Vous ne convoiterez
point la maison de votre prochain, et vous ne désirerez point sa
femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni
rien de ce qui lui appartient.
La première chose à
remarquer dans ces deux derniers Commandements, c’est qu’ils nous
donnent pour ainsi dire, le moyen infaillible de garder tous les
autres. Car ils ont pour objet et pour fin de prescrire à celui qui
veut fidèlement observer les Commandements précédents, d’éviter avec
le plus grand soin les désirs déréglés. Celui qui ne convoite rien,
est content de ce qu’il possède, il ne désire point le bien des
autres, il se réjouit de leurs avantages, rend gloire au Dieu
immortel, et lui témoigne les plus vives actions de grâces ; il
observe le Sabbat, c’est-à-dire, qu’il jouit d’un repos perpétuel,
il respecte ses supérieurs, et enfin il ne blesse personne ni en
paroles, ni en actions, ni d’aucune autre manière. La convoitise est
la racine et la source de tous les maux, et ceux dont elle enflamme
les passions se précipitent dans tous les désordres et dans tous les
crimes.
Ces réflexions ne
peuvent que rendre le Pasteur plus zélé à expliquer ces deux
Commandements, et les fidèles plus attentifs à l’écouter et à le
suivre.
Nous avons réuni ces
deux préceptes parce qu’ils se ressemblent du côté de leur objet, et
que la manière de les expliquer est la même ; cependant le Pasteur
pourra les traiter ensemble ou séparément, selon qu’il le trouvera
plus commode pour ses exhortations et ses instructions. Mais s’il a
entrepris d’expliquer en détail le Décalogue, il devra montrer la
différence réelle de ces deux Commandements et des deux genres de
convoitise qu’ils condamnent. C’est ce que Saint Augustin met très
bien en lumière dans son Livre des Questions sur l’Exode .
§ I. — DIFFÉRENCE ET NÉCESSITÉ DE CES DEUX
COMMANDEMENTS.
L’une des convoitises
dont nous parlons ne voit et ne cherche que ce qui est utile et
avantageux, l’autre court après le plaisir et la volupté. Celui qui
désire la maison ou la terre de son voisin, poursuit ce qui est
utile et profitable plutôt que la volupté. Au contraire celui qui
désire la femme d’autrui, cherche le plaisir et non pas l’utilité.
Ces deux Commandements
étaient nécessaires. En voici la double raison: la première, c’est
qu’il fallait expliquer le sens du dixième et du septième précepte.
Sans doute, en voyant l’adultère défendu, on pouvait en conclure,
avec les seules lumières naturelles, qu’il est défendu également de
désirer la femme d’un autre ; car il est permis d’user de ce que
l’on peut désirer sans crime. Cependant la plupart des Juifs,
aveuglés par le péché, ne pouvaient se persuader que Dieu eût fait
cette défense. Et même un bon nombre d’entre eux, qui se donnaient
comme interprètes de la Loi, et qui par conséquent devaient bien la
connaître, étaient tombés dans cette erreur, comme on peut le voir
par ces paroles de Notre-Seigneur dans Saint Matthieu : « Vous
savez qu’il a été dit aux Anciens vous ne commettrez point
d’adultères ; mais moi, je vous dis... etc. ».
La seconde raison [de
la nécessité de ces deux Commandements] c’est qu’ils défendent d’une
manière claire et distincte des choses que le sixième et le septième
ne défendaient que d’une manière générale. Ainsi, par exemple, le
septième Commandement défend de désirer injustement ou de ravir le
bien d’autrui ; mais ici il est défendu de le désirer de quelque
manière que ce soit, même si l’on pouvait l’acquérir justement et
légitimement, dés que cette acquisition pourrait causer quelque
dommage au prochain.
Avant d’en venir à
l’explication de ce 9° et 10° précepte, il faudra, avant toutes
choses, faire remarquer ana fidèles non seulement qu’ils nous
obligent à réprimer nos convoitises, mais encore à reconnaître
l’infinie bonté de Dieu envers nous. Par les Commandements
précédents, II nous avait entourés comme d’une sorte de garde pour
nous mettre, nous et nos biens, à l’abri des violences du prochain ;
par ces deux derniers, II nous défend contre nous-mêmes et contre
nos convoitises mauvaises, qui ne pouvaient manquer de nous nuire,
s’il nous eût été loisible de tout désirer et de tout souhaiter. Dès
lors par le seul fait que Dieu nous défend la convoitise,
l’aiguillon des passions malsaines qui nous pousse d’ordinaire à
toute sorte d’actions répréhensibles, se trouve émoussé pour ainsi
dire ; il nous presse moins, et délivrés de ses sollicitations
importunes, nous avons plus de temps pour remplir les devoirs
nombreux et si importants que la Religion et la piété nous
prescrivent envers Dieu.
