Lettres
11 à 20

LETTRE 11

CYPRIEN AUX PRETRES ET AUX DIACRES, SES FRERES, SALUT

Je n'ignore pas, mes très chers frères, que la crainte de Dieu que nous devons tous avoir, vous porte à vaquer assidûment, la où vous êtes, à la prière et à d'instantes supplications. Je crois, cependant, devoir encore inviter votre religieuse sollicitude à ne pas se borner, pour apaiser le Seigneur et L'apitoyer, à la seule parole, mais à Lui faire entendre vos supplications par des jeûnes, des prières, et par tous les moyens possibles de détourner sa Colère. Il faut bien nous rendre compte, en effet, et confesser que les ravages de cette affreuse tourmente qui a désolé si fortement notre troupeau, et le désole encore, sont la suite de nos péchés, de notre négligence à suivre la voie du Seigneur, et à observer les préceptes qu'Il nous a donnés pour notre salut. Notre Seigneur a fait la Volonté de son Père, et nous nous ne faisons pas la Volonté de Dieu; nous marchons dans les chemins de l'orgueil; nous nous abandonnons à la jalousie et aux querelles, nous laissons la simplicité et la bonne foi, renonçant au siècle en paroles seulement et non en actes, pleins de complaisance pour nous-mêmes, de sévérité pour les autres. Voilà pourquoi nous recevons des coups que nous méritons. Il est écrit, en effet : "Te serviteur qui connaît la volonté de son maître et ne lui obéit pas recevra un grand nombre de coups". (Lc 12,47). Quels coups, quelles verges ne méritons-nous pas, alors que les confesseurs mêmes, qui devraient être l'exemple des autres, ne se conduisent pas comme il faut. Aussi, pendant que certains se vantaient insolemment, et s'enflaient d'orgueil parce qu'ils avaient confessé le Christ, les tortures sont venues, que le bourreau ne termine point, que la sentence de condamnation ne limite point, que la mort ne console point, des tortures qui ne laissent pas facilement le patient aller recevoir sa couronne, mais qui le tourmentent jusqu'à ce qu'elles le fassent tomber, à moins que, sauvé par la Bonté divine, on ne tire avantage des tourments eux-mêmes, en obtenant la gloire, non par la fin du supplice, mais par une prompte mort.

Nous souffrons ces maux par notre faute et selon nos mérites; la divine censure nous a prévenus : "S'ils abandonnent ma loi et ne marchent pas selon mes ordonnances, s'ils violent mes préceptes et n'observent pas mes commandements, Je visiterai, la verge à la main, leurs oeuvres perverses, et Je punirai leurs iniquités à coups de fouet". (Ps 88,31-33). Nous sentons donc la morsure des fouets et des verges parce que nous n'apaisons pas Dieu par nos bonnes actions, et que nous ne Lui offrons pas de satisfaction pour nos péchés. Implorons cependant du fond du coeur de toute notre âme, la Miséricorde de Dieu, car Il ajoute : "Mais, pour ma Miséricorde, Je ne la leur retirerai point". (Ps 88,34). Demandons et nous recevrons; et, si nous sommes quelque temps sans recevoir et que cela traîne, à cause de la gravité de nos fautes, frappons, car on ouvre à celui qui frappe, à une condition pourtant : c'est qu'à la porte frappent avec insistance, prières, gémissements et larmes, et qu'enfin notre prière parte de coeurs unis.

En effet, et c'est ce qui m'a engagé surtout et poussé à vous écrire, vous saurez que le Seigneur daignant Se manifester à nous, il nous a été dit au cours d'une apparition : "Demandez, et vous recevrez". Puis, avis fut donné au peuple présent de prier pour certaines personnes déterminées. Mais, dans la prière, il y eut des paroles et des sentiments qui ne s'accordaient point, et cela déplut fort à celui qui avait dit : "Demandez, et vous recevrez", de voir que le peuple chrétien n'était pas à l'unisson et qu'on ne trouvait point parmi les frères unité de vues, ni simplicité et union des coeurs. Il est écrit cependant : "Dieu qui fait habiter dans une maison à eux, ceux qui s'entendent". (Ps 67,7). Nous lisons aussi dans les Actes des Apôtres : "La multitude des croyants n'avait qu'un coeur et qu'une âme";(Ac 4,32) et le Seigneur nous a instruits de sa propre Bouche : "Le commandement que Je vous donne, dit-Il, c'est de vous aimer les uns les autres", (Jn 15,17) et encore : "Je vous le déclare, si deux d'entre vous sont d'accord sur la terre pour demander quelque chose, elle leur sera accordée, quelle qu'elle soit, par mon Père qui est dans les cieux". (Mt 18,19). Que si deux fidèles qui s'accordent ont tant de pouvoir, que serait-ce si tous s'accordaient. Si tous les frères s'entendaient conformément aux instructions de paix que le Seigneur nous a données, il y a longtemps que nous aurions obtenu de la divine Bonté ce que nous demandons, et nous ne serions pas si longtemps ballottés au milieu d'épreuves qui mettent en péril notre salut et notre foi. Que dis-je ? les maux présents ne se seraient pas abattus sur la communauté, si les frères n'avaient eu qu'un coeur et qu'une âme.

En effet, on a vu encore le Père de famille assis sur son siège, ayant à sa droite un jeune homme. Ce jeune homme, anxieux, un peu triste, et comme mécontent, était assis, se tenant le menton avec la main, d'un air affligé. Un autre, qui était à gauche, portait un filet qu'il semblait sur le point de lancer pour prendre les gens qui étaient tout autour. Comme celui qui avait cette vision se demandait ce que cela voulait dire, il lui fut répondu que le jeune homme qui était ainsi assis à droite était triste et affligé parce qu'on n'observait pas ses préceptes, tandis que celui qui était à gauche se réjouissait parce que l'occasion lui était fournie d'obtenir du père de famille la permission de sévir. Cette apparition fut de longtemps antérieure à l'éclosion de la présente tempête dévastatrice, et nous en voyons l'accomplissement : tandis que nous méprisons les ordres du Seigneur, que nous n'observons pas les prescriptions salutaires de la loi qui nous a été donnée, l'ennemi a obtenu le droit de nous faire du mal, de jeter son filet et d'en envelopper ceux qui sont moins armés, ou moins sur leurs gardes pour repousser ses attaques.

