Dorothée de Justamond
Religieuse ursuline de Bollène.
Sœur Madeleine du Saint-Sacrement

Née à Bollène, le 27 mai 1743, de Jean-Pierre de Justamond et de Françoise-Barbe de Faure, elle était la sœur de Marguerite (Sœur Saint-Henri), et de Madeleine (Sœur du Cœur-de-Marie), toutes deux religieuses de l'Ordre de Citeaux, à l'abbaye Sainte-Catherine d'Avignon, toutes deux martyres de la même cause : la fidélité à leurs vœux et le refus de prêter un serment schismatique.

Baptisée le jour de sa naissance, elle eut pour parrain Jérôme-Louis-Maurice-Dorothée de Camaret, son grand-oncle, et sa marraine fut Madeleine-Barbe de Faure. Elle était l'aînée des trois sœurs martyres, et nièce de Marie-Madeleine (Sœur Catherine de Jésus), ursuline du couvent de Pont-Saint-Esprit, martyrisée, elle aussi, le 26 juillet 1794.

Lorsque le couvent de Pernes fermé en 1792, les religieuses se dispersèrent ; quelques-unes rentrèrent dans leur famille. Dorothée, qui portait depuis près de trente ans le nom de la sœur Madeleine du Saint-Sacrement, vint avec ses sœurs et sa tante se réunir aux Ursulines de Bollène, et reprit avec elles la vie et les exercices de la communauté interrompus par la dispersion. Le 2 mai, elle était mise en arrestation et conduite à la prison de la Cure, à Orange.

Elle y vécut, avec ses compagnes, dans la prière et l'attente paisible du martyre. Auprès d'elle, ses deux sœurs, dans la plus fraternelle et la plus sainte émulation, se préparaient à suivre leur aînée jusqu'à l'immolation dont chaque jour les rapprochait un peu plus. L'illusion ne leur était d'ailleurs pas permise. Elles savaient que l'heure du sacrifice ne devait pas tarder. Elles s'en entretenaient volontiers, et s'efforçaient, toutes les trois, à en mériter la gloire.

Le 16 juillet, Sœur Madeleine du Saint-Sacrement fut appelée devant ses juges, et condamnée à mort.

On raconte que le président Fauvéty avait à peine terminé de prononcer la sentence quand notre martyre prit à son tour la parole. Ce ne fut pas, certes, pour implorer la pitié de ses bourreaux ni pour exhaler d'inutiles et lâches gémissements. L'héroïque religieuse dont le courage n'avait pas faibli, au cours de l'interrogatoire, fit entendre d'autres accents. « Qu'ils sont bons, s'écria-t-elle, ceux qui viennent de nous condamner ! Nos pères et nos mères nous avaient donné une vie pleine d'amertumes, et voilà que nos juges nous procurent une vie exempte de peines et de chagrins, une vie éternelle ». Le tribunal et l'assistance furent, dit-on, saisis à ces paroles, d'une profonde émotion.

Aussi, vers la fin de la journée, au moment où l'on conduisait les victimes à l'échafaud, un paysan des environs, venu à Orange par curiosité et qui avait voulu voir le navrant défilé, s'approcha d'elle, et s'inclinant, prétendit lui baiser la main. Mais l'humilité de la martyre s'effaroucha de cet hommage spontané... « Ah ! dit-elle, priez plutôt pour nous. Dans un quart d'heure, nous serons dans l'éternité. Priez pour nous ce Dieu qui va nous juger et qui trouve des taches jusque dans ses anges ! »

Parvenue au pied même de la guillotine, Sœur Madeleine entendit, à chaque tête qui tombait, la populace pousser le cri de «Vive la Nation !» et «Vive la République !»«Oui, dit-elle, je dis comme vous ; mais avec plus de raison que vous : «Vive la Nation !» qui nous procure en ce jour, la gloire du martyre !»

Sœur Madeleine du Saint-Sacrement consommait son martyre à l'âge de cinquante et un ans. Depuis vingt-huit ans, elle servait son Dieu dans les saintes pratiques de la vie religieuse.

Abbé Méritan

 

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