Et ce n’est pas là
seulement ce que ces deux Commandements nous apprennent. ils nous
montrent encore que la Loi de Dieu, pour être observée comme il
convient, non seulement exige l’accomplissement extérieur du devoir
mais encore les sentiments intimes de l’âme. Et c’est ce qui met une
grande différence entre les lois humaines et les lois divines. Les
premières se contentent des actes extérieurs, les secondes, par cela
même que « Dieu voit au fond du cœur », demandent, avec la
préparation de l’âme, une grande pureté et intégrité de cœur.
La Loi de Dieu est donc
comme un miroir où nous apercevons les vices de notre nature. Ce gui
a fait dire à l’Apôtre : « Je n’aurais point connu la
concupiscence, si la Loi ne m’avait dit: vous ne convoiterez point. »
En effet la concupiscence, qui est comme le foyer du péché, et qui
tire son origine du péché même, demeure perpétuellement fixée en
nous ; et c’est ce qui nous fait sentir que nous naissons dans le
péché. Dès lors nous recourons en suppliants à Celui qui peut seul
en laver les souillures.
Autre reste ces deux
Commandements ont cela de commun avec les huit autres, qu’ils sont
tout à la fois positifs et négatifs ; ils commandent et ils
défendent. Et pour bien les faire comprendre, le Pasteur doit les
expliquer séparément.
§ II. — QU’EST-CE QUE LA CONCUPISCENCE
Il ne faut pas
s’imaginer que ce précepte condamne tous les désirs, ni qu’il
considère comme vicieuse une concupiscence qui ne l’est pas. « L’esprit
convoite contre la chair », dit Saint Paul ; David « désirait
en tout temps les ordonnances de Dieu avec la plus vive ardeur »
. Le Pasteur devra donc faire connaître aux Fidèles quelle est cette
concupiscence qui est ici défendue.
Il faut entendre par ce
mot, comme un mouvement, un élan de l’âme qui nous porte vivement à
désirer les choses agréables que nous n’avons pas. Et de même que
les autres mouvements de notre âme ne sont pas nécessairement et
perpétuellement mauvais, de même l’ardeur de la concupiscence n’est
pas nécessairement vicieuse. Ainsi ce n’est pas un mal de désirer de
manger et de boire, de se chauffer quand on a froid, ou de chercher
le froid quand on a chaud. Il faut dire au contraire que ces désirs
sont bons en eux-mêmes, car c’est Dieu qui les a mis en nous. Mais
le péché de nos premiers parents a dépravé ces désirs légitimes, ils
se sont élancés au-delà des bornes naturelles, et maintenant ils
nous poussent trop souvent à convoiter des choses que l’esprit et la
raison condamnent.
Toutefois, si nous
savons modérer cette ardeur et la contenir dans les justes limites,
elle nous devient souvent très utile. D’abord, elle est cause que
nous adressons à Dieu des prières assidues, pour Lui demander
humblement et instamment ce que nous désirons le plus. La prière est
l’interprète naturel de nos désirs, et si cet élan légitime
n’existait pas, les prières ne seraient pas si nombreuses dans l’Eglise
de Dieu.
Ensuite elle nous rend
plus chers et plus précieux les dons de Dieu ; car plus nous
désirons une chose avec ardeur, plus l’objet de notre désir nous
devient cher et agréable lorsque nous l’avons obtenu.
Enfin le plaisir même
que nous procure la chose désirée lorsque nous la possédons, nous
porte à remercier Dieu avec une piété beaucoup plus grande. Si donc
il est quelquefois permis de convoiter, nous sommes obligés d’avouer
que tout élan de convoitise n’est point défendu. Et quoique l’Apôtre
Saint Paul dise que « la convoitise est un péché » , il faut
entendre cette parole dans le sens que lui donne Moise, puisqu’il
cite son témoignage. D’ailleurs lui-même laisse voir clairement
qu’il pense de même. Dans son Epître aux Galates, il appelle cette
convoitise « la convoitise de la chair. Conduisez-vous,
dit-il, par le mouvement de l’esprit, et vous n’accomplirez point
les désirs de la chair. »
On ne défend donc point
ici ce désir naturel et modéré, qui ne sort point de ses limites, et
bien moins encore cette convoitise toute spirituelle d’une âme pure,
qui nous fait soupirer après les choses qui combattent la chair. nos
Saints Livres eux-mêmes nous y exhortent. « Désirez mes
entretiens, » et encore: « venez à Moi, vous tous qui Me
désirez avec ardeur. » Ainsi ce que Dieu nous interdit dans ce
Commandement, ce n’est pas cette puissance même de convoiter dont
nous pouvons user pour le bien et pour le mal, mais bien l’exercice
de cette convoitise déréglée que l’on appelle la concupiscence de
la chair, et le foyer du péché ; convoitise qui nous rend
toujours coupables, dés que notre cœur y donne son consentement.
