Edwin de Northumbrie
Roi, Martyr, Saint
† 633

Edwin, qui dut sa grandeur au bon usage qu'il fit de l'adversité,, était fils d'Alla, roi de Déïre. Mais à la mort de son père, il fut dépouillé de ses états par Ethelfred, roi des Berniciens, qui ne fit qu'une monarchie de tout le Northumberland. Il se retira auprès. de Redwald, roi des Est-Angles. Ce prince, gagné par les prières, et les promesses qu'on-lui avait faites, prit secrètement la résolution de le livrer à son ennemi. Edwin n'ignora pas longtemps ce qui se tramait contre lui; un ami qu'il avait dans le conseil de lledwald, l'avertit de tout. Etant une nuit à la porte du palais, occupé de pensées fort tristes, un étranger l'assura qu'il recouvrerait son royaume, et qu'il deviendrait même le principal roi d'Angleterre, s'il voulait pendre les précautions qu'on lui indiquerait pour la conservation de sa vie. Il le promit, et aussitôt l'étranger, lui mettant la main sur la tête, lui dit de se ressouvenir de ce signe.

Sur ces entrefaites, Redwald changea de sentiment, à la persuasion de la reine sa femme; il attaqua et tua même Ethelfred, qui lui avait déclaré la guerre, sur le bord oriental de la petite rivière d'Idle, dans la province de Notlingham. Par cette victoire, Edwin fut mis en possession du Northumberland, qui comprenait tout le nord de l'Angleterre. Le succès de ses armes le rendit depuis si formidable, que tous les rois anglais et même les bretons ou gallois reconnurent la supériorité de sa puissance. Il épousa Edilburge, fille de S. Ethelbert, premier roi chrétien d'Angleterre, et sœur d'Ealbad, roi de Kent. Mais 'e mariage ne fut conclu qu'à condition que la princesse aurait la liberté de professer le christianisme, et qu'on laisserait auprès d'elle S. Paulin qui venait d'être sacré évêque.

En 626, un assassin, envoyé par le roi des West-Saxons, voulut ôter la vie à Edwin, en le frappant avec un poignard empoisonné. C'en était fait de ce prince, si Lilla, son ministre et son favori, ne se fût jeté entre lui et l'assassin. Le ministre perdit la vie, mais le poignard atteignit aussi le roi, et lui fit une blessure qui ne fut cependant pas mortelle. Le coupable ayant été arrêté sur-le-champ, fut mis en pièces, après avoir tué toutefois un autre officier du roi. Edwin, préservé d'un si grand danger, rendit des actions de grâces aux idoles qu'il adorait. Mais S. Paulin lui représenta que son culte était sacrilège, et qu'il était redevable de sa conservation aux prières de la reine. Il l'exhorta ensuite à remercier le vrai Dieu, qui venait de lui faire éprouver si visiblement l'effet de sa protection. Edwin parut écouter avec plaisir le discours du saint, et il consentit que l'on consacrât à Dieu la princesse dont la reine venait d'accoucher : elle fut baptisée, avec douze autres personnes, le jour de la Pentecôte, et reçut le nom d'Eanflède.

Edwin promit à S. Paulin d'embrasser la religion chrétienne s'il guérissait parfaitement, et s'il remportait la victoire sur un ennemi qui avait attenté si lâchement à sa vie. Sa santé fut à peine rétablie, qu'il rassembla son armée pour marcher contre le roi des West-Saxons. Il le vainquit, et prit ou tua tous ceux qui étaient entrés dans le complot tramé contre lui. Il renonça dès-lors au culte des idoles ; mais il différa encore de recevoir le baptême. Le pape Boniface lui écrivit pour l'exhorter à tenir sa promesse, et il joignit à sa lettre divers présents, tant pour le roi que pour la reine. Cependant Edwin se fit instruire, et eut plusieurs conférences avec ses principaux officiers sur le changement de la religion qu'il projetait. S. Paulin, de son côté, priait pour sa conversion, et le pressait de ne pas résister plus longtemps à la grâce. Ou dit que ce saint évêque ayant appris par révélation, et ce que l'on avait prédit au roi, et ce qu'il avait promis en conséquence, lui mit la main sur la tête, en lui demandant s'il se ressouvenait de ce signe. Edwin, tremblant, voulait se jeter à ses pieds ; mais il l'en empêcha, et lui dit avec douceur : « Vous voyez que Dieu vous a délivré de vos ennemis ; non content de cette faveur, il vous offre encore un royaume éternel. Pensez de votre côté à remplir votre promesse en recevant le baptême et en conformant votre vie aux maximes de la religion que vous aurez embrassée. »

