulager la misère des hommes. On peut
aimer les animaux ; on ne saurait détourner vers eux l’affection
due aux seules personnes.
III. La doctrine sociale de
l’Église
2419 " La révélation chrétienne conduit à une
intelligence plus pénétrante des lois de la vie sociale " (GS
23, § 1). L’Église reçoit de l’Evangile la pleine révélation de
la vérité de l’homme. Quand elle accomplit sa mission d’annoncer
l’Evangile, elle atteste à l’homme, au nom du Christ, sa dignité
propre et sa vocation à la communion des personnes ; elle lui
enseigne les exigences de la justice et de la paix, conformes à
la sagesse divine.
2420 L’Église porte un jugement moral, en matière
économique et sociale, " quand les droits fondamentaux de la
personne ou le salut des âmes l’exigent " (GS 76, § 5). Dans
l’ordre de la moralité elle relève d’une mission distincte de
celle des autorités politiques : l’Église se soucie des aspects
temporels du bien commun en raison de leur ordination au
souverain Bien, notre fin ultime. Elle s’efforce d’inspirer les
attitudes justes dans le rapport aux biens terrestres et dans
les relations socio-économiques.
2421 La doctrine sociale de l’Église s’est développée au
dix-neuvième siècle lors de la rencontre de l’Evangile avec la
société industrielle moderne, ses nouvelles structures pour la
production de biens de consommation, sa nouvelle conception de
la société, de l’Etat et de l’autorité, ses nouvelles formes de
travail et de propriété. Le développement de la doctrine de
l’Église, en matière économique et sociale, atteste la valeur
permanente de l’enseignement de l’Église, en même temps que le
sens véritable de sa Tradition toujours vivante et active (cf.
CA 3).
2422 L’enseignement social de l’Église comporte un corps
de doctrine qui s’articule à mesure que l’Église interprète les
événements au cours de l’histoire, à la lumière de l’ensemble de
la parole révélée par le Christ Jésus avec l’assistance de
l’Esprit Saint (cf. SRS 1 ; 41). Cet enseignement devient
d’autant plus acceptable pour les hommes de bonne volonté qu’il
inspire davantage la conduite des fidèles.
2423 La doctrine sociale de l’Église propose des
principes de réflexion ; elle dégage des critères de jugement ;
elle donne des orientations pour l’action :
Tout système suivant lequel les rapports sociaux seraient
entièrement déterminés par les facteurs économiques est
contraire à la nature de la personne humaine et de ses actes
(cf. CA 24).
2424 Une théorie qui fait du profit la règle exclusive et
la fin ultime de l’activité économique est moralement
inacceptable. L’appétit désordonné de l’argent ne manque pas de
produire ses effets pervers. Il est une des causes des nombreux
conflits qui perturbent l’ordre social (cf. GS 63, § 3 ; LE 7 ;
CA 35).
Un système qui " sacrifie les droits fondamentaux des personnes
et des groupes à l’organisation collective de la production "
est contraire à la dignité de l’homme (GS 65). Toute pratique
qui réduit les personnes à n’être que de purs moyens en vue du
profit, asservit l’homme, conduit à l’idolâtrie de l’argent et
contribue à répandre l’athéisme. " Vous ne pouvez servir à la
fois Dieu et Mammon " (Mt 6, 24 ; Lc 16, 13).
2425 L’Église a rejeté les idéologies totalitaires et
athées associées, dans les temps modernes, au " communisme " ou
au " socialisme ". Par ailleurs, elle a récusé dans la pratique
du " capitalisme " l’individualisme et le primat absolu de la
loi du marché sur le travail humain (cf. CA 10 ; 13 ; 44). La
régulation de l’économie par la seule planification centralisée
pervertit à la base les liens sociaux ; sa régulation par la
seule loi du marché manque à la justice sociale " car il y a de
nombreux besoins humains qui ne peuvent être satisfaits par le
marché " (CA 34). Il faut préconiser une régulation raisonnable
du marché et des initiatives économiques, selon une juste
hiérarchie des valeurs et en vue du bien commun.
IV. L’activité économique et
la justice sociale
2426 Le développement des activités économiques et la
croissance de la production sont destinés à subvenir aux besoins
des êtres humains. La vie économique ne vise pas seulement à
multiplier les biens produits et à augmenter le profit ou la
puissance ; elle est d’abord ordonnée au service des personnes,
de l’homme tout entier et de toute la communauté humaine.
Conduite selon ses méthodes propres, l’activité économique doit
s’exercer dans les limites de l’ordre moral, suivant la justice
sociale, afin de répondre au dessein de Dieu sur l’homme (cf. GS
64).
2427 Le travail humain procède immédiatement des
personnes créées à l’image de Dieu, et appelées à prolonger, les
unes avec et pour les autres, l’œuvre de la création en dominant
la terre (cf. Gn 1, 28 ; GS 34 ; CA 31). Le travail est donc un
devoir : " Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange
pas non plus " (2 Th 3, 10 ; cf. 1 Th 4, 11). Le travail honore
les dons du Créateur et les talents reçus. Il peut aussi être
rédempteur. En endurant la peine (cf. Gn 3, 14-19) du travail en
union avec Jésus, l’artisan de Nazareth et le crucifié du
Calvaire, l’homme collabore d’une certaine façon avec le Fils de
Dieu dans son Œuvre rédemptrice. Il se montre disciple du Christ
en portant la Croix, chaque jour, dans l’activité qu’il est
appelé à accomplir (cf. LE 27). Le travail peut être un moyen de
sanctification et une animation des réalités terrestres dans
l’Esprit du Christ.
2428 Dans le travail, la personne exerce et accomplit une
part des capacités inscrites dans sa nature. La valeur
primordiale du travail tient à l’homme même, qui en est l’auteur
et le destinataire. Le travail est pour l’homme, et non l’homme
pour le travail (cf. LE 6).
Chacun doit pouvoir puiser dans le travail les moyens de
subvenir à sa vie et à celle des siens, et de rendre service à
la communauté humaine.
2429 Chacun a le droit d’initiative économique,
chacun usera légitimement de ses talents pour contribuer à une
abondance profitable à tous, et pour recueillir les justes
fruits de ses efforts. Il veillera à se conformer aux
réglementations portées par les autorités légitimes en vue du
bien commun (cf. CA 32 ; 34).
2430 La vie économique met en cause des intérêts
divers, souvent opposés entre eux. Ainsi s’explique l’émergence
des conflits qui la caractérisent (cf. LE 11). On s’efforcera de
réduire ces derniers par la négociation qui respecte les droits
et les devoirs de chaque partenaire social : les responsables
des entreprises, les représentants des salariés, par exemple des
organisations syndicales, et, éventuellement, les pouvoirs
publics.
2431 La responsabilité de l’Etat." L’activité
économique, en particulier celle de l’économie de marché, ne
peut se dérouler dans un vide institutionnel, juridique et
politique. Elle suppose que soient assurées les garanties des
libertés individuelles et de la propriété, sans compter une
monnaie stable et des services publics efficaces. Le devoir
essentiel de l’Etat est cependant d’assurer ces garanties, afin
que ceux qui travaillent puissent jouir du fruit de leur travail
et donc se sentir stimulés à l’accomplir avec efficacité et
honnêteté ... L’Etat a le devoir de surveiller et de conduire
l’application des droits humains dans le secteur économique ;
dans ce domaine toutefois, la première responsabilité ne revient
pas à l’Etat mais aux institutions et aux différents groupes et
associations qui composent la société " (CA 48).
2432 Les responsables d’entreprises portent devant
la société la responsabilité économique et écologique de leurs
opérations (cf. CA 37). Ils sont tenus de considérer le bien des
personnes et pas seulement l’augmentation des profits.
Ceux-ci sont nécessaires cependant. Ils permettent de réaliser
les investissements qui assurent l’avenir des entreprises. Ils
garantissent l’emploi.
2433 L’accès au travail et à la profession doit
être ouvert à tous sans discrimination injuste, hommes et
femmes, bien portants et handicapés, autochtones et immigrés
(cf. LE 19 ; 22-23). En fonction des circonstances, la société
doit pour sa part aider les citoyens à se procurer un travail et
un emploi (cf. CA 48).
