Daniel Brottier
Prêtre, Fondateur, Bienheureux
(1876-1936)

L'enfance et les études

Daniel Brottier naquit le 7 septembre 1876 à la Ferté-Saint-Cyr, près de Beaugency, au diocèse de Blois. Il reçut de ses parents une éducation chrétienne et manifesta très tôt son désir d'être prêtre. Quelques mois après sa première communion, en octobre 1887, il entra au petit séminaire de Blois. Brillant dans ses études, Daniel était aussi bon camarade, d'une nature droite, gaie et entraînante, mais il avait à combattre des tendances à l'orgueil et à la colère. Il sut bien par la suite éviter l'un et maîtriser l'autre.

Déjà, dans ses yeux luisait une flamme claire. Regard étonnant qui, tout au long de sa vie, subjuguera ses visiteurs d'un moment comme ses amis les plus fidèles. De cette époque date un mal de tête tenace et lancinant qui se déclara lors d'une maladie, quand il avait treize ans et qui ne le quittera plus jamais.

On a dit de lui, à la fin de ses études secondaires: «Élève éveillé et résolu, assez sûr de lui-même et d'une physionomie ouverte et sympathique», et «Aucun art ne lui était indifférent. Il aimait particulièrement la musique. Il jouait de l'orgue et chantait à merveille. Il exécutait la photographie aussi bien que les maîtres de l'art».

Séminaire et professorat

En octobre 1892 il commença la philosophie au grand séminaire de Blois et le 8 décembre suivant eut lieu la prise de soutane. Il franchit normalement les étapes vers le sacerdoce; sous-diaconat, diaconat et fut ordonné prêtre dans la chapelle du grand séminaire, le 22 octobre 1899.

L'évêché de Blois lui confia alors la charge de professeur au collège de Pontlevoy. On peut voir dans ces trois ans d'un travail d'éducateur une préparation lointaine à ce qui l'attend plus tard à Auteuil.

Pendant son séjour à Pontlevoy, peu à peu mûrit son projet de partir en mission. Il s'orienta vers la Congrégation du Saint-Esprit.

Vocation missionnaire

Le 26 septembre 1902, Daniel Brottier commença son noviciat à Grignon-Orly, dans la banlieue Sud de Paris. Il avait eu du mal à faire accepter sa vocation missionnaire par son père. Alors que Daniel se préparait à prononcer ses voeux de religion, son père écrivit au maître des novices pour lui faire remarquer que la santé délicate de son fils l'empêchait d'aller vivre dans des climats malsains et mortels. S'en remettant à la volonté de ses supérieurs, Daniel Brottier s'engagea, le 30 septembre 1903, par la profession religieuse temporaire.

Le Sénégal

Aussitôt faite la profession, il reçut son obédience pour le Sénégal, nommé vicaire à la paroisse Saint-Louis. Le climat du Sénégal était réputé modéré et cette désignation répondait partiellement aux mises en garde de son père. Arrivé à Saint-Louis le 27 novembre 1903, il y fit son premier sermon le 8 décembre, en la fête de l'Immaculée Conception. Son auditoire, curieux et réservé au départ, apprécia la nouveauté du ton et désormais ses prédications et ses causeries furent toujours très suivies.

À cette époque, l'administration française appliquait, au Sénégal, la politique de laïcisation de M. Combes. Le 18 juillet 1904, les Frères de Ploërmel et les Soeurs de Cluny durent quitter leurs écoles et les hôpitaux.

Le Père Brottier participa alors activement à la création et à l'organisation d'un patronage où on pourrait continuer à donner une éducation chrétienne à la jeunesse. En même temps il fut nommé directeur du Cercle Jeanne d'Arc, ouvert aux hommes de la paroisse et aux militaires en garnison. Par la suite, il prit de nombreuses autres initiatives dans des domaines très différents : jardin d'enfants et Comité de l'enfance, bulletin paroissial (l'Écho de Saint-Louis), chorale...

Mais, secouée par un accident de cheval au début de son séjour, puis ébranlée par une insolation, la santé de Daniel s'altérait de plus en plus. Il lui fallut rentrer en France. Le 6 août 1906, il s'embarqua sur le Chili, pour un repos de six mois. Au cours de ce séjour, il éprouva un attrait pour la solitude, prit contact avec une trappe du Brésil, mais ce projet n'eut pas de suite.

