Interview à l’occasion de la sortie de
son livre Laïcs dans l’Église aujourd’hui
L'agence romaine
ZENIT.org
publia le 26 mai 2010 cette interview que nous avons jugé bon de
reproduire ici, “ad perpetuam rei memoriam”.
Voici l'introduction
exacte et le texte complet du document publié par l'agence romaine
citée:
« ROME,
Mercredi 26 mai 2010 (ZENIT.org)
– « Je leur dois
ma vocation » : c'est aux fidèles laïcs que Mgr
Dominique
Rey, évêque du diocèse de Fréjus-Toulon, adresse cet hommage. Alors
que l'Église de France vit une crise spirituelle, Mgr Rey a souhaité
souligner le rôle « irremplaçable » et « indispensable » du laïcat
dans l'Église.
L'évêque français livre
le fruit de son expérience dans un livre intitulé Laïcs dans
l'Église aujourd'hui. Sainteté et Mission, paru aux
Éditions Salvator. A l'occasion du 20e
anniversaire de l'exhortation apostoli-que sur la vocation et la
mission des laïcs dans l'Église et dans le monde
Christifideles laici, il
y reprend un certain nombre de conférences destinées à des évêques,
des patriarches d'Églises d'Orient et à des laïcs engagés dans des
mouvements chrétiens.
ZENIT : Vous dédiez
votre livre à tous les fidèles laïcs qui vous ont porté dans votre
vocation. L'avez-vous écrit pour leur rendre hommage ?
Mgr Rey : Nous
venons de célébrer le 20e
anniversaire de Christifideles
laici, un document majeur qui montre que chaque chrétien a
une place à jouer dans la vie de l'Église et dans son rayonnement.
J'ai été le témoin, dans ma famille, autour de moi, de l'engagement
de nombreux chrétiens, fidèles laïcs, qui ont parfaitement assumé
leur consécration baptismale et qui ont été pour moi des témoins de
l'Évangile. Je leur dois ma vocation.
Ce livre souhaite
attirer l'attention sur le rôle irremplaçable et indispensable du
laïcat. La France vit une crise spirituelle et une crise des
vocations. Les regards sont souvent braqués sur nos séminaristes et
nos prêtres et je crois qu'en cette année sacerdotale on peut prier
pour eux. Mais il ne faut pas oublier que la crise des vocations
cache souvent une crise de la vie chrétienne en général. Pour avoir
de belles vocations sacerdotales, on doit avoir de belles vocations
chrétiennes. Et les prêtres ont besoin de saints laïcs.
ZENIT : Qu'est-ce
qu'un laïc engagé dans l'Église peut apporter aux prêtres ?
Mgr Rey : Il est
très important que les prêtres, dans leur identité ministérielle,
puissent s'appuyer sur des laïcs et sur des familles qui peuvent
apporter un témoignage de communion. Je suis frappé, aujourd'hui,
par la volonté des laïcs de vivre pleinement leur baptême : il y a
une recherche de sainteté de vie, de témoignage évangélique,
d'évangélisation dans la vie sociale. C'est extrêmement stimulant et
réconfortant pour le prêtre. Comment voulez-vous qu'un prêtre puisse
assurer sa charge de pasteur s'il n'est pas soutenu par les laïcs,
s'il ne peut pas compter sur leur disponibilité pour l'aider dans
l'exercice de son ministère. Aujourd'hui plus que jamais, je pense
que le prêtre a un grand besoin de fonder sa vie et l'exercice de
son ministère en lien étroit avec des laïcs, notamment pour sa
sanctification personnelle.
ZENIT : Vous avez
une expérience positive de collaboration entre prêtres et laïcs
alors que l'on craint souvent aujourd'hui une concurrence entre les
deux. Qu'est-ce qui pourrait l'éviter ?
Mgr Rey : On
craint d'une part la cléricalisation du laïcat et d'autre part que
le prêtre fonctionne en surplomb vis-à-vis des laïcs. Pour l'éviter,
il faut prendre conscience que nous avons tous une commune dignité
dans notre consécration baptismale. Nous devons découvrir le
charisme propre du laïcat dans la société et dans l'Église
d'aujourd'hui. Ce faisant, dans une spiritualité de communion, le
prêtre découvre combien les laïcs sont indispensables pour le
rayonnement de son ministère et pour la fécondité de la communauté
dont il a la charge.
