Concile de Nicée I
(tome II, colonnes 63 à 98)
NICÉE (Ier Concile
de) en Bithynie, Nicaenum, premier œcuménique, l'an 325.
Pour le commencement, Voy. ALEXANDRIE, l'an 324.
Osius de retour
auprès de Constantin, le détrompa des impressions qu'on lui
avait données en faveur d'Arius, et lui conseilla d'assembler un
autre concile, où l'on fût plus en état de faire cesser les
divisions de l'Église d'Orient touchant l'arianisme et la
célébration de la fête de Pâques, qu'on ne l'avait été dans
celui d'Alexandrie. Saint Alexandre lui donna le même conseil,
et Rufin dit nettement que ce prince en assembla un à Nicée de
l'avis des évêques. Il n'est pas moins certain que le pape saint
Sylvestre eut part à cette convocation, quoique ordinairement on
en fasse honneur à Constantin seul. Ce prince écrivit donc de
tous côtés aux évêques des lettres très respectueuses, par
lesquelles il les priait de se rendre promptement à Nicée,
métropole de Bithynie. Il leur marquait le jour auquel ils
devaient s'y trouver; et afin qu'ils le pussent commodément, il
leur fit fournir les voitures et tout ce qui était nécessaire
pour ce voyage, tant pour eux-mêmes que pour ceux qu'ils
amèneraient avec eux.
Le concile se tint
sous le consulat de Paulin et de Julien, le dix-neuvième jour de
juin de l'an 325, sur la fin de la dix-neuvième année du règne
de Constantin. Ceux qui tenaient le premier rang parmi les
ministres des Églises de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie, se
trouvèrent à cette assemblée. On y vit des évêques et des
prêtres de Syrie, de Cilicie, de Phénicie, d'Arabie, de
Palestine, d'Égypte, de Thèbes, de Libye, de Mésopotamie, du
Pont, de la Galatie, de la Pamphylie, de la Cappadoce, de la
Phrygie, de la Thrace, de la Macédoine, de l'Achaïe , de
l'Épire, un de Perse, un de Scythie, un d'Espagne. L'évêque de
la ville impériale, c'est-à-dire de Rome, ne put y venir à cause
de son grand âge; mais il y envoya des légats. Le nombre des
évêques fut, selon saint Athanase, de 318. Celui des prêtres,
des diacres, des acolytes et d'autres personnes qui
accompagnaient les évêques, était infini. Les principaux d'entre
les évêques étaient Osius de Cordoue, saint Alexandre
d'Alexandrie, saint Eustathe d'Antioche, saint Macaire de
Jérusalem, Cécilien de Carthage, qui fut le seul de l'Afrique
présent à concile, saint Paphnuce, évêque dans la haute
Thébaïde, saint Potamon d'Héraclée, tous deux du nombre des
confesseurs; Euphration de Balanée dans la Syrie, saint Paul de
Néocésarée sur l'Euphrate, à qui on avait brûlé les nerfs avec
un fer chaud dans la persécution de Licinius, saint Jacques de
Nisibe dans la Mésopotamie, saint Amphion d'Épiphanie, qui avait
aussi confessé Jésus-Christ dans les persécutions précédentes,
Léonce de Césarée en Cappadoce, saint Basile d'Amasée , saint
Mélèce de Sébastopole, Longien de Néocésarée, saint Hypace de
Gangres en Paphlagonie, saint Alexandre de Byzance, Protogone de
Sardique dans la Dace, Alexandre de Thessalonique, et quelques
autres dont nous lisons les éloges dans les écrits de saint
Athanase, de saint Hilaire, de saint Grégoire de Nazianze, de
Théodoret, de Rufin, de Gélase de Cyzique, de Socrate et de
Sozomène. Mais parmi ces grandes lumières de l'Église, il se
trouva des évêques qui appuyèrent le parti de l'erreur,
particulièrement Eusèbe de Nicomédie, Théognis ou Théogène de
Nicée, Patrophile de Scythopolis, Maris de Chalcédoine, et
Narcisse de Néroniade.
Jusque-là on
n'avait pas vu dans l'Église une assemblée si nombreuse, et on
n'avait pas même eu la liberté d'assembler les évêques de toutes
les parties du monde alors connues, tant il y avait à craindre
pour leur vie de la part des persécuteurs. Mais sous le règne de
Constantin, l'occasion était favorable: ce prince avait donné la
paix à l'Église, et son empire s'étendait dans toutes les
parties du monde où la religion chrétienne était établie. Les
évêques en profitèrent; et afin qu'il ne fût pas nécessaire
d'assembler plusieurs conciles en différentes provinces, pour
maintenir la pureté de la foi contre l'impiété arienne, ils en
tinrent un général à Nicée, qui fut un triomphe de Jésus-Christ
sur les tyrans qui avaient voulu étouffer l'Église.
Les légats du pape
saint Sylvestre y présidèrent, ainsi que dans les trois conciles
généraux qui suivirent celui-ci, comme le reconnurent de bonne
foi les Orientaux, assemblés à Constantinople en 552. C'est pour
cela qu'Osius, qui avait l'honneur de représenter la personne du
pape, et d'être son légat, avec les deux prêtres Vite et
Vincent, est nommé le premier dans les souscriptions du concile
de Nicée, et mis par Socrate à la tête des évêques qui y
assistèrent. Quelques-uns néanmoins ont cru que saint Eustathe
d'Antioche avait présidé à ce concile, fondés sur ce que
plusieurs anciens l'appellent le premier du concile, le chef des
évêques assemblés à Nicée, et que, selon Théodoret, il était
assis le premier du côté droit dans l'assemblée, et qu'il
harangua Constantin. Mais ce dernier fait n'est pas sûr, et il y
a de bonnes raisons de croire que ce fut Eusèbe de Césarée qui
porta la parole à ce prince. Quant aux qualités de chef des
évêques, de premier du concile, on pouvait les donner à saint
Eustathe, soit à cause du mérite de sa personne, soit à cause de
la dignité de son siège, qui, étant un des trônes apostoliques,
lui donnait droit aux premières places.
Il se trouva aussi
au concile des hommes habiles dans l'art de disputer, pour aider
à disposer les matières. Plusieurs évêques, qui regardaient le
concile comme un tribunal établi pour décider leurs affaires
particulières, présentèrent à l'empereur des mémoires contenant
le sujet de leurs plaintes. Ce prince remit l'examen de toutes
leurs requêtes à un certain jour; et quand il fut arrivé, il
leur dit: " Vous ne devez pas être jugés par les hommes, puisque
Dieu vous a donné le pouvoir de nous juger nous-mêmes; remettez
à son jugement vos différends, et unissez-vous pour vous
appliquer à décider ce qui regarde la foi. " Alors il brûla tous
ces mémoires en leur présence, ajoutant avec serment qu'il n'en
avait pas lu un seul; parce que les fautes des évêques ne
devaient pas être publiées sans nécessité, de peur de
scandaliser le peuple. Il marqua ensuite le jour auquel on
commencerait à examiner les difficultés qui occasionnaient le
concile. En attendant que ce jour arrivât, les évêques tinrent
entre eux plusieurs conférences, où ils agitèrent les questions
de la foi, n'osant rien déterminer sur une affaire d'aussi
grande importance, qu'avec beaucoup de maturité et de
précaution. Ils faisaient souvent venir Arius à ces assemblées;
car l'empereur avait ordonné qu'il se trouvât au concile. Il y
eut un grand nombre d'évêques qui acquirent de la réputation
dans ces disputes, et qui se firent connaître de l'empereur et
de la cour. Athanase, diacre de l'église d'Alexandrie, qui,
quoiqu'encore jeune, était honoré très particulièrement de saint
Alexandre, son évêque, eut dès lors la principale part dans
cette importante affaire. Quelques philosophes se mêlèrent dans
ces conférences, les uns par curiosité, pour savoir quelle était
notre doctrine et la matière dont il s'agissait; les autres par
haine pour notre religion, qui faisait perdre crédit à la leur,
et par le désir d'augmenter le feu de la division et du schisme
parmi les chrétiens. Un d'entre eux, se confiant dans la force
de son éloquence, était tous les jours aux mains avec les
évêques, et quelques raisons qu'ils alléguassent contre lui, il
trouvait toujours le moyen de les éluder par ses subtilités et
ses artifices. Un saint vieillard qui était du nombre des
confesseurs, mais très simple de son naturel, et peu instruit
dans les sciences humaines, voyant que ce philosophe insultait
aux prélats, demanda permission de parler. Les moins sérieux qui
connaissaient le vieillard, s'en moquèrent, les plus graves
craignirent qu'il ne se rendît ridicule. Toutefois, comme il
persistait à vouloir parler, on le lui permit, et il commença en
ces termes: " Au nom de Jésus-Christ, écoutez moi, philosophe,
il n'y a qu'un Dieu qui a fait le ciel et la terre. Il a créé
les choses visibles et invisibles par la vertu de son Verbe, et
les a affermies par la sanctification de son esprit. Ce Verbe,
que nous appelons le Fils, ayant eu pitié de l'égarement des
hommes, est né d'une Vierge, a vécu parmi les hommes, et a
souffert la mort pour les en délivrer. Il viendra un jour pour
être le juge de toutes nos actions. Nous croyons simplement
toutes ces choses. N'entreprenez point inutilement de combattre
des vérités qui ne peuvent être comprises que par la foi, et ne
vous informez point de la manière dont elles ont pu être
accomplies. Répondez-moi seulement, si vous croyez. " Le
philosophe, surpris de ce discours, répondit: " Je crois, " et
remercia le vieillard de l'avoir vaincu. Il conseilla à ses
disciples de suivre son exemple, protestant qu'il avait été
excité par une inspiration divine à embrasser la foi de
Jésus-Christ. Les autres philosophes en devinrent plus modérés,
et le bruit que leurs disputes avaient excité cessa.
Constantin, qui
s'était rendu de Nicomédie à Nicée, à la nouvelle de l'arrivée
des prélats, voulut avoir part à leurs délibérations. Le jour
marqué pour la décision de toutes les questions, les évêques se
rendirent dans la grande salle du palais, où ils s'assirent
selon leur rang, sur des sièges qui leur avaient été préparés,
attendant avec gravité et modestie l'arrivée de ce prince. Dès
qu'ils en entendirent le signal, ils se levèrent; et à l'heure
même il entra, revêtu de sa pourpre et tout couvert d'or et de
diamants, accompagné, non de ses gardes ordinaires, mais
seulement de ses ministres qui étaient chrétiens. Il passa au
milieu des évêques, jusqu'au haut de l'assemblée, où il demeura
debout, jusqu'à ce que les évêques l'eussent prié de s'asseoir,
et après leur en avoir demandé la permission, il s'assit sur un
petit siège d'or, et aussitôt tous s'assirent après lui, par son
ordre. En même temps, l'évêque qui occupait la première place du
côté, se leva et prononça un discours adressé à l'empereur, où
il rendait grâces à Dieu des bienfaits dont il avait comblé ce
prince. Quand cet évêque eut achevé de parler, et qu'il se fut
assis, toute l'assemblée demeura dans le silence, les yeux
arrêtés sur l'empereur. Alors il les regarda tous d'un air gai
et agréable, et s'étant un peu recueilli en lui-même, il leur
dit d'un ton doux et modéré, sans se lever, qu'il n'avait rien
tant souhaité que de les voir assemblés en un même lieu; mais
qu'il regardait les contestations qui s'étaient élevées dans
l'Église comme plus dangereuses que les guerres qu'on avait
excitées dans ses États. " Faites donc, leur dit-il, chers
ministres de Dieu, fidèles serviteurs du Sauveur de tous les
hommes, que la paix et la concorde mettent fin à vos
contestations. Vous ferez en cela une chose très agréable à
Dieu, et qui me sera très avantageuse. " Il ajouta, selon
Théodoret, mais peut-être en une autre occasion, que, n'y ayant
plus personne qui osât attaquer les chrétiens, on ne pouvait
voir sans douleur qu'ils se combattissent eux-mêmes et se
rendissent la raillerie de leurs ennemis; surtout, leurs
contestations étant touchant des matières sur lesquelles ils
avaient les instructions du Saint-Esprit dans les Écritures: "
Car les livres des Évangiles et des apôtres, leur dit-il, et les
oracles des anciens prophètes, enseignent clairement ce qu'il
faut croire de la Divinité. C'est de ces livres inspirés de Dieu
que l'on doit tirer des témoignages et l'explication des points
qui sont contestés. " Constantin ayant parlé de la sorte en
latin, et un interprète ayant expliqué son discours en grec, il
permit aux présidents du concile de traiter les questions qui
troublaient le repos de l'Église.
On commença par
celle d'Arius. Cet hérésiarque, qui était présent, avança les
mêmes blasphèmes, dont nous avons parlé ailleurs, et soutint, à
la face de tout le concile et en présence de l'empereur, que le
Fils de Dieu est né de rien, qu'il y a eu un temps où il n'était
pas, et que par son libre arbitre il pouvait se porter au vice
ou à la vertu. Les évêques, entre autres Marcel d'Ancyre, le
combattirent fortement. Saint Athanase, qui n'était encore que
diacre, découvrit avec une pénétration merveilleuse toutes ses
fourberies et tous ses artifices. Il résista aussi avec force à
Eusèbe de Nicomédie, à Théognis de Nicée et à Maris de
Chalcédoine, qui prenaient le parti d'Arius. Eusèbe, voyant cet
hérésiarque confondu en toutes manières, témoigna beaucoup
d'empressement pour le sauver; il envoya diverses personnes à
Constantin, pour intercéder en sa faveur, dans la crainte qu'il
avait, non seulement de le voir condamné, mais d'être déposé
lui-même. Il avait tout lieu de l'appréhender, depuis qu'on
avait lu dans le concile une de ses lettres, qui le convainquait
manifestement de blasphème, et découvrait la cabale du parti.