2434 Le juste salaire est le fruit légitime du
travail. Le refuser ou le retenir, peut constituer une grave
injustice (cf. Lv 19, 13 ; Dt 24, 14-15 ; Jc 5, 4). Pour
apprécier la rémunération équitable, il faut tenir compte à la
fois des besoins et des contributions de chacun. " Compte tenu
des fonctions et de la productivité, de la situation de
l’entreprise et du bien commun, la rémunération du travail doit
assurer à l’homme et aux siens les ressources nécessaires à une
vie digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel "
(GS 67, § 2). L’accord des parties n’est pas suffisant pour
justifier moralement le montant du salaire.
2435 La grève est moralement légitime quant elle
se présente comme un recours inévitable, sinon nécessaire, en
vue d’un bénéfice proportionné. Elle devient moralement
inacceptable lorsqu’elle s’accompagne de violences ou encore si
on lui assigne des objectifs non directement liés aux conditions
de travail ou contraires au bien commun.
2436 Il est injuste de ne pas payer aux organismes de
sécurité sociale les cotisations établies par les
autorités légitimes.
La privation d’emploi à cause du chômage est presque
toujours pour celui qui en est victime, une atteinte à sa
dignité et une menace pour l’équilibre de la vie. Outre le
dommage personnellement subi, des risques nombreux en découlent
pour son foyer (cf. LE 18).
V. Justice et solidarité entre
les nations
2437 Au plan international, l’inégalité des ressources et
des moyens économiques est telle qu’elle provoque entre les
nations un véritable " fossé " (SRS 14). Il y a d’un côté ceux
qui détiennent et développent les moyens de la croissance et, de
l’autre, ceux qui accumulent les dettes.
2438 Diverses causes, de nature religieuse, politique,
économique et financière confèrent aujourd’hui " à la question
sociale une dimension mondiale " (SRS 9). La solidarité est
nécessaire entre les nations dont les politiques sont déjà
interdépendantes. Elle est encore plus indispensable lorsqu’il
s’agit d’enrayer les " mécanismes pervers " qui font obstacle au
développement des pays moins avancés (cf. SRS 17 ; 45). Il faut
substituer à des systèmes financiers abusifs sinon usuraires
(cf. CA 35), à des relations commerciales iniques entre les
nations, à la course aux armements, un effort commun pour
mobiliser les ressources vers des objectifs de développement
moral, culturel et économique " en redéfinissant les priorités
et les échelles des valeurs " (CA 28).
2439 Les nations riches ont une responsabilité
morale grave à l’égard de celles qui ne peuvent par elles-mêmes
assurer les moyens de leur développement ou en ont été empêchées
par de tragiques événements historiques. C’est un devoir de
solidarité et de charité ; c’est aussi une obligation de justice
si le bien-être des nations riches provient de ressources qui
n’ont pas été équitablement payées.
2440 L’aide directe constitue une réponse
appropriée à des besoins immédiats, extraordinaires, causés par
exemple par des catastrophes naturelles, des épidémies, etc.
Mais elle ne suffit pas à réparer les graves dommages qui
résultent des situations de dénuement ni à pourvoir durablement
aux besoins. Il faut aussi réformer les institutions
économiques et financières internationales pour qu’elles
promeuvent mieux des rapports équitables avec les pays moins
avancés (cf. SRS 16). Il faut soutenir l’effort des pays pauvres
travaillant à leur croissance et à leur libération (cf. CA 26).
Cette doctrine demande à être appliquée d’une manière très
particulière dans le domaine du travail agricole. Les paysans,
surtout dans le Tiers Monde, forment la masse prépondérante des
pauvres.
2441 Accroître le sens de Dieu et la connaissance de
soi-même est à la base de tout développement complet de la
société humaine. Celui-ci multiplie les biens matériels et
les met au service de la personne et de sa liberté. Il diminue
la misère et l’exploitation économiques. Il fait croître le
respect des identités culturelles et l’ouverture à la
transcendance (cf. SRS 32 ; CA 51).
2442 Il n’appartient pas aux pasteurs de l’Église
d’intervenir directement dans la construction politique et dans
l’organisation de la vie sociale. Cette tâche fait partie de la
vocation des fidèles laïcs, agissant de leur propre
initiative avec leurs concitoyens. L’action sociale peut
impliquer une pluralité de voies concrètes. Elle sera toujours
en vue du bien commun et conforme au message évangélique et à
l’enseignement de l’Église. Il revient aux fidèles laïcs
" d’animer les réalités temporelles avec un zèle chrétien et de
s’y conduire en artisans de paix et de justice " (SRS 47 ; cf.
42).
VI. L’amour des pauvres
2443 Dieu bénit ceux qui viennent en aide aux pauvres et
réprouve ceux qui s’en détournent : " A qui te demande, donne ;
à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos " (Mt 5, 42).
" Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement " (Mt 10, 8).
C’est à ce qu’ils auront fait pour les pauvres que Jésus Christ
reconnaîtra ses élus (cf. Mt 25, 31-36). Lorsque " la bonne
nouvelle est annoncée aux pauvres " (Mt 11, 5 ; cf. Lc 4, 18),
c’est le signe de la présence du Christ.
2444 " L’amour de l’Église pour les pauvres ... fait
partie de sa tradition constante " (CA 57). Il s’inspiré de
l’Evangile des béatitudes (cf. Lc 6, 20-22), de la pauvreté de
Jésus (cf. Mt 8, 20) et de son attention aux pauvres (cf. Mc 12,
41-44). L’amour des pauvres est même un des motifs du devoir de
travailler, afin de " pouvoir faire le bien en secourant les
nécessiteux " (Ep 4, 28). Il ne s’étend pas seulement à la
pauvreté matérielle, mais aussi aux nombreuses formes de
pauvreté culturelle et religieuse (cf. CA 57).
2445 L’amour des pauvres est incompatible avec l’amour
immodéré des richesses ou leur usage égoïste :
Eh bien, maintenant, les
riches ! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver.
Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont rongés par les
vers. Votre or et votre argent sont souillés, et leur rouille
témoignera contre vous : elle dévorera vos chairs ; c’est un feu
que vous avez thésaurisé dans les derniers jours ! Voyez : le
salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos
champs, crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues
aux oreilles du Seigneur des Armées. Vous avez vécu sur terre
dans la mollesse et le luxe, vous vous êtes repus au jour du
carnage. Vous avez condamné le juste, il ne vous résiste pas (Jc
5, 1-6).
2446 S. Jean Chrysostome le rappelle vigoureusement :
" Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est
les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que
nous détenons, mais les leurs " (Laz. 1, 6 : PG 48, 992D). " Il
faut satisfaire d’abord aux exigences de la justice, de peur que
l’on n’offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en
justice " (AA 8) :
Quand nous donnons aux pauvres
les choses indispensables, nous ne leur faisons point de
largesses personnelles, mais leur rendons ce qui est à eux. Nous
remplissons bien plus un devoir de justice que nous
n’accomplissons un acte de charité (S. Grégoire le Grand, past.
3, 21).
2447 Les œuvres de miséricorde sont les actions
charitables par lesquelles nous venons en aide à notre prochain
dans ses nécessités corporelles et spirituelles (cf. Is 58,
6-7 ; He 13, 3). Instruire, conseiller, consoler, conforter sont
des œuvres de miséricorde spirituelle, comme pardonner et
supporter avec patience. Les œuvres de miséricorde corporelle
consistent notamment à nourrir les affamés, loger les sans
logis, vêtir les déguenillés, visiter les malades et les
prisonniers, ensevelir les morts (cf. Mt 25, 31-46). Parmi ces
gestes, l’aumône faite aux pauvres (cf. Tb 4, 5-11 ; Si 17, 22)
est un des principaux témoignages de la charité fraternelle :
elle est aussi une pratique de justice qui plaît à Dieu (cf. Mt
6, 2-4) :
Que celui qui a deux tuniques
partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a à manger
fasse de même (Lc 3, 11). Donnez plutôt en aumône tout ce que
vous avez, et tout sera pur pour vous (Lc 11, 41). Si un frère
ou une sœur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture
quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dise : " Allez en
paix, chauffez-vous, rassasiez-vous ", sans leur donner ce qui
est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il ? (Jc 2,
15-16 ; cf. 1 Jn 3, 17).