Il faut donc prendre
conscience de la place des laïcs. Il faut aussi promouvoir des
formes de vie, d'associations de laïcs et accueillir ces nouvelles
réalités avec beaucoup de générosité, tout en assurant un rôle de
vigilance, d'accompagnement et de régulation.
ZENIT : C'est
important que chacun reste à sa place ?
Mgr Rey : Il
serait inconsidéré de penser que le laïc est un « sous prêtre » ou
que le prêtre prenne au laïc ce qui fait le propre de sa mission. On
constate parfois sur le terrain des définitions très résiduelles du
ministère sacerdotale : le prêtre célèbre la messe, la confession et
les laïcs peuvent se charger du reste. C'est injuste. De la même
manière, le prêtre doit prendre en compte la présence des laïcs sous
forme de coresponsabilité, de complémentarité dans l'exercice de son
ministère. Ce ne sont pas des subalternes.
ZENIT : Quel est le
rôle propre du laïc ?
Mgr Rey : Son
rôle propre, c'est de rechercher comme tout chrétien une certaine
sainteté de vie. Il a aussi le rôle de manifester les valeurs
évangéliques en les vivant. Le laïc est appelé à remplir son devoir
d'État, dans sa famille en particulier mais aussi dans son milieu
professionnel. Il a d'autre part une responsabilité à assumer au
sein de l'Église : aider les prêtres dans l'exercice des différentes
tâches qui font vivre la communauté. Sans oublier la dimension
séculière de l'Église : l'Église n'est pas hors du monde et le laïc,
par son mode de vie, sa vie professionnelle et ses engagements,
exprime cette présence, ce témoignage de l'Église dans la société.
ZENIT : Les laïcs
ont-ils des terrains spécifiques à investir ?
Mgr Rey : Il
faut explorer la dimension anthropologique. On assiste aujourd'hui à
une fracture anthropologique : nous sommes dans un nouveau paradigme
culturel (le rapport au corps, à la sexualité, à l'amour, au temps
et à l'espace avec les nouvelles technologies et le cyberespace ont
été profondément modifiés). On en vient à mettre en cause l'identité
de l'homme, jusqu'à manipuler son génome, tenter de faire du
clonage... Dans cet environnement, il y a un enjeu très important :
la présence du laïc chrétien qui vient affirmer que la vie est
sacrée, de la conception jusqu'à la mort naturelle, qu'elle mérite
d'être vécue. Notre société a besoin de ces points de repère.
ZENIT : Ce qui
implique une formation...
Mgr Rey : Cela
implique en effet une formation et une ‘conscientisation'. La
formation est donnée par tous les outils dont dispose l'Église à
travers les facultés, les universités, les instituts. Il y a tout un
corps de doctrine très riche à disposition. Le Magistère de l'Église
et notamment les dernières encycliques de Benoît XVI éclairent
puissamment cet engagement dans le monde.
Mais cet engagement
n'est pas simplement de l'ordre de la recherche intellectuelle, il
est aussi porté par une communauté. La difficulté aujourd'hui, c'est
que beaucoup de chrétiens ne vivent pas à la hauteur de leur
baptême : on n'y arrive jamais mais on essaie au moins d'y tendre.
Il faut prendre conscience de ce que chrétien veut dire et, en même
temps, s'adosser sur des communautés qui prouvent que l'Évangile ça
marche, que les liens humains tissés entre les membres d'une
communauté procèdent de cette logique du don, de l'échange, de la
gratuité dont parle Benoît XVI dans sa dernière encyclique. Un
chrétien seul est un chrétien en danger. Mais on voit heureusement
aujourd'hui l'émergence, de manière extrêmement diversifiée, d'un
nouvel élan communautaire qui peut aider les laïcs à prendre toute
leur place dans la société, à former une élite. Non pas une élite
qui isole, mais une élite pour le service de la charité, le service
d'autrui. »
Propos recueillis
par Marine Soreau |