Prions donc avec insistance et ne cessons de gémir. Car ce reproche aussi, mes très chers frères, nous a été fait, il n'y a pas longtemps, dans une vision, que nous sommes somnolents dans nos prières, et que nous ne parlons pas à Dieu comme des gens qui veillent. Et Dieu alors, qui aime celui qu'Il reprend, quand Il reprend quelqu'un ne le reprend que pour l'encourager, ne le corrige que pour le sauver. Secouons donc et brisons les liens du sommeil, et prions avec insistance et attention, selon le précepte de l'apôtre Paul : "Persévérez dans la prière, et veillez en priant". En effet, les apôtres ne cessaient pas de prier le jour et la nuit, et le Seigneur Lui-même, notre Maître, a prié fréquemment et veillé dans la prière, comme nous le lisons dans l'évangile : "Il alla prier sur la montagne, et il passait la nuit à invoquer Dieu". (Lc 6,12). A coup sûr, quand Il faisait tant que de prier, c'était pour nous, puisqu'Il n'était pas personnellement pécheur, mais portait seulement nos péchés. Et il est si vrai que c'était pour nous, qu'Il s'efforçait d'apaiser son Père, que nous lisons en un autre endroit : "Et le Seigneur dit à Pierre : Voici que Satan a demandé à vous secouer comme le froment; mais moi J'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point". (Lc 22,31). C'est pour nous et pour nos péchés qu'Il peine et veille, et prie : quelle raison de plus pour nous de persévérer dans les prières et les supplications, et d'invoquer d'abord le Seigneur Lui-même, puis, par Lui, de donner satisfaction à Dieu le Père ! Nous avons pour avocat et pour intercesseur pour nos péchés Jésus Christ notre Seigneur et notre Dieu, à une condition toutefois : c'est que nous regrettions d'avoir péché dans le passé, et que, confessant nos transgressions, qui nous rendent actuellement désagréables au Seigneur, pour l'avenir du moins nous promettions de marcher dans ses voies et de respecter ses commandements. Notre Père nous corrige et nous protège, à condition que nous restions fidèles, et qu'au milieu des tribulations et des persécutions nous nous tenions fermement attachés à son Christ. Il est écrit : "Qui nous séparera de l'amour du Christ ? la tribulation ? la détresse ? la faim ? la nudité ? le danger ? le glaive ?" (Rom 8,35). Rien de tout cela ne peut séparer de lui ceux qui croient en Lui, rien ne peut arracher à son Corps, et à son Sang ceux qui y sont attachés. Cette persécution n'est qu'un moyen de sonder notre coeur. Dieu a voulu que nous fussions secoués et éprouvés, comme il a de tout temps éprouvé ceux qui Lui appartiennent, sans que jamais, au cours de ces épreuves, le secours ait manqué à ceux qui croient en Lui.

Enfin, au moindre de ses serviteurs, charge de fautes nombreuses et indigne de sa considération, Il a daigné, dans sa Bonté pour nous, envoyer un message : "Faites lui savoir, a-t-il dit, d'être tranquille parce que la paix va venir; s'il y a un peu de délai, c'est parce qu'il y a encore quelques chrétiens à mettre à l'épreuve". La divine Bonté daigne aussi nous recommander la sobriété dans le boire et le manger, de peur que notre coeur, maintenant animé d'une vigueur céleste, ne se laisse énerver par les douceurs du siècle, ou que notre âme, appesantie par une trop grande abondance d'aliments, ne soit plus autant en éveil pour la prière.

Je ne devais pas cacher ces faits, et en garder la connaissance pour moi seul, puisque chacun de nous peut en profiter pour sa gouverne. Vous-mêmes enfin, vous ne devrez pas les tenir secrets, mais en faire passer le récit aux frères pour qu'ils le lisent. Arrêter en effet les avertissements dont le Seigneur daigne nous favoriser; serait le fait de celui qui ne veut pas que son frère soit instruit et averti. Qu'ils sachent donc que nous sommes mis à l'épreuve par notre Maître, et que la foi qui leur a fait croire en Lui ne défaille pas dans le choc de la tribulation présente. Que chacun, reconnaissant ses fautes, se dépouille maintenant du moins des oeuvres du vieil homme. "Quiconque regarde derrière soi, après avoir mis la main à la charrue, n'est point fait pour le royaume de Dieu." (Lc 9,62). Enfin la femme de Loth, délivrée du danger, ayant, contre la défense qui lui en avait été faite, regardé en arrière, se perdit. Tournons notre attention, non vers ce qui est derrière, où le diable nous rappelle, mais vers ce qui est devant, où le Christ nous appelle. Levons les yeux vers le ciel, afin que la terre ne nous prenne pas avec ses appâts et ses charmes. Que chacun invoque Dieu, non pour soi seulement, mais pour tous les frères. C'est la manière dont le Seigneur nous a appris à prier. Il ne recommande pas à chacun une prière privée, mais Il nous ordonne de prier pour tous d'une prière commune, et d'un commun accord. Si le Seigneur nous voit humbles et calmes, unis les uns aux autres, redoutant sa colère, corrigés et amendés par la tribulation présente, Il nous mettra à couvert des attaques de l'ennemi. L'avertissement a précédé, le pardon suivra.

Nous, cependant, ne cessons pas de demander et d'espérer recevoir. D'un coeur droit et d'un commun accord, supplions le Seigneur, L'implorant avec des gémissements et des larmes, comme doivent l'implorer des gens qui sont entre des malheureux abattus qui se frappent la poitrine et des fidèles qui craignent de succomber à leur tour, entre une foule de blessés qui sont par terre, et un petit nombre qui tient bon. Demandons que la paix nous soit promptement rendue, que le secours vienne qui dissipe nos ténèbres et nos périls, que les changements annoncés par Dieu se produisent : la restauration de son Église, la sécurité de notre salut; après les ténèbres la lumière, après les orages et les tempêtes la douce sérénité. Demandons-Lui que son Affection paternelle vienne à notre secours, qu'Il opère les merveilles de sa Puissance, afin que les blasphèmes orgueilleux des persécuteurs soient confondus, que ceux qui sont tombés se soumettent à une pénitence plus régulière, et que la foi ferme et constante de ceux qui persévèrent soit glorifiée. Je souhaite, mes très chers frères, que vous vous portiez toujours bien, et que vous vous souveniez de nous. Saluez les frères en mon nom, et priez-les de se souvenir de nous. Adieu.

LETTRE 12

CYPRIEN AUX PRETRES ET AUX DIACRES SES FRERES, SALUT

Quoique je sache bien, mes très chers frères, que mes lettres vous ont fréquemment recommandé de veiller avec zèle sur ceux qui ont glorieusement confessé le Seigneur et qui sont en prison, cependant j'insiste encore auprès de vous afin que rien ne manque au point de vue des soins à ceux a qui rien ne manque au point de vue de la gloire. Plût à Dieu que le rang que j'occupe me permit d'être présent là-bas : c'est de grand coeur qu'accomplissant mon ministère ordinaire je remplirais auprès de nos chers frères tous les bons offices de la charité. Que du moins vos bons soins me remplacent et fassent ce qu'il convient de faire à l'égard de ceux que la divine Bonté a honores pour la foi et le courage qu'ils ont montré. Les corps mêmes de ceux qui, sans avoir été martyrisés, meurent en prison et sortent ainsi glorieusement de ce monde doivent être aussi l'objet d'une vigilance particulière et de soins spéciaux. La vaillance de ces confesseurs et leur gloire ne sont pas moindre que celle des martyrs et, par conséquent, il n'y a point de raison de ne pas les joindre à leur troupe bienheureuse. En ce qui les concerne, ils ont enduré tout ce qu'ils étaient prêts à endurer. Celui qui s'est offert aux tourments et à la mort, aux regards de Dieu, a souffert en réalité tout ce qu'il a accepté de souffrir. Ce n'est pas lui qui a manqué aux supplices, ce sont les supplices qui lui ont manqué : "Celui qui m'aura confessé devant les hommes Je le confesserai, à mon tour, devant mon Père", (Mt 10,32) dit le Seigneur. Ils l'ont confessé. "Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé." (Mt 10,22). Ils ont persévéré, et, jusqu'à la fin, sans défaillance et sans tache, ils ont soutenu les mérites de leur courage. Il est encore écrit : "Soyez fidèle jusqu'à la mort et Je vous donnerai la couronne de vie". (Ap 2,10). Jusqu'à la mort, ils sont restés fidèles, inébranlables, invincibles. Quand à la volonté de confesser le Christ et à la confession même s'ajoute la mort dans la prison et dans les chaînes, la gloire du martyre est consommée.