2448 " Sous ses multiples formes : dénuement matériel,
oppression injuste, infirmités physiques et psychiques, et enfin
la mort, la misère humaine est le signe manifeste de la
condition native de faiblesse où l’homme se trouve depuis le
premier péché et du besoin de salut. C’est pourquoi elle a
attiré la compassion du Christ Sauveur qui a voulu la prendre
sur lui et s’identifier aux ‘plus petits d’entre ses frères’.
C’est pourquoi ceux qu’elle accable sont l’objet d’un amour
de préférence de la part de l’Église qui, depuis les
origines, en dépit des défaillances de beaucoup de ses membres,
n’a cessé de travailler à les soulager, les défendre et les
libérer. Elle l’a fait par d’innombrables œuvres de bienfaisance
qui restent toujours et partout indispensables " (CDF, instr.
" Libertatis conscientia " 68).
2449 Dès l’Ancien Testament, toutes sortes de mesures
juridiques (année de rémission, interdiction du prêt à intérêt
et de la conservation d’un gage, obligation de la dîme, paiement
quotidien du journalier, droit de grappillage et de glanage)
répondent à l’exhortation du Deutéronome : " Certes les pauvres
ne disparaîtront point de ce pays ; aussi je te donne ce
commandement : tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui
est humilié et pauvre dans ton pays " (Dt 15, 11). Jésus fait
sienne cette parole : " Les pauvres, en effet, vous les aurez
toujours avec vous : mais moi, vous ne m’aurez pas toujours "
(Jn 12, 8). Par là il ne rend pas caduque la véhémence des
oracles anciens : " Parce qu’ils vendent le juste à prix
d’argent et le pauvre pour une paire de sandales ... " (Am 8,
6), mais il nous invite à reconnaître sa présence dans les
pauvres qui sont ses frères (cf. Mt 25, 40) :
Le jour où sa mère la reprit
d’entretenir à la maison pauvres et infirmes, sainte Rose de
Lima lui dit : " Quand nous servons les pauvres et les malades,
nous servons Jésus. Nous ne devons pas nous lasser d’aider notre
prochain, parce qu’en eux c’est Jésus que nous servons " (Vita).
EN BREF
2450 " Tu ne voleras pas " (Dt 5, 19). " Ni voleurs, ni
cupides ... ni rapaces n’hériteront du Royaume de Dieu " (1 Co
6, 10).
2451 Le septième commandement prescrit la pratique de la
justice et de la charité dans la gestion des biens terrestres et
des fruits du travail des hommes.
2452 Les biens de la création sont destinés au genre humain
tout entier. Le droit à la propriété privée n’abolit pas la
destination universelle des biens.
2453 Le septième commandement proscrit le vol. Le vol est
l’usurpation du bien d’autrui, contre la volonté raisonnable du
propriétaire.
2454 Toute manière de prendre et d’user injustement du bien
d’autrui est contraire au septième commandement. L’injustice
commise exige réparation. La justice commutative exige la
restitution du bien dérobé.
2455 La loi morale proscrit les actes qui, à des fins
mercantiles ou totalitaires, conduisent à asservir des êtres
humains, à les acheter, à les vendre et à les échanger comme des
marchandises.
2456 La domination accordée par le Créateur sur les
ressources minérales, végétales et animales de l’univers ne peut
être séparé du respect des obligations morales, y compris envers
les générations à venir.
2457 Les animaux sont confiés à la gérance de l’homme qui
leur doit bienveillance. Ils peuvent servir à la juste
satisfaction des besoins de l’homme.
2458 L’Église porte un jugement en matière économique et
sociale quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut
des âmes l’exigent. Elle se soucie du bien commun temporel des
hommes en raison de leur ordination au souverain Bien, notre fin
ultime.
2459 L’homme est lui-même l’auteur, le centre et le but de
toute la vie économique et sociale. Le point décisif de la
question sociale est que les biens créés par Dieu pour tous
arrivent en fait à tous, suivant la justice et avec l’aide de la
charité.
2460 La valeur primordiale du travail tient à l’homme même,
qui en est l’auteur et le destinataire. Moyennant son travail,
l’homme participe à l’œuvre de la création. Uni au Christ le
travail peut être rédempteur.
2461 Le développement véritable est celui de l’homme tout
entier. Il s’agit de faire croître la capacité de chaque
personne de répondre à sa vocation, donc à l’appel de Dieu (cf.
CA 29).
2462 L’aumône faite aux pauvres est un témoignage de charité
fraternelle : elle est aussi une pratique de justice qui plait à
Dieu.
2463 Dans la multitude d’êtres humains sans pain, sans toit,
sans lieu, comment ne pas reconnaître Lazare, mendiant affamé de
la parabole (cf. Lc 17, 19-31) ? Comment ne pas entendre Jésus :
" A moi non plus vous ne l’avez pas fait " (Mt 25, 45) ?
Article 8
LE HUITIEME COMMANDEMENT
Tu ne témoigneras pas
faussement contre ton prochain.(Ex 20, 16).
Il a été dit aux anciens : Tu
ne parjureras pas, mais tu t’acquitteras envers le Seigneur de
tes serments (Mt 5, 33).
2464 Le huitième commandement interdit de travestir la
vérité dans les relations avec autrui. Cette prescription morale
découle de la vocation du peuple saint à être témoin de son Dieu
qui est et qui veut la vérité. Les offenses à la vérité
expriment, par des paroles ou des actes, un refus de s’engager
dans la rectitude morale : elles sont des infidélités foncières
à Dieu et, en ce sens, sapent les bases de l’Alliance
I. Vivre dans la vérité
2465 L’Ancien Testament l’atteste : Dieu est source de
toute vérité. Sa Parole est vérité (cf. Pr 8, 6 ; 2 R 7,
28). Sa loi est vérité (cf. Ps 118, 142). " Sa fidélité demeure
d’âge en âge " (Ps 119, 90 ; Lc 1, 46). Puisque Dieu est le
" Véridique " (Rm 3, 4) les membres de son Peuple sont appelés à
vivre dans la vérité (cf. Ps 118, 30).
2466 En Jésus-Christ, la vérité de Dieu s’est manifestée
tout entière. " Plein de grâce et de vérité " (Jn 1, 14), il est
la " lumière du monde " (Jn 8, 12), il est la Vérité
(cf. Jn 14, 6). " Quiconque croit en lui, ne demeure pas dans
les ténèbres " (Jn 12, 46). Le disciple de Jésus, " demeure dans
sa parole " afin de connaître " la vérité qui rend libre " (Jn
8, 32) et qui sanctifie (cf. Jn 17, 17). Suivre Jésus, c’est
vivre de " l’Esprit de vérité " (Jn 14, 17) que le Père envoie
en son nom (cf. Jn 14, 26) et qui conduit " à la vérité tout
entière " (Jn 14, 17 ; 16, 13). A ses disciples Jésus enseigne
l’amour inconditionnel de la vérité : " Que votre langage soit :
‘Oui ? oui’, ‘Non ? non’ " (Mt 5, 37).
2467 L’homme se porte naturellement vers la vérité. Il
est tenu de l’honorer et de l’attester : " En vertu de leur
dignité, tous les hommes, parce qu’ils sont des personnes ...
sont pressés par leur nature même et tenus, par obligation
morale, à chercher la vérité, celle tout d’abord qui concerne la
religion. Il sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu’ils
la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de
la vérité " (DH 2).
2468 La vérité comme rectitude de l’agir et de la parole
humaine a pour nom véracité,sincérité ou franchise. La
vérité ou véracité est la vertu qui consiste à se montrer vrai
en ses actes et à dire vrai en ses paroles, en se gardant de la
duplicité, de la simulation et de l’hypocrisie.
2469 " Les hommes ne pourraient pas vivre ensemble s’ils
n’avaient pas de confiance réciproque, c’est-à-dire s’ils
ne se manifestaient pas la vérité " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2,
109, 3, ad 1). La vertu de vérité rend justement à autrui son
dû. La véracité observe un juste milieu entre ce qui doit être
exprimé, et le secret qui doit être gardé : elle implique
l’honnêteté et la discrétion. En justice, " un homme doit
honnêtement à un autre la manifestation de la vérité " (S.
