QUI A SOUFFERT SOUS PONCE PILATE,
A ÉTÉ CRUCIFIÉ, EST MORT, ET A ÉTÉ ENSEVELI.
Pour montrer combien la
connaissance de cet article est nécessaire, et avec quel zèle le Pasteur
doit exhorter les Fidèles à se rappeler le plus souvent possible la
Passion du Sauveur, il suffit de citer ces paroles du grand Apôtre dans
lesquelles il fait profession de ne savoir rien autre chose que
Jésus-Christ crucifié. Le Pasteur devra donc employer tous ses soins
et tous ses efforts à bien faire ressortir cette vérité, afin que le
souvenir d’un si grand bienfait fasse impression sur les Fidèles et les
porte à reconnaître et à admirer sans réserve la bonté et l’amour de
Dieu pour nous.
§ I. — QUI A SOUFFERT SOUS PONCE-PILATE
La première partie de cet
article (on parlera de la seconde un peu plus loin) nous propose à
croire que notre Seigneur Jésus-Christ a été crucifié dans le temps où
Ponce Pilate gouvernait la Judée, au nom de l’empereur tibère. En effet
Il fut arrêté, accablé de railleries et d’injures, tourmenté de diverses
manières, et enfin attaché à une croix. Et il n’est pas permis de douter
que son âme, dans sa partie inférieure, n’ait été sensible à ces
tourments. Car par le seul fait qu’Il avait revêtu la nature humaine,
nous sommes obligés de reconnaître qu’Il ressentit dans son âme la plus
vive douleur. Aussi dit-il Lui-même: mon âme est triste à en mourir.
Sans doute la nature humaine se trouvait unie en Lui à une personne
divine, mais il n’en est pas moins vrai qu’Il souffrit toute l’amertume
de sa Passion, comme si cette union n’avait pas existé. Les propriétés
des deux natures furent conservées dans la Personne unique de
Jésus-Christ. Par conséquent ce qui, en Lui, était passible et mortel,
demeura passible et mortel ; et ce qui était impassible et immortel,
c’est-à-dire la nature divine, ne perdit rien de ses qualités
essentielles.
Quant au soin particulier
avec lequel on a voulu rappeler ici que Jésus-Christ souffrit dans le
temps où Ponce Pilate gouvernait la Judée, réduite en province romaine,
le Pasteur ne manquera pas d’en donner la raison ; c’est que la
connaissance d’un événement si considérable, et en même temps si
nécessaire pour l’humanité, devenait beaucoup plus facile pour tous, en
précisant l’époque certaine de son accomplissement. C’est ce que
l’Apôtre Saint Paul avait fait. De plus, il faut voir dans ces paroles
l’accomplissement de cette prophétie du Sauveur disant de Lui-même:
Ils le livreront aux Gentils pour être outragé, flagellé et crucifié.
Ce fut également par un
conseil particulier de Dieu qu’Il voulut mourir sur une croix. Ne
fallait-il pas que la vie nous revînt par où la mort nous était
venue ? Le serpent qui avait triomphé de nos premiers parents avec
le fruit d’un arbre, fut vaincu à son tour par Jésus-Christ sur l’arbre
de la Croix. Les Saints Pères ont longuement développé un bon nombre de
raisons que nous pourrions reproduire, pour faire comprendre toutes les
convenances de ce genre de mort, plutôt que tout autre. Mais le Pasteur
avertira les Fidèles qu’il leur suffit de croire que Jésus-Christ a
choisi la Croix pour y mourir, parce qu’il la trouvait la plus
convenable et la mieux appropriée à la Rédemption du genre humain. En
effet, il n’y avait rien de plus honteux ni de plus humiliant. Et ce
n’étaient pas seulement les païens qui regardaient ce supplice comme
abominable, et Plein de honte et d’infamie ; la loi de Moïse elle-même
prononçait l’anathème contre celui qui est pendu au bois.