Enfin, tenez note des jours ou ils sortent de ce monde, afin que nous puissions joindre leur mémoire à celles des martyrs. D'ailleurs, Tertullus, notre frère si dévoué et si fidèle, au milieu des sollicitudes que lui imposent les services de tout genre qu'il rend aux frères, ne manque pas de s'occuper aussi des corps de ceux qui meurent là-bas. Il m'a écrit et me fait connaître les jours où nos bienheureux prisonniers passent à l'immortalité par une mort glorieuse et nous offrons ici, en leur mémoire, des oblations et des sacrifices que bientôt, avec la Protection de Dieu, nous célébrerons là-bas avec vous.

Que les pauvres aussi, comme je vous l'ai souvent écrit, fassent l'objet de vos soins, j'entends ceux qui, debout encore et combattant courageusement avec nous, n'ont pas abandonné le camp du Christ. Nous leur devons d'autant plus d'affection et de soins que ni la pauvreté n'a pu les réduire, ni la tourmente de la persécution les abattre et que, servant fidèlement le Seigneur, ils ont donné un exemple de foi aux autres pauvres. Je souhaite, frères très chers et très regrettés, que vous vous portiez toujours bien et que vous vous souveniez de nous. Saluez de ma part la communauté des frères. Adieu.

LETTRE 13

CYPRIEN AU PRETRE ROGATIANUS ET AUX AUTRES FRERES QUI ONT CONFESSÉ LA FOI. SALUT.

Déjà antérieurement, frères très chers et très vaillants, je vous avais écrit pour exalter votre foi et votre courage, et maintenant de nouveau ma lettre a pour objet principal de venir joyeusement célébrer encore et sans cesse votre nom glorieux. Qu'est-ce, en effet, qui pourrait me paraître ou plus grand ou meilleur que de voir votre gloire de confesseurs rayonner sur le troupeau du Christ ? Tous les frères doivent s'en réjouir, mais, dans la joie commune, la part de l'évêque est plus grande. L'honneur d'une Église est l'honneur de son chef. Autant nous pleurons sur ceux que la tempête ennemie a fait tomber, autant nous sommes heureux à cause de vous que le démon n'a pu vaincre.

Nous vous exhortons cependant, par notre commune foi, par la charité vraie qui est dans notre coeur, à prendre soin, vous qui avez vaincu l'ennemi dans ce premier engagement, de soutenir votre gloire avec un ferme et persévérant courage. Nous sommes encore dans le siècle, encore sous les armes, combattant encore tous les jours pour notre vie. Il faut donner vos soins à ce que ces débuts soient suivis de progrès et que de si heureux commencements trouvent leur consommation. C'est peu d'avoir su acquérir quelque chose : il est plus important de savoir conserver ce qu'on a acquis; ce n'est pas un résultat obtenu qui sauve aussitôt l'homme, mais le succès final. Le Seigneur nous l'apprend avec l'autorité de son enseignement, quand Il dit  : "Te voilà guéri, à l'avenir ne pèches plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire". (Jn 5,14). Pensez qu'Il tient le même langage à celui qui l'a confessé : "Vous voilà confesseur : ne péchez plus, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de moins bon". Salomon et Saul et beaucoup d'autres, quand ils n'ont plus su se maintenir dans les voies du Seigneur, n'ont pu conserver la grâce qui leur avait été donnée; comme ils s'écartaient des enseignements du Seigneur la grâce du Seigneur s'est écartée d'eux.

Nous devons persévérer dans le chemin étroit de l'honneur. Tous les chrétiens doivent se montrer irréprochables, vivant dans le calme, la simplicité et la paix, selon la parole du Seigneur, qui ne regarde que ceux qui sont humbles, paisibles, ayant la crainte de ses enseignements. A plus forte raison la pratique de ces vertus s'impose à des confesseurs qui, comme vous, sont devenus l'exemple de leurs frères, et dont les moeurs doivent être proposées comme un modèle à la conduite des autres. De même que les Juifs se sont aliéné la Bienveillance divine, parce qu'à cause d'eux le Nom de Dieu est blasphémé parmi les nations, de même, mais en raison inverse, ceux-là sont chers à Dieu, dont la bonne conduite fait louer son Nom. On lit en effet dans l'Écriture cet avertissement du Maître : "Que votre lumière brille devant les hommes afin qu'ils voient que vos oeuvres sont bonnes et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux." (Mt 5,16). L'apôtre Paul dit aussi : "Brillez comme des luminaires dans le monde". (Ph 2,15). Et Pierre fait la même exhortation : "Comme des étrangers et des voyageurs, abstenez-vous des désirs charnels qui combattent contre l'esprit, tenant une bonne conduite parmi les Gentils, afin que, s'ils sont tentés de vous critiquer, ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient le Seigneur". (1 Pi 2,11-12). C'est ce que la plupart d'entre vous observent à ma grande joie : devenus meilleurs pour avoir glorieusement confessé le Christ, ils gardent leur gloire par une vie d'ordre et de vertu.

Mais j'entends dire que quelques-uns parmi vous font tache dans la masse et rabaissent l'honneur de la majorité par leur mauvaise conduite. Vous qui avez à coeur de conserver votre bon renom, vous devez les exhorter, les retenir et les corriger. Quelle honte pour votre nom s'attache aux fautes commises lorsque l'un se montre, au pays, en état d'ivresse et faisant des folies, tandis qu'un autre banni de sa patrie y revient pour s'y faire prendre et y périr, non comme chrétien, mais comme violateur des lois. J'entends dire que certains s'enflent d'orgueil, alors qu'il est écrit : "Ne t'enorgueillis pas, mais crains. Si le Seigneur n'a pas épargné les branches naturelles, il pourrait ne pas t'épargner non plus". (Rom 11,20-21). Notre-Seigneur "S'est laissé conduire comme une brebis à l'immolation et, comme un agneau qui se laisse tondre sans bêler, il n'a pas ouvert la bouche". (Is 53,7). "Je ne suis pas, dit-il, entêté et je ne contredis point. J'ai présenté mon dos aux fouets et ma figure aux soufflets. Et je n'ai pas détourné mon visage des outrages et des crachats." (Ez 50,5-6). Qui donc, vivant en Lui et par Lui, ose s'élever et s'enorgueillir, oubliant tout à la fois et les actes qu'Il a faits et les préceptes qu'Il nous a donnés par Lui-même et par ses apôtres ? Que si "le serviteur n'est pas au-dessus du maître", (Jn 15,20) que ceux qui suivent le Seigneur marchent sur ses traces avec humilité, avec calme, en silence. Car celui qui aura été inférieur deviendra supérieur. Le Seigneur dit en effet : "Celui qui aura été le plus petit parmi vous, celui-là sera grand". (Lc 9,48).