Thomas d’A., s. th. 2-2, 109, 3).
2470 Le disciple du Christ accepte de " vivre dans la
vérité ", c’est-à-dire dans la simplicité d’une vie conforme à
l’exemple du Seigneur et demeurant dans sa Vérité. " Si nous
disons que nous sommes en communion avec lui, alors que nous
marchons dans les ténèbres, nous mentons, nous n’agissons pas
selon la vérité " (1 Jn 1, 6).
II. " Rendre témoignage à la
vérité "
2471 Devant Pilate le Christ proclame qu’il est " venu
dans le monde pour rendre témoignage à la vérité " (Jn 18, 37).
Le chrétien n’a pas à " rougir de rendre témoignage au
Seigneur " (2 Tm 1, 8). Dans les situations qui demandent
l’attestation de la foi, le chrétien doit la professer sans
équivoque, à l’exemple de S. Paul en face de ses juges. Il lui
faut garder " une conscience irréprochable devant Dieu et devant
les hommes " (Ac 24, 16).
2472 Le devoir des chrétiens de prendre part à la vie de
l’Église les pousse à agir comme témoins de l’Evangile et
des obligations qui en découlent. Ce témoignage est transmission
de la foi en paroles et en actes. Le témoignage est un acte de
justice qui établit ou fait connaître la vérité (cf. Mt 18,
16) :
Tous les chrétiens, partout où
ils vivent, sont tenus de manifester ... par l’exemple de leur
vie et le témoignage de leur parole, l’homme nouveau qu’ils ont
revêtu par le baptême, et la force du Saint-Esprit qui les a
fortifiés au moyen de la confirmation (AG 11).
2473 Le martyre est le suprême témoignage rendu à
la vérité de la foi ; il désigne un témoigne qui va jusqu’à la
mort. Le martyr rend témoignage au Christ, mort et ressuscité,
auquel il est uni par la charité. Il rend témoignage à la vérité
de la foi et de la doctrine chrétienne. Il supporte la mort par
un acte de force. " Laissez-moi devenir la pâture des bêtes.
C’est par elles qu’il me sera donné d’arriver à Dieu " (Ignace
d’Antioche, Rom. 4, 1).
2474 Avec le plus grand soin, l’Église a recueilli les
souvenirs de ceux qui sont allés jusqu’au bout pour attester
leur foi. Ce sont les actes des Martyrs. Ils constituent
les archives de la Vérité écrites en lettres de sang :
Rien ne me servira des charmes
du monde ni des royaumes de ce siècle. Il est meilleur pour moi
de mourir [pour m’unir] au Christ Jésus, que de régner sur les
extrémités de la terre. C’est Lui que je cherche, qui est mort
pour nous ; Lui que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon
enfantement approche .... (S. Ignace d’Antioche, Rom. 6, 1-2).
Je te bénis pour m’avoir jugé
digne de ce jour et de cette heure, digne d’être compté au
nombre de tes martyrs ... Tu as gardé ta promesse, Dieu de la
fidélité et de la vérité. Pour cette grâce et pour toute chose,
je te loue, je te bénis, je te glorifie par l’éternel et céleste
Grand Prêtre, Jésus-Christ, ton enfant bien-aimé. Par lui, qui
est avec Toi et l’Esprit, gloire te soit rendue, maintenant et
dans les siècles à venir. Amen (S. Polycarpe, mart. 14, 2-3).
III. Les offenses à la vérité
2475 Les disciples du Christ ont " revêtu l’homme nouveau
créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de
la vérité " (Ep 4, 24). " Débarrassés du mensonge " (Ep 4, 25),
ils ont à " rejeter toute méchanceté et toute ruse, toute forme
d’hypocrisie, d’envie et de médisance " (1 P 2, 1).
2476 Faux témoignage et parjure. Quand il est émis
publiquement, un propos contraire à la vérité revêt une
particulière gravité. Devant un tribunal, il devient un faux
témoignage (cf. Pr 19, 9). Quand il est tenu sous serment, il
s’agit d’un parjure. Ces manières d’agir contribuent, soit à
condamner un innocent, soit à disculper un coupable ou à
augmenter la sanction encourue par l’accusé (cf. Pr 18, 5).
Elles compromettent gravement l’exercice de la justice et
l’équité de la sentence prononcée par les juges.
2477 Le respect de la réputation des personnes
interdit toute attitude et toute parole susceptibles de leur
causer un injuste dommage (cf.
⇒ CIC, can. 220). Se rend coupable
–
de jugement téméraire
celui qui, même tacitement admet comme vrai, sans fondement
suffisant, un défaut moral chez le prochain.
–
de médisancecelui qui,
sans raison objectivement valable, dévoile à des personnes qui
l’ignorent les défauts et les fautes d’autrui (cf. Si 21, 28).
– de calomniecelui qui, par des propos contraires à la
vérité, nuit à la réputation des autres et donne occasion à de
faux jugements à leur égard.
2478 Pour éviter le jugement téméraire, chacun veillera à
interpréter autant que possible dans un sens favorable les
pensées, paroles et actions de son prochain :
Tout bon chrétien doit être
plus prompt à sauver la proposition du prochain qu’à la
condamner. Si l’on ne peut la sauver, qu’on lui demande comment
il la comprend ; et s’il la comprend mal, qu’on le corrige avec
amour ; et si cela ne suffit pas, qu’on cherche tous les moyens
adaptés pour qu’en la comprenant bien il se sauve (S. Ignace,
ex. spir. 22).
2479 Médisance et calomnie détruisent la réputation
et l’honneur du prochain. Or, l’honneur est le témoignage
social rendu à la dignité humaine, et chacun jouit d’un droit
naturel à l’honneur de son nom, à sa réputation et au respect.
Ainsi, la médisance et la calomnie lèsent-elles les vertus de
justice et de charité.
2480 Est à proscrire toute parole ou attitude qui, par
flatterie, adulation ou complaisance, encourage et confirme
autrui dans la malice de ses actes et la perversité de sa
conduite. L’adulation est une faute grave si elle se fait
complice de vices ou de péchés graves. Le désir de rendre
service ou l’amitié, ne justifient pas une duplicité du langage.
L’adulation est un péché véniel quand elle désire seulement être
agréable, éviter un mal, parer à une nécessité, obtenir des
avantages légitimes.
2481 La jactance ou vantardise constitue une faute
contre la vérité. Il en est de même de l’ironie qui vise
à déprécier quelqu’un en caricaturant, de manière malveillante,
tel ou tel aspect de son comportement.
2482 " Le mensonge consiste à dire le faux avec
l’intention de tromper " (S. Augustin, mend. 4, 5 : PL 40, 491).
Le Seigneur dénonce dans le mensonge une œuvre diabolique :
" Vous avez pour père le diable ... il n’y a pas de vérité en
lui : quand il dit ses mensonges, il les tire de son propre
fonds, parce qu’il est menteur et père du mensonge " (Jn 8, 44).
2483 Le mensonge est l’offense la plus directe à la
vérité. Mentir, c’est parler ou agir contre la vérité pour
induire en erreur. En blessant la relation de l’homme à la
vérité et au prochain, le mensonge offense la relation
fondatrice de l’homme et de sa parole au Seigneur.
2484 La gravité du mensonge se mesure selon la
nature de la vérité qu’il déforme, selon les circonstances, les
intentions de celui qui le commet, les préjudices subis par ceux
qui en sont victimes. Si le mensonge, en soi, ne constitue qu’un
péché véniel, il devient mortel quand il lèse gravement les
vertus de justice et de charité.
2485 Le mensonge est condamnable dans sa nature. Il est
une profanation de la parole qui a pour tâche de communiquer à
d’autres la vérité connue. Le propos délibéré d’induire le
prochain en erreur par des propos contraires à la vérité
constitue un manquement à la justice et à la charité. La
culpabilité est plus grande quand l’intention de tromper risque
d’avoir des suites funestes pour ceux qui sont détournés du
vrai.
2486 Le mensonge (parce qu’il est une violation de la
vertu de véracité), est une véritable violence faite à autrui.
