Textes de Pierre-Julien Eymard
sur l’Eucharistie

 1 - La Sainte Eucharistie[1]

1-1-La Sainte Messe et la Sainte communion

Le Père Eymard, s’extasiant sur les merveilles de l’Eucharistie s’écrie: “L’institution de la divine Eucharistie est, au dire de Saint Thomas d’Aquin, le plus grand des miracles de Jésus-Christ: il les surpasse tous par son objet, il les domine par la durée. C’est l’Incarnation permanente, c‘est le sacrifice perpétuel de Jésus-Christ; c’est le buisson ardent qui brûle toujours sur l’autel; c’est la manne, véritable pain de vie, qui descend tous les jours du Ciel... Celui qui, du limon de la terre, a fait le corps de l’homme, peut bien changer le pain et le vin en son Corps et en son Sang. D’ailleurs l’homme change bien, naturellement, le pain qu’il mange et le vin qu’il boit, en sa chair et en son sang.”  

Pour le Père Eymard, l’Eucharistie c’est Jésus passé, présent et futur. C’est la fin de sa vie mortelle, c’est l’expression de son Amour. Dans l’Eucharistie, tous les mystères divins sont glorifiés, et toutes les vertus sont présentes. “L’Eucharistie est le royal mystère de la foi où toutes les vérités aboutissent comme les fleuves dans l’océan. Dire l’Eucharistie, c’est tout dire.” 

Le Père Eymard envisageait l’Eucharistie, Pain de vie, sous tous ses aspects et, en particulier, sous celui de ses fruits et de son efficacité dans les âmes. Il ne craignait pas de déclarer: “C’est le jansénisme qui, fermant les tabernacles, a préparé l’apostasie des peuples, dont la Révolution a été la manifestation; c’est en ouvrant les tabernacles qu’on ramènera les nations à Dieu.” 

1-2-Les circonstances de l’Eucharistie 

C’est la veille de sa mort que Jésus institua ce grand Sacrement, au moment où Judas le quitta après avoir reçu des mains du Maître qu’il trahissait la bouchée de pain de l’amitié. Jésus avait ardemment désiré cette Pâque, “sa Pâque”. Jésus livre son Corps à ses apôtres, en utilisant le temps présent: “Ceci est  mon Corps. Ceci est mon Sang.” Il convient de remarquer que Jésus n’utilise pas le futur, -ce n’est que demain que son Corps sera livré, que son Sang sera versé- mais son Sacrifice est vivant tout au long des siècles. “L’Eucharistie et le Calvaire ne font qu’UN.” 

“Àu Cénacle, comme sur le Calvaire, le Corps du Christ est séparé de son Sang, et c’est la mort... À l’autel la consécration séparée des deux espèces rappelle et signifie la mort du Christ... La Sainte Messe n’est donc pas un simple mémorial, le souvenir vide et froid d’une chose passée; elle est véritablement la représentation du Sacrifice du Calvaire, représentation qui contient et nous offre celui-là même qu’elle figure: Jésus-Christ s’immolant pour nous.” 

“Si Jésus-Christ meurt sur le Calvaire, c’est pour devenir la victime perpétuelle du sacrifice non sanglant de la sainte Messe. 

En conséquence, pendant le Saint Sacrifice de la Messe[2] , nous avons quatre devoirs à remplir envers Jésus: 

 Un devoir latreurique, c’est-à-dire de souveraine adoration,

 Un devoir eucharistique, c’est-à-dire d’action de grâces

 Un devoir impétratoire, en le présentant au Père comme le gage qu’il nous a donné de son amour,

 Un devoir satisfactoire, en l’offrant pour l’expiation de tous nos péchés, et pour la réparation de tant de crimes qui se commettent dans le monde.” 

2 - L’Eucharistie est le Don de Dieu

2-1-L’Eucharistie, Don de Dieu par excellence

L’Eucharistie est, par excellence, le Don  de Jésus qui “a réuni tous ses dons dans un seul Don, et trouvé le moyen, non pas d’épuiser, mais de dilater sa bonté. La Sainte Eucharistie est la grâce des grâces, le Don des dons, en elle l’amour de Notre Seigneur s’est multiplié pour venir jusqu’à nous, par tous les effets d’une bonté qui a traversé toutes les générations.” Le Père Eymard rappelle le Concile de Trente qui déclare: l’Eucharistie “c’est l’antidote qui nous préserve des péchés mortels et nous libère de nos fautes quotidiennes.” 