Qu'est-ce encore que cet autre mal, et combien détestable, que nous avons appris avec la plus grande douleur : il s'en trouve parmi vous qui souillent, par une promiscuité infamante, un corps qui était le temple de Dieu, et des membres que la confession du Seigneur avait sanctifiés davantage et illuminés de nouveau; ils n'hésitent pas à coucher dans les locaux ou couchent les femmes. Quand ils n'auraient la conscience souillée d'aucun commerce impur, c'est déjà un grand crime que de scandaliser et de donner des exemples pernicieux. Il ne doit pas non plus exister entre vous de luttes ni de rivalités, car le Seigneur nous a laissé sa paix et il est écrit : "Vous aimerez votre prochain comme vous-même. Si, au contraire, vous vous dévorez d'accusations mutuelles, prenez garde que vous ne soyez détruits les uns par les autres". (Gal 5,14-15). Abstenez-vous aussi, je vous en prie, des outrages et des injures : car, d'une part, les diseurs d'injures n'entreront pas dans le royaume de Dieu, et, d'autre part, une langue qui a confessé le Christ doit se conserver pure et incorruptible et garder son honneur; celui qui n'a que des paroles de paix, de bonté, de justice, selon le précepte du Christ, celui-là confesse le Christ tous les jours. Nous avions renoncé au siècle au moment de notre baptême, mais c'est maintenant que nous y renonçons en vérité, maintenant que, dans l'épreuve, abandonnant tout ce qui nous appartenait, nous avons suivi le Seigneur, et que nous restons debout et vivants, par la foi en Lui et la crainte de son Nom.

Fortifions-nous par des exhortations mutuelles et faisons de plus en plus des progrès dans la vie chrétienne, afin que, quand Celui en qui nous vivons nous aura, dans sa Miséricorde, donné la paix qu'Il promet de nous donner, nous revenions à notre Église renouvelés et presque devenus d'autres hommes. Alors, tous, tant nos frères que les Gentils, nous recevront corrigés et amendés, et après avoir admiré précédemment la vaillance de notre conduite, ils admireront la belle tenue de nos moeurs.

Bien que notre clergé ait reçu de moi des instructions détaillées, jadis, lorsque vous étiez encore en prison, et de nouveau tout récemment, afin qu'on vous fournit tout ce qui pouvait vous être nécessaire soit pour l'habillement soit pour la nourriture, cependant, j'ai encore pris personnellement sur les menus fonds que j'avais avec moi 250 sesterces [1] que je vous envoie, (j'en avais envoyé dernièrement 250 autres). Victor, qui, de lecteur, a été fait diacre et qui est avec moi, vous en a, de son côté, envoyé 175. Je suis heureux quand j'apprends que nombre de nos frères rivalisent de dévouement affectueux à votre égard et donnent de leur argent pour soulager vos nécessités. Je souhaite, mon très cher frère, que vous vous portiez toujours bien.

LETTRE 14

CYPRIEN AUX PRETRES ET AUX DIACRES SES FRERES

J'aurais bien souhaité, mes très chers frères, de pouvoir saluer notre clergé tout entier sain et sauf. Mais puisque la tempête de la persécution, qui a abattu la plus grande partie de notre peuple fidèle, a mis le comble à notre douleur en saccageant aussi une portion de notre clergé, nous demandons à notre Seigneur que vous, du moins, que nous savons demeurés fermes dans la foi et la vertu, nous puissions plus tard vous saluer toujours debout grâce à la divine Miséricorde. Bien que j'eusse des raisons pressantes d'aller en personne près de vous, d'abord par désir et impatience de vous revoir (ce qui est le plus ardent de mes voeux), ensuite pour que nous fussions en mesure d'étudier en commun ce que demande le gouvernement de l'Église, et, après l'avoir examiné tous ensemble, d'en décider exactement, cependant, il m'a paru préférable de rester encore caché provisoirement pour ménager des intérêts qui ne me sont point personnels, mais qui ont trait à la paix commune et à notre salut à tous. Sur cela Tertullus, notre très cher frère, vous donnera des explications. C'est lui qui, avec le dévouement empressé qu'il apporte d'ailleurs au service de la cause de Dieu, m'a encore donné le conseil d'être prudent et circonspect, et de ne point témérairement m'exposer en public, surtout dans un endroit où j'avais été tant de fois réclamé pour le supplice et recherché.

Comptant donc sur votre affection et votre esprit religieux, que je connais bien, je vous exhorte par la présente lettre et vous invite à veiller, vous dont la présence là où vous êtes n'excite aucune colère, et ne comporte guère de dangers, à tenir ma place pour faire ce que le service de la religion réclame. Que l'on ait toujours, dans la mesure et de la façon qu'il sera possible, soin des pauvres, j'entends de ceux qui, debout dans une inébranlable fermeté de foi, n'auraient pas quitté le troupeau du Christ; que par vos Soins, les secours nécessaires pour supporter leur indigence leur soient fournis, de peur que ce que leur foi les a empêchés de faire sous l'effort de la tempête, sous l'empire du besoin la nécessité le leur fasse faire. Que les confesseurs glorieux soient aussi l'objet de soins particuliers. Je sais que la sympathie et l'amitié des frères se sont chargées de la plupart d'entre eux. S'il en est pourtant qui manquent de vêtements ou de ressources, conformément à ce que je vous avais écrit, alors qu'ils étaient encore en prison, qu'on leur fournisse ce dont ils ont besoin. Mais qu'en même temps ils apprennent de vous, et se mettent bien dans l'esprit ce que, d'après l'enseignement des Écritures; la discipline ecclésiastique demande : c'est à savoir qu'ils doivent être humbles, modestes, paisibles, garder l'honneur de leur nom, afin que glorieux par le témoignage de leur bouche, ils soient glorieux aussi par leurs moeurs, et se rendent dignes, en servant bien le Seigneur en toutes choses, de mettre le comble à leur gloire, et de parvenir à la céleste couronne. Il leur reste plus à faire qu'ils n'ont déjà fait, car il est écrit : "Ne louez personne avant la mort"; (Ec 11,30) et encore : "Soyez fidèle jusqu'à la mort, et je vous donnerai la couronne de vie"; (Ap 2,10) et le Seigneur Lui-même dit : a"Celui qui aura souffert jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé". (Mt 1022). Qu'ils imitent le Seigneur qui, lorsque le temps de sa passion approchait, ne se montra pas plus fier mais plus humble. C'est alors qu'Il lava les pieds de ses disciples en disant : "si Je vous ai lavé les pieds, Moi qui suis votre Maître et Seigneur, vous devez, vous aussi, laver les pieds des autres. Car Je vous ai donné l'exemple, afin que ce que J'ai fait pour vous, vous le fassiez pour les autres". (Jn 13,14-15). Qu'ils imitent aussi l'apôtre Paul qui, après la prison plusieurs fois subie, après le fouet, après les bêtes, demeura en tout doux et humble, et mêmes après le troisième ciel et le paradis, ne montrait aucune arrogance. "Je n'ai, disait-il, mangé gratuitement le pain de personne, mais j'ai travaillé et me suis fatigué, peinant le jour et la nuit, pour n'être à charge à aucun d'entre vous." (2 Th 3,8).