L'indignation qu'elle excita fit qu'on la déchira devant tout le
monde, et son auteur fut couvert de confusion. Eusèbe y disait
entre autres choses, que si l'on reconnaissait le Fils de Dieu
incréé, il faudrait aussi le reconnaître consubstantiel au Père.
C'était apparemment sa lettre à Paulin de Tyr, où il dit la même
chose, quoiqu'en d'autres termes. Les autres partisans d'Arius
voulaient aussi le défendre: mais à peine avaient-ils commencé à
parler qu'ils se combattaient eux-mêmes et se faisaient
condamner de tout le monde; ils demeuraient interdits, voyant
l'absurdité de leur hérésie, et confessaient par leur silence la
confusion qu'ils avaient de se trouver engagés dans de si
mauvais sentiments. Les évêques, ayant détruit tous les termes
qu'ils avaient inventés, expliquèrent contre eux la saine
doctrine de l'Église. Constantin, spectateur de toutes ces
disputes, les écoutait avec beaucoup de patience, s'appliquant
attentivement aux propositions que l'on faisait de part et
d'autre; et appuyant tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, il
tâchait de réunir ceux qui s'échauffaient le plus dans la
dispute. Il parlait à chacun d'eux avec une égale bonté, se
servant de la langue grecque, dont il avait quelque
connaissance. Il gagnait les uns par la force de ses raisons,
les autres par la douceur de ses remontrances, pour les amener
tous à l'union. Mais il laissa à tous une liberté entière de
décider ce qu'ils voulaient, et chacun d'eux embrassa la vérité
volontairement et librement.
Le désir de faire
autoriser les erreurs d'Arius porta ceux qui en étaient les
défenseurs à dresser une profession de foi qui les contenait, et
à la présenter au concile. Mais aussitôt qu'elle fut lue, on la
mit en pièces, en la nommant fausse et illégitime, il s'excita
un grand bruit contre ceux qui l'avaient composée, et tout le
monde les accusa de trahir la vérité. Le concile, voulant
détruire les termes impies dont ils s'étaient servis, et établir
la foi catholique, dit que le Fils était de Dieu. Les eusébiens,
croyant que cette façon de parler appuyait leur erreur, se
disaient l'un à l'autre: " Accordons-le, puisque cela nous est
commun avec lui, car il est écrit: Il n'y a qu'un Dieu de qui
est tout (I Cor. VIII, 6). Et encore: Je fais
toutes choses nouvelles; et tout est de Dieu (II Cor.
V, 17, 18). " Mais les évêques, voyant leur artifice,
exprimèrent la même chose en des termes plus clairs, et dirent
que le Fils était de la substance de Dieu et de la substance du
Père, ce qui ne convient à aucune créature. Il est vrai
néanmoins de dire qu'elles sont de Dieu, puisqu'il en est
l'auteur; mais le Verbe seul est du Père et de la substance du
Père. Le concile, croyant qu'il était nécessaire d'établir
diverses prérogatives du Fils, demanda au petit nombre des
eusébiens s'ils confessaient que le Fils est la vertu du Père,
son unique sagesse, son image éternelle, qui lui est semblable
en tout; immuable, subsistant toujours en lui, enfin vrai Dieu.
Ils n'osèrent contredire ouvertement, de peur d'être convaincus.
Mais on s'aperçut qu'ils se parlaient tout bas et se faisaient
signe des yeux; que ces termes de semblable et
toujours et en lui, et le nom de vertu,
n'avaient rien qui ne pût convenir aux hommes: nous pouvons,
disaient-ils, accorder ces termes: celui de semblable,
parce qu'il est écrit que l'homme est l'image et la gloire de
Dieu (I Cor. XI, 7); celui de toujours, parce
qu'il est écrit: Car nous qui vivons, sommes toujours (II Cor.
IV, 11); en lui, parce qu'il est dit: En lui nous sommes,
et nous avons la vie et le mouvement (Act. XVII, 18);
la vertu, parce qu'il est parlé de plusieurs vertus (I
Cor. XII, 10); et ailleurs la chenille et le hanneton sont
appelés vertus et la grande vertu (Joel. XI, 25), et il y
a d'autres vertus célestes; car il est dit (Ps. XLV, 12):
Le Seigneur des vertus est avec nous. Enfin, quand ils diront
que le Fils est vrai Dieu, nous n'en serons point choqués, car
il l'est vraiment, puisqu'il l'a été fait.
Le concile, voyant
leur dissimulation et leur mauvaise foi, rassembla toutes les
expressions de l'Écriture à l'égard du Fils, comme celles qui
l'appellent splendeur, fontaine, fleuve, figure de la substance,
lumière, qui disent qu'il n'est qu'un avec son Père, et les
renferma toutes sous le seul mot de Consubstantiel, se
servant du terme grec 'omoou'sioV , qui marque que le Fils n'est
pas seulement semblable au Père, mais si semblable, qu'il est
une même chose, une même substance avec le Père, et qu'il en est
inséparable; en sorte que le Père et lui ne sont qu'un (Joan.,
X, 30), comme il le dit lui-même: le Verbe est toujours dans le
Père, et le Père dans le Verbe, comme la splendeur est à l'égard
du soleil. Voilà pourquoi les Pères de Nicée après en avoir
longtemps délibéré, s'arrêtèrent au mot Consubstantiel,
comme nous l'apprend saint Athanase, qui y fut présent et qui y
tint l'un des premiers rangs. Ils eurent encore une autre raison
d'user de ce terme; car ayant vu par la lettre d'Eusèbe de
Nicomédie, qu'on avait lue en plein concile, que cet évêque
trouvait un grand inconvénient à reconnaître le Fils incréé, à
cause qu'il faudrait aussi avouer qu'il est de la même substance
que le Père, ils se servirent contre lui de l'épée qu'il avait
tirée lui-même.
Tous les évêques
agréèrent de coeur et de bouche le terme de Consubstantiel,
et ils en firent un décret solennel d'un consentement unanime.
Il y en eut qui le rejetèrent avec raillerie, sous prétexte
qu'il ne se trouvait point dans l'Écriture, et qu'il renfermait
de mauvais sens, car, disaient-ils, ce qui est consubstantiel ou
de même substance qu'un autre, en vient de trois manières: ou
par division, ou par écoulement, ou par production: par
production, comme la plante de la racine; par écoulement, comme
les enfants des pères; par division, comme deux ou trois coupes
d'une seule masse d'or. Ils soutenaient que le Fils ne procède
de son Père en aucune de ces manières. Il se fit diverses
demandes et diverses réponses pour examiner ces sens qu'ils
donnaient au terme de Consubstantiel; mais le concile,
rejetant tous les mauvais sens qu'ils prétendaient y trouver,
l'expliqua si bien, que l'empereur lui-même comprit qu'il
n'exprimait aucune idée corporelle, qu'il ne signifiait aucune
division de la substance du Père absolument immatérielle et
spirituelle, et qu'il fallait l'entendre d'une manière divine et
ineffable. On fit voir encore qu'il y avait de l'injustice de
leur part à rejeter le terme de Consubstantiel, sous
prétexte qu'il n'est pas dans l'Écriture, eux qui employaient
tant de mots qui n'y sont point, comme lorsqu'ils disaient que
le Fils de Dieu est tiré du néant, et n'a pas toujours été. Le
concile ajouta que le terme de Consubstantiel n'était pas
nouveau; que les deux saints Denys, l'un évêque de Rome, l'autre
d'Alexandrie, s'en étaient servis environ cent trente ans
auparavant, pour condamner ceux qui disaient que le Fils est
l'ouvrage du Père, et non pas qu'il lui est consubstantiel.
Eusèbe de Césarée, qui s'était d'abord opposé à ce terme, le
reçut, et avoua que d'anciens évêques et de savants écrivains en
avaient usé pour expliquer la divinité du Père et du Fils. Les
partisans d'Arius objectèrent que le mot de Consubstantiel
avait été rejeté comme impropre par le concile d'Antioche contre
Paul de Samosate. Mais c'est que Paul, en disant que le Fils est
consubstantiel au Père, ôtait la propriété et la distinction des
personnes en Dieu, le Fils n'étant selon lui que le Père même.
Il prenait encore ce terme d'une manière grossière, prétendant
que de ce que le Verbe était consubstantiel au Père, il
s'ensuivait que la substance divine était coupée comme en deux
parties, dont l'une était le Père et l'autre le Fils; qu'ainsi
il y avait eu quelque substance divine antérieure au Père et au
Fils, qui a été ensuite partagée en deux. Il était donc question
contre Paul de Samosate, de marquer clairement la distinction
des personnes, et que le Fils était de la substance du Père,
sans que cette substance ait été divisée, comme on divise une
pièce de métal en plusieurs parties. C'est pourquoi les Pères du
concile d'Antioche décidèrent qu'au lieu de dire que le Fils est
consubstantiel à son père, dans le sens de Paul de Samosate, on
dirait qu'il est d'une semblable substance; le mot de semblable
marquant clairement la distinction; mais ils s'appliquèrent en
même temps à montrer contre cet hérésiarque, que le Fils était
avant toutes choses, et qu'étant Verbe il s'était fait chair.
Les Pères du
concile de Nicée ayant ainsi levé toutes les difficultés que les
ariens formaient contre le mot de Consubstantiel, qui fut
toujours depuis pour eux un terme redoutable, en choisirent
encore quelques autres qu'ils jugèrent les plus propres à
exprimer la foi catholique, et en composèrent le Symbole. Osius
fut commis pour le dresser, et Hermogènes, depuis évêque de
Césarée en Cappadoce, pour l'écrire et le réciter dans le
concile. Il fut conçu en ces termes:
“Nous croyons en un
seul Dieu, Père tout-puissant, Créateur de toutes choses
visibles et invisibles; et en un seul Seigneur Jésus-Christ,
Fils unique de Dieu, engendré du Père, c'est-à-dire, de la
substance du Père. Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu
de vrai Dieu; engendré et non fait, consubstantiel au Père; par
qui toutes choses ont été faites au ciel et en la terre. Qui,
pour nous autres hommes et pour notre salut, est descendu des
cieux, s'est incarné et s'est fait homme; a souffert, est
ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, et viendra
juger les vivants et les morts. Nous croyons aussi au
Saint-Esprit. Quant à ceux qui disent: il y a eu un temps où il
n'était pas; et il n'était pas avant d'être engendré, et il a
été tiré du néant; ou qui prétendent que le Fils de Dieu est
d'une autre hypostase, ou d'une autre substance, ou muable, ou
altérable, la sainte Église catholique et apostolique leur dit
anathème.”
Ce grand et
invincible Symbole, comme le qualifie saint Basile (Ep.
81), seul capable de ruiner toutes sortes d'impiétés, a servi
dans la suite de rempart contre tous les efforts du démon, et de
rocher contre lequel toutes les vagues de l'hérésie se sont
brisées et réduites en écume. Il n'y a dans ce Symbole qu'un
seul mot touchant le Saint-Esprit, parce que jusqu'alors il ne
s'était élevé aucune dispute, ni aucune hérésie sur ce point;
mais le peu qu'on y en lit, établit suffisamment sa divinité;
puisque, selon la remarque de saint Basile (Ep. 90), on
lui rend dans ce Symbole le même honneur et la même adoration
qu'au Père et au Fils.
Tous les évêques du
concile souscrivirent à ce Symbole, excepté un petit nombre
d'ariens. D'abord il y en eut dix-sept qui refusèrent de
l'approuver; ensuite ils se réduisirent à cinq, Eusèbe de
Nicomédie, Théognis de Nicée, Maris de Chalcédoine, Théonas et
Second de Libye. Eusèbe de Césarée, qui la veille avait combattu
le terme de Consubstantiel, l'approuva et souscrivit au
Symbole. Il écrivit même à son Église pour apprendre à son
peuple les motifs de sa signature, et lui envoya deux Symboles;
l'un qu'il avait dressé lui même, et auquel il assure que le
concile n'eut rien à ajouter que le terme de Consubstantiel;
l'autre du concile avec l'explication de ce terme. Des cinq
opposants, trois cédèrent à la crainte d'être bannis, Eusèbe de
Nicomédie, Théognis et Maris: car la définition du concile ayant
été portée à Constantin, ce prince, reconnaissant que ce
consentement unanime de tant d'évêques était l'ouvrage de Dieu,
la reçut avec respect, et menaça d'exil ceux qui refuseraient
d'y souscrire. On dit même qu'il avait donné un ordre de bannir
Eusèbe de Nicomédie et Théognis; mais il est certain que cet
ordre ne fut exécuté qu'après le concile, et à une autre
occasion. Eusèbe de Nicomédie ne souscrivit qu'à la persuasion
de Constantia, soeur de l'empereur, et il confessa de bouche la
foi de l'Église sans l'avoir dans le coeur; ce qui parut en ce
qu'en souscrivant, il distingua la profession de foi de
l'anathème qui était à la fin; persuadé, comme il le disait,
qu'Arius n'était pas tel que les Pères le croyaient, en ayant
une connaissance plus particulière par ses lettres et par ses
conversations. Philostorge, auteur arien, ne dissimule pas la
fraude dont Eusèbe et Théognis usèrent dans leurs souscriptions,
et il dit nettement que dans le mot 'omoou'sio’ ils insérèrent
un iota, qui faisait ‘omoiou’sio’, c'est-à-dire,
semblable en substance; au lieu que le premier signifie de même
substance. Constantin se plaint dans une lettre que nous avons
encore de s'être laissé honteusement surprendre aux artifices
d'Eusèbe de Nicomédie et d'avoir fait réussir toutes choses
comme ce fourbe l'avait souhaité. Ce prince bannit Arius, et le
relégua avec les prêtres de son parti dans l'Illyrie, où il
demeura jusqu'après la mort de Constantia, vers l'an 330. Outre
sa personne, le concile condamna aussi ses écrits, nommément sa
Thalie et ses autres chansons; et l'empereur, joignant
son autorité à celle de l'Église, déclara par un édit que tous
les écrits de cet hérésiarque seraient brûlés, et que ceux qui
seraient convaincus de les avoir cachés subiraient la peine de
mort. L'anathème prononcé contre Arius s'étendit à tous ceux qui
avaient été excommuniés par saint Alexandre, du nombre desquels
étaient le diacre Euzoïus, depuis évêque arien d'Antioche, et
Piste, que les ariens placèrent sur le siège d'Alexandrie.