§ III. — QUELLE EST LA CONVOITISE QUI EST ICI
DÉFENDUE
Dieu défend donc ici
uniquement cette ardeur de convoitise que l’Apôtre appelle
concupiscence de la chair, c’est-à-dire ces élans de désirs qui
ne sont point modérés par la raison, et qui ne restent point dans
les limites que Dieu a établies. Cette convoitise est réprouvée, ou
parce qu’elle désire le mal, comme l’adultère, l’intempérance,
l’homicide, et autres crimes abominables dont l’Apôtre a dit: « ne
nous livrons point aux mauvais désirs, comme les Juifs s’y
livrèrent ; » ou parce que, si les choses que l’on désire ne
sont pas mauvaises de leur nature, il est cependant défendu de les
désirer pour d’autres motifs
telles sont les choses
que Dieu et l’Eglise nous défendent de posséder. Car il ne peut nous
être permis de désirer ce qu’il ne nous est point permis de
posséder. tels furent, dans la Loi de Moise, l’or et l’argent dont
les idoles étaient faites, et que Dieu, dans le Deutéronome,
défendait aux Juifs de convoiter.
Une troisième raison
qui rend cette convoitise coupable et absolument défendue, c’est
lorsqu’elle désire des choses qui appartiennent à autrui, comme sa
maison, son serviteur, sa servante, son champ, sa femme, son bœuf,
son âne et tous les autres biens que la Loi de Dieu nous défend de
convoiter, uniquement parce qu’ils ne sont pas à nous.
Le désir de toutes ces
choses est criminel, et il est compté parmi les péchés les plus
considérables, lorsque le cœur y donne son consentement formel. Car
le péché excité par les désirs déréglés de la concupiscence, prend
plaisir au mal, soit qu’il l’approuve, soit seulement qu’il n’y
résiste point. Ainsi l’enseigne l’Apôtre Saint Jacques, dans ce
texte célèbre Où il nous montre l’origine et le progrès du péché:
« Chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l’emporte et
l’attire. Ensuite, quand la concupiscence produit son effet, cet
effet est le péché, et le péché, lorsqu’il est accompli, produit la
mort. »
Ainsi donc, quand la
Loi nous dit: Vous ne convoiterez point, elle nous dit. En d’autres
termes, d’éloigner nos désirs de tout ce qui ne nous appartient pas.
Car la soif du bien du prochain est immense, infinie, et jamais
rassasiée, ainsi qu’il est écrit: « l’avare ne sera jamais
rassasié d’argent », ce qui a fait dire à Isaïe: « Malheur à
vous qui joignez maison à maison, et un champ à un autre ! »
Mais chacun des termes
du précepte veut être expliqué séparément. Ainsi l’on comprendra
mieux la laideur et l’énormité du péché dont nous parlons.
§ IV. — DIFFÉRENTES ESPÈCES DE BIEN D’AUTRUI
QUE L’ON NE DOIT PAS DÉSIRER.
Le Pasteur enseignera
aux Fidèles que ce mot de maison désigne non seulement le lieu ou
l’on habite, mais en général tous les biens que l’on possède. C’est
dans ce sens que les Ecrivains sacrés l’ont employé le plus
ordinairement. Ainsi il est dit dans l’Exode: « Dieu bâtit des
maisons aux sages femmes. » Ces paroles signifient évidemment
que Dieu étendit et augmenta leurs biens. Cette interprétation du
mot maison nous montre que la Loi de Dieu nous défend de désirer
avec avidité les richesses, et de porter envie à la fortune, à la
puissance, à la noblesse des autres. Dieu veut que nous soyons
contents de notre condition, quelle qu’elle soit, basse ou élevée.
nous devons voir aussi dans ce mot la défense de désirer la gloire
du prochain, car la gloire fait partie de la maison.