“L’Eucharistie est un don perpétuel fait au monde par Jésus-Christ, son amour le demande, sa gloire le réclame. L’amour a deux grands ennemis: l’absence et la mort. C’est comme une flamme sans foyer; rien ne résiste à cette épreuve. Notre-Seigneur le savait. Aussi son mémorial est-il le signe et la réalité signifiée. C’est lui-même, voilé sans doute, mais plein de vie.” 

Au milieu de nous il y a quelqu’un que nous ne connaissons pas. Préparons-nous à la rencontre du Seigneur, là où vit l’Agneau de Dieu. N’oublions jamais que c’est l’Eucharistie qui fait l’Église. 

2-2-L’Eucharistie, Présence de Jésus 

La présence de l’être aimé est nécessaire à l’amour. “Avec l’Eucharistie nous savons que Notre-Seigneur nous aime actuellement et personnellement. Chacun de nous peut se dire: “Il m’aime, il m’aime personnellement.” 

Au Saint Sacrement Jésus est présent et nous pouvons Le servir comme Il le désire: “L’adorer comme Dieu en Lui offrant l’hommage parfait de tout notre être, et L’aimer comme homme, de tout notre amour. Par l’Eucharistie une union parfaite s’établit entre Notre Seigneur et nous.”  

2-3-L‘Eucharistie, Don du Cœur de Jésus 

“Jésus est arrivé au terme de sa vie mortelle... Mais son Cœur ne peut se résoudre à laisser sa nouvelle famille, les enfants qu’il engendrera dans son sang par le Sacrifice du Calvaire... Il ne veut pas les laisser seuls au milieu de leurs ennemis... Jésus-Christ aura donc deux trônes: un trône de gloire, au Ciel; un trône de grâce, sur la terre... 

Le Cœur de Jésus estime que ce qui suffit à l’œuvre de la Rédemption, ne satisfait pas son amour... Son amour fera encore plus pour ses enfants de la Croix, que la mère la plus tendre pour les enfants de sa chair...” 

          2-3-1-Comment faire?

“Le Cœur de Jésus résidera au milieu des siens sous la forme d’un sacrement qui voilera même son humanité... Ainsi, Jésus choisit  l’Eucharistie, “pour que tous puissent venir à lui sans difficulté et en toute confiance.” Les hommes comprendront mieux ses paroles: “Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur.”  

         2-3-2-L’Eucharistie est le sacrement de l’amour

La tradition catholique appelle l’Eucharistie le Sacrement de l’Amour. ”Les autres sacrements produisent la grâce sanctifiante; l’Eucharistie contient et donne l’Auteur même de la grâce... L’Eucharistie est le soleil de justice et d’amour, le foyer incandescent de ce feu divin dont Jésus-Christ a dit: ‘Je suis venu apporter le feu sur la terre, et quel est mon désir sinon de le voir incendier tous les cœurs’...”

C’est l’amour qui a établi l’Eucharistie et c’est l’amour qui se donne dans l’Eucharistie. L’amour veut être aimé dans son Eucharistie. “L’Eucharistie est l’aliment et l’école de l’amour envers Jésus-Christ... L’Eucharistie vient du Cœur de Jésus-Christ; elle est par excellence son don d’amour; elle attend notre amour comme un droit, mais aussi comme une compensation réparatrice.” 

3 - L’Eucharistie,
Sacrifice perpétuel de l’Agneau immolé

3-1-Jésus est l’Agneau de Dieu.

L’Agneau ¨Pascal est une figure de l’Eucharistie; selon Pierre-Julien Eymard, il y a trois aspects principaux de l’Agneau Pascal: l’Agneau immolé, l’Agneau mangé et l’Agneau Sauveur. 