Second et Théonas eurent le même sort qu'Arius; ils furent
anathématisés et déposés par un consentement universel, comme
coupables de blasphèmes contre la doctrine de l'Évangile. Il n'y
eut qu'eux deux qui refusèrent constamment de souscrire au
Symbole de Nicée; aussi furent-ils relégués en Illyrie avec leur
chef. Second ayant depuis sa déposition fait diverses
ordinations pour accroître son parti, elles furent rejetées par
le pape Jules. Il est remarquable que le concile de Nicée, en
condamnant l'hérésie arienne, anathématisa aussi toutes celles
que l'on avait vues jusque-là dans l'Église.
Après que les
évêques eurent terminé ce qui regardait les ariens, ils crurent
qu'il fallait aussi faire cesser le schisme des méléciens, qui
divisaient l'Égypte depuis vingt-quatre ans, et fortifiaient le
parti d'Arius par leur union. L'auteur de ce schisme était
Mélèce, évêque d'une ville d'Égypte nommée Lycopolis, dans la
Thébaïde. Comme il fut convaincu de beaucoup de crimes, et même
d'avoir renoncé à la foi et sacrifié aux idoles, saint Pierre
d'Alexandrie fut obligé de le déposer dans une assemblée
d'évêques qu'il tint vers l'an 305. Mélèce refusa de se
soumettre à cette sentence, et toutefois il n'en appela point à
un autre concile, et ne se mit point en peine de donner des
preuves de son innocence; mais se voyant appuyé de beaucoup de
personnes, il se fit chef de parti, se sépara de la communion de
l'Église, et ne cessa de charger d'injures et de calomnies saint
Pierre d'Alexandrie et ses successeurs, pour couvrir la honte de
sa déposition. Il disait qu'il s'était séparé de Pierre, pour
l'avoir trouvé d'un avis opposé au sien touchant la
réconciliation des apostats; et il l'accusait de trop
d'indulgence. L'Égypte se trouva remplie de trouble et de
tumulte par la tyrannie qu'il exerça contre l'Église
d'Alexandrie; car il usurpa les ordinations qui appartenaient à
l'évêque de cette ville, comme on le voit par la liste des
évêques de sa communion, dont un qualifié évêque du territoire
d'Alexandrie. II essaya, mais inutilement, de répandre son
schisme dans la Maréote, et il n'y eut ni prêtre, ni autres
clercs qui voulussent se ranger de son parti. On assure
que, quoique séparé de l'Église, il conserva la foi orthodoxe
entièrement pure et inviolable, jusqu'à ce que lui et ses
disciples s'étant unis avec le parti d'Arius, quelques-uns
d'entre eux en suivirent les erreurs.
Le concile usa
d'indulgence à l'égard de Mélèce, car à la rigueur il ne
méritait aucune grâce: on lui permit de demeurer dans sa ville
de Lycopolis, mais sans aucun pouvoir ni d'élire, ni d'ordonner,
ni de paraître pour ce sujet, ou à la campagne, ou dans aucune
autre ville; en sorte qu'il n'avait que le simple titre
d'évêque. Quant à ceux qu'il avait ordonnés, il fut dit qu'ils
seraient réhabilités
par une plus sainte imposition des mains, et admis à la
communion avec l'honneur et les fonctions de leur ordre; mais à
la charge de céder le rang, en chaque diocèse et en chaque
Église, à ceux qui avaient été ordonnés auparavant par l'évêque
Alexandre.
Le concile voulut
encore que ceux qui avaient été ordonnés par Mélèce n'eussent
aucun pouvoir d'élire ceux qu'il leur plairait, ni d'en proposer
les noms sans le consentement de l'évêque soumis à Alexandre; ce
qui était nécessaire pour empêcher qu'ils ne se fortifiassent
dans leur cabale. Quant à ceux au contraire qui n'avaient point
pris de part au schisme, et qui étaient demeurés sans reproche
dans l'Église catholique, on leur conserva le pouvoir d'élire et
de proposer les noms de ceux qui seraient dignes d'entrer dans
le clergé, et généralement de faire toutes choses selon la loi
ecclésiastique. Que si quelqu'un d'eux venait à mourir, on
pourrait faire monter à sa place un de ceux qui auraient été
reçus depuis peu, pourvu qu'il en fût trouvé digne, que le
peuple le choisît, et que l'évêque d'Alexandrie confirmât
l'élection. Tout cela fut accordé aux méléciens: mais pour la
personne de Mélèce, on défendit de lui donner aucun pouvoir ni
aucune autorité, à cause de son esprit indocile et entreprenant,
de peur qu'il n'excitât de nouveaux troubles. Comme il y avait
encore quelque lieu de craindre qu'abusant de l'indulgence du
concile, il ne vendît de nouveaux titres, et n'augmentât par des
ordinations illicites le nombre des clercs de son parti, saint
Alexandre lui demanda une liste des évêques qu'il disait avoir
en Égypte, et des prêtres et des diacres qu'il avait tant à
Alexandrie que dans le diocèse. Nous avons cette liste parmi les
écrits de saint Athanase, et on y trouve au moins vingt-neuf
évêques, et huit prêtres ou diacres. Ce saint parle de la
réception des méléciens comme s'il l'eût désapprouvée, ajoutant
qu'il n'était point nécessaire de rapporter la raison que le
concile avait eue de les recevoir. L'expérience fit bien voir
que leur réunion n'était qu'une feinte de leur part; car ils
excitèrent de nouveaux troubles contre l'Église après la mort de
saint Alexandre, et plus de cent vingt ans depuis le concile ils
la troublaient encore. Mélèce lui-même se choisit un successeur
dans le siège de Lycopolis, contre la défense du concile; ce fut
Jean, surnommé Arcaph, dont le nom se trouve dans la liste de
ceux que Mélèce ordonna pendant son schisme. Dans cette liste,
Mélèce se donne le titre d'Archevêque, qui lui est aussi
donné dans l'histoire des méléciens, rapportée par saint
Épiphane.
La variété d'usages
qui se trouvait dans les Églises touchant la fête de Pâques fut,
comme nous l'avons déjà remarqué, un des deux principaux motifs
de la convocation du concile de Nicée. Quelques provinces
d'Orient, comme la Syrie, la Mésopotamie et la Cilicie,
célébraient cette fête avec les Juifs le quatorzième de la lune,
sans examiner si c'était le dimanche ou non. La pratique
universelle de toutes les autres Églises, tant de l'Occident que
du Midi, du Septentrion, et de quelques-unes de l'Orient même,
était de ne la célébrer que le dimanche. Cette diversité causait
beaucoup de trouble et de confusion, les uns jeûnant et
demeurant dans l'affliction, tandis que les autres étaient dans
le repos et dans la joie de la résurrection du Sauveur. Il
arrivait même quelquefois que l'on faisait la Pâque en trois
temps différents de l'année, qui commençait alors en mars, ou
qu'on la faisait même deux fois dans un an, et quelquefois, par
conséquent, qu'on ne la faisait point du tout: ce qui exposait
l'Église à la raillerie de ses ennemis. Les papes saint Anicet
et saint Victor avaient fait leurs efforts pour établir une
entière uniformité sur ce point dans toutes les Églises du
monde. On avait décidé dans le concile d'Arles, en 314, que
cette fête serait célébrée partout en un même jour. Osius avait
été chargé de la part de Constantin, de travailler dans le
concile d'Alexandrie, sous saint Alexandre, à terminer les
différends qui troublaient l'Orient au sujet de cette fête.
Toutefois ces différends régnaient encore, et il fallut de
nouveau agiter la question de la Pâque au concile de Nicée. Elle
y fut mûrement examinée: et après une exacte supputation des
temps, tous les évêques convinrent d'observer la Pâque en un
même jour, et les Orientaux promirent de se conformer sur ce
point à la pratique de Rome, de l'Égypte et de tout l'Occident.
Mais le décret du concile sur cette matière fut conçu en
d'autres termes que sur celle de la foi. C'est saint Athanase (de
Synod.) qui en remarque la différence: sur la foi, on dit:
Voici quelle est la foi de l'Église catholique: Nous croyons
en un seul Dieu; et le reste du Symbole, pour montrer que ce
n'était pas un règlement nouveau, mais une tradition
apostolique. Aussi ne mit-on point à ce décret la date du jour
ou de l'année. Sur la Pâque on dit: Nous avons résolu ce qui
suit: pour marquer que c'était une nouvelle ordonnance, à
laquelle tous devaient se soumettre. Le jour de la Pâque fut
fixé au dimanche d'après le quatorzième jour de la lune, qui
suivait de plus près l'équinoxe du printemps; parce que
Jésus-Christ était ressuscité le dimanche qui avait suivi de
plus près la pâque des Juifs: en sorte néanmoins, que si ce XIV
de la lune venait à tomber un dimanche, on devait attendre huit
jours après à l'autre dimanche, pour ne pas se rencontrer avec
les Juifs. Pour trouver plus aisément le premier de la lune, et
ensuite son quatorzième, le concile statua que l'on se servirait
du cycle de dix-neuf ans, le plus commode de tous, parce que au
bout de ce terme, les nouvelles lunes reviennent, à quelque
chose près, aux mêmes jours de l'année solaire. Ce cycle, que
l'on nommait en grec Ennéadécatéride, avait été proposé
longtemps auparavant par saint Anatole de Laodicée, et inventé,
il y avait environ sept cent cinquante ans, par un Athénien
nommé Méton, qui l'avait fait commencer avec la première année
de la LXXXVIIe olympiade, 432 ans avant la naissance de
Jésus-Christ, l'année même du commencement de la guerre du
Péloponèse entre les républiques d'Athènes et de Lacédémone.
C'est ce cycle lunaire que l'on a depuis nommé le nombre d'or,
parce qu'après qu'il eut été mis en usage, on s'accoutumait à
marquer en lettres d'or, dans les calendriers, les jours des
nouvelles lunes. Saint Jérôme (in Catalog.) attribue la
composition de ce cycle à Eusèbe de Césarée, ajoutant que cet
évêque en avait pris l'idée dans le Canon de saint Hippolyte,
qui était de seize ans. Saint Ambroise (Ep. 23) en fait
honneur aux Pères du concile de Nicée indistinctement. Mais il
semble aisé d'accorder toutes ces contrariétés apparentes, en
disant qu'Eusèbe de Césarée, qui avait la réputation d'un des
plus savants hommes de l'Église, fut chargé par le concile
d'examiner le cycle de XIX ans, inventé par Méton, et de régler
sur ce cycle le jour auquel on devait célébrer la fête de
Pâques. Il fut aussi arrêté dans le concile que l'Église
d'Alexandrie ferait savoir tous les ans à celle de Rome en quel
jour il fallait célébrer la Pâque, et que de Rome l'Église
universelle, répandue par toute la terre, apprendrait le jour
arrêté par l'autorité apostolique, pour la célébration de cette
fête. Ainsi l'Église se trouva dans l'union et dans la paix sur
ce point, aussi bien que sur celui de la foi, et l'on vit tous
les chrétiens, depuis une extrémité de la terre jusqu'à l'autre,
se réconcilier avec Dieu et entre eux-mêmes, s'unir ensemble
pour veiller, pour chanter, pour jeûner, pour user d'aliments
secs, pour vivre dans la continence, pour offrir à Dieu le même
sacrifice, enfin pour toutes les autres choses par lesquelles
nous tâchons de nous rendre agréables à Dieu dans l'auguste
solennité de ces saints jours. Il se trouva néanmoins dans la
Mésopotamie un vieillard, nommé Audius, qui s'opposa à la
réception du règlement touchant la Pâque dans son pays. Cet
homme, estimé d'ailleurs pour sa probité, la pureté de sa foi et
son zèle pour Dieu, s'était rendu odieux à beaucoup
d'ecclésiastiques à cause de la liberté avec laquelle il les
reprenait de leur luxe et de leur avarice. Les mauvais
traitements qu'ils lui firent le rebutèrent, de telle sorte
qu'il fit une espèce de schisme, dont les sectateurs furent
nommés audiens. Attachés au rite des Juifs pour la célébration
de la Pâque, ils continuèrent, nonobstant la décision du
concile, à la solenniser le quatorzième jour de la lune,
prétendant que c'était une tradition apostolique, dont il
n'était pas permis de se départir, et accusant les Pères de
Nicée de n'avoir changé l'ancienne pratique de l'Église que par
la complaisance qu'ils avaient eue pour Constantin. Les évêques,
le voyant obstiné dans son sentiment, le dénoncèrent à ce
prince, qui le bannit en Scythie. Son absence n'ayant pas
empêché que ses sectateurs ne continuassent dans leur
entêtement, le concile d'Antioche tenu en 341 les obligea, sous
peine d'excommunication, à se conformer au décret de Nicée
touchant la célébration de la Pâque. Saint Épiphane (Haer.
70, n. 9) a réfuté amplement la calomnie des audiens, et
saint Chrysostome (t. I, Or. 3) a fait voir qu'un
concile presque tout composé de confesseurs du nom de
Jésus-Christ n'était pas capable d'abandonner une tradition
apostolique, par une lâche complaisance pour Constantin.