Il l’atteint dans sa capacité de connaître, qui est la condition
de tout jugement et de toute décision. Il contient en germe la
division des esprits et tous les maux qu’elle suscite. Le
mensonge est funeste pour toute société ; il sape la confiance
entre les hommes et déchire le tissu des relations sociales.
2487 Toute faute commise à l’égard de la justice et de la
vérité appelle le devoir de réparation, même si son
auteur a été pardonné. Lorsqu’il est impossible de réparer un
tort publiquement, il faut le faire en secret ; si celui qui a
subi un préjudice ne peut être directement dédommagé, il faut
lui donner satisfaction moralement, au nom de la charité. Ce
devoir de réparation concerne aussi bien les fautes commises à
l’égard de la réputation d’autrui. Cette réparation, morale et
parfois matérielle, doit s’apprécier à la mesure du dommage qui
a été causé. Elle oblige en conscience.
IV. Le respect de la vérité
2488 Le droit à la communication de la vérité
n’est pas inconditionnel. Chacun doit conformer sa vie au
précepte évangélique de l’amour fraternel. Celui-ci
demande, dans les situations concrètes, d’estimer s’il convient
ou non de révéler la vérité à celui qui la demande.
2489 La charité et le respect de la vérité doivent dicter
la réponse à toute demande d’information ou de
communication. Le bien et la sécurité d’autrui, le respect
de la vie privée, le bien commun sont des raisons suffisantes
pour taire ce qui ne doit pas être connu, ou pour user d’un
langage discret. Le devoir d’éviter le scandale commande souvent
une stricte discrétion. Personne n’est tenu de révéler la vérité
à qui n’a pas droit de la connaître (cf. Si 27, 16 ; Pr 25,
9-10).
2490 Le secret du sacrement de réconciliation est
sacré, et ne peut être trahi sous aucun prétexte. " Le secret
sacramentel est inviolable ; c’est pourquoi il est absolument
interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un
pénitent, par des paroles ou d’une autre manière, et pour
quelque cause que ce soit " (⇒
CIC, can. 982).
2491 Les secrets professionnels – détenus par
exemple par des hommes politiques, des militaires, des médecins,
des juristes – ou les confidences faites sous le sceau du
secret, doivent être gardés, sauf dans les cas exceptionnels où
la rétention du secret devrait causer à celui qui les confie, à
celui qui les reçoit ou à un tiers des dommages très graves et
seulement évitables par la divulgation de la vérité. Même si
elles n’ont pas été confiées sous le sceau du secret, les
informations privées préjudiciables à autrui n’ont pas à être
divulguées sans une raison grave et proportionnée.
2492 Chacun doit garder la juste réserve à propos de la
vie privée des gens. Les responsables de la communication
doivent maintenir une juste proportion entre les exigences du
bien commun et le respect des droits particuliers. L’ingérence
de l’information dans la vie privée de personnes engagées dans
une activité politique ou publique est condamnable dans la
mesure où elle porte atteinte à leur intimité et à leur liberté.
V. L’usage des Moyens de
communication sociale
2493 Au sein de la société moderne, les moyens de
communication socialeont un rôle majeur dans l’information, la
promotion culturelle et la formation. Ce rôle grandit, en raison
des progrès techniques, de l’ampleur et de la diversité des
nouvelles transmises, de l’influence exercée sur l’opinion
publique.
2494 L’information médiatique est au service du bien
commun (cf. IM 11). La société a droit à une information fondée
sur la vérité, la liberté, la justice, et la solidarité :
Le bon exercice de ce droit
requiert que la communication soit, quant à l’objet, toujours
véridique et – dans le respect des exigences de la justice et de
la charité – complète ; qu’elle soit, quant au mode, honnête et
convenable, c’est-à-dire que dans l’acquisition et la diffusion
des nouvelles, elle observe absolument les lois morales, les
droits et la dignité de l’homme (IM 5).
2495 " Il est nécessaire que tous les membres de la
société remplissent dans ce domaine aussi leurs devoirs de
justice et de vérité. Ils emploieront les moyens de
communication sociale pour concourir à la formation et à la
diffusion de saines opinions publiques " (IM 8). La solidarité
apparaît comme une conséquence d’une communication vraie et
juste, et de la libre circulation des idées, qui favorisent la
connaissance et le respect d’autrui.
2496 Les moyens de communication sociale (en particulier
les mass média) peuvent engendrer une certaine passivité chez
les usagers, faisant de ces derniers des consommateurs peu
vigilants de messages ou de spectacles. Les usagers s’imposeront
modération et discipline vis-à-vis des mass média. Ils voudront
se former une conscience éclairée et droite afin de résister
plus facilement aux influences moins honnêtes.
2497 Au titre même de leur profession dans la presse,
sesresponsables ont l’obligation, dans la diffusion de
l’information, de servir la vérité et de ne pas offenser la
charité. Ils s’efforceront de respecter, avec un égal souci, la
nature des faits et les limites du jugement critique à l’égard
des personnes. Ils doivent éviter de céder à la diffamation.
2498 " Des devoirs particuliers reviennent aux
autorités civiles en raison du bien commun. Les pouvoirs
publics ont à défendre et à protéger la vraie et juste liberté
de l’information " (IM 12). En promulguant des lois et en
veillant à leur application, les pouvoirs publics s’assureront
que le mauvais usage des média ne vienne " causer de graves
préjudices aux mœurs publiques et aux progrès de la société "
(IM 12). Ils sanctionneront la violation des droits de chacun à
la réputation et au secret de la vie privée. Ils donneront à
temps et honnêtement les informations qui concernent le bien
général ou répondent aux inquiétudes fondées de la population.
Rien ne peut justifier le recours aux fausses informations pour
manipuler l’opinion publique par les média. Ces interventions ne
porteront pas atteinte à la liberté des individus et des
groupes.
2499 La morale dénonce la plaie des états totalitaires
qui falsifient systématiquement la vérité, exercent par les
médias une domination politique de l’opinion, " manipulent " les
accusés et les témoins de procès publics et imaginent assurer
leur tyrannie en jugulant et en réprimant tout ce qu’ils
considèrent comme " délits d’opinion ".
VI. Vérité, Beauté et Art
sacré
2500 La pratique du bien s’accompagne d’un plaisir
spirituel gratuit et de la beauté morale. De même, la vérité
comporte la joie et la splendeur de la beauté spirituelle. La
vérité est belle par elle-même.La vérité de la parole,
expression rationnelle de la connaissance de la réalité créée et
Incréée, est nécessaire à l’homme doué d’intelligence, mais la
vérité peut aussi trouver d’autres formes d’expression humaine,
complémentaires, surtout quand il s’agit d’évoquer ce qu’elle
comporte d’indicible, les profondeurs du cœur humain, les
élévations de l’âme, le Mystère de Dieu. Avant même de Se
révéler à l’homme en paroles de vérité, Dieu Se révèle à lui par
le langage universel de la Création, œuvre de Sa Parole, de Sa
Sagesse : l’ordre et l’harmonie du cosmos – que découvre et
l’enfant et l’homme de science – " la grandeur et la beauté des
créatures font, par analogie, contempler leur Auteur " (Sg 13,
5), " car c’est la Source même de la beauté qui les a créées "
(Sg 13, 3).
La Sagesse est, en effet, un
effluve de la puissance de Dieu, une émanation toute pure de la
gloire du Tout-Puissant ; aussi rien de souillé ne s’introduit
en elle. Car elle est un reflet de la Lumière Eternelle, un
miroir sans tache de l’activité de Dieu, une image de Sa bonté
(Sg 7, 25-26). La Sagesse est, en effet, plus belle que le
soleil, elle surpasse toutes les constellations, comparée à la
lumière, elle l’emporte ; car celle-ci fait place à la nuit,
mais contre la Sagesse le mal ne prévaut pas (Sg 7, 29-30). Je
suis devenu amoureux de sa beauté (Sg 8, 2).