Ces enseignements, je vous en prie, faites-les pénétrer dans I'esprit de nos frères. Parce que celui-là sera élevé qui se sera abaissé, il y a lieu pour eux maintenant de redouter davantage les embûches de l'adversaire, qui attaque d'autant plus qu'on est plus fort, et qui, plus acharné à cause de sa défaite, s'efforce de vaincre son vainqueur. Le Seigneur fera que moi aussi je les pourrai voir et disposer leurs âmes à conserver leur gloire. Je souffre, en effet, quand j'entends dire que certains parmi vous courent ça et là sans mesure ni retenue, passent le temps à des frivolités ou à des querelles, souillent en eux-mêmes, en dormant dans une promiscuité irrégulière, des membres du Christ, qu'ils ont confessé, et ne se laissent pas conduire par les prêtres et les diacres, mais font si bien que les moeurs perverses de quelques-uns déshonorent la gloire de beaucoup de bons confesseurs. Ils devraient craindre, au contraire, qu'ils ne soient condamnés par leur jugement et leur témoignage et privés de leur société. Celui-là seul, en effet, est un confesseur glorieux et véritable, dont l'Église, par la suite, n'a point à rougir, mais dont elle reste fière.

Quant à ce que m'ont écrit nos confrères dans le sacerdoce, Donatus, Fortunatus, Novatus et Gordianus, je n'ai pu y répondre tout seul, m'étant fait une règle, dès le début de mon épiscopat, de ne rien décider sans votre conseil et sans le suffrage du peuple, d'après mon opinion personnelle. Quand par la grâce de Dieu je serai retourné près de vous, alors, en commun, comme le veut la considération que nous avons les uns pour les autres, nous traiterons de ce qui a été fait ou qui est à faire. Je souhaite, frères très chers et très regrettés, que vous vous portiez toujours bien, et que vous vous souveniez de moi. Saluez bien de ma part les frères qui sont près de vous et recommandez-moi à leur souvenir. Adieu.

LETTRE 15

CYPRIEN AUX MARTYRS ET CONFESSEURS SES TRES CHERS FRERES, SALUT.

La sollicitude épiscopale et la crainte de Dieu me pressent, très courageux et très heureux martyrs, de vous rappeler par cette lettre que ceux qui conservent avec tant de dévouement et de courage leur foi au Seigneur doivent en même temps observer aussi sa loi et sa discipline. Si tous les soldats du Christ doivent garder les commandements de leur général, à plus forte raison l'obéissance à ses commandements s'impose-t-elIe à vous plus qu'à personne, à vous qui êtes devenus pour les autres le modèle du courage et de la crainte de Dieu. Je pensais, à la vérité, que les prêtres et les diacres qui sont près de vous vous avertissaient et instruisaient pleinement de la loi évangélique, comme cela s'est toujours fait dans le passé sous nos prédécesseurs : les diacres alors allaient à la prison et les martyrs réglaient leurs demandes sur leurs conseils et les préceptes des Écritures. Mais, maintenant, j'éprouve la plus grande des peines, en apprenant que, non seulement on ne leur suggère pas de se conformer aux préceptes divins, mais encore qu'on les en empêche plutôt. Ainsi, ce qui est fait par vous, au regard de Dieu avec prudence, avec déférence au regard de son pontife, est annulé par certains prêtres, qui ne tiennent compte ni de la crainte de Dieu, ni de l'honneur de l'évêque. Vous m'avez envoyé une lettre, où vous demandiez qu'on examinât vos désirs et qu'on donnât la paix à certains lapsi, lorsque la fin de la persécution nous aura permis de nous rapprocher et de nous réunir; et eux, contre la loi de l'évangile, contre votre demande déférente à mon égard, avant toute pénitence, avant la confession de la plus grande et de la plus grave des fautes, avant l'imposition des mains par l'évêque et le clergé pour la réconciliation, ils ne craignent pas d'offrir le sacrifice pour eux et de leur donner l'eucharistie, c'est-à-dire de profaner le Corps sacré du Seigneur; l'Écriture dit, en effet : "Celui qui mangera le pain; ou qui boira le calice du Seigneur indignement, aura à répondre du Corps et du Sang du Seigneur". (1 Cor 11,27).

Les lapsi, à la vérité, sont excusables en ce point. Qui donc n'aurait hâte de passer de la mort à la vie ? Qui ne s'empresserait de recouvrer la santé ? Mais c'est le devoir des chefs de s'en tenir à la règle, et d'instruire l'empressement ou l'ignorance, de peur qu'au lieu d'être des pasteurs, comme ils le doivent, ils ne deviennent des bouchers. Accorder à quelqu'un ce qui doit tourner à sa ruine, c'est le tromper. On ne relève pas celui qui est tombé en procédant ainsi, mais plutôt, avec une offense faite à Dieu, on le pousse vers le précipice. Que par vous, du moins, ils soient instruits, eux qui auraient dû enseigner; qu'ils réservent vos demandes et vos désirs à la décision de l'évêque, attendant un temps propice où leur soit accordée la réconciliation que vous sollicitez. Ainsi, la paix aura d'abord été donnée par notre Seigneur à la mère; et alors on examinera la question de la paix à donner aux fils, selon les désirs exprimés par vous.

J'apprends, d'autre part, que quelques-uns vous pressent sans vergogne et que votre modestie souffre violence. Je vous prie, en conséquence, aussi instamment que je le puis faire, de vous souvenir de l'évangile, et de considérer attentivement ce qui a été accordé dans le passé par les martyrs vos prédécesseurs, et quelle a été leur circonspection en toutes choses; je vous demande de peser vous aussi avec soin et prudence les désirs exprimés, d'examiner, comme des amis de Dieu, destinés à être un jour des juges avec Lui, et la conduite, et les oeuvres, et les mérites de chacun, de faire aussi entrer en ligne de compte la nature et la qualité des fautes. Il ne faut pas que notre Église, parce que quelque chose se trouverait avoir été précipitamment ou mal à propos promis par vous, ou réglé par nous, ait à rougir devant les Gentils eux-mêmes. Nous sommes visites en effet, et repris fréquemment, et avertis de veiller à l'observation sans défaillance des commandements du Seigneur. J'apprends d'ailleurs que cela n'a pas cessé non plus chez vous, et que la divine censure en avertit un bon nombre d'observer la discipline de l'Église. Cela se peut faire, si vous réglez sur un examen religieusement attentif l'octroi des demandes qui vous sont adressées, sachant reconnaître et réprimer ceux qui font acception de personnes dans la distribution de vos bienfaits et y cherchent l'occasion d'une complaisance ou celle d'un trafic illicite.