Le Pasteur n’oubliera pas
non plus de raconter l’histoire des souffrances de Jésus-Christ, si
soigneusement décrites par les Évangélistes. tout au moins il fera
connaître aux Fidèles les points principaux de ce mystère, c’est-à-dire
ceux qui semblent plus nécessaires pour confirmer la vérité de notre
Foi. C’est sur cet article en effet, que la Foi et la Religion
chrétienne reposent comme sur leur base. Si l’on a soin de bien
l’établir, tout le reste se soutient parfaitement. Car si l’esprit
humain trouve ailleurs des difficultés, c’est sans contredit dans le
mystère de la Rédemption qu’il en rencontre le plus. nous avons peine à
concevoir que notre salut dépende de la Croix et de Celui qui s’y laissa
clouer pour notre amour. Mais c’est en cela même, selon l’enseignement
de l’Apôtre, qu’il faut admirer la souveraine Providence de Dieu. Car
voyant que le monde, avec sa sagesse, ne L’avait point reconnu dans
les œuvres de sa divine Sagesse, il lui a plu de sauver par la folie de
la prédication ceux qui croiraient. Il n’y a donc pas lieu d’être
surpris que les Prophètes, avant son arrivée dans le monde et les
Apôtres, après sa Mort et sa Résurrection, aient fait tant d’efforts
pour persuader aux hommes que Jésus-Christ est leur Rédempteur, et pour
les amener à reconnaître la puissance de ce Crucifié, et à Lui obéir.
On peut dire que le mystère
de la Croix, humainement parlant, est plus que tout le reste, en dehors
des conceptions de la raison ; voilà pourquoi, depuis le péché d’Adam,
Dieu n’a point cessé d’annoncer la mort de son Fils, tantôt par des
figures, tantôt par des oracles de ses Prophètes. Ainsi, pour dire un
mot des figures, Abel tué par la jalousie de son frère, Isaac offert
par son père en sacrifice, l’agneau immolé par les Hébreux à leur
sortie d’Égypte, le serpent d’airain que Moïse fit élever dans le
désert, voilà bien autant de figures qui représentaient par avance la
Passion et la Mort de notre Seigneur Jésus-Christ ! Quant aux Prophètes,
presque tous les ont prédites ; et leurs prophéties sont trop connues
pour que nous ayons à les rapporter ici. Mais outre celles de David ,
qui a embrassé dans ses Psaumes tous les mystères de notre Rédemption,
est-il possible d’en trouver de plus claires et de plus évidentes que
celles d’Isaïe ? et ne dirait-on pas que ce voyant raconte des faits
accomplis, bien plus qu’il ne prophétise des événements futurs ?
§ II. — EST MORT, ET A ÉTÉ ENSEVELI.
Le Pasteur enseignera que
ces paroles nous obligent à croire que Jésus-Christ, après avoir été
crucifié, mourut véritablement et fut enseveli. Et ce n’est pas sans
raison que les Apôtres ont fait de cette vérité un article spécial de
leur Credo. Car il s’est trouvé des hommes, et en certain nombre,
pour soutenir que notre Seigneur n’était pas mort sur la Croix. Les
Apôtres, ces personnages si saints et si vénérables, ont donc fait
preuve de sagesse en établissant ce point particulier de notre Foi pour
repousser cette erreur. Du reste, l’authenticité du fait ne laisse
aucune place au doute. tous les Évangélistes sont d’accord pour dire que
Jésus-Christ rendit l’esprit. Au surplus, notre Sauveur étant
vraiment et parfaitement homme pouvait par là même mourir véritablement.
Or l’homme meurt, lorsque son âme se sépare de son corps. Ainsi lorsque
nous disons que Jésus-Christ est mort, nous entendons que son âme a été
séparée de son Corps. Mais nous n’admettons pas que la Divinité en ait
été séparée. non, car nous croyons fermement, au contraire, et nous
faisons profession de croire qu’après la séparation du Corps et de
l’Âme, la divinité demeura inviolablement unie au Corps dans le
sépulcre, et à l’Ame dans les enfers. Or Il convenait que le Fils de
Dieu mourût, afin que par sa mort, Il détruisît celui qui avait l’empire
de la mort, c’est-à-dire le démon, et qu’Il délivrât ceux que la crainte
de la mort tenait pendant toute la vie dans un état de servitude.