          3-1-1-L’Agneau immolé 

“Jésus-Christ est le véritable Agneau de Dieu: Isaïe parle expressément de l’agneau dont l’offrande apaisera le roi de Juda.” [3] C’est l’agneau que l’on mène à la boucherie et qui se soumet à la souffrance sans proférer une plainte. “Jean, le précurseur, ne désigne pas Jésus comme le prince de la paix, mais il dit: ‘Voici l’Agneau de Dieu, celui qui ôte le péché du monde.’” Jean l’Évangéliste décrit sa vision du ciel comme “le triomphe de l’Agneau Immolé.”  

Sur la Croix, Jésus-Christ est l’Agneau Immolé. L’Eucharistie, “c’est Jésus présent sous les saintes espèces, comme Il était sur la Croix, en état de Victime.” 

          3-1-2-L’Agneau mangé

Dans tous les sacrifices, on consomme la victime immolée. La manducation de la victime était un gage sacré pour ceux qui s’en nourrissaient. “Par la communion, la Victime est consommée. Jésus perd, dans le fidèle qui Le reçoit, sa vie sacramentelle: tombeau de résurrection dans l’âme du juste, tombeau de mort, et de mort éternelle, pour l’âme coupable. Dans le communiant bien disposé, Jésus-Christ ressuscite... Le chrétien devient ainsi un porte-Christ, christophorus, ou même un autre Christ”   

Par le sacrifice de l’autel, Jésus nous donne notre part personnelle des fruits de la Rédemption. “Ô admirable invention de l’amour de Dieu!”  

L’Eucharistie, c’est l’extension, le prolongement de l’Incarnation, c’est Jésus toujours présent parmi nous et pour tous les hommes. “Le chrétien ne doit donc s’approcher de la sainte Table, pour manger l’Agneau divin, qu’avec des sentiments de charité fraternelle, pour réaliser l’union des cœurs...” 

          3-1-3-L’Agneau Sauveur 

L’Agneau pascal était, pour les Hébreux, un gage de vie et l’annonce de leur libération. Jésus-Christ, l’Agneau de Dieu, est, par l’Eucharistie, la vie du monde. 

3-2-Jésus est le Pain vivant 

          3-2-1-L’Eucharistie annoncée dans l’Ancien Testament 

“L’Eucharistie est force et douceur. C’est ainsi qu’elle est figurée dans l’Ancien Testament. Le pain d’Élie, apporté par un ange au prophète exténué, lui a permis de marcher jusqu’au but qu’il s’était proposé. La nuée du désert était une ombre pendant le jour et une lumière durant la nuit. La manne avait toute suavité selon le goût de chacun. Telle est l’Eucharistie: elle est lumineuse, douce, rafraîchissante, selon les besoins de l’âme qui la reçoit. Nous aider dans les difficultés, nous consoler dans nos ennuis, tel est son but.” 

          3-2-2-Pierre-Julien Eymard cite quelques paroles de Jésus:

“Je suis le Pain vivant descendu du Ciel... Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang est véritablement un breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui... Celui qui mange de ce pain vivra éternellement.” 

Pour le Père Eymard, en effet, “la communion a pour but, pour effet particulier, d’assurer, de rendre plus étroite et plus féconde, l’union entre Jésus-Christ et ses membres; par elle une véritable société de vie s’établira entre eux et lui; ils seront comme deux cires fondues ensemble, ils deviendront, en quelque manière, corporels et consanguins avec lui.” 

          3-2-3-L’Eucharistie est notre nourriture 

“L’homme transforme en sa substance la nourriture ordinaire parce qu’il lui est supérieur: il est vivant, elle est morte. En l’Eucharistie, Jésus-Christ est un pain vivant, d’une vie divine: c’est lui qui assimile l’homme à sa propre vie.” 

“Parlant d’avance du rôle qui achèverait son œuvre rédemptrice, Jésus disait: “Je suis le Pain de vie.”... Pain de vie! Voilà bien le nom qui dit tout Jésus-Christ. Comme le grain de froment est broyé, puis blutté pour devenir de la farine, ainsi, pouvons-nous dire, en fut-il de Jésus-Christ pendant sa Passion. Après sa Résurrection il aura, pour nos âmes, les mêmes propriétés que le pain pour nos corps...  

L’Eucharistie, c’est la merveille des merveilles... parce qu’elle est cette nourriture que le Seigneur, clément et miséricordieux, donne à ceux qui le craignent.” 

