Saint Dié ou Didier était d'une famille illustre de la
France occidentale ; il possédait dans un degré
éminent les dons de la nature et ceux de la grâce. Dès
l'âge le plus tendre, il s'appliqua -à mettre en
pratique le double
précepte de l'Évangile : l'amour de
Dieu et du prochain. La vertu pour lui était préférable
à toutes les richesses, aussi il ne négligeait rien
pour la conserver dans son cœur.
Après la mort d'Héchérius, il fut élu
évêque de Nevers, vers l'an 655 ; il remplit les
fonctions de son ministère comme un pasteur qui ne cherche que
la gloire de Dieu et le salut des âmes. Cependant il ne resta
que trois ans sur le siège de Nevers; l'attrait qu'il avait
pour la retraite et le désir d'une plus grande perfection le
portèrent à renoncer aux honneurs de l'épiscopat,
pour se retirer dans la solitude ; il engagea donc le clergé
et les fidèles de son diocèse à lui chercher un
successeur, et il quitta Nevers pour s'enfoncer dans les montagnes
des Vosges.
Étant encore évêque de Nevers, il avait assisté
en 657 au concile de Sens, avec ses comprovinciaux et trente autres
évêques, sous la présidence d'Emmon, archevêque
de cette province. Tous les prélats les plus illustres de
France par leur savoir et leur sainteté se trouvaient à
ce concile. Outre notre saint évêque, on comptait parmi
les pères, saint Ouen, évêque de Rouen, saint
Faron de Meaux, saint Eloi de Noyon, saint Amand de Maëstricht,
saint Pallade d'Auxerre, saint Lençon de Troyes.
Nous ignorons le motif qui engagea saint Didier à abandonner
la solitude des Vosges, pour pénétrer au fond de
l'Alsace. Il y choisit un lieu retiré dans la forêt
d’Haguenau, et se lia d'amitié avec saint Arbogast, qui
y menait depuis quelque temps la vie érémitique, et qui
devint depuis évêque de Strasbourg. Forcé de
quitter ce lieu par suite des contrariétés qu'il
éprouva de la part des habitants voisins de cette forêt,
il se retira dans l'île de Novientum ou d'Ebersheim ; quelques
solitaires s'y étaient réfugiés vers 661 pour y
vivre en communauté. Ils reçurent avec empressement
Didier au milieu d'eux ; il devint leur chef, et bientôt sa
sainteté lui attira un grand nombre de disciples. Avec l'aide
de Childéric II roi d'Austrasie, H bâtit une église
en l'honneur de saint Pierre et de saint Paul, et l'enrichit des
reliques de saint Maurice, chef de la légion thébaine.
La dédicace en fut faite par notre saint évêque,
en présence d'un grand concours dépeuple, accouru des
pays voisins. Telle fut l'origine de l'abbaye d'Ebersmunster au
diocèse de Strasbourg.
Comme le gouvernement de ce monastère ne lui permettait pas de
se livrer aux exercices de la contemplation, Didier se retira, et
chercha un lieu plus solitaire ; ce fut dans les environs
d'Ongiville au diocèse de Baie qu'il alla se fixer. Il y bâtit
un ermitage; mais il fut bientôt obligé de le quitter,
forcé par les habitants du pays qui, vivant de brigandage,
craignaient que ce nouveau venu n'entreprît de changer leurs
mœurs.
Enfin, après bien des traverses de ce genre, par lesquelles
Dieu voulut éprouver sa patience, un riche seigneur du pays,
avec lequel il avait fait connaissance, lui offrit une de ses terres.
Didier refusa cette offre, disant qu'il n'avait pas quitté son
évêché pour chercher ailleurs des domaines et des
richesses, que son dessein était de se retirer dans un lieu
entièrement désert, afin de ne plus exciter la jalousie
de personne.
Il retourna dans les montagnes des Vosges et s'arrêta dans une
vallée qu'il nomma val de Galilée, et qu'on appelle
aujourd'hui val de Saint-Didier. Il y bâtit une cellule et une
chapelle sous l'invocation de saint Martin. Ce désert
auparavant inculte, devint bientôt fertile par les soins d'un
grand nombre de personnes qui vinrent se mettre sous la conduite de
Didier.
En 669, comme le nombre augmentait toujours, notre saint fut obligé
de bâtir sur la colline un vaste monastère où il
établit la règle de saint Colomban, à laquelle
fut substituée plus tard celle de saint Benoît.
En même temps le roi Childéric II lui donna la propriété
de toute la vallée. Ce monastère fut nommé
Jointures, à cause de la jonction du ruisseau de Rothbach avec
la Meurthe. Dans le cours de ce siècle, la religion peupla les
vastes déserts des Vosges; outre le monastère de
Jointures, que saint Didier avait fondé, saint Gombert,
archevêque de Sens, qui avait aussi abandonné son siège
pour se retirer dans la solitude, fonda celui de Senones ; l'évêque
de Toul, saint Boudon, construisit Boudon-Munster, nommé plus
tard Saint-Sauveur, et celui d'Estival ; saint Hidulphe, évêque
de Trêves, qui avait choisi le même désert pour
retraite, en construisit un nouveau qu'on appela Moyen-Moutier.
Saint Didier et saint Hidulphe se visitaient souvent pour se
communiquer leurs lumières et s'entraider dans le service de
Dieu.
Notre saint, dont les forces étaient tout à fait
affaiblies, soit par les fatigues, soit par les austérités
de la pénitence, craignant que ses infirmités ne
nuisissent à la régularité de sa communauté,
se retira vers la fin de ses jours dans son ancienne cellule, prés
de la chapelle de saint Martin, et de là il gouvernait ses
religieux avec autant de zèle et de vigilance que s'il 'eût
été au milieu d'eux.
Il mourut entre les bras de saint Hidulphe, son ami, qui lui succéda.
Ce fut le 19 juin 679. |