Mais ce qu’il y a
d’extraordinaire dans la Mort de Jésus-Christ, c’est qu’Il mourut
précisément en Maître de la mort, au moment même où Il avait décrété de
mourir, et de plus que sa mort fut l’effet de sa volonté, et non de la
violence de ses ennemis. Il avait, en effet, non seulement réglé et
arrêté sa mort, mais encore Il en avait fixé le lieu et le moment. Isaïe
avait dit de Lui: Il a été offert (c’est-à-dire immolé), parce qu’Il
l’a voulu. Lui-même, avant sa Passion disait à son tour: Je
laisse mon âme pour la reprendre de nouveau. Personne ne Me l’enlève
mais je la quitte de Moi-même. J’ai le pouvoir de la quitter, et J’ai le
pouvoir de la reprendre. Et pour le temps et le lieu de sa mort,
voici comment Il s’en explique lorsque Hérode Lui tendait des embûches
pour Le faire périr: Allez dire à ce renard — Je chasse les démons,
et J’opère des guérisons aujourd’hui et demain et le troisième jour Je
mourrai. Et cependant il faut que Je marche aujourd’hui et demain et le
jour suivant: car il ne faut pas qu’un Prophète périsse hors de
Jérusalem.
Ce ne fut donc ni malgré
Lui ni par contrainte, ce fut au contraire par sa pleine volonté qu’Il
s’offrit Lui-même, et qu’il dit en s’avançant vers ses ennemis:
c’est Moi ! et ce fut de son plein gré qu’Il endura tous les
tourments injustes et cruels dont ils L’accablèrent.
Rien n’est plus capable de
nous émouvoir et de nous toucher profondément que le souvenir et la
méditation de toutes ses souffrances et de toutes ses tortures. Si
quelqu’un avait souffert pour nous toutes sortes de douleurs, non pas
volontairement, mais par nécessité et par contrainte, peut-être
pourrions-nous ne voir dans ces souffrances qu’un bienfait relatif. Mais
au contraire, s’il s’agissait de quelqu’un qui, pour nous, uniquement
pour nous, aurait bien voulu souffrir la mort de son plein gré, et
lorsqu’Il pouvait s’y soustraire, ce trait de bonté serait si beau et si
grand, que le cœur le plus reconnaissant, non seulement ne saurait
exprimer, mais même ressentir, toute la gratitude qu’Il mériterait.
Quelle est donc l’excellence de la charité de Jésus-Christ envers nous,
et comment mesurer tout ce qu’il y a d’immense et de divin dans le
bienfait de la Rédemption ?
Nous confessons ensuite
qu’Il a été enseveli. Mais nous ne considérons pas ces paroles comme une
vérité particulière qui offrirait des difficultés nouvelles, après les
explications que nous avons données sur sa mort. En effet dès lors que
nous croyons que Jésus-Christ est véritablement mort, il n’est plus
difficile de nous persuader qu’Il a été enseveli. Si donc on a ajouté
ces mots, c’est d’abord afin de supprimer tout prétexte de doute sur sa
mort, car l’une des plus grandes preuves de la mort d’un homme, c’est le
fait même de sa sépulture. C’est en second lieu afin de rendre plus
sensible et plus éclatant le miracle de sa Résurrection.
Mais par ces paroles nous
ne reconnaissons pas seulement que le Corps de Jésus-Christ a été
enseveli, nous admettons de plus, et surtout ainsi que l’Église nous le
propose à croire , que c’est un Dieu qui a reçu la sépulture, comme nous
disons en toute vérité, selon la règle de la Foi catholique, que Dieu
est mort, que Dieu est né d’une Vierge. Et de fait, puisque la Divinité
de Jésus-Christ n’a pas été séparée de son Corps renfermé dans le
tombeau, nous avons le droit de dire que Dieu a été enseveli.
En ce qui regarde le genre
et le lieu de cette sépulture, le Pasteur se contentera du texte des
saints Évangiles. toutefois il fera ici deux observations très
importantes: la première, que le Corps de Jésus-Christ dans le tombeau
fut exempt de toute corruption, ainsi que le Prophète l’avait annoncé en
ces termes: Vous ne permettrez point, Seigneur, que votre Saint
éprouve la corruption. La seconde, c’est que toutes les parties de
cet article, la Sépulture, la Passion et la Mort ne conviennent à
Jésus-Christ qu’en tant qu’Il est homme, et non en tant qu’Il est Dieu.
Car la souffrance et la mort sont le triste apanage de la nature
humaine. Cependant ces choses sont attribuées à Dieu dans le Symbole,
parce qu’il est clair qu’on peut les dire avec raison de la Personne qui
est tout à la fois Dieu parfait et homme parfait.
§ III. — CAUSES DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST.
Ces vérités ainsi exposées,
les Pasteurs auront soin de développer, sur la Passion et la mort de
Jésus-Christ, certaines considérations propres à faire méditer aux
Fidèles, la profondeur d’un si grand mystère.