          3-2-4-L’Eucharistie est l’aliment de notre âme

Selon Pierre-Julien Eymard, notre âme possède une vie physiquement indéfectible; elle est de sa nature, immortelle. Mais il y a en elle une vie surnaturelle, inaugurée par le Baptême. Cette vie surnaturelle doit être alimentée, et son aliment, c’est Jésus-Christ dans l’Eucharistie: 

“Notre-Seigneur a dit: celui qui me mange a, lui aussi, la vie. Mais quelle vie? Celle de Jésus... Jésus, Pain vivant, ne se changera pas en nous, il nous fera vivre de lui, il nous donne sa propre vie.” 

S’adressant à des personnes du monde, P.J. Eymard insiste: “Un Maître nourrit sa servante: communiez tous les jours. Quel sera votre travail si vous ne mangez pas le pain de la vie? Mangez pour pouvoir travailler... La communion vous est nécessaire comme la respiration aux poumons... Abandonner la sainte Communion quotidienne, ce serait abandonner votre place au festin des enfants de Dieu...  

Allez toujours, pourvu que vous puissiez vous traîner, même en souffrant, à la sainte Table: on vous y attend...” 

          3-2-5-Nécessité de la communion 

P. J. Eymard écrit: “Je pose en principe que plus on doit être pur, plus on doit être saint, et plus on a besoin de communier... Plus la vie que vous menez est sainte et difficile, plus vous devez vous approcher de la Table sainte.” 

Pour être fort, il faut communier, il faut avoir faim. “Vous dites: donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Désirez donc le pain de votre âme, et alors, venez le chercher. 

Communiez donc, mais en regardant le Cœur de Notre-Seigneur qui vous appelle... Sans doute, lorsque la Communion sacramentelle ne vous sera pas possible, Dieu la remplacera par la communion de sa présence de grâce et d’amour; il faut cependant désirer la première, parce que Jésus et l’Église la veulent.” 

          3-2-6-L’Eucharistie, Sacrement de vie

Le Père Eymard insiste: 

“Ni le Baptême qui donne la vie de la grâce, ni la Confirmation qui l’augmente, ni la Pénitence qui la restaure, ne suffisent. Tous ces sacrements sont une préparation à l’Eucharistie qui les complète et les couronne... 

Jésus a dit: Celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruits. Mais “Comment demeurer en Jésus? Il l’a bien précisé: celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.“ 

“L’Eucharistie est le pain des faibles, et elle est aussi le pain des forts. Elle est nécessaire aux uns comme aux autres. Aux faibles, c’est évident. Aux forts car l’Apôtre les avertit: ‘Que celui qui a l’impression d’être debout prenne garde de tomber.’ Ils portent leur trésor dans des vases d’argile; leur route est entourée de brigands.” 

3-3-L’Eucharistie est le gage de notre résurrection 

          3-3-1-L’Eucharistie, c’est le Testament de Jésus 

L’Eucharistie, c’est le Testament de Jésus, c’est le but de la mort du Sauveur. L’Eucharistie prolonge en nous l’immolation et la mort de Jésus-Christ. Écoutons le Père Eymard: 

“Le prêtre consacre séparément le pain et le vin en disant sur l’un ceci est mon corps; sur l’autre: ceci est mon sang. Par la vertu précise de ces paroles, le corps devrait être séparé du sang. Si la mort ne se produit pas, c’est que l’état glorieux de Jésus ressuscité s’y oppose: la mort ne peut plus l’atteindre...” 

L’Eucharistie “est le testament d’amour, l’alliance qu’Il a scellée avec nous dans sa mort... L’Eucharistie est le Testament de Jésus-Christ.” 

          3-3-2-Et pour nous?

“L’Eucharistie prolonge en nous la mort du Christ... afin de nous faire mourir au péché... afin de nous faire mourir au monde qui a servi d’instrument au péché et qui reste son puissant instrument en nous. C’est afin de nous faire mourir à nous-mêmes... et à nous revêtir de Jésus ressuscité... La communion est donc le gage d’une résurrection glorieuse.”  

