Eusèbe de Samosates
Évêque, Martyr, Saint
+ 380

Saint Eusèbe fut placé sur le siège de Samosates en 361, c'est-à-dire dans un temps où les Ariens occupaient la plupart des évêchés voisins. Il assista la même année à un concile d'Antioche, principalement composé de prélats hérétiques, que la protection de l'empereur Constance, qui se trouvait alors dans la ville, rendait encore plus puissants. Il eut beaucoup de part à l'élection de saint Mélèce, patriarche d'Antioche, et il se porta pour lui avec d'autant plus d'ardeur, qu'il connaissait son sincère attachement à l'orthodoxie.

Les Ariens eux-mêmes avaient une haute idée de la vertu de S. Eusèbe; et quoiqu'ils le regardassent comme l'irréconciliable ennemi de leur secte, ils rendaient publiquement justice à sa probité. Ce fut ce qui les détermina à remettre entre ses mains l'acte de l'élection de S. Mélèce.

Quelques jours après, le patriarche d'Antioche ayant prêché la doctrine du concile de Nicée dans le premier discours qu'il fit au peuple, les Ariens, qui ne s'attendaient à rien de semblable de sa part, résolurent de le perdre. Ils engagèrent aussi l'empereur à envoyer un officier à Eusèbe, pour lui redemander l'acte qu'on lui avait confié. Ils craignaient qu'on ne se servît contre eux d'une pièce dont ils ne pouvaient éluder l'authenticité. Eusèbe répondit qu'il ne pouvait se dessaisir de l'acte que du consentement de tous ceux qui y étaient intéressés, et qui l'en avaient rendu dépositaire. Comme on le menaçait de lui couper la main droite en cas qu'il refusât d'obéir à l'empereur, il présenta ses deux mains, en disant qu'on pouvait les lui couper l'une et l'autre, mais qu'il ne se prêterait jamais à l'injustice. Une telle fermeté déconcerta et l'officier et l'empereur; ils admirèrent tous deux le courage héroïque du saint évêque, et ne purent s'empêcher de donner des louanges à une action qui cependant faisait échouer leurs projets.

Eusèbe ne balançait point d'abord de se trouver aux conciles et aux assemblées des Ariens, dans le dessein de soutenir le parti de la vérité. Mais ayant appris que quelques personnes se scandalisaient d'une telle conduite, il rompit tout commerce avec les hérétiques, et ne voulut plus assister à leurs délibérations après le concile qui se tint à Antioche en 363, sous le règne de l'empereur Jovien.

Il assista en 370 à l'élection de saint Basile, archevêque de Césarée, et il se lia avec ce grand homme d'une amitié fort étroite, qui fut entretenue par un commerce de lettres. Ses vertus jetaient un si grand éclat, son zèle était si pur et si actif, que les anciens lui ont donné les plus beaux éloges. saint Grégoire de Nazianze dit, en parlant de lui dans une de ses épîtres, qu'il était la colonne de la vérité, la lumière du monde, l'instrument dont Dieu se servait pour communiquer ses faveurs à son peuple, le soutien et la gloire de tous les orthodoxes.

L'empereur Valens ayant suscité une persécution aux Catholiques, Eusèbe mit tout en œuvre pour prémunir son troupeau contre le poison de l'hérésie. Il fit aussi plusieurs courses dans la Syrie, la Palestine et la Phénicie, pour affermir les orthodoxes dans la foi, ordonner des prêtres pour les lieux où il n'y en avait point, et aider aux évêques à remplir de dignes pasteurs les sièges vacants. Il se déguisa sous un habit d'officier dans ses voyages, de peur que si on venait à le reconnaître, il ne lui fût plus possible de continuer le bien qu'il faisait. Le parti des Ariens tombait dans le discrédit de jour en jour. Enfin les hérétiques le regardant comme un de leurs plus dangereux ennemis, déterminèrent l'empereur à l'exiler en Thrace.

L'officier qui était porteur de l'ordre du prince arriva sur le soir à Samosates. Il instruisit aussitôt l'évêque de la commission qui lui avait été confiée. « Gardez-vous, lui dit Eusèbe, de divulguer le sujet qui vous amène ici ; vous y êtes le plus intéressé. Si le peuple venait à savoir ce qui se passe, il prendrait certainement les armes contre vous. Je ne veux pas qu'il vous en coûte la vie à cause de moi. » Le saint assista, selon sa coutume, à l'office de la nuit ; puis, quand tout le monde se fut retiré, il sortit avec un domestique fidèle, s'embarqua sur l'Euphrate, qui baigne les murailles de la ville, et se fit conduire à Zeugma, qui était à vingt-quatre lieues de Samosates.

Le lendemain matin, la nouvelle de son départ causa beaucoup de rumeur parmi le peuple. L'Euphrate fut bientôt couvert de barques, tant était vif l'empressement que les fidèles avaient de retrouver leur pasteur. L'ayant joint à Zeugma, ils le conjurèrent de ne pas abandonner son troupeau à la fureur des loups. Il les exhorta à mettre leur confiance en Dieu, après leur avoir représenté qu'il devait obéir aux ordres de l'empereur. On lui offrit de l'argent, des domestiques, et toutes les choses qui pouvaient lui être nécessaires; mais il ne voulut presque rien accepter. Il recommanda ensuite son cher troupeau au Seigneur, et se mit en chemin pour la Thrace.

Les Ariens placèrent sur son siège Eunomius, qu'il ne faut pas confondre avec le fameux hérésiarque de ce nom. C'était un homme fort modéré, mais il n'y eut personne à Samosates qui voulût se trouver avec lui pour tenir les assemblées ecclésiastiques. Voyant donc que tout le monde le fuyait, et qu'on évitait même île se rencontrer quelque part avec lui, il abandonna sa place et sortit de la ville. Les Ariens lui substituèrent Lucius, homme violent, qui fit bannir les principaux du clergé, entre autres le prêtre Antiochus, neveu de S. Eusèbe, lequel fut relégué aux confins de l'Arménie. Lucius eut beau remuer, aucun habitant de la ville n'entra dans ses intérêts. Il fut regardé du même œil que son prédécesseur. Un jour qu'il passait à travers une place publique où plusieurs enfants étaient à jouer, ceux-ci ne voulurent plus se servir de l'instrument de leur jeu, parce qu'il avait touché aux pieds de sa mule, et ils le brûlèrent comme quelque chose de profane.

Les Goths ravageant la Thrace en 379, Eusèbe obtint la permission de retourner à son église ; mais ce fut pour recevoir la couronne du martyre. Son exil parut avoir donné à son zèle un nouveau degré de force et d'activité. Comme la mort de Valens avait mis fin à la persécution, il recommença ses voyages, pour procurer de bons pasteurs aux fidèles abandonnés. Par ses soins, les villes de Bérée, d'Hiéraple et de Cyr eurent des évêques catholiques. Il voulut accompagner Maris, qui allait prendre possession du siège de Dolique, petite ville de la Comagène, alors infectée de l'arianisme. Mais une femme hérétique l'ayant vu passer dans la rue, lui cassa la tête avec une tuile qu'elle lui jeta de dessus le toit. Il mourut peu de jours après de la blessure qu'il avait reçue. Etant près d'expirer, il conjura ceux qui étaient présents de ne faire aucune poursuite contre ceux qui lui avaient ôté la vie, se montrant par là l'imitateur de Jésus-Christ, qui priait sur la croix pour ceux qui le crucifiaient. On place sa mort en 379 ou 38o,

Saint Eusèbe est honoré par les Grecs le 22 de juin, et le 21 du même mois par les Latins.


SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.

 

 

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