Et d’abord, ils diront quel
est Celui qui a enduré toutes ces souffrances. C’est Celui dont la
dignité est telle que nous ne pouvons ni la comprendre ni l’expliquer -,
Celui dont Saint Jean a dit qu’Il est le Verbe qui était en Dieu ;
Celui dont l’Apôtre Saint Paul a fait ce magnifique éloge , qu’il a
été établi de Dieu héritier de toutes choses, que les siècles ont été
faits par Lui ; qu’Il est la splendeur de la gloire et le caractère de
la substance du Père ; qu’Il soutient tout par la parole de sa
Puissance, qu’Il nous a purifiés de nos péchés, et qu’en conséquence, Il
est assis à la droite de la Majesté suprême, au plus haut des cieux.
Et, pour tout dire en un mot, Celui qui a souffert pour nous, c’est
Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble. Oui, c’est le Créateur qui
souffre pour ses créatures ; c’est le Maître qui souffre pour ses
esclaves. C’est Celui qui a créé les Anges, les hommes, le ciel et tous
les éléments, enfin Celui en qui, par qui, et de qui toutes ces
choses subsistent. Il ne faut donc pas nous étonner que lorsque
l’Auteur de la nature fut si violemment agité par tant de tourments,
l’édifice tout entier n’ait été ébranlé, et que, selon le récit de l’Ecriture,
la terre ait tremblé, que les rochers se soient fendus, que les
ténèbres aient couvert toute la surface de la terre, et que le soleil se
soit obscurci. Mais si ces créatures muettes et insensibles ont
pleuré la mort de leur Créateur, quelles larmes ne doivent pas verser
les Fidèles, et de quelle douleur ne doivent-ils pas être pénétrés, eux
qui sont les pierres vivantes de la maison de Dieu ?
Il faut ensuite exposer les
causes de la Passion, afin de rendre plus frappantes encore la grandeur
et la force de l’Amour de Dieu pour nous. Or, si on veut chercher le
motif qui porta le Fils de Dieu à subir une si douloureuse Passion, on
trouvera que ce furent, outre la faute héréditaire de nos premiers
parents, les péchés et les crimes que les hommes ont commis depuis le
commencement du monde jusqu’à ce jour, ceux qu’ils commettront encore
jusqu’à la consommation des siècles. En effet le Fils de Dieu notre
Sauveur eut pour but dans sa Passion et dans sa Mort de racheter et
d’effacer les péchés de tous les temps, et d’offrir à son Père pour ces
péchés une satisfaction abondante et complète.
Il convient d’ajouter, pour
donner plus de prix à son Sacrifice, que non seulement ce divin
Rédempteur voulut souffrir pour les pécheurs, mais que les pécheurs
eux-mêmes furent les auteurs et comme les instruments de toutes les
peines qu’Il endura. C’est la remarque de l’Apôtre Saint Paul dans son
épître aux Hébreux: Pensez, dit-il, en vous-mêmes à Celui qui
a Souffert une si grande contradiction de la part des pécheurs élevés
contre Lui, afin que vous ne vous découragiez point, et que vous ne
tombiez point dans l’abattement.
Nous devons donc regarder
comme coupables de cette horrible faute, ceux qui continuent à retomber
dans leurs péchés. Puisque ce sont nos crimes qui ont fait subir à
Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la Croix, à coup sur ceux qui
se plongent dans les désordres et dans le mal crucifient de nouveau
dans leur cœur, autant qu’il est en eux, le Fils de Dieu par leurs
péchés, et Le couvrent de confusion. Et il faut le reconnaître,
notre crime à nous dans ce cas est plus grand que celui des Juifs. Car
eux, au témoignage de l’Apôtre, s’ils avaient connu le Roi de
gloire, ils ne L’auraient jamais crucifié. Nous, au contraire, nous
faisons profession de Le connaître. Et lorsque nous Le renions par
nos actes, nous portons en quelque sorte sur Lui nos mains déicides.
Enfin la Sainte Écriture
nous enseigne que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été livré à la mort par
son Père et par Lui-même. Le Prophète Isaïe fait dire à Dieu le Père:
Je L’ai frappé à cause du crime de mon peuple. Et, quelques
lignes plus haut, le même Prophète plein de l’Esprit de Dieu, voyant
dans l’avenir le Sauveur couvert de plaies et de blessures, s’écriait:
Nous nous sommes tous égarés comme des brebis. Chacun de nous a suivi
sa voie, et le Seigneur a mis sur Lui les iniquités de nous tous.