2501 " Créé à l’image de Dieu " (Gn 1, 26), l’homme
exprime aussi la vérité de son rapport à Dieu Créateur par la
beauté de ses œuvres artistiques. L’art, en effet, est
une forme d’expression proprement humaine ; au de-là de la
recherche des nécessités vitales commune à toutes les créatures
vivantes, il est une surabondance gratuite de la richesse
intérieure de l’être humain. Surgissant d’un talent donné par le
Créateur et de l’effort de l’homme lui-même, l’art est une forme
de sagesse pratique, unissant connaissance et savoir-faire (Sg
7, 18) pour donner forme à la vérité d’une réalité dans le
langage accessible à la vue ou à l’ouïe. L’art comporte ainsi
une certaine similitude avec l’activité de Dieu dans le créé,
dans la mesure où il s’inspire de la vérité et de l’amour des
êtres. Pas plus qu’aucune autre activité humaine, l’art n’a en
lui-même sa fin absolue, mais il est ordonné et anobli par la
fin ultime de l’homme (cf. Pie XII, discours 25 décembre 1955 et
discours 3 septembre 1950).
2502 L’art sacré estvrai et beau, quand il
correspond par sa forme à sa vocation propre : évoquer et
glorifier, dans la Foi et l’adoration, le Mystère transcendant
de Dieu, Beauté Suréminente Invisible de Vérité et d’Amour,
apparue dans le Christ, " Resplendissement de Sa gloire, Effigie
de Sa Substance " (He 1, 3), en Qui " habite corporellement
toute la Plénitude de la Divinité " (Col 2, 9), beauté
spirituelle réfractée dans la très Sainte Vierge Mère de Dieu,
les Anges et les Saints. L’art sacré véritable porte l’homme à
l’adoration, à la prière et à l’amour de Dieu Créateur et
Sauveur, Saint etSanctificateur.
2503 C’est pourquoi les évêques doivent, par eux-mêmes ou
par délégation, veiller à promouvoir l’art sacré, ancien et
nouveau, sous toutes ses formes, et à écarter, avec le même soin
religieux, de la liturgie et des édifices du culte, tout ce qui
n’est pas conforme à la vérité de la Foi et à l’authentique
beauté de l’art sacré (cf. SC 122-127).
EN BREF
2504 " Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain "
(Ex 20, 16). Les disciples du Christ ont " revêtu l’homme
nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui
viennent de la vérité " (Ep 4, 24).
2505 La vérité ou véracité est la vertu qui consiste à se
montrer vrai en ses actes et à dire vrai en ses paroles, se
gardant de la duplicité, de la simulation et de l’hypocrisie.
2506 Le chrétien n’a pas à " rougir de rendre témoignage au
Seigneur " (2 Tm 1, 8) en acte et en parole. Le martyre est le
suprême témoignage rendu à la vérité de la foi.
2507 Le respect de la réputation et de l’honneur des
personnes interdit toute attitude ou toute parole de médisance
ou de calomnie.
2508 Le mensonge consiste à dire le faux avec l’intention de
tromper le prochain.
2509 Une faute commise à l’encontre de la vérité demande
réparation.
2510 La règle d’or aide à discerner, dans les situations
concrètes, s’il convient ou non de révéler la vérité à celui qui
la demande.
2511 " Le secret sacramentel est inviolable " (⇒
CIC, can. 983 § 1). Les secrets professionnels doivent être
gardés. Les confidences préjudiciables à autrui n’ont pas à être
divulguées.
2512 La société a droit à une information fondée sur la
vérité, la liberté, la justice. Il convient de s’imposer
modération et discipline dans l’usage des moyens de
communication sociale.
2513 Les beaux-arts, mais surtout l’art sacré " visent, par
nature, à exprimer de quelque façon dans les œuvres humaines la
beauté infinie de Dieu, et ils se consacrent d’autant plus à
accroître sa louange et sa gloire qu’ils n’ont pas d’autre
propos que de contribuer le plus possible à tourner les âmes
humaines vers Dieu " (SC 122).
Article 9
LE NEUVIEME COMMANDEMENT
Tu ne convoiteras pas la
maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton
prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son
âne, rien de ce qui est à ton prochain (Ex 20, 17).
Quiconque regarde une femme
avec convoitise a déjà commis dans son cœur l’adultère avec elle
(Mt 5, 28).
2514 S. Jean distingue trois espèces de convoitise ou de
concupiscence : la convoitise de la chair, la convoitise des
yeux et l’orgueil de la vie (cf. 1 Jn 2, 16 [Vulg.]). Suivant la
tradition catéchétique catholique, le neuvième commandement
proscrit la concupiscence charnelle ; le dixième interdit la
convoitise du bien d’autrui.
2515 Au sens étymologique, la " concupiscence " peut
désigner toute forme véhémente de désir humain. La théologie
chrétienne lui a donné le sens particulier du mouvement de
l’appétit sensible qui contrarie l’œuvre de la raison humaine.
L’Apôtre S. Paul l’identifie à la révolte que la " chair " mène
contre l’ "esprit " (cf. Ga 5, 16. 17. 24 ; Ep 2, 3). Elle vient
de la désobéissance du premier péché (Gn 3, 11). Elle dérègle
les facultés morales de l’homme et, sans être une faute en
elle-même, incline ce dernier à commettre des péchés (cf. Cc.
Trente : DS 1515).
2516 Déjà dans l’homme, parce qu’il est un être
composé, esprit et corps, il existe une certaine
tension, il se déroule une certaine lutte de tendances entre
l’ "esprit " et la " chair ". Mais cette lutte, en fait,
appartient à l’héritage du péché, elle en est une conséquence
et, en même temps, une confirmation. Elle fait partie de
l’expérience quotidienne du combat spirituel :
Pour l’Apôtre, il ne s’agit
pas de mépriser et de condamner le corps qui, avec l’âme
spirituelle, constitue la nature de l’homme et sa personnalité
de sujet ; il traite, par contre, des œuvres ou plutôt des
dispositions stables – vertus et vices – moralement bonnes ou
mauvaises, qui sont le fruit de la soumission (dans
le premier cas) ou au contraire de la résistance (dans le
second cas) à l’action salvatrice de l’Esprit Saint.
C’est pourquoi l’Apôtre écrit : " Puisque l’Esprit est notre
vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir " (Ga 5, 25) (Jean-Paul
II, DeV 55).
I. La purification du cœur
2517 Le cœur est le siège de la personnalité morale :
" C’est du cœur que viennent intentions mauvaises, meurtres,
adultères et inconduites " (Mt 15, 19). La lutte contre la
convoitise charnelle passe par la purification du cœur et la
pratique de la tempérance :
Maintiens-toi dans la
simplicité, l’innocence, et tu seras comme les petits enfants
qui ignorent le mal destructeur de la vie des hommes (Hermas,
mand. 2, 1).
2518 La sixième béatitude proclame : " Bienheureux les
cœurs purs, car ils verront Dieu " (Mt 5, 8). Les " cœurs purs "
désignent ceux qui ont accordé leur intelligence et leur volonté
aux exigences de la sainteté de Dieu, principalement en trois
domaines : la charité (cf. 1 Tm 4, 3-9 ; 2 Tm 2, 22), la
chasteté ou rectitude sexuelle (cf. 1 Th 4, 7 ; Col 3, 5 ; Ep 4,
19), l’amour de la vérité et l’orthodoxie de la foi (cf. Tt 1,
15 ; 1 Tm 1, 3-4 ; 2 Tm 2, 23-26). Il existe un lien entre la
pureté du cœur, du corps et de la foi :
Les fidèles doivent croire les
articles du Symbole, " afin qu’en croyant, ils obéissent à
Dieu ; qu’en obéissant, ils vivent bien ; qu’en vivant bien, ils
purifient leur cœur et qu’en purifiant leur cœur, ils
comprennent ce qu’ils croient " (S. Augustin, fid. et symb. 10,
25 : PL 40, 196).
2519 Aux " cœurs purs " est promis de voir Dieu
face-à-face et de Lui être semblables (cf. 1 Co 13, 12 ; 1 Jn 3,
2). La pureté du cœur est le préalable à la vision. Dès
aujourd’hui, elle nous donne de voir selon Dieu, de
recevoir autrui comme un " prochain " ; elle nous permet de
percevoir le corps humain, le nôtre et celui du prochain, comme
un temple de l’Esprit Saint, une manifestation de la beauté
divine.