Les mots qui suivent:
le bœuf, l’âne, indiquent qu’il nous est défendu de convoiter
non seulement les choses considérables, comme la maison, la
noblesse, la gloire, parce qu’elles appartiennent à autrui ; mais
même les petites, et n’importe lesquelles, animées ou inanimées.
Vient ensuite le mot
serviteur. Il faut l’entendre aussi bien des captifs que des
serviteurs de toutes sortes et autrefois des esclaves ; nous n’avons
pas le droit de les convoiter, pas plus que ce qui appartient à un
autre. Quant aux hommes libres qui servent volontairement, soit par
intérêt, soit par affection ou par dévouement, on ne doit rien
employer, ni paroles, ni craintes, ni promesses, ni argent pour les
corrompre et les engager à quitter ceux à qui ils se sont
spontanément attachés. Et même s’ils viennent à les quitter avant le
temps qu’ils avaient promis de rester à leur service, il faut les
avertir que ce précepte leur fait une obligation formelle de rentrer
chez leurs maîtres.
Que si, dans ce même
précepte, il est fait mention du prochain, — c’est pour rendre plus
évident le mauvais penchant des hommes qui ont l’habitude de jeter
leurs désirs sur les terres, les maisons ou toute autre chose qui
les touche. Et en effet le voisinage, qui est d’ordinaire un des
éléments de l’amitié, devient souvent une source de haines par le
dérèglement de la cupidité.
Toutefois, ce n’est pas
violer ce Commandement que de désirer d’acheter des objets que nos
voisins ont à vendre, ou de les acheter à leur juste pria. non
seulement nous ne faisons point tort au prochain en agissant de la
sorte, mais nous lui rendons un grand service, puisque l’argent
qu’il reçoit lui sera plus avantageux et plus commode que ce qu’il
met en vente.
§ V. — IL EST DÉFENDU DE DÉSIRER LA FEMME DE
SON PROCHAIN.
Après la Loi qui nous
défend de désirer en général le bien d’autrui, vient celle qui nous
interdit de convoiter sa femme. Cette Loi n’atteint pas seulement la
passion coupable qui fait désirer la femme d’un autre en vue de
l’adultère, mais encore le simple désir de l’épouser. Car lorsqu’il
était permis de répudier sa femme, il pouvait arriver facilement que
celle qui était répudiée par l’un, fût épousée par l’autre. Et c’est
pourquoi Notre-Seigneur a voulu porter cette défense, pour que les
maris ne fussent point tentés de laisser leurs femmes, ni les femmes
de se montrer difficiles et fâcheuses afin de mettre leurs maris
dans la nécessité de leur donner le billet de répudiation.
Mais aujourd’hui ce
péché est beaucoup plus grave, puisqu’il est défendu d’épouser une
femme même répudiée, tant que son mari n’est pas mort. Celui qui
aura le malheur de désirer la femme de son prochain, tombera
facilement dans l’un de ces deux crimes, ou de souhaiter la mort du
mari, ou de désirer l’adultère.
Il en faut dire autant
des femmes qui sont fiancées. La Loi de Dieu interdit de les
convoiter, puisque chercher à rompre ces sortes de promesses c’est
fouler aux pieds le plus sacré des engagements.
Cependant si quelqu’un
désirait avoir pour épouse une femme mariée, mais qu’il croirait
libre, et qu’il fût résolu à ne pas la demander en mariage, dans le
cas où il saurait qu’elle est déjà l’épouse d’un autre, cet homme,
avec des intentions telles, ne violerait certainement point le
précepte que nous expliquons. Ce fut le cas, comme nous le voyons
dans l’Ecriture, de Pharaon et d’Abimelech, qui désiraient prendre
Sara pour femme, parce qu’ils ne la croyaient pas mariée, la
regardant comme la sœur, et non comme l’épouse d’Abraham.
§ VI. — CE QUE DIEU ORDONNE PAR CES DEUX
COMMANDEMENTS.
Pour faire connaître
aux Fidèles les remèdes que Dieu a préparés pour détruire l’effet de
nos convoitises mauvaises, le Pasteur devra leur expliquer la
seconde disposition de la Loi. Or, d’après cette disposition, « si
les richesses abondent dans notre maison, nous ne devons pas
attacher notre cœur ». Au contraire nous devons être prêts à
les sacrifier dans l’intérêt de la Foi et de notre Salut. De même
nous devons nous en servir généreusement pour venir en aide à la
détresse du pauvre. Mais si les biens de la fortune nous manquent,
nous saurons supporter de bon cœur et même avec joie notre
indigence. D’ailleurs, si nous nous dépouillons charitablement de ce
qui nous appartient, nous aurons bientôt éteint en nous le désir de
ce qui ne nous appartient pas.