Puis en parlant de Dieu le Fils, il dit: S’Il sacrifie sa vie pour
le péché, Il verra une longue postérit. Et l’Apôtre Saint Paul
confirme cette vérité par des paroles encore plus décisives, tout en
voulant nous montrer d’ailleurs ce que nous avons à espérer de la
Miséricorde et de la Bonté infinie de Dieu: Celui, dit-il, qui n’a
pas épargné son Propre Fils, mais qui L’a libéré pour nous tous,
comment, avec Lui, ne nous aurait-il pas aussi donné toutes choses ?
§ IV. — DOULEURS DE JÉSUS-CHRIST DANS SON CORPS
ET DANS SON AME.
Ici le Pasteur devra
expliquer combien furent cruelles les douleurs de la Passion. Hélas !
nous n’avons qu’à nous rappeler cette sueur qui coulait du corps du
Sauveur jusqu’à terre en gouttes de sang, à la pensée des tortures et
des supplices qui L’attendaient pour comprendre qu’il était impossible
de rien ajouter à de pareilles souffrances. Car si la seule pensée des
tourments qui Le menaçaient fut assez douloureuse pour exciter en Lui
une sueur de sang, que ne souffrit-Il pas lorsqu’Il les endura
réellement ? Il est donc bien certain que notre Seigneur Jésus-Christ
ressentit dans son Corps et dans son Ame les plus cruelles douleurs.
Et d’abord il n’y eut
aucune partie de son Corps qui n’éprouvât des tourments extrêmes. Ses
pieds et ses mains furent cloués à la Croix, sa tête fut percée par la
couronne d’épines et frappée à coups de roseau ; son visage fut souillé
de crachats, et meurtri par les soufflets ; tout son Corps enfin fut
battu de verges.
Ce n’est pas tout. Des
hommes de tous rangs et de toutes conditions conspirèrent contre le
Seigneur et contre son Christ. Juifs et Gentils furent également les
instigateurs, les auteurs et les ministres de sa Passion. Judas Le
trahi. Pierre Le renia. tous ses autres disciples L’abandonnèrent.
Voyons-Le maintenant sur la
Croix. Faut-il déplorer la cruauté, ou l’ignominie d’un tel supplice, ou
ces deux choses ensemble ? Certes, on ne pouvait inventer un genre de
mort ni plus honteux, ni plus douloureux. Il était réservé aux grands
criminels, aux derniers des scélérats, et la lenteur de la mort y
rendait encore plus aigu le sentiment des douleurs les plus violentes.
Mais ce qui augmentait
également l’intensité de ses souffrances, c’était la constitution et les
qualités même du Corps de Jésus-Christ. Formé par l’opération du
Saint-Esprit ce Corps était incomparablement plus parfait et plus
délicatement organisé que celui des autres hommes. Voilà pourquoi aussi
sa sensibilité était beaucoup plus vive, et Lui faisait ressentir plus
profondément tous ces tourments.
Quant aux souffrances
intimes de l’âme, personne ne peut douter qu’elles n’aient été extrêmes
en Jésus-Christ. Lorsque les Saints avaient à subir des persécutions, ou
étaient livrés aux supplices, leur âme recevait de Dieu des consolations
ineffables qui les ranimaient au milieu des tourments et leur donnaient
la force d’en supporter patiemment toutes les rigueurs. On en vit même
quelquefois qui éprouvaient alors dans leur cœur la joie la plus vive.
Je me réjouis, disait l’Apôtre , dans les maux que j’endure pour
vous, et je complète dans ma chair ce qui manque aux souffrances de
Jésus-Christ, en souffrant moi-même pour son Corps qui est l’Église.
Et ailleurs : Je suis rempli de consolations, et je surabonde de
joie dans toutes mes tribulations. Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ
voulut boire le calice amer de sa Passion, sans mélange d’aucune
douceur. Bien plus, Il laissa goûter, en quelque sorte, à la nature
humaine dont Il s’était revêtu, toute la rigueur des tourments, comme
s’Il n’avait été qu’un homme, et non pas un Dieu.
§ V. — FRUITS DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST.
Arrivé ici le Pasteur n’a
plus qu’à expliquer — mais avec soin — les avantages et les biens que la
Passion du Sauveur nous a procurés.