Le concile de Nicée
fit aussi plusieurs autres règlements touchant la discipline de
l'Église, mais dans une session postérieure à celle où Arius fut
condamné. Nous les avons encore aujourd'hui au nombre de vingt,
que Théodoret (l. I, c. 7, Hist. eccl.)
appelle vingt lois de la police ecclésiastique.
Le premier de ces
canons est conçu en ces termes: " Si quelqu'un
a été fait eunuque, ou par les chirurgiens en maladie, ou par
les barbares, qu'il demeure dans le clergé; mais celui qui s'est
mutilé lui-même, étant en santé, doit être interdit s'il se
trouve dans le clergé, et désormais on n'en doit promouvoir
aucun. " L'esprit de ce canon, c'est d'exclure de la cléricature
ceux qui ont du penchant à l'incontinence et à la violence: deux
défauts tout à fait contraires à la pureté et à la douceur que
l'Église demande à voir dans ses ministres.
La mutilation
volontaire était pareillement défendue par les lois civiles,
même sous peine de mort. Toutefois, on vit paraître une secte
entière qui se distinguait par cette cruelle opération. Ils se
nommaient valésiens (Voy. ACHAIE, l'an 250), et rendaient
eunuques, non seulement leurs disciples, mais aussi leurs hôtes,
soit de gré, soit de force. Saint Épiphane (Haer. 58,
n. 1 et seq.) dit qu'il y avait de ces hérétiques à
Bachas, ville de la Philadelphie, au delà du Jourdain. Ils
rejetaient la Loi et les Prophètes, et avaient sur les anges les
mêmes principes que les gnostiques. Ce fut en vertu de ce canon
que l'on déposa de la prêtrise Léonce, qui s'était mutilé
lui-même, pour vivre plus librement avec une nommée Eustolie,
dont il avait abusé auparavant. Mais l'empereur Constance
l'éleva quelque temps après sur le siège d'Antioche, à la
persuasion des ariens.
Le second canon
défend d'admettre au baptême ceux qui, étant sortis du paganisme
pour embrasser la foi, n'avaient mis que peu de temps à
s'instruire, et de promouvoir à l'épiscopat ou à la prêtrise
ceux qui n'étaient baptisés que depuis peu. Car il faut du temps
pour préparer les catéchumènes au baptême, et beaucoup plus pour
éprouver le nouveau baptisé, avant de le recevoir dans l'état
ecclésiastique. Le canon ajoute: " Que si, dans la suite du
temps, celui qu'on aura admis dans le clergé se trouve coupable
de quelque péché de la chair, et en est convaincu par deux ou
trois témoins, qu'il soit privé de son ministère. Qui s'opposera
à la déposition, du coupable, se mettra lui-même en danger
d'être déposé, ayant la hardiesse de résister au grand concile.
"
Nous voyons dans
Tertullien (de Praescr. c. 41) que les hérétiques de son
temps élevaient aux dignités ecclésiastiques des néophytes, des
gens engagés dans le siècle, et même des apostats, afin de
grossir leur parti. Les ariens en usèrent de même, mettant à la
place des saints évêques qu'ils avaient fait exiler de jeunes
débauchés encore païens ou à peine catéchumènes. L'Église au
contraire n'a dérogé à cette ordonnance que dans des cas
extraordinaires, lorsqu'il paraissait clairement que Dieu
appelait le néophyte au sacerdoce, comme il arriva dans
l'élection de saint Ambroise, ou lorsqu'il ne se trouvait
personne dans le clergé qui fut digne de l'épiscopat: et ce fut
pour cette dernière raison que Nectaire fut élu évêque de
Constantinople, quoique laïque et encore catéchumène, parce que
tous les clercs de cette Église étaient infectés de l'hérésie.
Par le troisième
canon, il est défendu généralement à tous les ecclésiastiques
d'avoir aucune femme sous-introduite, excepté leur mère, leur
sœur, leur tante, ou quelque autre qui ne puisse causer aucun
soupçon :
ce que Rufin (l. I Hist., c. 6) entend des
plus proches parentes.
On avait déjà
essayé de réformer cet abus dans le concile d'Elvire: et dans
celui d'Antioche tenu longtemps auparavant, il fut reproché à
Paul de Samosate, d'avoir non seulement entretenu chez lui des
femmes qui ne lui étaient point parentes, mais d'avoir encore
toléré ce désordre dans ses prêtres et dans ses diacres. Les
pères de Nicée donnent à ces femmes le nom de sous-introduites,
et c'est ainsi qu'on les nommait surtout à Antioche. D'autres
les qualifiaient soeurs ou compagnes, chacun selon les divers
prétextes qu'il avait d'en tenir chez soi: les uns sous prétexte
de charité et d'amitié spirituelle; les autres pour qu'elles
eussent soin de leurs affaires domestiques et de leur ménage, ou
enfin pour être soulagés par elles dans leurs maladies. Saint
Basile (Ep. 55) se servit de l'autorité de ce canon pour
obliger un prêtre nommé Parégoire à quitter une femme qu'il
avait chez lui pour le servir, quoique ce prêtre fût âgé de
soixante-dix ans, et qu'il n'y eût aucun danger pour lui. Il
paraît qu'il l'avait même suspendu des fonctions de son
ministère, jusqu'à ce qu'il eût obéi. Il le menaçait d'anathème
en cas qu'il refusât de le faire, et soumettait à la même peine
ceux qui communiqueraient avec lui. On avait eu dessein dans le
concile de faire une loi générale, qui défendît à tous ceux qui
étaient dans le sacré ministère, c'est-à-dire, comme l'explique
Socrate (l. 1, c. 11), aux évêques, aux prêtres et
aux diacres, d'habiter avec les femmes qu'ils avaient épousées
étant laïques. Sozomène (l. I, c. 23) y ajoute les
sous-diacres. Mais le confesseur Paphnuce, évêque dans la haute
Thébaïde, l'un des plus illustres et des plus saints d'entre les
prélats, et qui avait toujours vécu dans la continence, se leva
au milieu de l'assemblée et dit à haute voix qu'il ne fallait
point imposer un joug si pesant aux ministres sacrés; que le lit
nuptial est honorable et le mariage sans tache; que cet excès de
rigueur nuirait plutôt à l'Église; que tous ne pouvaient porter
une continence si parfaite, et que la chasteté conjugale en
serait peut-être moins bien gardée: qu'il suffisait que celui
qui était une fois ordonné clerc n'eût plus la liberté de se
marier, suivant l'ancienne tradition de l'Église; mais qu'il ne
fallait pas le séparer de la femme qu'il avait épousée étant
encore laïque.
Son avis fut suivi de tout le concile: on ne fit sur ce sujet
aucune nouvelle ordonnance, et on laissa à chaque Église la
liberté de suivre les usages qui y étaient établis: car la
discipline n'était point uniforme sur ce point. En Thessalie, en
Macédoine et en Grèce, on excommuniait un clerc qui avait habité
avec sa femme, quoiqu'il l'eût épousée avant son ordination. Les
Orientaux observaient la même règle, mais sans y être astreints
par aucune loi, et il n'y en avait pas même pour les évêques:
d'où vient que plusieurs d'entre eux avaient eu des enfants de
leurs femmes légitimes pendant leur épiscopat. C'est Socrate qui
rapporte ce fait. Mais saint Jérôme (adv. Vigil.) assure
que les Églises d'Orient, d'Égypte et du saint-siège
apostolique, c'est-à-dire les trois grands patriarcats de Rome,
d'Alexandrie et d'Antioche, prenaient pour clercs des vierges ou
des continents; ou que, si ces clercs avaient des femmes, ils
cessaient d'être leurs maris. Saint Épiphane (Haer. 59,
n. 4) dit aussi que, dans les lieux où les canons étaient
observés, on n'admettait point de bigames, et que ceux mêmes qui
n'avaient été mariés qu'une fois n'étaient point admis dans le
clergé pour y être évêques, prêtres, diacres ou sous-diacres,
qu'ils ne s'abstinssent de leur femme, s'ils en avaient encore.
Il ne dissimule point qu'en quelques endroits il y avait des
prêtres et d'autres ministres inférieurs qui usaient de la
liberté du mariage; mais il ajoute que cet usage n'était pas
conforme aux lois de l'Église, qui ne le tolérait que dans la
crainte de manquer de ministres. On voit par une lettre (Ep.
105) de Synésius, évêque de Ptolémaïde en Libye, que la loi du
célibat était, à l'égard des évêques, en vigueur dans cette
province, puisque, lorsqu'on voulut l'obliger à accepter
l'épiscopat, il opposa sa femme comme un obstacle à son
ordination, protestant devant tout le monde qu'il ne voulait
point s'en séparer, mais continuer à en avoir des enfants.
Mais quand Socrate
dit que l'ancienne tradition de l'Église défendait seulement aux
clercs supérieurs de se marier, sans leur ôter l'usage du
mariage contracté par avance, nous en appelons à Eusèbe, à saint
Épiphane et à saint Jérôme, qui, d'ailleurs, plus anciens que
lui, étaient incomparablement mieux instruits des anciens usages
de l'Église. Ainsi, Socrate a mis dans la bouche du saint évêque
Paphnuce une harangue qui n'en sortit jamais. Ce saint prélat
put juger avec tout le concile, et avec toute l'Église grecque
dans les siècles suivants, qu'il valait mieux tolérer cet abus
que d'exposer l'Église au schisme, et ses clercs à une
incontinence plus criminelle; mais il ne put ignorer que ce fut
un abus et un violement des anciens canons et de la discipline
plus pure établie par les apôtres. " Thomass. Discipl. eccl.
v. 1, l. II, c. 60. On voit par ce seul
extrait que Thomassin faisait remonter jusqu'à Jésus-Christ, ou
du moins jusqu'aux apôtres, la loi du célibat des clercs
majeurs.
M. Jager (pag. 98
de la dissertation citée plus haut) nie même que le fond de
cette histoire soit véritable: " Si une affaire de cette
importance, dit-il, s'était passée au milieu de cette célèbre
assemblée, on la trouverait certainement dans les actes du
concile, des écrivains contemporains en auraient parlé. Or, les
actes du concile n'en font pas la plus légère mention; le nom de
Paphnuce ne se trouve pas sur la liste des évêques qui ont signé
les décrets du concile. Eusèbe et saint Athanase ne disent pas
un mot de Paphnuce, et les Pères de cette époque, qui se font
gloire de suivre les décrets de Nicée, parlent de la continence
comme rigoureusement prescrite aux prêtres après l'ordination. "
Selon le quatrième
canon, " L'évêque doit être ordonné par tous ceux de la
province, autant que faire se peut. Mais si cela est difficile,
soit à cause d'une nécessité pressante, soit à cause de la
longueur du chemin, il est du moins nécessaire qu'il y en ait
trois présents, qui fassent l'ordination avec le suffrage et le
consentement par écrit des absents. Mais c'est au métropolitain,
en chaque province, à confirmer ce qui s'y est fait; en sorte,
selon Rufin (l. I, Hist. c. 6), que l'ordination
est nulle, si elle n'est faite en présence ou par l'autorité du
métropolitain. On voit ici, dit Fleury, la division des
provinces établie, et le nom de métropolitain donné dès lors à
l'évêque de la capitale, que les Grecs nomment métropole, comme
qui dirait mère-ville; et ces provinces étaient réglées suivant
la division de l'empire romain. Ce canon est cité dans le
concile de Constantinople de l'an 382, avec cette addition, que
les évêques de la province pourront appeler leurs voisins à une
élection, s'ils le jugent à propos.
On a douté si ce
canon devait s'entendre de l'ordination, ou seulement de
l'élection de l'évêque. Les interprètes grecs, comme Zonare et
Balsamon, suivis nouvellement par Guillaume Bévérégius, savant
prêtre anglais, dans ses notes sur ce canon, croient qu'il ne
doit s'entendre que de l'élection; d'autres, de l'ordination
seulement; d'autres enfin, de l'élection et de l'ordination tout
ensemble; et ce dernier sentiment paraît plus conforme au texte
original de ce canon, qui est le grec, et à la discipline de ce
temps-là. Le texte grec de ce canon a deux parties. Le terme
employé dans la première partie signifie proprement être
établi, en faisant abstraction de l'élection et de
l'ordination, ou de la consécration de l'évêque. Le terme
employé dans la seconde partie du canon signifie l'imposition
des mains, et par conséquent, l'ordination, ou la
consécration. Le vrai sens du canon est donc celui-ci: "
L'évêque doit être établi, ou élu par tous les évêques de la
province, et si cela ne peut se faire, au moins par trois
évêques présents, avec le consentement de ceux qui sont absents,
lesquels ayant consenti à l'élection, ceux qui sont présents
font l'imposition des mains ou l'ordination. " Cette
interprétation convient parfaitement à la discipline de ce
temps-là, où il était ordinaire de faire l'élection et la
consécration des évêques tout ensemble. La raison de ce canon,
comme le dit Innocent I dans sa lettre à Victrice, est pour que
les évêques n'entrent point furtivement dans la bergerie, mais
avec l'approbation de toute l'Église, qui est représentée par
celle de la province où l'on consacre un nouvel évêque. Au
reste, il faut observer que, quoique l'ordination épiscopale
faite par un seul évêque soit illicite, elle ne serait pas nulle
et invalide par cela même. Le pouvoir de dispenser à cet égard
et de permettre qu'un évêque tout seul confère l'ordination
épiscopale a plusieurs fois été exercé par le saint-siège, mais
le pape ne l'a jamais fait sans exiger qu'au moins deux prêtres,
tenant lieu d'évêques, assistassent à leur défaut le prélat
consécrateur. Le P. Sirmond, dans la préface de l'appendice du
deuxième tome des Conciles de France, croit que le concile de
Nicée établit un nouveau droit, en ôtant au peuple la part qu'il
avait eue dans les élections des évêques, mais qu'il n'y eut que
les Églises orientales qui s'y soumirent, celles d'Occident
étant demeurées dans leur ancienne pratique.