Le roi répondit qu'il voulait conférer avec les principaux membres de son conseil, pour les engager à suivre son exemple. S. Paulin y consentit. Le prince ayant assemblé ce qu'il y avait de plus distingué parmi ces officiers, leur demanda leur avis. Coifi, grand prêtre des idoles, parla le premier, et déclara qu'il était prouvé par l'expérience que les dieux qu'ils adoraient n'avaient aucun pouvoir. Une autre personne dit qu'on ne devait pas balancer de se rendre à ce que désirait le roi, puisqu'il n'y avait aucune comparaison à faire entre une vie de peu de durée et un bonheur éternel. S. Paulin, qui était présent à l'assemblée, parla ensuite avec beaucoup de force de l'excellence et de la nécessité de la religion chrétienne. Coifi applaudit à ce discours, et fut d'avis que l'on réduisît en cendres les temples et les autels des idoles. Le roi ayant demandé qui les profanerait le premier, Coifi répondit que c'était à lui à donner l'exemple, puisqu'il avait été le chef du culte idolâtrique. Il demanda qu'on lui fournît des armes et un cheval ; car, selon la superstition de ces peuples, l'usage des armes et du cheval était défendu au grand prêtre, et il ne pouvait avoir qu'une cavale pour monture. Etant monté sur le cheval du roi, avec une épée à son côté et une lance à sa main, il se rendit au principal temple, qu'il profana en y jetant sa lance. Il ordonna ensuite à ceux qui l'accompagnaient de le détruire et de le brûler avec son enceinte. Du temps de Bède on en voyait la place à peu de distance d'York, du côté de l'Orient, et on la nommait Godmundingham, c'est-à-dire réceptacle de dieux.

Edwin fut baptisé à York le jour de Pâques de l'année 627, la onzième de son règne. La cérémonie de son baptême se fit dans une église qui n'était que de bois, parce qu'on l'avait bâtie à la hâte, et qui était dédiée sous l'invocation de S. Pierre. Le prince jeta depuis les fondements d'une église de pierre, beaucoup plus vaste, dans l'enceinte de laquelle était la première, mais qui ne fut archevêque sous le règne de S. Oswald, son successeur. S. Paulin, du consentement du roi, fixa son siège épiscopal à York, et il continua de prêcher librement l'Evangile. Il administra le baptême à un grand nombre de personnes, parmi lesquelles on comptait les enfants d'Edwin et des officiers de distinction. Le roi et la reine étant à leur château d'Yeverin, parmi les Berniciens du Northumberland, il employa plus d'un mois, depuis le matin jusqu'au soir, à instruire les Infidèles, et il les baptisa dans la petite rivière de Glen. H n'y avait encore ni oratoires ni baptistères, et c'est pour cela qu'on baptisait les catéchumènes dans les rivières ; cette coutume prouve d'ailleurs que le baptême s'administrait alors par immersion. Lorsque S. Paulin était à la campagne avec le roi chez les Deïres, il administrait le baptême dans la rivière de Swale, près de Cataract, et la tradition s'en est conservée dans le pays jusqu'à ce jour.

Le roi fit bâtir une église en l'honneur de S. Alban ; et de là se forma une nouvelle ville qui fut appelée Albansbury, et depuis Àlmondbury. Il y avait en ce lieu un palais royal que les Païens brûlèrent après la mort de S. Edwin. Les successeurs de ce prince avaient un château dans le territoire de Loidis ou Leeds, où l'on bâtit dans la suite une ville de ce nom.