Ajoutons que le Pasteur
trouvera facilement, soit dans l’Ecriture Sainte, soit dans les
Pères tout ce que l’on peut dire au peuple sur l’éloge de la
pauvreté et sur le mépris des richesses.
Cette Loi nous ordonne
également de désirer de tout notre cœur et avec la plus vive ardeur
l’accomplissement, non de nos propres vœux, mais de la volonté de
Dieu, ainsi qu’il est dit dans l’Oraison Dominicale. Or la volonté
de Dieu, c’est que nous travaillions d’une manière toute
particulière à devenir des saints ; que nous conservions la
sincérité du cœur, avec une pureté parfaite ; que nous nous
exercions à ces œuvres de l’esprit, qui sont contraires à celles des
sens ; qu’après avoir dompté nos appétits, nous suivions toujours le
droit chemin en toutes choses, avec la lumière et le jugement de la
saine raison ; et que enfin, nous sachions réprimer vigoureusement
tout sentiment qui pourrait devenir une occasion funeste pour nos
convoitises et nos passions.
Or, pour éteindre cette
ardeur des passions, il nous sera très utile de considérer
attentivement les inconvénients qui en sont la suite.
Le premier de ces
inconvénients, c’est que, si nous obéissons à nos convoitises
déréglées, le péché dominera dans notre âme, avec toute sa puissance
et toute sa tyrannie. Voilà pourquoi l’Apôtre nous fait cette
recommandation: « Que le péché ne règne point dans votre corps
mortel, en sorte que vous obéissiez à ses mauvais désirs. » De
même, en effet, qu’en résistant aux passions, on détruit la force du
péché, de même en y succombant, on chasse le Seigneur de son
royaume, pour installer le péché à sa place.
Le second inconvénient,
c’est que la concupiscence est comme une source intarissable qui
donne naissance à tous les autres péchés, ainsi que nous l’enseigne
l’Apôtre Saint Jacques ; et Saint Jean dit de son côté: « Tout
ce qui est dans le monde, est concupiscence de la chair,
concupiscence des yeux, et orgueil de la vie. »
Le troisième, c’est que
les passions mauvaises obscurcissent la raison et faussent le
jugement. Les hommes sont aveuglés par les ténèbres de la
convoitise, dès lors, tout ce qu’ils désirent devient pour eux
honnête et parfait.
Enfin, cette même
convoitise étouffe en nous la parole que Dieu Lui-même — ce grand
cultivateur — a déposée dans nos âmes. « Le grain semé dans les
épinces, dit Saint Marc, est la figure de ceux qui entendent la
parole et qui la laissent étouffer par les maux de la vie, par
l’illusion des richesses, et par tous les effets des passions ; ce
qui fait qu’elle ne porte aucun fruit. »
§ VII. — QUI SONT CEUX QUI PÈCHENT CONTRE CES
DEUX COMMANDEMENTS.
Le Pasteur ne manquera
pas de dire, en terminant cette explication, qui sont ceux qui ont
le plus à lutter contre leurs convoitises criminelles, et que par
conséquent il doit exhorter le plus à observer ce précepte.
Ce sont ceux qui se
plaisent à des divertissements indécents, ou qui se livrent sans
modération aux jeux même permis ; les marchands, qui désirent la
disette, ou la cherté des marchandises, qui voient avec chagrin
qu’ils ne sont pas les seuls pour acheter et pour vendre, ce qui
leur permettrait de vendre plus cher et d’acheter à plus bas prix ;
ceux qui souhaitent que leurs semblables soient dans la misère, afin
de réaliser du profit soit en leur vendant, soit en leur achetant ;
les militaires qui demandent la guerre pour avoir la licence de
voler et de piller ; les médecins qui désirent des malades ; les
hommes de loi qui réclament des causes, et des procès importants et
nombreux ; les ouvriers qui voudraient qu’il y eût rareté et disette
de tout ce qui est nécessaire à la nourriture et à l’entretien, pour
gagner davantage.
Sont encore très
coupables en ce genre ceux qui sont désireux et avides de la gloire
et de la considération des autres, et qui ne se privent pas de les
attaquer par la calomnie ; surtout s’ils sont eux-mêmes des êtres
lâches et sans mérite, car la considération et la gloire sont le
prix de la vertu et du talent, et non celui de la lâcheté ou de la
paresse.
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