Catherine d’Alexandrie
Vierge, Martyre et Sainte

Gertrude la Grande avait eu dès l'enfance un attrait spécial pour la glorieuse vierge Catherine ; un jour qu'elle désirait connaître ses mérites, le Seigneur la lui montra sur un trône si haut et si magnifique, que, n'y eût-il pas eu de plus grande reine dans le ciel, la gloire de celle-ci aurait semblé suffire à le remplir; de sa couronne rejaillissait sur ceux qui l'honoraient une merveilleuse splendeur [1]. On sait comment la Pucelle d'Orléans, placée par Michel Archange sous la conduite des saintes Catherine et Marguerite, reçut d'elles conseil et assistance durant sept années ; comment Sainte-Catherine-de-Fierbois fournit l'épée de la libératrice de la France.

Les croisés d'Occident avaient, dans les XIIe et XIIIe siècles, éprouvé l'aide puissante de la Martyre d'Alexandrie; ils rapportèrent d'Orient son culte en nos contrées, où lui fut vite acquise une popularité sans pareille. Un Ordre de chevalerie était fondé pour protéger les pèlerins qui allaient vénérer son saint corps au Mont Sinaï. Sa fête, élevée à la dignité de la première classe, comportait l'abstention des œuvres serviles en beaucoup d'églises. Les philosophes chrétiens, les écoliers, les orateurs et procureurs l'honoraient comme patronne ; le doyen des avocats fut appelé bâtonnier en raison du privilège qui lui appartenait de porter sa bannière ; tandis que les jeunes filles, organisées en confréries de Sainte-Catherine, estimaient à grand honneur le soin d'orner l'image de leur Sainte vénérée. Comptée parmi les Saints auxiliateurs à titre de sage conseillère, elle voyait beaucoup d'autres corporations se réclamer d'elle, sans autre motif plausible que l'expérience faite par tous de son crédit universel auprès du Seigneur. Ses fiançailles avec le divin Enfant, d'autres traits de sa Légende, fournirent à l'art chrétien d'admirables inspirations.

Cependant le sage et pieux Baronius regrettait déjà de son temps que, sur quelques points, les Actes de la grande Martyre d'Orient donnassent prise aux doutes dont devait s'emparer la critique outrée des siècles suivants pour amoindrir la confiance des peuples [2]. Au grand honneur de la virginité chrétienne,il n'en reste pas moins qu'acclamée par élèves et maîtres en la personne de Catherine, elle présida dans la vénération et l'amour au développement de l'esprit humain et de la pensée, durant ces siècles où resplendirent comme des soleils les Albert le Grand, les Thomas d'Aquin, les Bonaventure. Heureux les purs de cœur ! car ils verront Dieu [3]. « Il faut, disait Méthodius, l'évêque martyr du IIIe siècle, en son Banquet des vierges, il faut que la vierge aime d'amour les saines doctrines, et qu'elle tienne une place honorable parmi ceux que distingue leur sagesse [4]. »

Lisons la Légende abrégée de Catherine dans le livre de la sainte Église.

Catherine, noble vierge d'Alexandrie, unit des le premier âge l'étude des arts libéraux et l'ardeur de la foi. Telle fut bientôt la perfection de sa science comme de sa sainteté, qu'à dix-huit ans elle l'emportait sur les plus instruits. Or, en ce temps, beaucoup de chrétiens étaient par ordre de Maximin soumis pour leur religion à divers tourments et conduits à la mort ; ce que voyant, la vierge alla trouver sans hésiter Maximin lui-même, lui reprocha ses cruautés impies, et démontra par de très sages raisons que la foi dans le Christ était nécessaire au salut.

Maximin, admirant sa prudence, la fit retenir ; et mandant de tous côtés les plus savants personnages, il promit de grandes récompenses à quiconque par raisonnement détournerait Catherine de la foi au Christ et l'amènerait au culte des idoles. Mais ce fut le contraire qui arriva. Car beaucoup de 'philosophes, qui s'étaient rassemblés dans le but de la convaincre, furent parla force et l'habileté de son argumentation embrasés d'un si grand amour de Jésus-Christ, qu'ils n'hésitèrent pas à mourir pour lui. Maximin donc, ayant essayé des flatteries et des promesses près de Catherine, et comprenant qu'il perdait sa peine, la fit battre et meurtrir avec des fouets garnis de plomb, puis enfermer onze jours en prison sans nourriture ni rien pour apaiser sa soif.

La femme de Maximin et Porphyre, chef de la milice, étant alors venus voir la vierge en sa prison, furent convertis par ses paroles à Jésus-Christ, et ensuite couronnés du martyre. Cependant Catherine est tirée du cachot : on produit une roue garnie de glaives nombreux et acérés  qui doit mettre en pièces  cruellement le corps de la vierge ; mais bientôt, Catherine priant, la roue se brise, et  le prodige amène à la foi beaucoup de monde. Pour Maximin, plus obstiné toujours dans l'impiété et dans la cruauté, il commande de frapper Catherine de la hache. Ce fut le sept des calendes de décembre que la Sainte, présentant courageusement la tête au  bourreau, s'envola pour recevoir la double récompense de la virginité et du martyre. Les  Anges transportèrent miraculeusement son corps en Arabie et le déposèrent au Mont Sinaï.

Nombreuses furent les compositions liturgiques inspirées à l'Occident par la fête de ce jour. Nous nous bornons à emprunter celle-ci au Graduel de Saint-Victor, en la faisant suivre d'un beau et touchant Répons conservé par les Frères Prêcheurs [5].


[1] Legatus divinae pietatis, IV, LVII.

[2] Baron. Annal, ad ann. 307.

[3] Mt. V, 8.

[4] Method. Conviv. Oratio I, 1.

[5] Troisième Répons du II° Nocturne de la fête.

 

 

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