J'ai écrit, à ce sujet, au clergé et au peuple deux lettres, et j'ai mandé qu'on vous les fît lire l'une et l'autre. Mais il y a encore une autre chose que vous devez régler, et corriger avec le soin que vous apportez en tout : c'est de désigner nommément ceux à qui vous désirez qu'on donne la paix. J'apprends, en effet, que certains reçoivent des billets conçus ainsi : "La communion pour lui et les siens". Jamais les martyrs n'ont fait cela, et ne se sont exposés à ce qu'une demande obscure et imprécise nous rende odieux dans l'avenir. La formule est large, qui dit : "Lui et les siens" et l'on peut nous présenter des vingtaines, des trentaines et plus, de personnes qui affirment être les proches, les alliés, les affranchis, les cohabitants de celui qui a reçu le billet. Voilà pourquoi je vous prie de recommander ceux que vous voyez vous-mêmes, que vous connaissez, dont vous savez qu'ils ont accompli une grande partie de leur pénitence, et de les désigner nommément dans le billet : de cette façon, les lettres que vous nous enverrez ne donneront pas atteinte à la foi et à la discipline Je souhaite, frères très vaillants et très chers, que vous vous portiez toujours bien dans le Seigneur, et que vous vous souveniez de nous. Adieu.

LETTRE 16

CYPRIEN AUX PRETRES ET AUX DIACRES SES FRERES, SALUT

Je me suis longtemps retenu, mes très chers frères, croyant que ma modération et mon silence serviraient les intérêts de la paix. Mais, comme la présomption sans mesure et sans frein de certaines personnes tend, par de téméraires discours, à porter préjudice à l'honneur des martyrs, à la modestie des confesseurs et à la tranquillité du peuple chrétien tout entier, il ne convient pas de me taire davantage : un silence trop prolongé pourrait devenir un péril pour le peuple et pour nous. Quel péril, en effet, ne devons-nous pas redouter de la Colère de Dieu, quand quelques prêtres, ne se souvenant ni de l'évangile, ni de leur dignité, ne songeant pas davantage ni au jugement à venir du Seigneur, ni à l'évêque qui est actuellement leur chef, osent, ce qui ne s'est jamais vu sous nos prédécesseurs, outrager et mépriser leur chef en s'arrogeant tous les droits.

Plût au ciel que ce fût sans compromettre le salut de nos frères qu'ils s'attribuassent la disposition de toutes choses ! Les outrages faits à notre dignité épiscopale, je les pourrais ignorer et souffrir comme je les ai toujours ignorés et soufferts. Mais ce n'est plus le moment de faire semblant d'ignorer, lorsque certains d'entre vous trompent la communauté des frères. Ceux-là en cherchant à être populaires, sans viser à rendre la santé spirituelle, font plutôt tort aux laps. L'extrême gravité de la faute que la persécution a fait commettre, ceux-là même la connaissent qui ont commis la faute. Notre Seigneur et juge dit, en effet : "Celui qui m'aura confessé devant les hommes, Moi Je le confesserai devant mon Père qui est aux cieux; et celui qui aura déclaré ne pas Me connaître, Je dirai que Je ne le connais pas". (Mt 10,32-33). Il dit encore : "Tous les péchés seront remis aux enfants des hommes, même les blasphèmes. Quant à celui qui aura blasphémé le saint Esprit, il n'obtiendra pas de rémission : il est coupable d'un péché éternel". (Mc 3,28-29). De même le bienheureux Apôtre a dit : "Vous ne pouvez pas boire au calice du Seigneur et au calice des démons. Vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à la table des démons". (1 Cor 10,21). Quiconque soustrait à nos frères ces vérités, les trompe pour leur malheur. Ils auraient pu, en faisant pénitence, donner satisfaction par leurs prières et par leurs oeuvres à Dieu, qui est Père et miséricordieux, et au lieu de cela, étant trompés, ils se perdent de plus en plus; au lieu de se relever comme ils auraient pu le faire, ils tombent davantage. Quand il s'agit de moindre fautes, les pécheurs font pénitence le temps prescrit, et, suivant l'ordre de la discipline, sont admis à la confession, puis par l'imposition des mains de l'évêque et du clergé, rentrent en communion. Aujourd'hui, alors que les temps sont mauvais, alors que la persécution dure toujours, que la paix n'a pas été rendue à l'Église elle-même, on les admet à la communion, on offre le sacrifice pour eux, nommément et sans pénitence préalable, sans confession, sans imposition des mains par l'évêque et le clergé; on leur donne l'eucharistie, quoiqu'il soit écrit : "Celui qui mangera le pain ou boira le calice du Seigneur indignement aura à répondre de la profanation du Corps et du Sang du Seigneur". (Cor 11,27).

Mais, en fait, ceux-là ne sont pas responsables, ne connaissant pas assez bien la loi de l'Écriture. Les responsables seront ceux qui sont à la tête des frères, et ne leur donnent pas les avertissements nécessaires pour qu'instruits par leurs chefs ils puissent agir en tout avec la crainte de Dieu et en observant ce qu'il a prescrit. Ils risquent ensuite de rendre impopulaires les bienheureux martyrs, et les glorieux serviteurs de Dieu, avec le pontife de Dieu. Ceux-ci, n'oubliant pas ma dignité, m'ont envoyé des lettres, et ont demandé qu'on examine leurs désirs, et qu'on leur donne la paix, quand notre mère elle-même aura d'abord recouvré la paix par la Miséricorde du Seigneur et que la divine Protection nous aura ramené à son Église; et eux, au mépris des égards qu'observent à notre endroit les bienheureux martyrs ainsi que les confesseurs, foulant aux pieds la loi du Seigneur, et la ligne de conduite que les dits martyrs et confesseurs recommandent d'observer, avant la disparition des craintes de persécution, avant notre retour, presqu'avant la mort des martyrs, communiquent avec les lapsi. Ils offrent pour eux le sacrifice et leur donnent l'eucharistie; alors que, quand les martyrs faisant peu attention à l'Écriture dans l'ivresse de leur triomphe, porteraient leurs désirs un peu plus loin qu'il ne faut, les prêtres et les diacres devraient les avertir, comme cela s'est toujours fait dans le passé.

Aussi la divine censure ne cesse-t-elle de nous reprendre. Quatre les visions qui se produisent la nuit, des enfants qui sont avec nous se trouvent pendant le jour remplis de l'Esprit saint à cause de l'innocence de leur âge : ils voient en extase, entendent et disent ce dont le Seigneur daigne nous avertir et nous instruire. Je vous dirai tout, quand le Seigneur, qui m'a commandé de m'éloigner, m'aura ramené près de vous. En attendant, que parmi vous, les esprits téméraires, imprudents, orgueilleux, qui n'ont cure des hommes, craignent du moins Dieu; qu'ils se disent bien que s'ils persévèrent dans la même conduite, j'userai à leur égard des moyens de les rappeler à l'ordre, dont Dieu veut que j'use : ils seraient écartés provisoirement du sacrifice, sauf à plaider leur cause, devant moi, devant les confesseurs eux-mêmes, et devant le peuple tout entier, lorsque avec la permission de Dieu nous serons réunis au giron de l'Église notre mère. J'ai écrit à ce sujet aux martyrs et aux confesseurs, et au peuple, en mandant qu'on vous lût mes deux lettres. Je souhaite, frères très chers et très désirés, que vous vous portiez toujours bien dans le Seigneur et que vous vous souveniez de nous. Adieu.