En premier lieu,
Jésus-Christ par ses souffrances nous a délivrés du péché. Il nous a
aimés, dit Saint Jean et Il nous a lavés de nos péchés dans son
sang. Et encore, comme dit l’Apôtre , Il nous a fait revivre avec
Lui, nous remettant tous nos péchés, effaçant l’arrêt de condamnation
écrit et porté contre nous, l’abolissant et l’attachant à la Croix.
Ensuite Il nous a arrachés
à la tyrannie du démon. Voici maintenant le jugement du monde,
dit le Sauveur Lui-même , et le prince de ce monde va en être chassé,
et Moi, quand j’aurai été élevé de la terre, J’attirerai tout à Moi.
En troisième lieu, Il a
payé la peine qui était due pour nos péchés.
De plus, comme on ne
pouvait offrir à Dieu un sacrifice qui fût plus digne ou plus agréable,
Il nous a réconciliés avec son Père , Il L’a apaisé, et nous L’a rendu
favorable.
Enfin, en enlevant nos
péchés, Il nous a ouvert la porte du ciel que le péché commun à tous les
hommes avait fermée. C’est ce que l’Apôtre nous marque bien dans ces
paroles: Nous avons la confiance d’entrer dans le Sanctuaire, par le
Sang de Jésus-Christ. Et l’Ancien testament ne manquait pas de
symboles et de figures qui exprimaient la même vérité. Ainsi les
citoyens qui ne pouvaient rentrer dans leur pays qu’à la mort du grand
prêtre, étaient l’image des Justes à qui l’entrée dans la Céleste Patrie
était interdite, malgré toute leur sainteté, jusqu’à la Mort du
Souverain et Eternel Pontife, Jésus-Christ. Mais depuis que le
Rédempteur l’a subie, cette Mort, les portes du ciel sont ouvertes à
tous ceux qui, purifiés par les Sacrements, et possédant la Foi,
l’Espérance et la Charité, deviennent participants des mérites de sa
Passion.
Le Pasteur montrera que
tous ces avantages, tous ces divins Bienfaits nous viennent de la
Passion de notre seigneur. En premier lieu, parce que sa mort fut une
satisfaction pleine et entière qui Lui fournit le moyen admirable de
payer à Dieu son Père toute la dette de nos péchés. Et ce prix qu’Il
paya pour nous, non seulement égale notre obligation, mais lui est
infiniment supérieur. En second lieu, parce que le sacrifice de la Croix
fut infiniment agréable à Dieu. A peine Jésus-Christ l’eut-Il offert que
la colère et l’indignation de son Père furent entièrement apaisées.
Aussi l’Apôtre a-t-il soin de nous faire remarquer que la Mort du
Sauveur fut un vrai Sacrifice Jésus-Christ nous a aimés, dit-il, et
Il s’est livré Lui-même pour nous en s’offrant à Dieu comme une Victime
et une Oblation d’agréable odeur. En troisième lieu, enfin, parce
que la Passion fut pour nous cette Rédemption dont parle le prince des
Apôtres, quand il dit : ce n’est ni par l’or ni par l’argent
corruptibles que vous avez été rachetés de la vanité de votre vie, que
vous avez héritée de vos pères, mais par le Sang précieux de l’Agneau
Saint et Immaculé, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et Saint Paul dit à
son tour : Jésus-Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi,
en devenant malédiction pour nous.
Outre ces avantages si
précieux, la Passion nous en fournit encore un autre d’un prix
inestimable. Elle met sous nos yeux les exemples les plus frappants de
toutes les vertus: la patience, l’humilité, une charité admirable, la
douceur, l’obéissance, un courage surhumain à souffrir pour la justice,
non seulement des douleurs, mais la mort elle-même. Et nous pouvons dire
en vérité, que notre Sauveur, dans le seul jour de sa Passion, voulut
représenter en Lui toutes les vertus dont Il avait recommandé la
pratique pendant le cours entier de sa prédication.
Voilà ce que nous
avions à dire ici sur la Passion et la Mort si salutaires de
Notre-Seigneur Jésus-Christ ! Puissions-nous méditer sans cesse ces
mystères au fond de nos cœurs ! Puissions-nous apprendre par là à
souffrir, à mourir, à être ensevelis avec ce divin Sauveur ! C’est alors
que purifiés des souillures du péché, et ressuscitant avec Lui à une vie
nouvelle, nous mériterons, par sa Grâce et par sa Miséricorde, de
participer un jour à la gloire de son Royaume céleste.
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