Le 5e canon est
exprimé en ces termes: " Touchant les excommuniés, clercs ou
laïques, la sentence doit être observée par tous les évêques de
chaque province, suivant le canon qui défend que les uns
reçoivent ceux que les autres ont chassés; mais il faut examiner
si l'évêque ne les a point excommuniés par faiblesse, par
animosité ou par quelque passion semblable. Afin qu'on puisse
l'examiner dans l'ordre, il a été jugé à propos de tenir tous
les ans deux conciles en chaque province, où tous les évêques
traiteront en commun ces sortes de questions; et tous
déclareront légitimement excommuniés ceux qui seront reconnus
avoir offensé leur évêque, jusqu'à ce qu'il plaise à l'assemblée
de prononcer un jugement plus favorable pour eux. Or ces
conciles se tiendront, l'un avant le carême, afin qu'ayant banni
toute animosité, on présente à Dieu une offrande pure; le
second, vers la saison de l'automne. L'ancien canon mentionné
dans celui-ci est le 33e de ceux que l'on nomme apostoliques,
par lequel il est déclaré qu'un prêtre ou un diacre excommunié
par son évêque ne peut être reçu par un autre. Celui de Nicée
fut cité par les évêques d'Afrique dans l'affaire d'Apiarius. Il
était encore ordonné dans le 38e canon des apôtres de tenir deux
fois l'année un concile dans chaque province, et on ne manquait
guère de le faire en Afrique du temps de saint Cyprien, lorsque
l'Église était en paix. Le concile de Nicée veut que le premier
se tienne avant le carême: ce qui montre que le temps du jeûne
qui précédait la fête de Pâques était fixé à quarante jours dans
toute l'Église, quoique en quelques endroits la manière de
jeûner en ces jours ne fût pas uniforme.
On croit que Mélèce
donna occasion au 6e canon, par les entreprises qu'il avait
faites contre la juridiction de l'évêque d'Alexandrie. Ce canon
porte: " Que l'on observe les anciennes coutumes établies dans
l'Égypte, la Libye et la Pentapole; en sorte que l'évêque
d'Alexandrie ait l'autorité sur tontes ces provinces, puisque
l'évêque de Rome a le même avantage. A Antioche aussi et dans
les autres provinces, que chaque Église conserve ses privilèges.
En général, qu'il soit notoire que, si quelqu'un est fait évêque
sans le consentement du métropolitain, ce grand concile déclare
qu'il ne doit point être évêque. Mais si l'élection étant
raisonnable et conforme aux canons, deux ou trois s'y opposent
par une opiniâtreté particulière, la pluralité des voix doit
l'emporter. " Les évêques de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche,
avaient donc juridiction sur plusieurs provinces, en qualité de
patriarches; mais cette juridiction particulière de l'évêque de
Rome sur certaines provinces ne préjudiciait en rien à sa
qualité de chef de l'Église universelle, qui ne lui a jamais été
commune avec aucun autre évêque, et qui est incontestable.
Il est une autre
interprétation, appuyée sur l'autorité de Rufin, d'après
laquelle il ne s'agirait dans ce canon que des droits de
métropolitain que l'évêque de Rome exerçait sur les Églises
suburbicaires, c'est-à-dire sur celles qui n'étaient pas
distantes de plus de onze cents pas de la ville de Rome. Mais,
1. l'autorité de Rufin est de nulle valeur, comme le dit fort
bien le P. Alexandre (Hist. eccl. saec. quart, diss. 20);
son esprit de partialité nous est assez connu par les démêlés
qu'il eut avec saint Jérôme; et si personne ne doit être juge
dans sa propre cause, cela est vrai de Rufin dans les limites
qu'il pose à la juridiction de l'Église romaine, qu'il était
intéressé à combattre, puisqu'elle l'avait exclu de son sein,
par l'organe de son pontife Anastase I, avant même qu'il eût
commencé à écrire son Histoire. 2. Dès le temps de Rufin,
les droits du pontife romain, en sa simple qualité de
métropolitain, s'étendaient bien au delà des villes
suburbicaires, puisqu'il ordonnait à ce titre, et convoquait à
ses conciles les évêques des sept provinces de l'Italie, depuis
le Pô jusqu'au Talon, ceux des îles de Sicile, de Corse et de
Sardaigne, qui formaient trois autres provinces, et ceux même de
Sicile, comme le prouve une lettre de saint Léon I. 3. Le 6e
canon du concile de Nicée attribue aux sièges d'Alexandrie et
d'Antioche une juridiction de même nature que celle dont
jouissait celui de Rome; or la juridiction qu'il accorde à
l'évêque d'Alexandrie sur l'Égypte, la Libye et la Pentapole,
n'est assurément pas celle d'un métropolitain sur une province,
mais un droit tout au moins primatial; et cela posé, qui empêche
de dire que ce ne fût un droit patriarcal proprement dit,
puisque toute l'histoire ecclésiastique dépose en faveur de ce
fait? Il faut donc abandonner l'interprétation de Rufin, quelque
soutenue qu'elle soit par le docteur Launoy, et même par les
docteurs protestants, et dire avec tous les catholiques les plus
instruits que le 6e canon du concile de Nicée, bien loin
d'affaiblir ou de contester l'autorité du pontife romain,
reconnaît au contraire cette autorité, qu'il n'établit pas, mais
qu'il suppose comme établie de tout temps; et la présidence
déférée dans ce concile même aux légats du pape saint Sylvestre
démontre avec évidence qu'outre le droit patriarcal du siège de
Rome, modèle primitif de tous les droits patriarcaux, le concile
révérait dans l'évêque assis à la place de Pierre cette même
pierre fondamentale sur laquelle toute l'Église a été bâtie.
D'autres ont été
plus loin et ont prétendu avec Baronius et Bellarmin que
l'autorité suprême du siège de Rome non seulement n'est pas
contredite, mais est clairement démontrée par ce canon même. On
cite en effet un manuscrit du Vatican, où ce canon a pour titre:
De la primauté de l'Église romaine, d'où Baronius et
Labbe après lui ont conclu que nous ne l'avions pas entier: et
ils appuient leur opinion de l'autorité de Paschasin, légat du
pape saint Léon au concile de Chalcédoine, qui lisait ainsi le
commencement de ce canon: L'Église romaine a toujours eu la
primauté. Mais il est à remarquer qu'aussitôt que Paschasin
eut fini la lecture de ce canon, selon qu'il était dans son
exemplaire, Constantin, secrétaire de l'Église de
Constantinople, ayant reçu des mains du diacre Aétius un autre
exemplaire que celui de Paschasin, lut ce même canon conçu en la
manière que nous le lisons encore aujourd'hui dans l'original
grec et dans les versions latines, où il n'est fait aucune
mention de la primauté de l'Église romaine. On n'en trouve rien
non plus dans le Code des canons de l'Église romaine donné par
Justel, ni dans la version de ces canons par Denys le Petit, que
le même Justel fit imprimer à Paris en 1628, sur de très anciens
manuscrits. Il est donc à croire, dit D. Ceillier, que ces
paroles: L'Église romaine a toujours eu la primauté, ont
été ajoutées au texte dans quelque exemplaire de Rome, et cela
par une personne peu habile. Car il ne s'agit nullement dans le
canon 6e de Nicée, de la primauté de l'évêque de Rome dans toute
l'Église, mais de quelques droits qui lui étaient communs avec
les évêques d'Alexandrie et d'Antioche, semblables à celui que
l'on a depuis appelé patriarcal.
Le septième
maintient l'évêque de Jérusalem dans les prérogatives d'honneur
dont il avait joui jusqu'alors. " Puisque, suivant la coutume, y
est-il dit, et la tradition ancienne, l'évêque d'AElia, ou de
Jérusalem, est en possession d'être honoré, il continuera à
jouir de cet honneur, sans préjudice pour la dignité du
métropolitain ", qui était l'évêque de Césarée en Palestine. Cet
honneur, qui consistait apparemment dans la préséance sur les
autres évêques de la province, lui était dû comme à l'évêque
d'un des sièges apostoliques, ainsi que l'appelle Sozomène (l.
I, c. 17): et en effet, nous voyons un concile de
Palestine au sujet de la Pâque, où saint Narcisse de Jérusalem
présida avec Théophile de Césarée. Dans l'histoire du concile
d'Antioche contre Paul de Samosate, Hyménée de Jérusalem est
nommé après Hélène de Tarse, et avant Théotechne de Césarée; et
Juvénal de Jérusalem tint aussi un des premiers rangs dans les
deux conciles d'Éphèse et dans celui de Constantinople. Il est
encore remarquable qu'Eusèbe, qui ne nous a point donné la suite
des évêques de son Église, a pris soin de marquer les noms des
évêques de Jérusalem, comme des autres sièges apostoliques.
Néanmoins il se trouve plusieurs conciles où l'évêque de Césarée
est mis avant celui de Jérusalem, comme dans celui de Diospolis
en 415; et ce ne fut qu'au concile de Chalcédoine, tenu l'an
451, que l'évêque de Jérusalem fut regardé comme le cinquième
patriarche.
Dans le huitième
canon on règle la manière dont on devait recevoir les novatiens
qui revenaient à l'Église catholique. Ils y étaient reçus en
promettant par écrit de suivre tous les dogmes de l'Église, et
de communiquer avec les bigames et avec ceux qui, étant tombés
pendant la persécution, avaient fait la pénitence prescrite par
les lois de l'Église. Car l'erreur des novatiens, qui se
nommaient en grec cathares, c'est-à-dire purs, consistait
en ce qu'ils condamnaient la pénitence que l'Église accordait
aux apostats, et les secondes noces, traitant d'adultères les
veuves qui se remariaient. Il fut encore arrêté que ceux d'entre
les novatiens qui seraient dans les degrés ecclésiastiques, y
demeureraient après avoir reçu l'imposition des mains,
c'est-à-dire
la confirmation, que ces hérétiques ne conféraient point; et
que, dans les lieux, soit villes, soit villages, où il ne se
trouverait point d'autres clercs, ils garderaient le rang qu'ils
auraient reçu dans l'ordination.
Mais, ajoute le
canon, si quelques-uns viennent dans un lieu où il y ait un
évêque ou un prêtre catholique, il est évident que l'évêque de
l'Église catholique aura la dignité épiscopale, et celui qui
porte le nom d'évêque chez les prétendus purs aura le nom de
prêtre; si ce n'est que l'évêque catholique veuille bien lui
faire part du titre d'évêque. Autrement il lui trouvera une
place de chorévêque ou de prêtre, afin qu'il paraisse
effectivement faire partie du clergé, et qu'il n'y ait pas deux
évêques dans la même ville. Les évêques catholiques, tant en
Afrique qu'à Rome, usèrent d'une semblable indulgence à l'égard
des donatistes. Contents d'avoir condamné l'auteur de leur
schisme, ils conservèrent les dignités à ceux qui revinrent à
l'unité de l'Église, quoiqu'ils les eussent obtenues étant dans
le schisme. Le bien de la paix et de l'unité, de même que le
salut des peuples, engagea l'Église à se relâcher en ces
occasions de la sévérité de sa discipline, pour faire rentrer
dans son sein ceux qui en étaient sortis. Ce fut une plaie, dit
saint Augustin, que l'Église fit à sa discipline, mais une plaie
salutaire, comme celle que l'on fait à un arbre pour le greffer.
Constantin, dans la vue de réunir les Églises, avait fait venir
au concile un évêque novatien, nommé Acésius, et apparemment il
y avait aussi appelé les chefs des autres hérésies dans le même
dessein. Après que le concile eut arrêté et écrit le décret de
la foi et celui qui regardait la fête de Pâques, l'empereur
demanda à Acésius s'il pensait ainsi. Il répondit: Seigneur, le
concile n'a rien ordonné de nouveau: c'est, comme je l'ai
appris, ce qui s'est observé depuis le commencement et depuis
les apôtres, touchant la règle de la foi et le temps de la
Pâque. Pourquoi donc, dit l'empereur, vous séparez-vous de la
communion des autres? Acésius lui expliqua ce qui était arrivé
sous la persécution de Dèce et la sévérité du canon qui
défendait, à ce que prétendaient les novatiens, de recevoir à la
participation des saints mystères ceux qui après le baptême
avaient commis quelqu'un de ces péchés que l'Écriture (I Joan.
V, 16) appelle dignes de mort; qu'il fallait les exciter
à la pénitence, sans leur faire espérer le pardon par le
ministère des prêtres, mais par la seule bonté de Dieu, qui a
toute puissance de remettre les péchés. Sur quoi Constantin, se
moquant de ces personnes qui se croyaient impeccables, lui fit
cette réponse: Acésius, prenez une échelle et montez tout seul
au ciel.
Le neuvième canon
prive du sacerdoce celui qui y aura été élevé sans examen, ou
qui dans l'examen se sera avoué coupable de quelques crimes,
parce que l'Église catholique ne veut pour ministres que ceux
dont la conduite est irrépréhensible. Ainsi on n'admettait point
aux ordres celui qui était tombé dans quelque faute considérable
depuis son baptême, quelque pénitence qu'il eût faite. On peut
voir dans saint Cyprien de quelles précautions on usait pour ne
recevoir dans le clergé que des personnes d'une vie pure et
intègre. On n'en prenait pas moins du temps d'Origène et de
Tertullien, et l'exactitude des évêques à cet égard était
admirée des païens mêmes: en sorte qu'Alexandre Sévère, croyant
devoir les imiter dans le choix de ses gouverneurs des
provinces, faisait afficher les noms de ceux qu'il destinait à
ces emplois ou à d'autres quelquefois moins importants, et
exhortait tout le monde à venir déclarer si on les savait
coupables de quelques crimes.