LETTRE 17

CYPRIEN A SES FRERES DU PEUPLE FIDELE, SALUT.

Que la chute de nos frères vous arrache des gémissements et des larmes, c'est ce que je sais, frères très chers, d'après moi-même qui, avec vous, à propos de chacun d'eux, gémis comme vous et souffre, éprouvant ce que dit le bienheureux apôtre : "Qui est malade sans que je sois malade ? qui est scandalisé sans qu'un feu me dévore ?". (2 Cor 11,29). Il a encore proclamé ceci dans une épître : "Si un membre souffre, les autres membres souffrent avec lui; et si un membre jouit, les autres membres jouissent avec lui". (1 Cor 1,26). Je souffre et je suis affligé avec nos frères. En succombant aux assauts de la persécution ils ont entraîné avec eux dans leur chute un morceau de notre coeur, et nous ont fait saigner des blessures mêmes qu'ils ont reçue. La divine Miséricorde a le pouvoir de les guérir. Je ne crois pas pourtant qu'il faille se hâter, ni rien faire à la légère, de peur que l'usage téméraire de la paix, n'irrite Dieu davantage. Les bienheureux martyrs nous ont écrit à propos de certains lapsi, sollicitant l'examen de leurs demandes. Quand le Seigneur nous ayant donné la paix à tous, nous serons revenus à l'Église, on les examinera une à une, avec votre concours et votre suffrage.

J'apprends cependant que certains prêtres, ne se souvenant pas de l'évangile, ne songeant pas à ce que les martyrs nous ont écrit, n'ayant pas d'ailleurs pour l'évêque les égards dus à son sacerdoce et à sa chaire, communiquent avec les lapsi, offrent le sacrifice pour eux et leur donnent l'eucharistie, alors qu'on n'en devrait venir là que par degrés. Quand il s'agit de fautes moindre qui n'ont point Dieu pour objet, il y a d'abord la pénitence pendant un temps déterminé, puis la confession après l'examen de la vie du pénitent, et celui-ci n'est admis à la communion qu'après que l'évêque et le clergé lui ont imposé les mains : à combien plus forte raison, quand il s'agit comme ici des fautes les plus graves et les plus énormes, convient-il d'apporter en tout une prudence et une circonspection conformes à la discipline du Seigneur. Voilà ce que les prêtres et les diacres auraient dû rappeler à nos fidèles, afin de faire prospérer les brebis qui leur sont confiées, et de les diriger conformément aux enseignements divins dans la voie où l'on obtient le pardon et le salut. Je connais la modestie et la retenue de notre peuple; il serait attentif à donner satisfaction à Dieu, et à implorer sa Miséricorde, si certains prêtres, sous prétexte de l'obliger, ne l'avaient induit en erreur.

Vous, du moins, donnez une direction à chacun des lapsi en particulier et que la sagesse de vos conseils et de votre action conduise leurs âmes selon les préceptes divins. Que personne, quand le temps n'est pas encore propice, ne cueille des fruits qui ne sont pas mûrs; que personne n'aille mettre de nouveau à la mer un navire maltraité par les flots et faisant eau, avant de l'avoir soigneusement radoubé; que personne ne reprenne ni ne mette une tunique déchirée, avant de l'avoir fait raccommoder par un artisan habile, et fouler avec soin. Qu'ils écoutent, de grâce, notre conseil, qu'ils attendent notre retour, afin que, quand la Miséricorde de Dieu nous aura permis de retourner vers vous, nous puissions, mes collègues dans l'épiscopat convoqués à cet effet, et moi, examiner à plusieurs les lettres des martyrs et leurs demandes, selon la discipline du Seigneur, en présence des confesseurs, et en prenant votre avis. J'ai écrit à ce sujet au clergé et aux martyrs et confesseurs, deux lettres, * dont j'ai prié qu'on vous donnât lecture. Je souhaite, frères très chers et très regrettés, que vous vous portiez toujours bien dans le Seigneur et que vous vous souveniez de nous. Adieu.

LETTRE 18

CYPRIEN AUX PRETRES ET AUX DIACRES SES FRERES, SALUT

Je suis étonné, mes très chers frères,que les nombreuses lettres que je vous ai envoyées n'aient reçu de vous aucune réponse, alors qu'il est ou utile ou nécessaire aux intérêts de notre fraternité que je sois instruit par vous de ce qui est à faire, et que nous puissions y aviser soigneusement. Cependant, comme je vois qu'il ne m'est pas encore loisible de vous rejoindre, et que nous sommes déjà en été, saison où sévissent continuellement des maladies graves, je crois qu'il faut montrer quelque condescendance pour nos frères. En conséquence, que ceux qui ont reçu des martyrs des billets * et qui, par le crédit de leur prérogative auprès de Dieu, peuvent en être aidés, s'ils viennent à tomber dans quelque état de souffrance ou péril de maladie, soient autorisés, sans attendre notre présence, à faire à un prêtre quelconque, ou si l'on ne trouve pas de prêtre, et que la fin approche, à faire même à un diacre, la confession de leur faute : ainsi, on leur imposera les mains en signe de réconciliation et ils pourront aller au Seigneur avec la paix que les martyrs nous ont demandée pour eux dans leurs lettres.

Quant à l'autre partie du peuple fidèle qui est tombée, soutenez-la par votre présence, et que vos consolations les réconfortent et les empêchent de perdre foi au Seigneur, ou confiance en sa Miséricorde. Ils ne seront pas privés de l'aide et du secours du Seigneur, ceux qui étant doux et humbles, et faisant vraiment pénitence, auront persévéré dans leurs bonnes oeuvres, mais le remède divin assurera leur salut. Veillez aussi sur les catéchumènes au cas où l'un ou l'autre serait en danger et à l'extrémité, et s'ils implorent la grâce de la Miséricorde du Seigneur, qu'elle ne leur soit point refusée. Je souhaite, mes très chers frères, que vous vous portiez toujours bien et que vous vous souveniez de nous. Saluez de ma part la communauté des frères tout entière, et recommandez-moi à leur bon souvenir. Adieu.

* Ces libelli, ou billets d'indulgence que délivraient les martyrs à certains apostats ne sont pas à confondre avec les certificats de sacrifice, appelés aussi libelli, qui leur étaient délivrés par les magistrats chargés de les faire sacrifier.

LETTRE 19

CYPRIEN AUX PRETRES ET AUX DIACRES SES FRERES, SALUT.

J'ai lu vos lettres, mes très chers frères, par lesquelles vous m'informez que vous ne manquez pas de donner à nos frères le salutaire conseil d'éviter toute hâte excessive, et de donner à Dieu des preuves de religieuse patience, afin que, quand la divine Miséricorde nous aura permis de nous rassembler, nous puissions délibérer sur toutes les espèces selon la discipline de l'Église. Il est écrit, en effet : "Souvenez-vous d'où vous êtes tombé, et faites pénitence". (Ap 2,5). Or celui-là fait pénitence qui, fidèle au souvenir des enseignements divins, doux, patient, docile aux directions des prêtres, se rend le Seigneur favorable par sa soumission et sa bonne conduite.