4 - L’Eucharistie, c’est Dieu caché

Jésus s’est fait homme, pauvre, humble et obéissant. Il est mort sur une Croix. Cela étonne le Père Eymard, mais, à la limite, il peut le comprendre. Mais, dit-il, “ce que l’on ne comprend plus, ce qui épouvante la foi de l’homme, c’est que Jésus-Christ ressuscité, glorieux, triomphant, ait choisi, pour rester au milieu de nous, un état plus humble que dans l’Incarnation, plus soumis qu’à Nazareth, plus anéanti que dans la Passion. Mais... 

            1°Par son état voilé, Jésus-Christ continue, au milieu de nous sa mission de Sauveur à la gloire de son Père et pour notre amour. L’orgueil a perdu l’homme. C’est par l’humilité que Jésus le relève, le réhabilite, le rétablit dans sa première dignité. 

            Quelle est belle son humilité eucharistique!
            Quelle est riche sa pauvreté eucharistique!
            Quelle est ravissante son obéissance sacramentelle! 

Qui refusera d’obéir à Dieu quand Dieu lui-même obéit ici à l’homme? 

            2°Jésus-Christ voilé encourage ma faiblesse. Il voile sa gloire afin que j’ose m’approcher de lui, le regarder, lui parler... 

Jésus voile sa puissance; elle effrayerait, elle épouvanterait la faiblesse de l’homme. 

Jésus voile sa sainteté; elle est si haute, si sublime, qu’elle découragerait nos faibles vertus. 

Jésus voile son amour; il est si grand, si ardent, si infini, qu’il nous consumerait s’il n’était tempéré par le voile sacramentel. 

            3°Le voile eucharistique perfectionne la foi du chrétien... En l’Eucharistie surtout, les sens ne servent de rien. C’est le seul mystère de Jésus-Christ où il en est ainsi... Il faut croire sur la parole de Jésus-Christ, en faisant le sacrifice de nos sens et de notre esprit, de notre raison... Cette foi ainsi libre et dégagée des sens, pure dans son action, nous unit simplement à la vérité de Jésus-Christ au Très Saint Sacrement... L’âme entre alors dans l’admirable contemplation de cette divine présence, assez voilée pour en tempérer l’éclat, mais assez transparente à la vue de la foi. Ce voile eucharistique est un aiguillon pour la foi plutôt qu’une épreuve. 

            4°Le voile eucharistique perfectionne l’amour du fidèle. Il purifie cet amour et le dégage des sens... Le voile eucharistique spiritualise notre amour pour Jésus-Christ. L’union se fait alors d’esprit à esprit, de cœur à cœur... L’état caché favorise admirablement la contemplation... Cependant le voile eucharistique conserve le respect chez les fidèles, auxquels il inspire une sainte crainte de cette Majesté cachée, en même temps qu’il est une miséricorde pour les incrédules, en ne les exposant pas à braver, comme les démons, cette Majesté divine. D’ailleurs, l’amour de Notre-Seigneur a besoin du mystère, parce qu’il est infini en puissance.” 

Et le Père Eymard de conclure: 

“Jésus-Christ ne se cache dans ce mystère que par égard pour la faiblesse de l’homme, pour se manifester graduellement à lui, à mesure qu’il grandit dans l’amour... 

Ainsi en l’Eucharistie l’âme n’épuise jamais Jésus. À mesure qu’elle entre dans les profondeurs insondables de sa bonté, elle y découvre toujours des trésors nouveaux. Jésus est toujours plus aimable à ses yeux. “Celui qui m’aime, dit-il, sera aimé de mon Père, et moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui. 

Qu’est-ce que cette manifestation de Jésus? C’est le mystère de son amour qui devient lumière, douceur, force, joie, bonheur: le Ciel dans l’âme.” 

5 - La Sainte Communion

L’acte de recevoir l’Eucharistie, c’est la Communion. Au temps du Père Eymard, au XIXè siècle, on utilisait davantage le mot de Communion que celui d’Eucharistie. L’Eucharistie, c’est Jésus présent dans son Don suprême; la Communion, c’est l’acte qui conduit le fidèle au Don de Jésus.

5-1-La Sainte Communion est une force

“La Sainte Communion est plus qu’un remède, c’est une force. Elle nous aide à devenir bons, vertueux et saints.” Par son amour, Jésus notre bienfaiteur, “éveille en nous l’amour pour lui, le désir de lui ressembler, l’attrait vers ce bonheur qui consiste à l’imiter et à vivre de sa propre vie...”

