Dunstan de Cantorbéry
Évêque, Saint
+ 988

S. Dunstan, issu d'une famille illustre, naquit à Glastenbury. Il eut pour maîtres dans les sciences certains moines irlandais qui avaient beaucoup de réputation, et qui s'étaient établis dans le lieu de sa naissance. La Saint Dunstan, évêque de Cantorbéryville de Glastenbury se trouvait alors, par une suite des ravages de la guerre, dans un état de désolation.

Dunstan se distingua de tous ses compagnons d'étude par la rapidité de ses progrès; Athelnie, son oncle, archevêque de Cantorbéry, avec lequel il vécut quelque temps, le mena à la cour avec lui, et le fit connaître au roi Athelstan. Ce prince, qui aimait la vertu et qui protégeait les talents, conçut pour lui une grande estime, le retint auprès de lui, et lui donna plus de marques de bienveillance qu'à tous ceux qui approchaient de sa personne. Mais l'envie, qui ne peut souffrir les distinctions du mérite, chercha les moyens de le mettre mal dans l'esprit du roi, et elle vint à bout d'y réussir. Dunstan comprit alors mieux que jamais combien peu l'on doit compter sur la faveur des grands. Il avait reçu dans sa jeunesse la tonsure et les ordres mineurs; toujours il avait vécu d'une manière conforme à l'Evangile ; et quoiqu'il eût pratiqué toutes les vertus chrétiennes, il s'était spécialement rendu recommandable par son humilité, sa modestie et la pureté de ses mœurs.

Lorsqu'il eut quitté la cour, il prit l'habit monastique, de l'avis d'Elphège, son oncle, évêque de Winchester, qui peu de temps après l'éleva au sacerdoce. S'étant parfaitement affermi dans la connaissance et la pratique des devoirs de sa profession, il fut envoyé à Glastenbury pour en desservir l'église. Il s'y bâtit une petite cellule qui n'avait que cinq pieds de long sur deux pieds et demi de large. Il s'y bâtit aussi un oratoire attenant à la muraille de la grande église dédiée sous l'invocation de la Mère de Dieu. Dans cet ermitage, il joignait le jeûne à la prière. Il avait aussi des heures marquées pour le travail des mains. Par là il se proposait d'éviter l'oisiveté, et de s'entretenir dans l'esprit de pénitence. Son travail consistait à faire des croix, des vases, des encensoirs et autres choses destinées au culte divin. D'autres fois, il s'occupait à peindre ou à copier des livres,

Le roi Athelstan étant mort en 900, après avoir régné seize ans avec beaucoup de gloire, Edmond, son frère, monta sur le trône. Comme ce prince allait souvent par dévotion à l'église de Glastenbury , qui n'était qu'à neuf milles de son palais de Chedder, il eut occasion de connaître par lui-même la sainteté de Dunstan. Il i crut ne pouvoir mieux faire que de lui donner le gouvernement du monastère. Dunstan fut le dix-neuvième abbé de Glastenbury, à compter de S. Brithwald, le premier Anglais qui avait eu la même dignité deux cent soixante-dix ans auparavant. Edmond fut massacré après un règne de six ans et demi. On enterra son corps à Glastenbury. Ses fils Edwi et Edgar étant trop jeunes pour gouverner, on plaça sur le trône Edred, leur oncle. Ce prince religieux se conduisit toujours par les conseils de S. Dunstan. Il mourut en 955, et la couronne retourna à Edwi dont les mœurs étaient fort déréglées. En voici un exemple : le jour de son sacre, il quitta brusquement la table où était rassemblée toute la noblesse, pour aller se livrer à d'infâmes plaisirs. S. Dunstan le suivit et lui représenta avec une généreuse liberté ce qu'il devait à Dieu et aux hommes. L'exil fut la récompense de son zèle. Edwi persécuta les moines de son royaume, et ruina toutes les abbayes qui avaient échappé aux déprédations des Danois. Il n'épargna que celles de Glastenbury et d'Abbington.

S. Dunstan, exilé, se retira en Flandre, où il passa un an. Il y répandit de toutes parts la bonne odeur de Jésus-Christ, par l'exemple de ses vertus et par la force de ses discours.

