Chapitre 3

Saint-Augustin
(354-430)

Saint Augustin, docteur de l’Église catholique romaine,  eut une influence considérable parmi les chrétiens, au cours des siècles. Beaucoup de Protestants le considèrent comme l’un de leurs ancêtres spirituels. Ainsi, Martin Luther, qui fut longtemps un moine augustinien, avait été profondément influencé par les écrits de Saint Augustin. De même, c’est en s’appuyant sur les œuvres de Saint Augustin, et sur ses thèses concernant la grâce de Dieu et la prédestination, que l’université de Louvain se trouva être à l’origine du Jansénisme.

Compte tenu de ces considérations, il est impossible d’écrire une histoire, même succincte, du monastère de Port-Royal, centre du jansénisme en France, pendant de nombreuses années, sans s’arrêter quelques instants sur la vie et l’œuvre de Saint Augustin.

3-1-La vie de Saint Augustin

Aurelius Augustinus, plus connu sous le nom de Saint Augustin d’Hippone, est né le 13 novembre 354, à Tagaste, en Algérie, d’un père païen et d’une mère chrétienne, Monique. Il mourut le 28 août 430, pendant que les Vandales assiégeaient Hippone. On raconte qu'il encourageait ses concitoyens à résister aux attaques des Vandales, parce que ces derniers avaient adhéré à l’hérésie arienne. 

La mère d'Augustin, chrétienne, devenue sainte Monique, eut une grande influence dans la vie de son fils. Elle éleva Augustin chrétiennement, mais elle dut se soumettre à son mari, un païen, qui envoya Augustin étudier à Carthage. Là, Augustin mena une vie de désordre, et engendra un fils illégitime. En même temps, il se convertissait au manichéisme. Vers 376 il alla à Rome pour y enseigner la rhétorique. À partir de 384, devenu apôtre militant du manichéisme, il séjourna à Milan pour y enseigner cette doctrine.

Mais au fond de lui, Augustin n’était pas satisfait. Il commença  à se méfier du manichéisme, jusqu’à y renoncer après avoir  étudié les thèses du néoplatonisme et du scepticisme. En même temps, Augustin était profondément impressionné par l’éloquente ferveur de l’évêque de Milan, saint Ambroise. Pendant deux années, Augustin vécut ainsi dans le doute et l’inquiétude. Soudain, grâce à l’influence de Saint Ambroise, il se décida à revenir  au christianisme... Il fut baptisé à Pâques 387.

Peu de temps après, Augustin revint à Tagaste, où il  vécut une vie quasi monastique avec un groupe d'amis. En 391, alors qu'il visitait Hippone (aujourd’hui Annaba, en Algérie), le peuple le désigna et le choisit, contre son gré, pour devenir un prêtre chrétien, en ce lieu. Dès lors, Augustin ne quitta plus Hippone dont il devint d’abord évêque auxiliaire en 395, puis évêque, peu de temps après.

Augustin avait dû, malgré lui, quitter son monastère; cependant, il continuait à mener la vie monastique dans sa résidence épiscopale, où il rédigea sa célèbre Règle monastique qui fit de lui le patron du clergé régulier, c'est-à-dire des prêtres chargés de paroisses et qui désiraient cependant vivre selon une règle monastique.

Prédicateur célèbre et prolixe: on pense que plus de 350 sermons préservés sont authentiques, Saint Augustin fut également un remarquable combattant contre l’hérésie manichéiste.

Enfin, on ne doit pas oublier que Saint Augustin fut également un exégète biblique compétent et écouté.

3-2-L’œuvre de Saint Augustin

L’œuvre de Saint Augustin est immense, et son influence sur le christianisme fut très importante. Outre ses nombreux sermons, deux de ses œuvres principales: Les Confessions et La Cité de Dieu, ont acquis une renommée mondiale. Par ailleurs, les théories qu’il développa sur le péché originel, la grâce de Dieu et le libre arbitre humain, ont eu une influence considérable sur la théologie chrétienne.

3-2-1-Les Confessions (vers 400)

Les Confessions de Saint Augustin sont en réalité son autobiographie. Saint Augustin y décrit non seulement sa vie, et particulièrement sa jeunesse désordonnée, mais il dénonce ses nombreuses erreurs et expose ce que nous appellerions aujourd’hui sa quête du sens de la vie. 