5-2-La Sainte Communion est une source de bonheur

“La Sainte Communion est une source de bonheur... Elle est la possession réelle de Jésus-Christ; la possession des trois Personnes divines est son fruit ineffable. Elle est aussi la paix, car Jésus est le Dieu de la paix. Elle est encore la douceur, le parfum céleste de la vraie manne du désert... Comme nous sommes heureux sur la poitrine de Jésus!”

Car nous avons besoin de sentir de temps en temps la douceur de l’amour: “Il le savait bien, ce bon Maître, que nous avons besoin, de temps en temps, de ressentir la douceur de l’amour; on ne peut pas toujours être sur le Calvaire, ni sur le champ de bataille. L’enfant repose sur le sein de sa mère; le chrétien, sur le Cœur de Jésus... Après tout, c’est l’amour qui fait le bonheur de l’homme... Notre Seigneur a promis à celui qui communie, non seulement une joie céleste sur la terre, mais de plus il lui a garanti la vie éternelle.” 

À des personnes du monde le Père Eymard conseillait: “Regardez la sainte communion comme un pur don de la miséricordieuse bonté de Dieu, une invitation à sa table de grâce, parce que vous êtes pauvres, faibles et souffrantes; alors vous irez avec joie... Partez de ce principe: plus je suis pauvre, plus j’ai besoin de Dieu; c’est votre carte d’entrée vers ce bon Maître. C’est la Communion des saints. C’est la communion de l’infirme. 

La sainte Communion est un grand feu qui dévore en un instant toutes les pailles de nos imperfections quotidiennes... Cherchez, en Jésus seul, force, joie et consolation... 

Communiez pour aimer, communiez en aimant, communiez pour aimer davantage... Communiez en pauvre, communiez en mendiante, en infirme, en malade, mais toujours avec humilité et confiance, avec le désir de mieux faire et de bien aimer Notre-Seigneur.” 

5-3-L’unique nécessaire 

“Une seule chose est nécessaire ici-bas: aimer Dieu et le servir, et c’est la sainte Communion qui, en nous faisant vivre de Notre-Seigneur, alimente en nous cet amour et nous fait avancer dans la voie de la sainteté... La sainte Communion est la fin de la vie et sa perfection, elle est la dévotion royale et qui remplace tout. Elle est pour vous le grand exercice des vertus chrétiennes, l’acte souverain de l’amour, la pluie du matin.” 

5-4-Les richesses de la Communion 

S’adressant à des enfants préparant leur communion solennelle, le Père Eymard affirme que la visite personnelle de Notre Seigneur Jésus-Christ leur apportera toutes les grâces, tous les trésors du Ciel. “Le Roi du ciel et de la terre, Notre Seigneur Jésus-Christ, descend de son trône de gloire et vient nous visiter; il vient visiter votre corps et votre âme, il vient y demeurer avec amour, en un mot, il vient vous communier de son Corps, de son Sang, de son âme et de sa divinité... Il vient en vous pour vous faire part de toutes ses grâces, de tous ses mérites de la Rédemption...” 

Par son Eucharistie, Jésus nous apporte le bonheur. “Celui-là seul est heureux qui a le cœur content, la conscience en paix, l’esprit du bien, Dieu pour lui, Jésus-Christ avec lui. Tout dans l’homme est content et satisfait... On est toujours heureux quand on peut se dire: Jésus m’aime et je l’aime; nous sommes unis, rien ne me séparera de son amour, de son service, de sa sainte loi.” 

Jésus règne dans les âmes qui le reçoivent dans l’Eucharistie. ”Il y imprime les stigmates de son amour crucifié pour la rendre plus heureuse au ciel.” 

6 - La grandeur de l’Eucharistie 

6-1-La préparation

          6-1-1-Préparation lointaine

“Dieu le Père a, pendant quatre mille ans, préparé les hommes à la venue de Jésus-Christ... Il les a aussi préparés au don de l’Eucharistie par des prophéties mystérieuses et des réalités figuratives. David chante la nourriture, la manne nouvelle, que, dans sa bonté, Dieu donnera à ceux qui le craignent. Malachie annonce l’offrande d’une victime pure qui, en tout lieu, remplacera les autres sacrifices et glorifiera le nom de Seigneur. 