Vous m'avez cependant fait connaître que certains ne sont pas raisonnables, mais insistent d'une manière pressante pour rentrer en communion, et vous avez exprimé le désir que je vous donne une règle en cette matière. Je crois vous avoir parlé assez clairement à ce sujet dans ma dernière lettre : Ceux qui ont reçu un billet des martyrs, et qui grâce à leur secours peuvent être aidés auprès de Dieu pour le pardon de leurs fautes, viennent-ils à tomber malades, et à être en danger, qu'ils fassent la confession de leurs fautes, qu'on leur impose les mains pour la pénitence et qu'on les renvoie au Seigneur avec la paix que les martyrs leur ont promise. Quant à ceux qui, sans avoir reçu aucun billet des martyrs, nous rendent odieux, comme ce n'est pas la cause de quelques personnes, ou d'une Église unique ou d'une province, mais celle de toute la terre, qu'ils attendent que la Miséricorde du Seigneur ait rendu la paix générale à l'Église. Il convient, en effet, à la modestie et à la discipline, et à la vie même que nous devons tous mener, que les chefs assemblés avec le clergé, en présence de ceux du peuple qui ne sont point tombés, et que l'on doit honorer aussi pour leur foi et leur crainte de Dieu, puissent régler toute chose, après l'examen scrupuleux d'une délibération commune. D'autre part, combien n'est-il pas contraire à la religion et aux intérêts mêmes de ceux qui se pressent ainsi, qu'alors que ceux qui ont été exilés, jetés hors de leur pays, dépouillés de tous leurs biens, ne sont pas encore rentrés dans l'Église, certains lapsi veuillent prévenir les confesseurs eux-mêmes et rentrer avant eux. S'ils sont si pressés, ils sont les maîtres de ce qu'ils demandent et les circonstances leur offrent plus qu'ils ne demandent : la lutte dure encore et le combat se donne tous les jours. S'ils ont un vrai et ferme regret de leur faute, et que ce soit chez eux l'ardeur de la foi qui prévale, eh bien, celui qui ne peut attendre le pardon peut gagner la couronne. Je souhaite, frères très chers, que vous vous portiez toujours bien, et que vous vous souveniez de nous. Saluez tous les frères de ma part, et recommandez-moi à leur souvenir. Adieu.

LETTRE 20

CYPRIEN AUX PRETRES ET AUX DIACRES SES FRERES QUI SONT A ROME, SALUT.

Ayant appris, mes très chers frères, que l'on vous rapporte avec peu de droiture et de fidélité ce qui s'est passé ici et ce qui s'y passe, j'ai cru nécessaire de vous écrire cette lettre, pour vous rendre compte de notre conduite, de notre attachement à la discipline, et de notre zèle. Dès le début de la persécution, la populace m'avait plusieurs fois réclamé en poussant de violentes clameurs. Alors, selon les enseignements du Sauveur, songeant d'ailleurs moins à ma sûreté qu'à la paix de toute la communauté, je me suis retiré pour un temps, de peur d'exciter davantage, par une présence indiscrète, les troubles commencés. Absent de corps, j'ai été présent d'esprit; et, par mes actes, et mes conseils, je me suis efforcé dans la mesure de mes faibles moyens, dans tous les cas où je pouvais le faire, de diriger nos frères conformément aux commandements du Seigneur.

Ce que j'ai fait, les lettres vous le disent, que j'ai envoyées en diverses occasions (elles sont au nombre de treize), et que je vous ai fait transmettre. Conseils au clergé [2], exhortations aux confesseurs [3], représentations aux exilés [4] quand il le fallait, appels à tous les frères [5], pour leur persuader d'implorer la divine Miséricorde, rien n'a manqué de ce que mon humble personne a pu tenter selon les règles de la foi et de la crainte de Dieu, et sous l'inspiration du Seigneur. Puis, quand vinrent les supplices, pour encourager et soutenir nos frères déjà livrés à la torture, ou incarcérés en attendant d'être torturés à leur tour, nos paroles ont franchi les murs de la prison. De même ayant appris que ceux qui ont sali leurs mains et leurs lèvres par un contact sacrilège, ou qui n'ont pas moins souillé leur conscience par l'usage de certificats abominables, s'en allaient çà et là faisant le siège des martyrs, corrompant les confesseurs à force d'importunités, ou de cajoleries, de sorte que contre la règle de l'évangile des milliers de billets étaient donnés tous les jours au hasard et sans examen, j'ai écrit, des lettres pour rappeler autant que je le pouvais les martyrs et les confesseurs au respect des préceptes du Seigneur. De même, à l'égard des prêtres et des diacres, notre vigueur épiscopale n'a pas fait défaut, et c'est ainsi que quelques-uns, qui ne se souvenaient pas assez de la discipline ecclésiastique et se laissaient emporter à un empressement indiscret, ont été arrêtés à la suite de notre intervention. Il n'y a pas jusqu'au peuple que nous n'ayons instruit autant que nous l'avons pu, et disposé à observer la discipline ecclésiastique.

Plus tard, comme certains lapsl soit de leur propre mouvement, soit sous l'influence d'une excitation étrangère, s'emportaient à des exigences audacieuses, et s'efforçaient d'arracher violemment la paix que les martyrs et les confesseurs leur avaient promise, j'ai écrit deux fois [6] au clergé à ce sujet, en l'invitant à leur lire mes lettres. Je réglais, pour adoucir leur violence de quelque manière, que si quelqu'un, après avoir reçu un billet des martyrs, venait à être sur le point de quitter ce monde, après avoir entendu sa confession, on lui imposerait les mains pour la pénitence, et on le renverrait au Seigneur, avec la paix promise par les martyrs. En quoi je n'ai point porté de loi, ni pris d'initiative téméraire. Mais j'ai pensé qu'il y avait lieu tout à la fois de rendre honneur aux martyrs et d'arrêter ceux qui voulaient mettre le désordre partout. J'avais d'ailleurs là la lettre * que vous aviez envoyée, il n'y avait pas longtemps, à notre clergé par le sous-diacre Crementius, où vous demandiez qu'on eût compassion de ceux qui étaient tombés malades depuis leur apostasie, et qui, s'en repentant, désiraient rentrer en communion. J'ai cru, en conséquence, qu'il fallait s'en tenir à votre avis, de peur que notre conduite, qui doit être une et s'accorder en tout, ne différât en quelque chose. Quant aux autres, malgré le billet reçu des martyrs, j'ai dit de remettre leur affaire à plus tard et de la réserver pour le moment où nous serons présent, afin que, quand le Seigneur nous aura rendu la paix, nous puissions nous réunir à plusieurs évêques et, non sans nous mettre d'accord avec vous, régler ou réformer toutes choses. Je souhaite, frères très chers, que vous vous portiez toujours bien.


[1] Le sesterce valait alors environ 0,27 (en 1928)

[2] Lettres 15 et 16.

[3] Lettres 5,7,12 et 14.

[4] Lettre 6.

[5] Lettre 13.

[6] lettre 10.

    

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