Cependant les Merciens et les peuples du nord de l'Angleterre accablés sous la pesanteur du joug qu'ils portaient, ôtèrent la couronne à Edwi, pour la mettre sur la tête d'Edgar, son frère. Le nouveau roi rappela S. Dunstan, et lui donna une place distinguée parmi ceux qui composaient son conseil. En 957, il le nomma évêque de Worcester. La cérémonie de son sacre fut faite par S. Odon, archevêque de Cantorbéry. Le siège de Loudvet étant venu à vaquer peu de temps après, Dunstan fut obligé d'en prendre le gouvernement malgré lui. C'était l'homme qui paraissait le plus en état de rétablir dans cette église et la discipline et la pureté des mœurs.

Edwi, qui s'était toujours maintenu dans la souveraineté des provinces du midi, termina, en 958, une vie souillée de crimes, par une mort malheureuse. Edgar réunit alors en sa personne toute la monarchie anglaise, qu'il gouverna toujours avec beaucoup de sagesse et de gloire, il continua de donner à notre saint des marques de son estime et de sa confiance.

S. Odon, archevêque de Cantorbéry, étant mort en 961, Duns tan fut élu pour lui succéder. Il employa toutes sortes de moyens pour ne pas accepter cette dignité; mais il lui fut impossible de réussir. Le pape Jean XII, qui l'estimait singulièrement, le fit légat du saint Siège. Dunstan, revêtu de cette autorité, ne pensa plus qu'à rétablir partout la discipline ecclésiastique, qui avait beaucoup souffert des incursions des Danois et des troubles occasionnés par la tyrannie d'Edwi. Il avait la consolation de se voir puissamment protégé par le roi Edgar. Il recevait aussi de grands secours de deux de ses disciples, de S. Ethelwold, évêque de Winchester, et de S. Oswald, évêque de Worcester et archevêque d'Yorck. Les trois prélats commencèrent par la réformation des monastères; et afin d'entretenir partout l'uniformité de discipline, S. Dunstan publia la Concorde des règles, qui était un recueil des anciennes constitutions monastiques, combinées avec celles de l'ordre de Saint-Benoît. La réformation des moines fut suivie de celle des clercs. Le saint fit aussi, pour l'usage de ces derniers, de sages règlements connus sous le titre de Canons publiés sous le roi Edgar. Quelques clercs étaient tombés par le malheur du temps dans plusieurs désordres; ils avaient même osé se marier, contre Va disposition des anciens canons. Le saint les chassa des églises et des monastères dont ils s'étaient emparés, et mit en leur place des religieux fervents. C'était une espèce de restitution que l'on faisait à ceux-ci, puisque, avant les guerres des Danois, ils avaient été en possession des églises et des monastères dont il s'agissait.

S. Ethelwoid, voyant que les chanoines de sa cathédrale menaient une vie scandaleuse, leur substitua aussi des moines. Les coupables appelèrent de la sentence rendue contre eux. Il se tint pour cet effet un synode à Winchester, en 968. On rapporte qu'une voix, paraissant sortir d'un crucifix qui était dans le lieu de l'assemblée, fit entendre ces paroles : « Dieu défend de réformer ce qui a été fait. On a bien jugé, ce serait un mal que de  juger autrement. » Le synode confirma la sentence de S. Ethelwold, et le roi Edouard, le Martyr, fit de ce décret une loi de l'État.

L'archevêque de Cantorbéry montra aussi beaucoup de zèle contre les laïques, violateurs de la discipline ecclésiastique. Il n'y avait point de considération qui pût le faire mollir, lorsqu'il s'agissait de maintenir le bon ordre. Les pécheurs scandaleux surtout, de quelque rang qu'ils fussent, redoutaient sa fermeté, et étaient obligés de se soumettre aux règles de la pénitence canonique. Nous allons en citer un exemple.