Le dixième canon
est une suite du précédent. Il ordonne que ceux qui, après être
tombés durant la persécution, auront été pourvus dans le clergé,
par ignorance ou avec connaissance de la part des ordinateurs,
soient déposés.
Le onzième canon
règle en ces termes la pénitence de ceux qui, sans aucune
violence, avaient renoncé la foi dans la persécution. " Quant à
ceux qui ont apostasié sans contrainte, sans perte de leurs
biens, sans péril ou rien de semblable, comme il est arrivé sous
la tyrannie de Licinius, le concile a trouvé bon d'user envers
eux d'indulgence, bien qu'ils en soient indignes. Ceux donc qui
se repentiront sincèrement seront trois ans entre les auditeurs,
quoique fidèles; six ans prosternés, et pendant deux ans ils
participeront aux prières du peuple sans offrir. " Outre ces
degrés de pénitence, si connus dans les premiers siècles, il y
en avait un qui était le premier de tous, et qui consistait à
pleurer pendant quelques années hors de la porte de l'église.
Comme le concile n'en fait point ici mention, il est à croire
qu'il en dispensait les apostats pénitents.
Il est parlé dans
le douzième canon d'une autre sorte d'apostats: c'étaient ceux
qui, après avoir montré de la fermeté dans la foi, et quitté la
ceinture militaire, plutôt que de renoncer à Jésus-Christ,
étaient retournés aux emplois qu'ils avaient dans les armées, et
même les avaient redemandés avec de grandes sollicitations,
jusqu'à donner de l'argent et des présents. Comme ils n'avaient
pu faire cette démarche sous Licinius qu'en renonçant la foi,
parce que ce prince ne souffrait dans ses troupes aucun soldat
qui ne sacrifiât, le concile ordonne qu'ils soient dix ans
prosternés, après avoir été trois ans auditeurs; mais il veut
que l'on examine leurs dispositions et le genre de leur
pénitence. " Car ceux, dit-il, qui vivent dans la crainte, les
larmes, les souffrances, les bonnes oeuvres, et qui montrent
leur conversion, non par l'extérieur, mais par les effets,
ceux-là, ayant accompli leur temps d'auditeurs, pourront
participer aux prières, et il sera libre à l'évêque d'user
envers eux d'une plus grande indulgence. Mais ceux qui ont
montré de l'indifférence, et qui ont cru que de fréquenter
extérieurement l'église était une preuve suffisante de leur
conversion, ceux-là accompliront tout le temps qui est prescrit
pour la pénitence. " Nous avons remarqué ailleurs (t. 1,
col. 191) que le concile d'Arles séparait de la communion
les soldats qui quittaient les armes pendant la paix. Celui de
Nicée n'a rien de contraire à cette disposition, et ne défend le
service de la guerre qu'autant qu'on ne peut le faire sans
s'exposer à l'idolâtrie.
Le treizième canon
porte: " Qu'à l'égard des mourants, on gardera toujours la loi
ancienne et canonique, en sorte que, si quelqu'un décède, il ne
sera point privé du dernier viatique si nécessaire. Que si
quelqu'un a reçu la communion étant à l'extrémité, et qu'il
revienne en santé, il sera avec ceux qui ne participent qu'à la
prière. En général, à l'égard de tous les mourants qui demandent
la participation de l'eucharistie, l'évêque l'accordera avec
examen. " Le viatique dont il est parlé ici était l'eucharistie.
Quelques-uns l'ont pris pour l'absolution, et rien n'empêche
qu'on ne lui donne aussi ce sens, l'absolution et la
participation de l'eucharistie ayant été dans les premiers
siècles deux choses inséparables et regardées comme nécessaires
aux mourants. Avant le concile de Nicée, les pénitents
réconciliés pendant la maladie, à cause du danger de mort,
n'étaient pas remis de nouveau en pénitence lorsqu'ils
revenaient en santé. Mais comme la plupart abusaient de
l'indulgence de l'Église à leur égard, les Pères de Nicée
décrétèrent qu'ils seraient renvoyés avec ceux qui ne
participaient qu'à la prière, c'est-à-dire, qu'ils seraient
remis dans le degré des consistants, pour s'assurer davantage de
la sincérité de leur conversion.
Le quatorzième
regarde les catéchumènes qui étaient tombés dans quelque faute
considérable. Le concile ordonne qu'ils soient trois ans entre
les auditeurs, et qu'ensuite ils prient avec ceux des
catéchumènes que l'on appelait compétents. Car il y avait divers
degrés de catéchumènes: les auditeurs, qui n'étaient admis
qu'aux instructions, et les compétents, qui assistaient aux
prières qui précédaient le sacrifice. Ces derniers étaient en
état de recevoir le baptême.
Dans le quinzième
on défend en ces termes les translations des évêques. " A cause
des grands troubles et des séditions qui sont arrivées, il a été
résolu d'abolir entièrement la coutume qui s'est introduite en
quelques lieux contre la règle; en sorte que l'on ne transfère
d'une ville à une autre, ni évêque, ni prêtre, ni diacre. Que si
quelqu'un, après la définition du saint concile, entreprend rien
de semblable, ou qu'il y consente, on cassera entièrement cet
attentat, et il sera rendu à l'Église dans laquelle il a été
ordonné évêque ou prêtre. " Eusèbe de Nicomédie, qui paraît
avoir donné occasion à ce décret en passant du siège de Béryte à
celui de Nicomédie, s'empara (l. I Hist. c.
18) depuis de l'Église de Constantinople, sans respecter, dit
Théodoret, les règles qu'il avait faites un peu auparavant avec
les autres prélats à Nicée. Comme il eut dans la suite beaucoup
d'imitateurs, on fut contraint dans le concile de Sardique de
défendre ces sortes de translations, sous peine de privation de
la communion laïque, même à la mort. Saint Jérôme (Epist.
82 ad Ocean.) les traite d'adultères, et combat avec
force les vains prétextes dont les évêques couvraient leur
ambition et leur avarice, pour avoir lieu de passer d'une Église
pauvre à une plus riche.
Le canon suivant
traite la même matière. Il défend aux prêtres, aux diacres et
aux clercs d'une Église, de passer à une autre, et ordonne
qu'ils retournent dans leurs diocèses, sous peine
d'excommunication s'ils refusent. Il ajoute que, si quelqu'un a
la hardiesse d'enlever celui qui dépend d'un autre, et de
l'ordonner dans son Église, sans le consentement du propre
évêque d'avec lequel le clerc s'est retiré, l'ordination sera
sans effet. La stabilité était donc également pour les prêtres,
les diacres et les autres clercs, comme pour les évêques; et
comme il était juste d'attacher les ecclésiastiques aux Églises
pour lesquelles ils avaient été ordonnés, il ne l'était pas
moins de régler les bornes des diocèses, afin que les évêques
n'entreprissent pas sur les droits de leurs confrères.
Le dix-septième
canon renouvelle la défense que le concile d'Elvire avait faite
aux clercs de prêter à usure. Il est conçu en ces termes: "
Parce que plusieurs ecclésiastiques, s'adonnant à l'avarice et à
un intérêt sordide, oublient l'Écriture divine, qui dit: Il
n'a point donné son argent à usure (Psal. XIV, 5), et
prêtent à douze pour cent, le saint et grand concile a décrété
que, si, après ce règlement, il se trouve quelqu'un qui prenne
des usures d'un prêt, qui fasse quelque trafic semblable, qui
exige une moitié au delà du principal, ou qui use de quelque
autre invention pour faire un gain sordide, il sera déposé et
mis hors du clergé. " Constantin avait borné les usures du prêt
en argent au centième denier par chaque mois: mais, à l'égard
des fruits qu'il appelle humides, comme le vin et l'huile, et
ceux qu'il appelle secs, comme le blé et l'avoine, il permettait
d'en tirer jusqu'à la moitié, en sorte que celui qui prêtait
deux boisseaux de blé pouvait en exiger un troisième pour
l'intérêt. Il y a quelque lieu de croire que cette loi impériale
donna lieu aux Pères de Nicée de faire ce canon, pour empêcher
que les ecclésiastiques ne s'autorisassent des lois du prince
pour faire de leur argent ou de leurs denrées un trafic qui ne
convenait pas à leur état.
Il y avait parmi
les. diacres un autre abus. En quelques endroits, ils donnaient
l'eucharistie aux prêtres, contre les canons et la coutume, qui
ne permettaient pas que ceux qui n'avaient pas le pouvoir
d'offrir donnassent le corps de Jésus-Christ à ceux qui
l'offraient. Il y en avait encore qui prenaient l'eucharistie
même avant les évêques, et qui s'asseyaient entre les prêtres,
c'est-à-dire, qui s'asseyaient dans l'église comme les prêtres,
ce qui était contre les canons et contre l'ordre. Le concile
ayant reçu des plaintes touchant ces abus, ordonna dans son
dix-huitième canon qu'on les abolît, voulant que les diacres se
continssent dans leurs bornes, qu'ils se regardassent comme les
ministres des évêques et comme inférieurs aux prêtres, qu'ils
reçussent l'eucharistie en leur rang, après les prêtres, de la
main de l'évêque ou du prêtre, et qu'ils demeurassent debout
dans l'église. On voit par saint Jérôme (Ep. 101 ad
Evang.), qu'à Rome, où les diacres s'attribuaient beaucoup
d'autorité, ils demeuraient néanmoins debout, tandis que les
prêtres étaient assis, quoiqu'ils violassent quelquefois cette
règle, surtout lorsque l'évêque n'était pas présent. " Que si
quelqu'un, dit le concile, ne veut pas obéir, même après ce
règlement, qu'il soit interdit des fonctions de son ministère. "
Elles consistaient à servir, surtout à l'autel, à distribuer le
corps de Jésus-Christ aux assistants, sous les espèces du pain
et du vin, et à le porter aux absents; les pauvres recevaient
d'eux les aumônes, et les clercs leurs rétributions. Rufin
lisait ce dix-huitième canon de Nicée autrement qu'il n'est dans
les exemplaires grecs et latins. Selon lui, il défendait aux
diacres de distribuer l'eucharistie en présence des prêtres, et
leur permettait de le faire en leur absence. Ce qu'il y a de
plus remarquable dans ce canon, c'est qu'il y est dit en termes
clairs et précis que les prêtres offraient le corps de
Jésus-Christ, à l'exclusion des diacres: ce qui montre que les
Pères de Nicée ne doutaient pas qu'on n'offrît dans l'Église un
vrai sacrifice, et que les prêtres, qui en étaient les
ministres, n'eussent un pouvoir au-dessus de celui des diacres.
On traite dans le
dix-neuvième canon de la manière de recevoir dans l'Église les
sectateurs de Paul de Samosate: " Quant aux paulianistes qui
reviennent à l'Église catholique, dit le concile, il est décidé
qu'il faut absolument les rebaptiser. Que si quelques-uns ont
été autrefois dans le clergé, et qu'ils soient trouvés sans
reproche, une fois rebaptisés, ils seront ordonnés par l'évêque
de l'Église catholique; mais si dans l'examen on les trouve
indignes, il faut les déposer. On gardera la même règle à
l'égard des diaconesses, et généralement de tous ceux qui sont
comptés dans le clergé. On parle des diaconesses que l'on trouve
portant l'habit; mais comme elles n'ont reçu aucune imposition
des mains, elles doivent être comptées absolument entre les
laïques. " Le concile n'ordonna point de baptiser les novatiens
avant de les réconcilier à l'Église, parce qu'ils n'erraient ni
dans la foi de la Trinité, ni dans la forme du baptême; au lieu
que les paulianistes erraient dans l'un et dans l'autre de ces
points, ils ne croyaient Jésus-Christ qu'un pur homme, et
n'admettaient en Dieu qu'une seule personne, suivant la doctrine
de leur maître. A l'égard de la forme essentielle au baptême,
ils ne l'observaient pas, soit qu'ils ne baptisassent pas au nom
du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit; soit qu'en nommant ces
trois personnes ils ajoutassent certaines explications
hérétiques qui ôtaient à ces paroles toute leur efficacité.
Quant aux diaconesses, dont il est aussi parlé dans ce canon,
leurs fonctions étaient d'aider les évêques ou les prêtres
lorsqu'ils baptisaient les personnes du sexe, d'ouvrir et de
fermer les portes de l'église, d'instruire les femmes, de
soulager les pauvres, etc. Elles étaient choisies entre les
vierges ou entre les veuves qui n'avaient été mariées qu'une
fois; l'évêque les ordonnait par l'imposition des mains et par
la prière, en présence des prêtres, des diacres et des autres
diaconesses, et elles étaient censées être du clergé. Mais
celles qui se trouvaient parmi les paulianistes ne pouvaient
avoir ce privilège, n'ayant point reçu l'imposition des mains de
l'évêque. Ainsi le concile les réduisit au rang des laïques. Au
reste, cette imposition des mains n'était qu'une simple
cérémonie, qui ne leur donnait aucune part au sacerdoce.
Le vingtième et
dernier canon rétablit l'uniformité de l'usage où l'on était
dans les siècles précédents de prier debout, et non à genoux,
les dimanches et les cinquante jours du temps de Pâques: " Parce
qu'il y en a, dit-il, qui fléchissent les genoux pendant le
temps pascal, afin que tout soit uniforme dans tous les
diocèses, le saint concile a décidé que l'on fera debout les
prières que l'on doit à Dieu. " Saint Irénée fait remonter cette
cérémonie jusqu'aux apôtres; et elle s'observait exactement du
temps de Tertullien et de saint Pierre d'Alexandrie, mort dans
les commencements du quatrième siècle. Il est à observer
cependant que ce canon ne se trouve point dans le Code de
l'Église romaine, et qu'il y a été apparemment omis à dessein,
parce que cet usage n'était point encore reçu dans cette Église,
ni peut-être dans le reste de l'Occident, quoiqu'il y ait été
reçu depuis que Denys le Petit eut inséré ce canon dans son
Code.