Deuxième séjour au Sénégal

Ayant repris des forces, il rentra au Sénégal en janvier 1907 où, malgré certaines oppositions, il reprit ses diverses activités. Il y ajouta la fondation de la fanfare La Faidherbe et s'intéressa aussi à la botanique : greffe de manguiers (il laisse son nom à la mangue Brottier), greffe de rosiers : la vente de roses lui procurait des ressources pour ses oeuvres. Il s'efforça aussi de promouvoir la lecture de livres biens choisis et encouragea la Bonne Presse. Il continuait à pratiquer la photo et fit éditer des cartes postales. La plupart des négatifs sur plaques de verre qu'il avait laissés après lui, ont malheureusement disparu ou ont été détruits.

Le surmenage, s'ajoutant à un fond de santé fragile et une nouvelle insolation finirent par avoir raison durablement de ses forces. Le 29 juin 1911, Mgr Jalabert, son évêque, accompagnait sur le paquebot Italie, un Père Brottier qui ne reverrait jamais plus les rives africaines.

Après quelques semaines de repos en Suisse, il tenta un nouvel essai à la trappe, celle de Lérins (Saint-Honorat) cette fois. Mais, bientôt il écrivit à Mgr Le Roy, Supérieur général des Spiritains : «Je vous reviens en bon enfant prodigue, après avoir consciencieusement discuté la question. J'ai tout ce qu'il faut pour faire un bon trappiste, mais ma santé ne semble pas vouloir s'adapter à la situation».

Le souvenir Africain

Mgr Jalabert, évêque de Dakar, rappela alors à Daniel Brottier leur commun regret de constater que le Sénégal n'avait pas de cathédrale. Il nomma le Père Brottier son vicaire général, résidant en France, chargé de promouvoir le projet de la Cathédrale du Souvenir Africain.

La campagne fut lancée à Paris, dans l'église Saint-Augustin, par Mgr Jalabert lui-même, qui y prononça un discours dont l'éloquence déconcerterait de nos jours.

En janvier 1912, l'évêque de Dakar rédigea son «Appel à la France» «Je propose de construire une cathédrale à la mémoire des héros de l'épopée africaine: explorateurs, missionnaires, soldats, marins, administrateurs, commerçants, morts là-bas au service de la France. Le monument s'élèvera dans la ville la plus considérable de l'A.O.F., la ville par laquelle presque tous les pionniers de la conquête africaine ont passé, la ville d'où est parti Marchand, où expira Savorgnan de Brazza: Dakar ... ». Cet extrait donne le ton ! Il faut évidemment le lire en se mettant dans l'esprit du temps.

Pour la réalisation de ce projet, le Père Brottier entra en relation avec les familles des victimes de l'aventure africaine. Ses lettres se comptèrent par centaines. Il publia des extraits des réponses qu'il reçut dans la Revue mensuelle du Souvenir Africain.

Aumônier militaire volontaire

Survint la guerre de 1914-1918. Daniel Brottier avait été réformé en 1901, mais il se proposa comme aumônier militaire volontaire. Le 26 août 1914 il rejoingnit la 26e division d'Infanterie.

Pour avoir des détails sur le Père Brottier pendant la «Grande Guerre», on consultera ses biographies. Citons seulement quelques témoignages: 

«Cet homme appartenait à tous et, partout où la mort nous frôlait, il était là. Ceux qui ne croyaient pas étaient tout près de croire.»

«Après des journées harassantes, alors qu'il était épuisé, il était toujours volontaire pour d'interminables parties de cartes avec les poilus, pour les distraire et leur donner du moral. Ceux qui prétendent qu'il n'a rien fait d'extraordinaire ne l'ont pas vraiment connu.»

«Le Père Brottier, c'était le réconfort moral toujours prêt à se faire sentir. Dès qu'il était là, on était tranquille. Il racontait tellement d'histoires et si drôles que nul cafard n'aurait tenu. Et cela, quelle que fût l'intensité du marmitage.»