L’agneau pascal, la manne tombant dans le désert, le pain apporté par un Ange à Élie persécuté, figuraient l’Eucharistie, et, plus encore, les miracles du changement de l’eau en vin aux noces de Cana et la multitude des pains en faveur des auditeurs de Jésus.” 

          6-1-2-Jésus prépare ses disciples 

L’Eucharistie, c’est si grand, que le Seigneur a voulu préparer ses disciples à la recevoir, et Il a accompli Lui-même cette grande tâche. “Personne autre que Notre-Seigneur lui-même n’a eu la mission d’annoncer l’Eucharistie, pas plus que de la donner. Un ange a annoncé l’Incarnation; ici, Jésus-Christ traite son affaire, il promet, il pose ses conditions. Et pour l’annoncer, Notre Sauveur n’a pas attendu la fin de sa mission évangélique... 

Jésus a lancé l’idée eucharistique. On l’a d’abord repoussée, puis on a dit: peut-être est-ce bon. Jésus savait que ses disciples et le peuple juif allaient se soulever contre cette révélation. Mais il n’a pas reculé.” 

Notre-Seigneur promet l’Eucharistie et prépare les âmes à la recevoir: “C’est pourquoi, avant la promesse, il a opéré un miracle qui faciliterait l’acceptation. Il n’a rien voulu brusquer, mais amener doucement les esprits à se laisser persuader... Ce miracle, c’est la multiplication des pains.” 

6-1-3-Et pour nous? L’Éducation divine 

Le Père Eymard écrit: “Notre préparation doit s’inspirer de celle de Jésus; elle doit être faite de désir, d’humilité, de pureté.” 

Jésus nous apprend lui-même à nous préparer 

Dans une de ses paraboles, Jésus parle du repas de noces du fils d’un Roi. Pour y assister, il n’était pas besoin d’être riche: tout le monde était appelé... mais, tous les invités devaient, pour entrer dans la salle des noces, avoir revêtu la robe nuptiale. Un homme, on ne sait pas pourquoi, avait réussi à entrer sans avoir revêtu cette robe. “Le roi le vit, et le fit mettre dehors... Les autres, quoique pauvres et estropiés purent rester, parce qu’ils portaient le manteau blanc, la tenue de circonstance.”  

Notre Seigneur n’exige pas grand’chose pour nous admettre à sa table: il demande seulement que nous ayons faim...” et que nous soyons revêtus de la robe de pureté et d’humilité. “Car rien ne remplace la pureté de l’âme... Plus l’âme et pure, plus elle devient un paradis de délices pour le Dieu de l’Eucharistie.” 

D’où un conseil, peut-être difficile à mettre en œuvre de nos jours: “La confession de chaque semaine reste la règle ordinaire du chrétien admis à la communion fréquente; l’Église la lui conseille vivement. Mais le moyen quotidien de se purifier de ses fautes de fragilité humaine, c’est l’amour de Dieu.” 

6-2-La foi en l’Eucharistie 

La foi en l’Eucharistie n’est pas seulement une croyance qui échappe à notre raison. Sous l’action de l’Eucharistie elle-même qui la développe, notre foi devient forte conviction de la présence réelle de Jésus, et sentiment surnaturel de la vérité de l’Eucharistie. 

“Cette foi plus vive en l’Eucharistie ne peut manquer de produire dans l’âme un plus grand amour pour Jésus-Christ. Impossible de mieux le connaître sans l’aimer davantage. Cet amour est d’abord un amour de raison, puis... si on est fidèle, cet amour devient un centre de vie, une activité de retour d’amour qui occupe le cœur tout entier. La foi elle-même s’élève à être l’adoration et l’amour de la souveraine volonté de Dieu dans le don de l’Eucharistie. La raison est venue jusqu’à la porte du tabernacle; l’amour seul y entre, mais pur et libre, affranchi de toute servitude des sens... 