II. Le combat pour la pureté
2520 Le Baptême confère à celui qui le reçoit la grâce de
la purification de tous les péchés. Mais le baptisé doit
continuer à lutter contre la concupiscence de la chair et les
convoitises désordonnées. Avec la grâce de Dieu, il y parvient
– par la vertu et le don de chasteté, car la
chasteté permet d’aimer d’un cœur droit et sans partage.
– par la pureté d’intention qui consiste à viser la fin
véritable de l’homme : D’un œil simple, le baptisé cherche à
trouver et à accomplir en toute chose la volonté de Dieu (cf. Rm
12, 2 ; Col 1, 10).
– par la pureté du regard, extérieur et intérieur ; par
la discipline des sentiments et de l’imagination ; par le refus
de toute complaisance dans les pensées impures qui inclinent à
se détourner de la voie des commandements divins : " La vue
éveille la passion chez les insensés " (Sg 15, 5).
– par la prière :
Je croyais que la continence
relevait de mes propres forces, ... forces que je ne me
connaissais pas. Et j’étais assez sot pour ne pas savoir que
personne ne peut être continent, si tu ne le lui donnes. Et
certes, tu l’aurais donné, si de mon gémissement intérieur,
j’avais frappé à tes oreilles et si d’une foi solide, j’avais
jeté en toi mon souci (S. Augustin, conf. 6, 11, 20).
2521 La pureté demande la pudeur. Celle-ci est une
partie intégrante de la tempérance. La pudeur préserve
l’intimité de la personne. Elle désigne le refus de dévoiler ce
qui doit rester caché. Elle est ordonnée à la chasteté dont elle
atteste la délicatesse. Elle guide les regards et les gestes
conformes à la dignité des personnes et de leur union.
2522 La pudeur protège le mystère des personnes et de
leur amour. Elle invite à la patience et à la modération dans la
relation amoureuse ; elle demande que soient remplies les
conditions du don et de l’engagement définitif de l’homme et de
la femme entre eux. La pudeur est modestie. Elle inspire le
choix du vêtement. Elle maintient le silence ou le réserve là où
transparaît le risque d’une curiosité malsaine. Elle se fait
discrétion.
2523 Il existe une pudeur des sentiments aussi bien que
du corps. Elle proteste, par exemple, contre les explorations
" voyeuristes " du corps humain dans certaines publicités, ou
contre la sollicitation de certains médias à aller trop loin
dans la révélation de confidences intimes. La pudeur inspire une
manière de vivre qui permet de résister aux sollicitations de la
mode et à la pression des idéologies dominantes.
2524 Les formes revêtues par la pudeur varient d’une culture à
l’autre. Partout, cependant, elle reste le pressentiment d’une
dignité spirituelle propre à l’homme. Elle naît par l’éveil de
la conscience du sujet. Enseigner la pudeur à des enfants et des
adolescents c’est éveiller au respect de la personne humaine.
2525 La pureté chrétienne demande une purification du
climat social. Elle exige des moyens de communication
sociale une information soucieuse de respect et de retenue. La
pureté du cœur libère de l’érotisme diffus et écarte des
spectacles qui favorisent le voyeurisme et l’illusion.
2526 Ce qui est appelé la permissivité des mœurs
repose sur une conception erronée de la liberté humaine ; pour
s’édifier, cette dernière a besoin de se laisser éduquer au
préalable par la loi morale. Il convient de demander aux
responsables de l’éducation de dispenser à la jeunesse un
enseignement respectueux de la vérité, des qualités du cœur et
de la dignité morale et spirituelle de l’homme.
2527 " La Bonne Nouvelle du Christ rénove constamment la
vie et la culture de l’homme déchu : elle combat et écarte les
erreurs et les maux qui proviennent de la séduction permanente
du péché. Elle ne cesse de purifier et d’élever la moralité des
peuples. Par les richesses d’en haut, elle féconde comme de
l’intérieur les qualités spirituelles et les dons propres à
chaque peuple et à chaque âge. Elle les fortifie, les parfait et
les restaure dans le Christ " (GS 58, § 4).
EN BREF
2528 " Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà
commis dans son cœur l’adultère avec elle " (Mt 5, 28).
2529 Le neuvième commandement met en garde contre la
convoitise ou concupiscence charnelle.
2530 La lutte contre la convoitise charnelle passe par la
purification du cœur et la pratique de la tempérance.
2531 La pureté du cœur nous donnera de voir Dieu : elle nous
donne dès maintenant de voir toute chose selon Dieu.
2532 La purification du cœur exige la prière, la pratique de
la chasteté, la pureté de l’intention et du regard.
2533 La pureté du cœur demande la pudeur qui est patience,
modestie et discrétion. La pudeur préserve l’intimité de la
personne.
Article 10
LE DIXIEME COMMANDEMENT
Tu ne convoiteras ... rien de
ce qui est à ton prochain (Ex 20, 17). Tu ne désireras ni sa
maison, ni son champ, ni son serviteur ou sa servante, ni son
bœuf ou son âne : rien de ce qui est à lui (Dt 5, 21).
Là où est ton trésor, là sera
ton cœur (Mt 6, 21).
2534 Le dixième commandement dédouble et complète le
neuvième, qui porte sur la concupiscence de la chair. Il
interdit la convoitise du bien d’autrui, racine du vol, de la
rapine et de la fraude, que proscrit le septième commandement.
La " convoitise des yeux " (cf. 1 Jn 2, 16) conduit à la
violence et à l’injustice défendues par le cinquième précepte
(cf. Mi 2, 2). La cupidité trouve son origine, comme la
fornication, dans l’idolâtrie prohibée dans les trois premières
prescriptions de la loi (cf. Sg 14, 12). Le dixième commandement
porte sur l’intention du cœur ; il résume, avec le neuvième,
tous les préceptes de la Loi.
I. Le désordre des convoitises
2535 L’appétit sensible nous porte à désirer les choses
agréables que nous n’avons pas. Ainsi désirer manger quand on a
faim, ou se chauffer quand on a froid. Ces désirs sont bons en
eux-mêmes ; mais souvent ils ne gardent pas la mesure de la
raison et nous poussent à convoiter injustement ce qui ne nous
revient pas et appartient, ou est dû, à autrui.
2536 Le dixième commandement proscrit l’avidité et
le désir d’une appropriation sans mesure des biens terrestres ;
il défend la cupidité déréglée née de la passion
immodérée des richesses et de leur puissance. Il interdit encore
le désir de commettre une injustice par laquelle on nuirait au
prochain dans ses biens temporels :
Quand la Loi nous dit : " Vous
ne convoiterez point ", elle nous dit, en d’autres termes,
d’éloigner nos désirs de tout ce qui ne nous appartient pas. Car
la soif du bien du prochain est immense, infinie et jamais
rassasiée, ainsi qu’il est écrit : " L’avare ne sera jamais
rassasié d’argent " (Si 5, 9) (Catech. R. 3, 37).
2537 Ce n’est pas violer ce commandement que de désirer
obtenir des choses qui appartiennent au prochain, pourvu que ce
soit par de justes moyens. La catéchèse traditionnelle indique
avec réalisme " ceux qui ont le plus à lutter contre leurs
convoitises criminelles " et qu’il faut donc " le plus exhorter
à observer ce précepte " :
Ce sont ... les marchands qui
désirent la disette ou la cherté des marchandises, qui voient
avec chagrin qu’ils ne sont pas les seuls pour acheter et pour
vendre, ce qui leur permettrait de vendre plus cher et d’acheter
à plus bas prix ; ceux qui souhaitent que leurs semblables
soient dans la misère, afin de réaliser du profit, soit en leur
vendant, soit en leur achetant ... Les médecins qui désirent des
malades ; les hommes de loi qui réclament des causes et des
procès importants et nombreux ... (Catech. R. 3, 37).
2538 Le dixième commandement exige de bannir l’envie
du cœur humain. Lorsque le prophète Nathan voulut stimuler le
repentir du roi David, il lui conta l’histoire du pauvre qui ne
possédait qu’une brebis, traitée comme sa propre fille, et du
riche qui, malgré la multitude de ses troupeaux, enviait le
premier et finit par lui voler sa brebis (cf. 2 S 12, 1.4).