3-2-2-La Cité de Dieu (après 412)

La Cité de Dieu, c’est d’abord une critique particulièrement acerbe du paganisme, spécialement de celui qui se pratiquait à Rome. Saint Augustin y dénonce également les aberrations de la politique romaine. Il se sens fort, alors, pour présenter et défendre le christianisme, La Cité de Dieu, et réfuter toutes les calomnies dont il était ignominieusement victime.

Dans La cité de Dieu, Saint Augustin considère l'histoire du monde comme la préparation providentielle que Dieu réserve à deux villes mystiques: celle de Dieu et celle du diable. Un jour, toute l’humanité appartiendra à l’une ou à l'autre.

3-2-3-Autres travaux

La plus grande œuvre, purement dogmatique de Saint Augustin, concerne La Trinité. La plupart de ses autres écrits sont des enseignements théologiques ou polémiques. Ce sont des travaux importants en raison de la lumière qu'ils jettent sur la religion des Manichéens. L’étude: Contre Faustus viserait particulièrement celui qui fut son professeur de Manichéisme.

Par ailleurs, Saint Augustin affirmait que l'autorité de l’Église catholique romaine exprimait totalement la foi chrétienne, ses ministres descendant directement des apôtres.

3-3-Les problèmes soulevés par la théologie de la grâce de Dieu et la prédestination

3-3-1-Grâce et prédestination

Saint Augustin lutta très vigoureusement contre le Pélagianisme qui niait le péché originel et la chute de l'humanité. Il  soutenait, au contraire,  que l'humanité était corrompue et délaissée. C’est à partir de ses écrits sur la grâce que naquirent plus tard, les grandes polémiques et controverses sur la grâce et la prédestination. C’est en s’appuyant sur les écrits de Saint Augustin que Luther, puis Calvin et les Jansénistes, développèrent leurs théologies. Pourtant, bien que se référant à Saint Augustin, beaucoup des théologiens protestants et jansénistes, paraissent avoir refusé d'accepter ses plus profondes et vraies convictions concernant la grâce.

3-3-2-La querelle janséniste

Pour bien comprendre la querelle janséniste, il faut se rappeler d’autres débats théologiques auxquels Saint Augustin dut faire face, notamment sur le délicat problème des rapports entre la grâce de Dieu et la liberté de l'homme. Face à Pélage, un moine britannique qui magnifiait la liberté humaine, Augustin insista sur la grâce divine sans laquelle l’homme, indigne, ne pouvait rien faire de bien. Mais, poursuivait Saint Augustin, “en donnant cette grâce efficace, Dieu n'annihile pas la liberté de l'homme”.

Pourtant on a parfois l’impression que Saint Augustin n’est pas toujours sûr de sa propre pensée. Ainsi, on rapporte qu’il aurait affirmé, parlant de la grâce, “que Dieu décide seul de l’accorder ou de ne pas l’accorder, sans se soucier ni des bonnes, ni des mauvaises œuvres pratiquées par les hommes, car la faute originelle d’Adam réduit leur libre arbitre.”

Ces paroles sont terribles... Mais Saint Augustin a-t-il vraiment affirmé cela, ou s’agit-il d’une mauvaise  interprétation de sa pensée?

Très important

Quoi qu’il en soit, Augustin a dû sentir que quelque chose n’avait pas été très clair dans l’expression de sa doctrine. En effet, et cela est très important,  à la fin de sa vie, vers 426 ou 428, Saint Augustin revisita l’ensemble de son œuvre. Il laissa alors entendre, dans un ouvrage intitulé Les Rétractations, qu’à ce moment, (au moment où il écrivait Le Rétractations), il dirait différemment ce qu'il avait dit et affirmé précédemment. Cela nous donne une idée remarquable de l’honnêteté de l’auteur. Mais cela nous montre également que toute pensée humaine est susceptible d’évoluer, même chez les plus grands saints. Et que, si l’on se réfère à un auteur, il convient de prendre en compte l’ensemble de sa pensée et de son évolution, voire de ses recherches et de ses incertitudes, et de ne pas s’accrocher, coûte que coûte, à des opinions retirées de leur contexte.

Et cela explique aussi les nombreuses querelles qui secoueront l’Église au cours des siècles suivants.

On comprend ainsi pourquoi, onze siècles plus tard, les jansénistes augustiniens de Port-Royal demeuraient incertains de leur salut, et vivaient dans l’angoisse permanente d'être abandonnés par Dieu pour toujours.

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