Alors commence la contemplation de Jésus-Christ qui communique sa science et fait entrer dans les profondeurs de l’amour divin. “Cette action de Jésus-Christ requiert la sainte Communion; c’est là que se trouve sa source. Elle se poursuit dans l’adoration eucharistique. L’âme goûte alors un profond repos. Elle a trouvé son centre et sa fin en la divine Eucharistie... Elle goûte Jésus-Christ avec tous les mystères de sa vie mortelle et de son état glorieux... L’âme n’épuisera jamais l’objet, toujours nouveau pour elle, de l’amour et de la bonté de Jésus-Christ dans l’Eucharistie.” 

L’Eucharistie est un très grand mystère. L’eucharistie n’existe que si Jésus-Christ est vraiment Dieu, et s’Il est vraiment ressuscité. Aussi Jésus s’est-il souvent efforcé de donner les signes qui permettront, plus tard, de Le reconnaître comme Dieu, Fils de Dieu. À ceux qui Lui demandaient ce qu’il fallait faire pour faire les œuvres de Dieu, Jésus dit: “C’est de croire en Celui qu’Il a envoyé... C’est Lui, le Fils de l’Homme, qui vous donnera la nourriture qui demeure éternellement... 

Notre Seigneur fait appel au témoignage de son Père, pour obtenir un acte de foi à sa propre divinité: au Jourdain, le Père a marqué, a sacré son Fils incarné; il a montré ainsi qu’il a communiqué à l’humanité du Sauveur, le droit de faire des miracles. Avant de réclamer la foi à l’Eucharistie, Jésus affirme sa puissance divine qui le rend capable de faire un pareil prodige... Avant de croire à l’œuvre du Cœur de Jésus-Christ, il faut croire à sa divinité et dire: Seigneur, vous pouvez faire plus que je ne puis comprendre.”  

6-3-L’enseignement de Jésus sur l’Eucharistie

Après la multiplication des pains, “Notre-Seigneur leur dit: je suis moi-même le pain de vie... le pain vivant descendu du ciel afin qu’on en mange et qu’on ne meure point... Le pain que je donnerai, c’est ma chair, celle-là même que je donnerai pour le salut du monde.” 

Mais l’objection revient sans cesse contre la divinité de Jésus: “Les juifs murmurent: n’est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère?... Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger? Notre-Seigneur a beau insister sur son origine et sa mission divines... cela ne les remet pas. Ils sont scandalisés, et non seulement la foule, mais beaucoup de ses disciples se retirent disant: ce langage est trop dur, et qui peut l’accepter?” 

Beaucoup s’en vont et Jésus ne fait rien pour les retenir... “Jésus avait toujours recherché et accueilli les pécheurs. Ici non. Il était même prêt à renvoyer les douze... Mais Pierre s’écrie: “Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle!” Jésus ne relève pas la profession de foi de Pierre; sans doute est-il triste à cause de Judas, car “Jésus savait, dès le commencement, qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui le trahirait... Il parlait de Judas, fils de Simon Iscariote, car c’était lui qui devait le trahir.” 

Le Père Eymard conclut: “Croire à l’amour, tout est là; il ne suffit pas de croire à la vérité, il faut croire à l’amour. Et l’amour, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ au Très Saint Sacrement. Voilà la foi qui fait aimer Notre-Seigneur.


[1] Le recueil de texte intitulé “La Sainte Eucharistie” est une compilation d’écrits du Père Eymard, traitant de la Présence réelle, de la Sainte Messe et de la Sainte Communion. Les livres dont nous les avons extraits ont été publiés en 1953, par la Librairie Eucharistique (23 Avenue de Friedland à Paris, VIIIè).

[2] Saint Pierre-Julien Eymard rappelle ici la signification des vêtements liturgiques revêtus par le prêtre qui va célébrer la Messe.

-L’amict est l’image du voile jeté par les soldats sur la face adorable de Jésus.

-L’aube symbolise la robe blanche dont, par dérision, Hérode fit revêtir Jésus.

-Le cordon rappelle les liens imposés à Jésus pour le conduire de Gethsémani au tribunal de Caïphe.

-Le manipule, les chaînes qui le lièrent à la colonne de la flagellation.

-L’étole, les cordes avec lesquelles il fut traîné jusqu’au Calvaire.

-La chasuble figure le manteau d’écarlate dont on affubla Jésus au prétoire, ou encore la croix dont il fut chargé.

[3] Extraits de conférences ou de sermons du Père Eymard.

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