Des cinq citations adressées au Père Brottier au cours de la guerre, retenons la dernière qui les résume toutes: «À l'ordre de l'Armée, le 29 juin 1918: Brottier Daniel, âme magnifique où s'allient harmonieusement l'ardeur du soldat et le dévouement de prêtre, légendaire au régiment dont il partage toujours les heures pénibles. Pendant les attaques des 1er et 2 juin, à Troesnes, parcourait la ligne pour relever et secourir les blessés, allant les chercher en avant de nos postes, sous le feu des mitrailleuses et encourageant les combattants. Est resté à Troesnes, malgré les relèves de bataillon, subissant, le 3, une nouvelle attaque et, dans les jours suivants, un bombardement très dur. Exerce sur les combattants qu'il soutient moralement aux heures difficiles, par ses encouragements et son exemple, l'influence la plus heureuse».

Même pendant la guerre le Souvenir Africain ne quittait pas ses pensées. Déjà, en 1916, il avait écrit: «Ma foi dans l'étoile du Souvenir Africain reste entière. Il y aura plusieurs moyens susceptibles de succès. Ayons d'abord la victoire et le reste viendra facilement».

L'Union Nationale des Combattants

Jamais à cours d'idées, le Père Brottier conçut, dès 1917, le projet de l'Union Nationale des Combattants, avec sa devise «Unis comme au front». Il eut même l'occasion d'en parler à Clémenceau et celui-ci fut immédiatement conquis. L'organisme se mit en place, avec son complément, l'Escompte du Combattant, qui proposait aux soldats démobilisés le règlement immédiat, en espèces, de leur bon de démobilisation. En quelques semaines, l'Union compta plus de quatre cent mille adhérents. Ils atteignirent bientôt trois millions.

L'aumônerie militaire pendant la guerre, l'organisation du mouvement des Anciens Combattants, tinrent une grande place dans la vie du Père Brottier; c'est important de le souligner. Lui-même n'a-t-il pas dit: «Si j'ai fait quelque chose de bien dans ma vie, c'est sur les champs de bataille».

Et pourtant, une autre phase de sa vie va commencer, importante elle aussi, quand on va lui confier une oeuvre à laquelle son nom restera attaché.

Les Orphelins Apprentis d'Auteuil

Devenu directeur des Orphelins Apprentis d'Auteuil, il s'installa au 40 rue La Fontaine, le 19 novembre 1923.

L'abbé Roussel avait fondé cette oeuvre en 1866. Ses successeurs furent, en 1895, l'abbé Fontaine et, en 1901, l'abbé Blétit. En 1923, l'abbé Muffat, qui dirigeait l'Oeuvre depuis 1914, demanda à en être déchargé. L'archevêché de Paris s'adressa à Mgr Le Roy, supérieur de la Congrégation du Saint-Esprit, et c'est ainsi que le choix se porta sur le Père Brottier.

Sa première initiative fut d'entreprendre, par souscription, un sanctuaire à Sainte-Thérèse de Lisieux. «Ce dont les enfants ont été sevrés, disait-il, c'est d'affection. Thérèse sera leur maman.» Après la guerre, le P. Brottier avait appris de Mgr Jalabert que celui-ci était persuadé d'avoir obtenu pour lui la protection de Sainte-Thérèse de l'Enfant-Jésus. De là dataient sa dévotion et sa confiance envers la petite Sainte.

Les débuts à Auteuil furent difficiles. La guerre avait déstabilisé cette oeuvre, les dettes n'avaient cessé de croître, et le personnel désabusé, avait laissé s'instaurer parmi les jeunes une mentalité détestable.

Il en fallait plus pour démonter le nouveau directeur: «Les Allemands n'ont pas eu ma peau, dit-il à un ami. Ce ne sont pas les gosses d'Auteuil qui l'auront!» Avec lui, une qualité des relations, une joie de vivre et de travailler s'instaurèrent dans l'Oeuvre... ce qui, au dire d'un de ses biographes, aurait amené cette déclaration d'un jeune enfant: «Je voudrais devenir Orphelin d'Auteuil!»