Ce sont là les
vingt canons du concile de Nicée, les seuls dont les anciens
fassent mention et qui soient venus jusqu'à nous. Rufin (l.
I Hist., c. 6) en compte vingt-deux, mais c'est
qu'il en divise quelques-uns en deux. Ce concile fit néanmoins
plusieurs autres décrets, qui ne sont point renfermés dans ces
canons; un en particulier pour célébrer la Pâque en un même jour
dans toute l'Église (Epiphan. haer. 70, n. 9), et
un autre pour la réception des méléciens (Theodoret.,
l. I, c. 10). On voit outre cela, par la lettre du
pape Jules (Ap. Athan. Apolog.), que le concile confirma
par écrit une ancienne coutume de l'Église, qui permettait
d'examiner dans un concile postérieur ce qui avait été décidé
dans un précédent. Saint Augustin cite (Ep. 213) un
décret de Nicée qui défendait de donner un évêque à une Église
qui en avait un vivant. Mais on croit que ce décret est compris
dans les dernières paroles du huitième canon, où l'on voit que,
quoique le concile souhaitât qu'il n'y eût qu'un évêque dans
chaque Église, il tolérait néanmoins le contraire en faveur des
novatiens qui revenaient à l'unité et pour le bien de la paix.
Les Pères du douzième concile de Tolède (can. 4) citèrent
ce canon, comme défendant qu'il y eût deux évêques dans une
ville. Saint Ambroise dit (Ep. 63 ad Eccl. Vercell.)
que dans le concile de Nicée on exclut les bigames non seulement
du sacerdoce, mais aussi de la cléricature. On ne trouve rien de
semblable dans ce qui nous reste de ce concile: ainsi il faut
dire, ou que ce décret est perdu, ou que saint Ambroise, lisant
ce décret touchant les bigames à la suite de ceux de Nicée dans
son exemplaire, a cité sous le nom de ce concile ce qui avait
été ordonné dans un autre. Au siècle de Walafride Strabon, on
attribuait au concile de Nicée le verset: Gloire au Père, au
Fils et au Saint-Esprit. Sozomène (l. III, c.
20) semble favoriser ce sentiment, lorsqu'il dit que Léonce de
Bysance, évêque arien, n'osa défendre de glorifier Dieu en des
termes conformes à la doctrine de Nicée. Mais il peut
s'expliquer de la doctrine de ce verset, aussi bien que des
paroles. Théodoret, plus ancien que Sozomène, fait (Haer. fab.
c.1) remonter jusqu'aux apôtres la pratique de glorifier
le Père, le Fils et le Saint-Esprit; et il nous apprend
qu'Arius, qui trouvait dans cette formule la condamnation de son
hérésie, y fit quelque changement, faisant chanter parmi ceux de
sa secte: Gloire au Père, par le Fils, dans le Saint-Esprit.
Saint Basile (lib. de Spir. S., c. 7 et 27)
dit aussi que ce verset était dans l'usage de l'Église depuis un
temps immémorial, et il en allègue pour témoins, non seulement
Dianius, évêque de Césarée, de qui il avait reçu le baptême,
mais les plus anciens docteurs de l'Église, comme saint Clément
de Rome, saint Irénée, saint Denys de Rome et plusieurs autres.
Ces autres paroles: Comme il était au commencement, se
disaient à la suite de ce verset dans le sixième siècle de
l'Église à Rome, dans tout l'Orient et en Afrique; et le concile
de Vaison, en 529, fut d'avis qu'on les dirait aussi dans les
Gaules, à cause des hérétiques qui enseignaient que le Fils de
Dieu n'avait pas toujours été avec son Père, mais qu'il avait
commencé dans le temps.
On attribue encore
au concile de Nicée un catalogue des livres canoniques, qu'on
dit avoir été cité par saint Jérôme; mais nous ne trouvons rien
de semblable dans les écrits de ce Père: seulement il dit (Prol.
in lib. Judith) avoir lu quelque part que ce concile avait
mis le livre de Judith au rang des divines Écritures,
c'est-à-dire, qu'il l'avait cité comme canonique dans
quelques-uns de ses décrets ou dans les actes de ce concile.
Nous ne connaissons pas de concile qui ait fait un catalogue des
livres canoniques de l'Ancien et du Nouveau Testament, avant
celui de Laodicée. Saint Athanase, qui, dans ses épîtres
festales, fait le dénombrement des livres saints, ne dit point
que le concile de Nicée ait traité cette matière: et s'il l'eût
fait, y aurait-il eu dans la suite des contestations sur ce
point? C'est encore sans fondement qu'on fait honneur à ce
concile de l'institution de certaines lettres formées appelées
ecclésiastiques. Ces sortes de lettres sont plus
anciennes que ce concile, et, dès le second siècle de l'Église,
on en donnait aux chrétiens, surtout aux prêtres, aux diacres et
aux autres ministres, pour qu'ils pussent être reçus des fidèles
dans les églises des villes et des provinces où ils allaient, et
communiquer avec eux. Saint Basile parle de ces lettres, et dit
(Ep. 203 ad maritim. episc.) que les Pères qui
l'avaient précédé avaient institué certains petits caractères,
pour les former, par le moyen desquels la communion se portait
jusqu'aux extrémités da la terre. Mais il ne dit point que les
Pères, instituteurs de ces sortes de caractères, fussent ceux de
Nicée; il paraît, au contraire, qu'il les croyait beaucoup plus
anciens. On croit avec plus de vraisemblance, que la formule que
nous en avons dans le recueil des conciles est de l'invention
d'Isidore Mercator. On peut voir dans Baronius avec quel art
elle est composée. Il y a plusieurs autres choses qui passent
sous le nom du concile de Nicée, et qui sont, ou du concile de
Sardique, ou tirées de quelques monuments supposés.
Les Églises
d'Orient ont pour fondement de leur discipline certains canons
qu'elles croient être du concile de Nicée. Ce sont ceux qu'on
appelle Arabiques, inconnus en Europe avant la traduction
que Turrien en fit faire sur la fin du seizième siècle. Alphonse
Pisani, à qui Turrien communiqua cette traduction, l'inséra dans
sa collection des Conciles. Celle que nous avons dans la
collection du Père Labbe est de la façon d'Abraham Echellensis,
maronite, professeur royal en arabe et en syriaque, qui l'avait
auparavant fait imprimer. Turrien et Abraham Echellensis
soutiennent également que ces canons sont du concile de Nicée;
mais les preuves qu'ils en ont données n'ont persuadé presque
personne, tant elles sont faibles. Le premier ne se fonde que
sur la lettre d'Isidore Mercator, sur une autre faussement
attribuée au pape Jules, et sur ce que les anciens ont cité
plusieurs décrets de Nicée, qui ne se trouvent pas dans les
vingt canons que nous en avons. Le second n'a ajouté à ces
preuves que quelques témoignages des Orientaux du dernier âge,
qui, en ce qui regarde l'histoire ecclésiastique des premiers
siècles, n'ont que peu ou point d'autorité. Tous ceux d'entre
eux qui ont écrit en arabe, orthodoxes, jacobites, nestoriens,
et même les mahométans,
se sont également trompés en ce qu'ils ont dit du concile de
Nicée, savoir qu'il s'y trouva deux mille quarante-huit évêques,
qu'ils tinrent leurs séances près de trois ans, et qu'ils
composèrent non seulement les vingt canons reçus dans toute
l'Église, mais les autres et plusieurs constitutions.
Car la tradition
constante de toutes les Églises est qu'il n'y eut à ce concile
que trois cent dix-huit évêques, et saint Athanase, qui y était
présent, le dit (Ep. ad Afros) en termes exprès. Il n'est
pas moins certain que le concile se termina la même année qu'il
s'était assemblé, puisque au rapport d'Eusèbe (in vita Const.,
l. III, c. 14), témoin oculaire, la fête que
Constantin fit après la fin de ce concile, pour rendre grâces à
Dieu de ce que l'hérésie arienne y avait été détruite, se
rencontra avec le temps de la vingtième année de son règne,
laquelle commençait le 25 juillet de l'an 325, un mois et
quelques jours après le commencement du concile. A l'égard des
décrets faits à Nicée, il est vrai que l'on y en fit
quelques-uns qui ne sont pas venus jusqu'à nous, comme nous
venons de le remarquer; mais il est vrai aussi qu'on en a
attribué à ce concile qui sont de celui de Sardique, les deux en
particulier que le pape Zosime allégua, pour montrer qu'il était
permis aux évêques, et même aux autres ecclésiastiques,
d'appeler au pape. On en a cité d'autres sous le nom de Nicée,
parce que dans le Code universel ils étaient à la suite des
vingt canons qui ont été faits dans ce concile. Mais aucun
auteur contemporain, ni ceux même qui ont écrit l'histoire de ce
concile dans les quatre siècles suivants, n'ont fait mention des
canons arabiques. A qui persuadera-t-on qu'on n'ait conservé
qu'en une langue qui n'était pas alors connue hors du pays où
elle était naturelle, des décrets qui devaient avoir été faits
originairement en grec et en latin, et qui n'intéressaient pas
moins les Églises d'Occident que celles d'Orient? Les versions
syriaques des canons de Nicée, plus anciennes que les arabes, ne
contiennent que les vingt canons ordinaires, sans faire aucune
mention des arabiques, ni de l'histoire qui les accompagne: ce
qui paraît en particulier par le manuscrit syriaque de la
bibliothèque de Florence.
A quoi il faut ajouter que l'on trouve dans les canons arabiques
plusieurs termes et plusieurs rites qui
n'ont été en usage qu'après le quatrième siècle de l'Église.
Ces canons sont au
nombre de quatre-vingts. Le premier est le LXXIXe des Apôtres (Voy.
à la Table chronologique, fin du Ier siècle, à la suite
de ce Dictionnaire). Les suivants sont les XX véritables canons
de Nicée, mais dans un ordre différent. Les XXXVIe, XLVIIe,
XLVIIIe, XLIXe et Le sont tirés du premier concile de
Constantinople; le XXXVIIe, touchant la métropole de Chypre, est
pris du concile d'Éphèse; les LIe et LIIe sont formés sur les
IIe, IIIe et Ve du concile d'Antioche; le LIIIe est le IIe de
Chalcédoine: ce qui est dit dans le XXXIVe de la dignité des
évêques de Séleucie, n'était pas en usage dans le temps du
concile de Nicée; mais ils obtinrent depuis les prérogatives
d'honneur marquées dans ces canons. Dans le XXXVIe, il est
défendu aux Éthiopiens d'élire un patriarche, et ordonné qu'ils
se soumettent à celui d'Alexandrie. Or cette discipline n'est
guère plus ancienne que le mahométisme, qui prit naissance dans
le septième siècle. Par là il paraît clairement que les canons
arabiques ne sont ni du concile de Nicée, ni de celui de
Constantinople, ou de Chalcédoine, ou d'Éphèse, ou d'Antioche;
mais une compilation de plusieurs canons faits dans ces
conciles, auxquels l'auteur a ajouté ce qui convenait à la
discipline de son temps. Il était Arabe, et ne savait le grec
qu'imparfaitement: ce que l'on remarque en plusieurs endroits de
sa traduction, particulièrement dans la manière dont il a rendu
le premier canon de Nicée, qui est le second dans sa collection;
car il entend de la circoncision ce qui y est dit de la
mutilation: peut-être aussi a-t-il fait ce changement dans ce
canon avec connaissance. Car comme
il arrivait souvent que des chrétiens enlevés dans leur jeunesse
par les Mahométans étaient circoncis par force, l'interprète se
sera apparemment conformé, autant que la matière le permettait,
à ce qui avait été décidé à Nicée touchant les eunuques. Il
paraît qu'il était orthodoxe
ou melchite; autrement il n'aurait pas inséré dans sa
compilation des canons des conciles d'Éphèse et de Chalcédoine
que les nestoriens et les jacobites ne reçoivent pas. Comme les
canons arabiques ne se trouvent point dans la collection
syriaque de Florence, faite, comme l'on croit,
vers l'an 686, il y a toute apparence qu'ils n'étaient pas
encore connus alors.
Après que le
concile de Nicée eut terminé toutes les contestations touchant
la foi et réglé la discipline, il écrivit une lettre synodale
adressée à l'Église d'Alexandrie et à tous les fidèles de
l'Égypte, de la Libye et de la Pentapole, comme les plus
intéressés à tout ce qui s'y était fait. Elle était conçue en
ces termes:
"Puisque, par la
grâce de Dieu et par l'ordre du très religieux empereur
Constantin, nous nous sommes assemblés de différentes provinces
et de différentes villes, il paraît nécessaire de vous écrire,
au nom de tout le concile, pour vous informer de ce qui y a été
proposé, examiné, résolu et décidé. Avant toutes choses,
l'impiété d'Arius et de ses sectateurs a été examinée en
présence de l'empereur, et on a résolu tout d'une voix de
l'anathématiser, lui, sa doctrine impie, ses paroles et ses
pensées, par lesquelles il blasphémait contre le Fils de Dieu en
disant qu'il est tiré du néant, qu'il n'était point avant d'être
engendré, et qu'il y a eu un temps auquel il n'était pas; que
par son libre arbitre il est capable du vice et de la vertu, et
qu'il est créature. Le saint concile a anathématisé tout cela,
souffrant même avec peine d'entendre prononcer ces blasphèmes.