Le roi Edgard, maîtrisé par une passion honteuse, abusa d'une vierge qui résistait depuis longtemps à ses désirs, et qui, pour mettre son honneur en sûreté, avait pris le voile de religieuse, sans toutefois faire profession. Cette dernière circonstance ajoutait un nouveau degré d'énormité au crime du roi. S. Dunstan fut informé de ce qui s'était passé. Il se rendit aussitôt à la cour, et comme un autre Nathan, il dit au prince, avec un zèle mêlé de 'respect, qu'il avait offensé le Seigneur. Edgar, agité de salutaires remords, s'avoua coupable, témoigna son repentir par ses larmes, et demanda une pénitence proportionnée à son crime. Le saint lui en imposa une de sept ans, qui consistait à ne point porter la couronne durant tout ce temps-là, à jeûner deux fois la semaine, et à faire d'abondantes aumônes. Il lui enjoignit en outre, pour expier son crime d'une manière plus spéciale, de fonder un monastère où plusieurs vierges pussent se consacrer à Jésus-Christ. Edgar accomplit fidèlement tous les articles de sa pénitence, et fonda le monastère de Shaftsbury. Les sept ans écoulés, c'est-à-dire en 973, le saint archevêque lui remit la couronne sur la tête, dans une assemblée composée des évêques et des seigneurs de la nation.

Edgar étant mort dans la seizième année de son règne, et la trente-deuxième de son âge, Édouard, son fils aîné, lui succéda. Ce prince avait beaucoup de piété, et donnait de grandes espérances. Mais il périt bientôt par la trahison d'Elfride, sa belle-mère. C'est lui que l'on appelle Edouard le Martyr. Sa mort tragique causa une vive douleur à S. Dunstan ; et lorsqu'il couronna son jeune frère, en 979, il lui prédit tous les malheurs qui devaient arriver sous son règne.

Le saint sacra Gaeon, évêque de Landaff, vers l'an 983. Les évêques du pays de Galles avaient été soumis jusque là à l'archevêque de Saint-David. Ce prélat perdit alors la juridiction de métropolitain, sans qu'on puisse précisément en assigner la raison. S. Dunstan faisait souvent la visite des différentes églises du royaume. Partout il prêchait et instruisait les fidèles. Ses discours étaient si touchants et si persuasifs, que les cœurs les plus insensibles ne pouvaient s'empêcher de se rendre. Ses revenus étaient employés au soulagement des pauvres. Il conciliait les différends, réfutait les erreurs, et s'appliquait continuellement à extirper les vices et à corriger les abus. Malgré les soins qu'il était obligé de donner à son diocèse, aux églises du royaume, et souvent aux affaires de l'État, il trouvait encore du temps pour vaquer aux exercices de piété ; il consacrait à la prière une bonne partie de la nuit. Quelquefois il se retirait à Glastenbury, afin de converser avec Dieu plus librement. Étant à Cantorbéry, il visitait, dans la saison même la plus rigoureuse, l'église de Saint-Augustin, située hors les murs, et celle de la Mère de Dieu, qui était attenante.

Ce fut dans cette ville qu'il tomba malade. Il se prépara à sa dernière heure par un redoublement de ferveur dans tous ses exercices. Le jour de l'Ascension, il prêcha trois fois sur la fête, pour exhorter les fidèles à suivre leur chef en esprit, et par la k vivacité de leurs désirs. Pendant qu'il parlait, son visage paraissait tout rayonnant de gloire. A la fin de son troisième discours, il se recommanda aux prières de son auditoire, et dit à son troupeau qu'il ne tarderait pas à être séparé de lui. A ces dernières paroles, tout le monde fondit en larmes. Après midi, le saint retourna à l'église, et indiqua le lieu où il voulait être enterré. Il se mit ensuite au lit; puis, ayant reçu le saint viatique le samedi suivant,

II est assez probable que ce fut par un effet de la grande puissance d'Edgar, qui par là voulait commencer à unir les Gallois avec les Anglais.

Dunstan passa de cette vie à l'immortalité bienheureuse. Sa mort arriva le 19 mai 988. Il vécut soixante-quatre ans, et en gouverna dix-sept l'église de Cantorbéry. Son corps fut enterré dans la cathédrale, à l'endroit qu'il avait lui-même marqué.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.

 

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