Edwin, non content de pratiquer lui-même l'Evangile, cherchait tous les moyens de répandre la connaissance du vrai Dieu parmi ses sujets. On peut dire en général que la nation anglaise reçut la foi avec une ferveur digne des premiers siècles de l'Eglise. Les conversions furent aussi sincères que nombreuses. On voyait de toutes parts des hommes parfaitement détachés de ce monde, qui ne pensaient qu'au bonheur du ciel, et qui travaillaient chaque jour à se perfectionner dans la science des saints. Les rois eux-mêmes ne trouvaient rien de pénible dans la pratique de la vertu, et savaient maîtriser leurs passions pour les assujettir au joug de la foi. Ils étaient, en un mot, les modèles de leurs sujets. Ils n'avaient que du mépris pour les grandeurs, et foulaient aux pieds ces couronnes pour lesquelles ils avaient tout sacrifié avant leur conversion. On en vit plusieurs qui préféraient le cilice à la pourpre, et une pauvre cellule aux plus riches palais; qui se dépouillèrent volontairement de leur puissance, et qui allèrent vivre sous les règles de l'humilité et de l'obéissance. D'autres portèrent toujours le sceptre; mais ce fut pour donner à leur zèle plus de force et d'autorité, pour accroître le royaume de Jésus-Christ et pour l'étendre chez les peuples barbares. Ce zèle se trouva dans Edwin et lui mérita une mort glorieuse.

Redwald, roi des Est-Angles, avait reçu le baptême dans le royaume de Kent. Mais s'étant depuis laissé séduire, il voulut ailier le culte du vrai Dieu avec celui des idoles. Earpwald, son fois et son successeur, se laissa toucher par les conseils d'Edwin, et embrassa le christianisme avec beaucoup de sincérité. Il fut tué quelque temps après, et ses sujets retombèrent dans l'idolâtrie. Au bout de trois ans, Sigebert, revenu des Gaules, où il avait été exilé, rétablit la religion chrétienne. Les Etats d'Edwin ne se ressentirent point de ces variations. La paix et la tranquillité y accompagnèrent toujours la pratique du christianisme; cette paix même passa en proverbe, et l'on assure qu'une femme tenant son enfant dans ses bras pouvait sans rien craindre aller seule d'une mer à l'autre. Il y avait aux fontaines qui se trouvaient sur les grands chemins des vases d'airain pour puiser de F eau, et personne n'était même tenté de les enlever, tant les lois étaient parfaitement observées.

Il y avait dix-sept ans qu'Edwin régnait sur les Anglais et les Bretons, lorsqu'il plut à Dieu de l'éprouver par les afflictions ; et Penda, prince du sang royal de Mercie, fut l'instrument dont il se servit. Penda, qui protégeait l'idolâtrie, secoua le joug de l'obéissance qu'il devait à notre saint. Il composa une armée de vieux soldats vétérans, semblables à ceux qui s'étaient d'abord emparés de la Bretagne, et qui étaient fort attachés à leurs anciennes superstitions. Son dessein était de détruire le christianisme. Les Merciens le reconnurent pour leur souverain, et il régna vingt-deux ans. En levant l'étendard de la révolte, il fit alliance avec Cadwallon, roi des Bretons ou Gallois qui, à la vérité, professaient le christianisme, mais sans en suivre la morale. Il était d'un caractère barbare, et portait aux Anglais une haine implacable ; il croyait qu'il lui était permis de leur causer tous les maux qui dépendraient de lui, et même de les exterminer sans égard pour leur religion et sans aucune différence d'âge ou de sexe. Comme Edwin était le prince le plus puissant de l'éparchie anglaise, et que les autres lui rendaient une espèce d'obéissance, toute la fureur de la guerre se tourna principalement contre lui, et il fut tué dans une bataille qui se donna à Heavenfield, aujourd'hui Hatfield, dans la province d'York. Le corps du saint roi fut enterré à Whitby : mais sa tête le fut dans le porche de l'Eglise qu'il avait fait bâtir à York. Il a le titre de martyr dans le martyrologe de Florus et dans tous les calendriers d'Angleterre. On voit par le catalogue de Speed qu'il était patron titulaire de deux anciennes églises, bâties, l'une à Londres, et l'autre à Brève, dans la province de Sommerset. S. Edwin mourut en 633, dans la quarante-huitième année de son âge.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.

 

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