Pour ce qui regarde la personne d'Arius, vous avez déjà appris,
ou vous apprendrez assez comment il a été traité. Nous ne
voulons pas paraître insulter à un homme qui a reçu la digne
récompense de son crime, par l'exil auquel l'empereur l'a
condamné. Son impiété a eu la force ne perdre avec lui Théonas
de Marmarique et Second de Ptolémaïde, et ils ont été traités de
même: ainsi, par la miséricorde de Dieu, vous êtes délivrés de
l'impiété et de la contagion de cette erreur et de ces
blasphèmes, et de ces hommes inquiets qui ont osé troubler par
leurs contestations la paix des fidèles. Quant à Mélèce et à
ceux qui ont reçu des ordres de lui, le concile témoigne avoir
usé d'indulgence à leur égard, et leur avoir conservé leur rang
en la manière et aux conditions que nous avons marquées plus
haut. " Puis il ajoute: " Quant à ceux qui, soutenus de la grâce
de Dieu et assistés de vos prières, n'ont eu aucune part au
schisme, et sont demeurés dans l'Église catholique, sans avoir
été flétris d'aucune tache, qu'ils aient droit d'élire et de
proposer ceux qui méritent d'être admis dans le clergé, et de
tout faire selon les lois de l'Église. Que si quelqu'un de ceux
qui sont dans les dignités ecclésiastiques vient à mourir, ou
pourra lui substituer un de ceux qui ont été reçus depuis peu,
pourvu qu'il en soit jugé digne, qu'il ait les suffrages du
peuple, et que son élection soit confirmée par Alexandre, évêque
d'Alexandrie. " Et ensuite: " Si l'on a réglé ou défait quelque
autre chose, notre collègue Alexandre, qui y a eu la principale
part, vous en informera. Nous vous donnons aussi avis que le
différend touchant le jour auquel la fête de Pâques doit être
célébrée, a été heureusement terminé par le secours de vos
prières, en sorte que tous nos frères d'Orient, qui faisaient
autrefois la Pâque le même jour que les Juifs, la célébreront à
l'avenir le même jour que les Romains et les autres qui la
célèbrent de tous temps avec nous. Réjouissez-vous donc de tant
d'heureux succès, de la paix et de l'union de l'Église, et de
l'extirpation de toutes les hérésies, et recevez avec beaucoup
d'honneur et de charité notre collègue votre évêque Alexandre,
qui nous a réjouis par sa présence, et qui dans un âge si avancé
a pris tant de peine pour vous procurer la paix. Offrez à Dieu
vos prières pour nous, afin que ce qui a été décidé et ordonné
demeure ferme et immuable. "
Constantin écrivit
aussi deux lettres qui peuvent en quelque manière passer pour
synodiques, puisqu'elles apprennent à diverses Églises les
définitions du concile. La première s'adresse à toutes les
Églises en général, et ce prince l'écrivit pour apprendre aux
évêques qui n'avaient pu se trouver au concile, ce qui s'y était
passé, principalement en ce qui regarde la célébration de la
Pâque: il dit qu'il y avait été résolu tout d'une voix que cette
fête serait partout célébrée le même jour; n'étant pas
convenable que les chrétiens soient divisés dans cette grande
solennité, qui est, dit-il, la fête de notre délivrance. Il y
dit aussi que la question de la foi a été examinée et si bien
éclaircie, qu'il n'y est resté aucune difficulté. Il exhorte
tout le monde à se soumettre aux décisions du concile comme à un
ordre venu du ciel: car, dit-il, tout ce qui se fait dans les
saints conciles des évêques doit être rapporté à la volonté de
Dieu. Il envoya des copies de cette lettre dans toutes les
provinces, quoiqu'elle regardât particulièrement les Églises de
Syrie, de Mésopotamie, et quelques autres qui célébraient la
Pâque avec les Juifs. La seconde est adressée en particulier à
l'Église catholique d'Alexandrie. Après avoir loué Dieu de la
réunion des chrétiens en une même foi, il ajoute: " C'est pour y
parvenir que par sa volonté j'ai assemblé à Nicée la plupart des
évêques, avec lesquels moi-même, comme un d'entre vous, car je
me fais un souverain plaisir de servir le même maître, je me
suis appliqué à l'examen de la vérité. On a donc discuté très
exactement tout ce qui semblait donner prétexte à la division,
et, Dieu veuille nous le pardonner! quels horribles blasphèmes
a-t-on osé avancer touchant notre Sauveur, notre espérance et
notre vie, contre l'autorité de la sainte Écriture et contre la
vérité de notre foi! Plus de trois cents évêques, très vertueux
et très éclairés, sont convenus de la même foi, qui est en effet
celle de la loi divine. Arius seul a été convaincu d'avoir, par
l'opération du démon, semé cette doctrine impie, premièrement
parmi vous, et ensuite ailleurs. Recevez donc la foi que Dieu
tout-puissant nous a enseignée; retournons à nos frères, dont un
ministre impudent du démon nous a séparés. Car ce que trois
cents évêques ont ordonné n'est autre chose que la sentence du
Fils unique de Dieu; le Saint-Esprit a déclaré la volonté de
Dieu par ces grands hommes qu'il inspirait. Donc, que personne
ne doute, que personne ne diffère; mais revenez tous de bon
coeur dans le chemin de la vérité, afin que, quand je vous irai
trouver, je puisse rendre grâces à Dieu de vous avoir réunis
dans la vérité par les liens de la charité. " Outre ces deux
lettres, Constantin en écrivit d'autres contre Arius et contre
ses sectateurs, par lesquelles il condamnait et la doctrine et
les écrits de cet hérésiarque.
On a imprimé dans
le recueil des Conciles une lettre qui porte en tête les noms
d'Osius de Cordoue, de Macaire de Jérusalem et de Victor et
Vincent, prêtres de Rome et légats du pape saint Sylvestre, par
laquelle ils le prièrent, au nom des trois cents évêques
assemblés à Nicée, de convoquer un concile à Rome, et d'y
confirmer tout ce qui avait été fait et décidé dans celui de
Nicée. On y a joint la réponse de saint Sylvestre à cette
lettre, où ce pape, après avoir confirmé les décrets de Nicée, y
en ajoute de nouveaux, qui regardaient ce semble la célébration
de la Pâque, qu'il croyait avoir été mal réglée par le cycle de
Victorin. Mais on convient communément que ces deux pièces sont
supposées. Le style en est barbare et inintelligible. On
suppose, contre toute apparence de vérité, que la lettre à saint
Sylvestre fut écrite cinq ou six jours après le commencement du
concile de Nicée. Paulin et Julien y sont appelés consuls
souverains, qualité que l'on n'a jamais donnée aux consuls.
Ce qui est dit dans celle qu'on attribue à saint Sylvestre, des
cycles pascals que Victorin assurait être faux, est une preuve
de sa supposition, puisqu'il n'y en eut jamais pour l'année 395,
et que ce Victorin n'a fleuri qu'après la mort de ce saint pape.
Il y est dit encore que cette lettre fut écrite, Constantin
étant consul pour la septième fois, et Constantius César pour la
quatrième fois. Cependant le septième consulat de Constantin ne
commença qu'en 326, l'année d'après la tenue du concile de
Nicée. Le concile que l'on fait assembler à Rome est inconnu à
toute l'antiquité. On veut qu'il s'y soit trouvé deux cent
soixante-quinze évêques, et qu'il se soit tenu en présence de
Constantin. Or ce prince ne vint point à Rome en 325; et une
assemblée aussi nombreuse, et pour une matière si considérable,
n'aurait pas été oubliée par saint Athanase, par saint Hilaire
et les autres écrivains qui nous ont laissé l'histoire des
conciles de leur temps. Les canons de ce prétendu concile ne
conviennent point à la discipline du quatrième siècle de
l'Église.
Socrate (l.
I, c. 13 ) cite un livre de saint Athanase intitulé:
Des Synodes, où on lisait les noms de tous les évêques qui
avaient assisté au concile de Nicée. Il n'y a rien de semblable
dans le livre de saint Athanase qui porte ce titre. Il n'y est
parlé qu'en passant du concile de Nicée; l'ouvrage regarde ceux
de Séleucie et de Rimini. Peut-être Socrate voulait-il parler
d'un exemplaire des décrets et des canons de Nicée, que saint
Athanase avait eu en main comme évêque d'Alexandrie, ou qu'il
avait copié à son usage. Baronius (ad ann. 325, n.
62) avance aussi, sur l'autorité de saint Athanase, qu'il y
avait des actes du concile de Nicée, et saint Jérôme (Dial.
adv. Lucifer.) les cite en termes formels. Mais Baronius a
été trompé par la version latine de l'endroit qu'il cite de
saint Athanase. Dans le grec il n'est rien dit des actes du
concile de Nicée; mais seulement que l'on a les écrits des Pères
de ce concile, savoir le symbole, les canons et les lettres
synodales. S'il y avait eu d'autres actes de ce concile, saint
Athanase n'aurait pas manqué de les citer dans sa lettre
touchant les décrets de Nicée, dans laquelle il déclare à son
ami, qu'il lui a fait un récit fidèle de ce qui s'y était passé.
A l'égard de saint Jérôme, on voit par la suite qu'il n'entend
autre chose par les actes de Nicée que les souscriptions des
évêques. Il y a donc tout lieu de douter de l'authenticité des
actes de Nicée, extraits d'un manuscrit grec du Vatican par
Alphonse Pisani; et de ceux que Belleforest
a traduits en latin, sur un manuscrit grec que François de
Noailles, évêque d'Acqs et ambassadeur à Constantinople, avait
fait acheter des moines grecs de l'île de Chio. Ces actes, qui
sont ceux mêmes que nous avons sous le nom de Gélase de Cyzique,
et qui selon lui avaient appartenu autrefois à Dalmace,
archevêque de Cyzique, ne sont qu'une compilation de ce
qu'Eusèbe, Théodoret, Rufin, Socrate, Sozomène et quelques
autres historiens, ont dit du concile de Nicée. Néanmoins, pour
leur donner autorité, cet auteur, qui vivait vers la fin du
cinquième siècle, dit les avoir lus dans sa jeunesse, chez son
père, donnant à entendre qu'ils avaient été recueillis en un
corps longtemps auparavant. Mais il ne s'accorde pas avec
lui-même; car il dit ensuite que, pour trouver ce qui s'était
fait dans le concile de Nicée, il s'était donné de grands
mouvements, et avait employé pour cela toutes sortes de moyens.
Le discours sur les trois cent dix-huit Pères de Nicée, qui
porte le nom de Grégoire, prêtre de Césarée en Cappadoce, et
l'histoire de ce qui se passa dans le concile à l'occasion de la
déposition d'Arius, tirée de Métaphraste, sont deux pièces sans
autorité.
Avant que les Pères
du concile se séparassent, Constantin voulut qu'ils se
ressentissent de la fête solennelle de la vingtième année de son
règne, qui commençait le 25 juillet de l'an 325. Il les traita
tous dans son palais, et fit manger les principaux avec lui, les
autres à des tables placées aux deux côtés de la sienne. Ce
prince, ayant remarqué que quelques-uns de ces évêques avaient
l'oeil droit arraché, et appris que ce supplice avait été la
récompense de la fermeté de leur foi, baisa leurs plaies,
espérant tirer de cet attouchement une bénédiction particulière.
On le remarque particulièrement de Paphnuce, que Constantin
faisait souvent venir dans son palais, par le respect qu'il lui
portait. Après le festin, il leur distribua divers présents, à
proportion de leur mérite, et y ajouta des lettres, pour faire
délivrer tous les ans dans chaque église une certaine quantité
de blé aux ecclésiastiques et aux pauvres. Ensuite il les
exhorta à la paix et à l'union, leur demanda de prier Dieu pour
lui, et les laissa retourner chacun à leur Église.
Ainsi finit le
concile de Nicée, devenu si célèbre dans la suite. Comme il
avait été assemblé de toutes les parties du monde, il n'y en eut
aucune qui ne reçût ses décrets. Ils furent approuvés dans les
conciles qui se tinrent quelque temps après dans les Gaules,
dans les Espagnes, à Rome, dans la Dalmatie, dans la Dardanie,
dans la Macédoine, dans l'Épire, dans la Grèce, dans les îles de
Crète, de Sicile, de Chypre, dans la Pamphylie, dans la Lycie,
dans l'Isaurie, dans l'Égypte, dans la Libye. Les Églises de
toute l'Afrique et de toute l'Italie, de la Bretagne, du Pont,
de la Cappadoce, celles d'Orient, les reçurent (Athanas.
Epist. ad Jovian.): enfin tous les chrétiens qui se
trouvèrent dans les Indes et les autres pays les plus barbares.
Les ariens seuls, et ils étaient en petit nombre, refusèrent de
s'y conformer. Comme la plupart des évêques de ces provinces
n'avaient pu se trouver au concile, ils crurent devoir témoigner
par écrit qu'ils n'avaient point d'autre foi que celle qu'on y
avait publiée, et saint Athanase dit expressément qu'il avait en
mains les lettres qu'ils avaient écrites à ce sujet. On voit par
les lettres synodiques des conciles tenus à Rome, dans les
Gaules et dans les Espagnes, qu'ils regardaient celui de Nicée
comme le seul qui méritât, dans l'Église catholique, le nom de
concile; qui a élevé des trophées sur toutes les hérésies, et
qui suffit seul, du jugement de saint Athanase, pour les ruiner
toutes et rétablir tous les points de la foi chrétienne. Les
Grecs font, le 29 mai, ou le dimanche qui précède immédiatement
la Pentecôte, une mémoire générale des trois cent dix-huit
évêques qui y assistèrent. D. Ceillier. t. IV;
Richard, Anal. des Conc., t. I.
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