5-1-Que se passait-il en France?
Il est temps de
revenir en France, et de faire un retour en arrière, dans le
temps. Il suffit d'énoncer ce qui suit, pour comprendre le drame
que vivait la France. D'abord la Régence difficile qui suivit la
mort de Louis XIII; puis la Fronde du Parlement, et la Fronde
des Princes en 1649, frondes suivies d'une grande confusion.
Ainsi, le jeune Louis XIV ne put rentrer à Paris que le 21
octobre 1652, et Mazarin le 2 février 1653. Il est clair que la
situation intérieure de la France ne lui permettait pas de
s'occuper du Canada. Par ailleurs, la querelle janséniste se
développait, et du 23 janvier 1656 au 24 mars 1657, Pascal
écrivait ses Provinciales dirigées surtout contre le
"laxisme" des Jésuites.
5-2-Et au Canada?
Nous avons vu plus
haut, qu'à la même époque, en 1654, Mère Marie-Catherine de
Saint-Augustin avait été choisie pour être la "Dépositaire" avec
la charge de conduire le chantier du nouvel Hôtel-Dieu, avec les
problèmes financiers que cela suppose. Les tentations
d'impureté, contre la charité et la persévérance l'accablaient
de plus en plus. En 1657, il y eut une grande grâce pour les
Hospitalières qui eurent la joie d'admettre au noviciat une
petite huronne Geneviève-Agnès Skannudharoua, de quatorze ans.
Mais après huit mois de postulat la petite Geneviève-Agnès tomba
gravement malade: on hâta sa prise d'habit, puis on lui fit
prononcer ses vœux, in articulo mortis. Trois jours plus tard,
le 3 novembre 1657 elle mourut, dans la joie...
Le 23 avril 1658,
les rescapés, dont le Père Ragueneau, du massacre de la mission
Sainte-Marie de Gannentaha chez les Iroquois, arrivèrent à
Québec. Pendant que Mère Catherine souffrait et travaillait dur
dans sa mission de religieuse hospitalière, que se passait-il
dans le pays? Nous avons vu que François-Xavier de
Montmorency-Laval, avait été sacré évêque pour le Canada, le 8
décembre 1658; il arrivera à Québec le 9 juin 1659, avec
plusieurs personnalités, dont M. de Mésy, destiné aux services
administratifs pour l'organisation du pays. Hélas! M. de Mésy
fut une charge terrible pour Mgr de Laval... Nous sommes
maintenant en 1664. M. de Mésy, très malade, se rend compte du
mal qu'il a fait et demande pardon, à Mgr de Laval, de tous les
ennuis qu'il lui a procurés; puis il meurt dans ses bras.
Pendant ce temps,
M. de Torcy, lieutenant général du roi faisait voile vers le
Canada, après être allé jusqu'en Amérique du Sud pour reprendre
Cayenne aux Hollandais, et être passé dans les Antilles
Françaises afin d'y rétablir l'ordre. Il arriva à Québec le 30
juin 1665, avec quatre compagnies de soldats (1300 hommes) pour
en finir avec les Iroquois. Bientôt arrivèrent de France
d'autres soldats, et près de cinq cents colons et artisans dont
on avait tellement besoin au Canada. La Nouvelle France
allait-elle enfin, connaître la paix?
La Nouvelle France
commença par se réorganiser. Et la condamnation de la traite de
l'eau de vie[1]
fut de nouveau observée. Il restait à fortifier les rives de la
rivière Richelieu contre les Iroquois. Ces fortifications furent
achevées à l'automne 1665; les soldats se préparèrent alors à la
lutte contre les Iroquois qui ne pouvait avoir lieu qu'au
printemps suivant[2].
Bientôt, ce sera la paix avec le cruel ennemi: les Iroquois. En
effet, le 14 septembre 1666, M. de Tracy partit avec son armée
de 1300 hommes, pour combattre les Iroquois. On raconte que le
11 octobre 1666, les Iroquois, pris de panique, s'enfuirent,
laissant leur territoire désert. Tout le temps que dura la
campagne, les gens priaient constamment dans les églises, nuit
et jour, en adoration devant le Saint-Sacrement exposé. Dix-huit
ans de paix suivirent. Sur le plan religieux, il faut citer la
dédicace, le 11 juillet 1666, de la cathédrale de Québec, sous
le vocable de l'Immaculée Conception. L'Église de la
Nouvelle-France est sauvée; elle va pouvoir grandir, se
développer et se fortifier.
Par une faveur
extraordinaire, le Père de Brébeuf, mort martyr, et la Mère
Catherine de Saint-Augustin, "assistèrent" aux cérémonies de la
dédicace de la cathédrale. Catherine, religieuse cloîtrée, ne
pouvait quitter son monastère, mais elle raconte, dans son
Journal, comment elle fut, en esprit, transportée et conduite
par le Père de Brébeuf[3]
qui lui expliquait chacune des phases de la cérémonie. Elle
voyait Jésus "incorporé et uni à Monseigneur l'évêque... et
le Père de Brébeuf lui remettait en mémoire tout ce qu'elle
avait lu, autrefois, de leur signification, et lui en faisait
faire une application..." Ainsi Catherine vécut et comprit
toutes les étapes de la dédicace. Elle poursuit ses explications
en indiquant que Jésus-Christ, Notre-Dame, saint Joseph, les
apôtres et plusieurs autres saints assistaient aux cérémonies.
L'année 1667 sera
pour la Nouvelle France une année de calme. Les Sulpiciens et
les Jésuites pensent à de nouvelles évangélisations.
Marie-Catherine souffre de plus en plus spirituellement et elle
avoue que tout lui est à charge: elle était dans un accablement
extrême et le ciel était fermé... Pourtant son âme était en
paix.
|