Pour réaliser son projet de construction d'une chapelle dédiée à Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, le Père Brottier stimulait régulièrement collaborateurs et bienfaiteurs. Le magazine d'Auteuil «La France Illustrée» se couvrit d'annonces de kermesses, d'éditoriaux vibrants. Le 5 octobre 1930, le cardinal Verdier, archevêque de Paris, procéda à la consécration du sanctuaire, dont la fête annuelle attirera bientôt jusqu'à vingt mille personnes.

En même temps, il fallait payer les dettes et trouver des ressources pour la vie quotidienne. Le Père Brottier donna pour cela beaucoup de son temps à la correspondance. Il recevait aussi de nombreux visiteurs, bienfaiteurs ou non. A quelqu'un qui lui dit «Quelle chance vous avez, tout vous réussit», il répliqua: «Ma chance, ce fut de travailler sans répit de 5 heures du matin à minuit, d'écrire des lettres et de recevoir des visites par milliers».

Ici aussi il faut renvoyer à des biographies plus détaillées. Soulignons seulement une des caractéristiques du Père Brottier, déjà signalée auparavant, mais qu'il développa plus encore à Auteuil:

Daniel Brottier, homme de médias

Pour employer le langage actuel, Brottier fut homme de «médias». En voici quelques exemples:

Avec lui le Courrier d'Auteuil atteindra 300 000 exemplaires mensuels. L'Ami des enfants sera tiré à 70 000 exemplaires. La France Illustrée (fondée en 1874) touchera chaque semaine 100 000 abonnés. Et pourtant il jugea nécessaire d'abandonner la gestion de La France Illustrée: il pensait que cela risquait de le détourner de son oeuvre principale. En 1930, il fonda la revue Missions où la mise en pages présentait une certaine originalité. En trois ans Missions atteignit un tirage de 40 000.

Il utilisa l'affichage dans le métro, avec l'effigie de Sainte-Thérèse de Lisieux, pour inviter à des concerts au profit de sa chapelle.

En 1927, il ouvrit aux écoles et aux patronages la salle Auteuil, Bon Cinéma. On y compta 600 000 spectateurs en quatorze ans.

Le développement de l'oeuvre

Sous la direction du P. Brottier, Auteuil s'agrandit et les succursales se multiplièrent: le Vésinet (1930), La Motte-Grenet (1931), Saint-Michel-en-Priziac et Saintry (1932), Malepeyre et Restigné (1933), Perpezac et Verneuil-sur-Indre (1934), Nice et Caminel (1935). Il faut y ajouter l'organisme le Foyer à la campagne (1933). Dans l'ensemble de ces maisons, en 1936, on accueillait mille quatre cents orphelins.

On ne peut citer ici tous les collaborateurs du P. Brottier. Mentionnons cependant le P. Yves Pichon, qui vécut dans son intimité et fut son biographe; M. David, «homme extraordinaire, dit de lui le P. Brottier, qu'on ne dérangeait jamais, mais qui se dérangeait sans cesse» ; M. Mouillier, polytechnicien, qui mena à bien la modernisation des ateliers, tout en se montrant soucieux de formation humaine : Mlle Colonvillé, rédactrice de l'Ami des enfants ; Mlle Bigot, l'organisatrice géniale des Foyers à la campagne... Avec le regret de se limiter à ces quelques noms.

Les dernières semaines

Le 2 février 1936, avait lieu à Dakar la consécration, par le cardinal Verdier, légat du pape, de la Cathédrale du Souvenir Africain. Le Père Brottier, dont la santé laissait à désirer depuis quelque temps, ne put s'y rendre.

Le lundi 3 février, épuisé, il se coucha en fin de matinée, pour ne plus se relever. Il était terrassé par une fièvre intense, de violents maux de tête et de vives douleurs à la poitrine. Une congestion pulmonaire double se déclara. Quelques jours plus tard, une grippe infectieuse ajouta encore à ses tourments et il fut transporté à l'hôpital.

Arrivé à l'hôpital Saint-Joseph mourant, il lui restait assez de forces pour survivre pendant onze jours. Ce fut vers 4 heures du matin, le 28 février 1936 que Daniel Brottier rendit le dernier soupir.

Il fut béatifié le 25 novembre 1984, par le pape Jean-Paul Il.

Jean Ernoult, spiritain

 SOURCE: http://www.spiritains.qc.ca/Historique/brottier.htm

 

 

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