L’envie peut conduire aux pires méfaits (cf. Gn 4, 3-7 ; 1 R 21,
1-29). C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans
le monde (cf. Sg 2, 24-25) :
Nous nous combattons
mutuellement, et c’est l’envie qui nous arme les uns contre les
autres ... Si tous s’acharnent ainsi à ébranler le corps du
Christ, où en arriverons-nous ? Nous sommes en train d’énerver
le corps du Christ ... Nous nous déclarons les membres d’un même
organisme et nous nous dévorons comme le feraient des fauves (S.
Jean Chrysostome, hom. in 2 Cor. 28, 3-4 : PL 61, 594-595).
2539 L’envie est un vice capital. Elle désigne la
tristesse éprouvée devant le bien d’autrui et le désir immodéré
de se l’approprier, fût-ce indûment. Quand elle souhaite un mal
grave au prochain, elle est un péché mortel :
Saint Augustin voyait dans
l’envie " le péché diabolique par excellence " (catech. 4, 8).
" De l’envie naissent la haine, la médisance, la calomnie, la
joie causée par le malheur du prochain et le déplaisir causé par
sa prospérité " (S. Grégoire le Grand, mor. 31, 45 : PL 76,
621).
2540 L’envie représente une des formes de la tristesse et
donc un refus de la charité ; le baptisé luttera contre elle par
la bienveillance. L’envie vient souvent de l’orgueil ; le
baptisé s’entraînera à vivre dans l’humilité :
C’est par vous que vous
voudriez voir Dieu glorifié ? Eh bien, réjouissez-vous des
progrès de votre frère, et, du coup, c’est par vous que Dieu
sera glorifié. Dieu sera loué, dira-t-on, de ce que son
serviteur a su vaincre l’envie en mettant sa joie dans les
mérites des autres (S. Jean Chrysostome, hom. in Rom. 7, 3 : PG
60, 445).
II. Les désirs de l’Esprit
2541 L’économie de la Loi et de la Grâce détourne le cœur
des hommes de la cupidité et de l’envie : elle l’initie au désir
du Souverain Bien ; elle l’instruit des désirs de l’Esprit Saint
qui rassasie le cœur de l’homme.
Le Dieu des promesses a depuis toujours mis l’homme en garde
contre la séduction de ce qui, depuis les origines, apparaît
" bon à manger, agréable aux yeux, plaisant à contempler " (Gn
3, 6).
2542 La Loi confiée à Israël n’a jamais suffi à justifier
ceux qui lui étaient soumis ; elle est même devenue l’instrument
de la " convoitise " (cf. Rm 7, 7). L’inadéquation entre le
vouloir et le faire (cf. Rm 7, 10) indique le conflit entre la
loi de Dieu qui est la " loi de la raison " et une autre loi
" qui m’enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres "
(Rm 7, 23).
2543 " Maintenant, sans la Loi, la justice de Dieu s’est
manifestée, attestée par la Loi et les prophètes, justice de
Dieu par la foi en Jésus Christ à l’adresse de tous ceux qui
croient " (Rm 3, 21-22). Dès lors les fidèles du Christ " ont
crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises " (Ga 5,
24) ; ils sont conduits par l’Esprit (cf. Rm 8, 14) et suivent
les désirs de l’Esprit (cf. Rm 8, 27).
III. La pauvreté de cœur
2544 Jésus enjoint à ses disciples de le préférer à tout
et à tous et leur propose de donner " congé à tous leurs biens "
(Lc 14, 33) à cause de Lui et de l’Evangile (cf. Mc 8, 35). Peu
avant sa passion il leur a donné en exemple la pauvre veuve de
Jérusalem qui, de son indigence, a donné tout ce qu’elle avait
pour vivre (cf. Lc 21, 4). Le précepte du détachement des
richesses est obligatoire pour entrer dans le Royaume des cieux.
2545 Tous les fidèles du Christ ont " à régler comme il
faut leurs affections pour que l’usage des choses du monde et un
attachement aux richesses contraire à l’esprit de pauvreté
évangélique ne les détourne pas de poursuivre la perfection de
la charité " (LG 42).
2546 " Bienheureux les pauvres en esprit " (Mt 5, 3). Les
béatitudes révèlent un ordre de félicité et de grâce, de beauté
et de paix. Jésus célèbre la joie des pauvres, à qui est déjà le
Royaume (cf. Lc 6, 20) :
Le Verbe appelle ‘pauvreté
dans l’esprit’ l’humilité volontaire d’un esprit humain et son
renoncement ; et l’Apôtre nous donne en exemple la pauvreté de
Dieu quand il dit : ‘Il s’est fait pauvre pour nous’ (2 Co 8, 9)
(S. Grégoire de Nysse, beat. 1 : PG 44, 1200D).
2547 Le Seigneur se lamente sur les riches, parce qu’ils
trouvent dans la profusion des biens leur consolation (Lc 6,
24). " L’orgueilleux cherche la puissance terrestre, tandis que
le pauvre en esprit recherche le Royaume des Cieux " (S.
Augustin, serm. Dom. 1, 1, 3 : PL 34, 1232).L’abandon à la
Providence du Père du Ciel libère de l’inquiétude du lendemain
(cf. Mt 6, 25-34). La confiance en Dieu dispose à la béatitude
des pauvres. Ils verront Dieu.
IV. " Je veux voir Dieu "
2548 Le désir du bonheur véritable dégage l’homme de
l’attachement immodéré aux biens de ce monde, pour s’accomplir
dans la vision et la béatitude de Dieu. " La promesse de voir
Dieu dépasse toute béatitude. Dans l’Écriture, voir c’est
posséder. Celui qui voit Dieu a obtenu tous les biens que l’on
peut concevoir " (S. Grégoire de Nysse, beat. 6 : PG 44, 1265A).
2549 Il reste au peuple saint à lutter, avec la grâce
d’en haut, pour obtenir les biens que Dieu promet. Pour posséder
et contempler Dieu, les fidèles du Christ mortifient leur
convoitises et ils l’emportent, avec la grâce de Dieu, sur les
séductions de la jouissance et de la puissance.
2550 Sur ce chemin de la perfection, l’Esprit et l’Epouse
appellent qui les entend (cf. Ap 22, 17) à la communion parfaite
avec Dieu :
Là sera la véritable gloire ;
personne n’y sera loué par erreur ou par flatterie ; les vrais
honneurs ne seront ni refusés à ceux qui les méritent, ni
accordés aux indignes ; d’ailleurs nul indigne n’y prétendra, là
où ne seront admis que ceux qui sont dignes. Là régnera la
véritable paix où nul n’éprouvera d’opposition ni de soi-même ni
des autres. De la vertu, Dieu lui-même sera la récompense, lui
qui a donné la vertu et s’est promis lui-même à elle comme la
récompense la meilleure et la plus grande qui puisse exister :
" Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple " (Lv 26, 12) ...
C’est aussi le sens des mots de l’apôtre : " Pour que Dieu soit
tout en tous "(1 Co15, 12). Il sera lui-même la fin de nos
désirs, lui que nous contemplerons sans fin, aimerons sans
satiété, louerons sans lassitude. Et ce don, cette affection,
cette occupation seront assurément, comme la vie éternelle,
communs à tous ". (S. Augustin, civ. 22, 30).
EN BREF
2551 " Là où est ton trésor, là sera ton cœur " (Mt 6, 21).
2552 Le dixième commandement défend la cupidité déréglée, née
de la passion immodérée des richesses et de leur puissance.
2553 L’envie est la tristesse éprouvée devant le bien
d’autrui et le désir immodéré de se l’approprier. Elle est un
vice capital.
2554 Le baptisé combat l’envie par la bienveillance,
l’humilité et l’abandon à la providence de Dieu.
2555 Les fidèles du Christ " ont crucifié la chair avec ses
passions et ses convoitises " (Ga 5, 24) ; ils sont conduits par
l’Esprit et suivent ses désirs.
2556 Le détachement des richesses est nécessaire pour entrer
dans le Royaume des Cieux. " Bienheureux les pauvres de cœur ".
2557 L’homme de désir dit : " Je veux voir Dieu ". La soif de
Dieu est étanchée par l’eau de la vie éternelle (cf. Jn 4, 14). |