Clemente Rodríguez Tejerina
Oblat, Martyr, Bienheureux
1918-1936

Ce jeune martyr espagnol de dix-huit ans était né à Santa Olaja de la Varga (province de León) le 23 juillet 1918. On a de lui et de sa famille un certain nombre de détails grâce à sa sœur, Josefa, elle aussi religieuse.
C'était une famille de cultivateurs, humbles travailleurs de la terre, très chrétiens. Dieu donna à ces parents douze enfants, dont six furent religieux : deux Capucins, deux religieuses de la Sainte Famille, et deux Oblats de Marie Immaculée, justement Clemente et Miguel. Ceci nous donne déjà une idée de l'esprit qui régnait dans cette famille.
La maman, qui n'avait pas une grande culture, était une excellente chrétienne et avait lu suffisamment de bons livres pour se permettre à son tour d'enseigner ses enfants.
Ainsi, tous les soirs, elle réunissait les enfants dans la salle à manger et elle priait ; elle offrait ses enfants au Sacré-Cœur ; elle priait pour la persévérance de chacun d'entre eux dans la foi. Elle appartenait à une pieuse association dénommée Marías de los Sagrarios, littéralement les Marie des Tabernacles, qu'on pourrait rendre en français par Les Veilleuses du Saint-Sacrement ; les fêtes eucharistiques avaient donc une grande importance, et tous les enfants participaient à la décoration des autels jusque dans les moindres détails, montrant ainsi leur amour pour Jésus-Eucharistie.
Dans ce climat de ferveur, très tôt Clemente commença à prendre conscience de sa vocation. C'est ainsi qu'à onze ans il quitte la maison paternelle pour rejoindre le petit séminaire tenu par les Oblats de Marie Immaculée (OMI) à Umieta, province de Guipúzcoa.
Le 5 juillet 1934, à seize ans, il commence le noviciat à Las Arenas, province de Viscaya ; il émet les premiers vœux le 16 juillet 1935, en compagnie d'autres profès. Journée émouvante, où l'on vit tous les nouveaux profès sortir de la cérémonie avec des larmes de joie. Ce même jour, ils prirent le train jusqu'à Pozuelo (province de Madrid) pour un temps de vacances en communauté, avant le début des études ecclésiastiques.
Clemente se mit au travail avec beaucoup de sérieux. Animé de bonté et de douceur, il ne faisait pas de bruit : il avançait avec détermination, se montrant bon et serviable.
Il avait à peine terminé la première partie de ces études, qu'il renouvela ses vœux le 16 juillet 1936. C'était le moment de la grande tourmente politique. Six jours après, le 22 juillet, il est fait prisonnier avec toute la communauté dans leur propre couvent puis, deux jours après, ils sont tous emmenés à Madrid, à la Direction Générale de Sécurité, pour être mis en liberté le lendemain.
Il se réfugie d'abord dans la Maison provinciale, mais celle-ci est confisquée le 9 août : à onze heures et demie du matin on sonne à la porterie ; tout un groupe de laïcs armés pénètre dans le jardin, invitant poliment les Religieux à laisser la maison. Le Père Provincial (Esteban Lacal) se permet de faire remarquer que cette intervention est pour le moins arbitraire, étant donné que tous les habitants ne sont que des citoyens pacifiques ; on lui répond cependant : "Nous le croyons bien que vous n'êtes mêlés à rien, mais beaucoup d'autres curés et religieux sont concernés ; et voilà ce qui arrive : les uns paient pour les autres".
En sortant, les Religieux abandonnent leur maison aux nouveaux propriétaires, occupés à installer une énorme banderole sur la clôture du jardin, avec l'inscription : Confisqué par le Ministère des Beaux-Arts. Les Religieux se réfugient alors dans une pension.
Le 15 octobre, nouvelle arrestation à destination de la Prison centrale. Là, Clemente retrouve les Oblats qu'il n'avait pas revus depuis leur départ de Pozuelo. Tous furent bientôt transférés à San Antón, le collège des Pères des Ecoles Pies, transformé en prison.
Une sœur de Clemente avait pu lui rendre visite à la Maison Provinciale et s'entretenir avec lui. Elle se rendit compte de la totale intégrité de son esprit de foi ainsi que de sa claire disposition à recevoir le martyre. Voici quelques mots de Clemente qu'elle a rapportés textuellement :
Nous nous trouvons en danger et nous craignons d'être séparés ; ensemble, nous nous encourageons les uns les autres. S'il faut mourir, j'y suis disposé, certain que Dieu nous donnera la force dont nous avons besoin pour rester fidèles.
C'est alors que le Père Provincial Francisco Esteban intervint en conseillant dûment à la sœur de Clemente de vite s'éloigner, car la communauté était très surveillée et elle courait elle aussi un risque, à cause de sa condition de religieuse. Et d'ajouter : "Ici, nous allons tous y passer".
Josefa resta cependant en contact, grâce à un autre témoin qui put entrer aussi dans la prison de San Antón. On sut que les prisonniers étaient ligotés dans le sous-sol, où se trouvaient les douches du collège, de sorte qu'ils avaient les pieds dans l'eau et pouvaient à peine bouger. Ils ne mangeaient pas tous les jours, et quand les gardiens apportaient la popote, ils se moquaient des prisonniers en leur demandant : "Qui c'est qui n'a pas mangé hier ?". On sut aussi que tous ces prisonniers étaient catholiques, qu'ils se réunissaient et priaient.
C'est de là qu'on les fit sortir, et qu'on les fusilla à Paracuellos del Jarama, le 28 novembre 1936. Clemente était le benjamin : il n'avait que dix-huit ans.
C'est encore sa même sœur Josefa qui, ignorant qu'il était mort, chercha à le revoir à la prison de San Antón. On était en décembre 1936 ; le milicien de garde lui répondit méchamment qu'elle avait intérêt à partir de là si elle ne voulait pas rester dedans. Mais comme elle insistait pour savoir au moins si son frère était là, il lui répondit qu'elle n'avait qu'à s'adresser au Ministère de la Justice, rue Santa Bárbara. Là elle se trouva dans une immense salle avec un tas de cartons et de fiches, parmi lesquelles elle trouva celle-ci qui disait textuellement : "Clemente Rodríguez Tejerina, mis en liberté le 28 novembre 1936."
En faisant bien attention à ne pas se faire voir, elle prit la fiche en question et s'en alla au Consulat du Chili. Là, on l'informa que tous ceux qui avaient été "mis en liberté", au sortir des prisons les 27 et 28 novembre 1936, avaient été immédiatement fusillés à Paracuellos del Jarama. C'est alors qu'elle eut la certitude du martyre de son frère, qui avait été tué pour le seul motif d'être religieux.
La cause de béatification de ces Martyrs ayant été ouverte, elle a abouti récemment et ces vingt-deux Compagnons sont béatifiés le 17 décembre 2011.
Précédemment, près de mille victimes de la révolution espagnole de 1936 ont déjà été béatifiés, certains même canonisés. Avec cette nouvelle cérémonie, le millier de martyrs se trouve atteint : Clemente, le plus jeune, sera notre "millière martyr" dans cette longue procession des victimes de la haine envers l'Eglise et le Christ.
Ces nouveaux Martyrs sont inscrits au Martyrologe au jour de leur naissance au Ciel, le 28 novembre.

 

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