FATIMA
PORTUGAL

FATIMA 1917

Nul mieux placé que sœur Lucie de Fatima pour nous parler des apparitions de la Vierge Marie en cet endroit béni.

Ses “Mémoires” sont une source de renseignements importante et, pour vous rendre compte de ces événements qui ont marqué l’histoire de l’Église au XXe siècle, nous allons nous servir de ce document incontournable.

Pourquoi faire difficile, alors que ces textes nous expliquent, presque au jour-le-jour, tout ce qui s’est passé à Cova da Iria, aussi bien le 13 mai 1917, que les mois suivants ?

Laissons-nous guider par celle qui les vécut et qui nous a laissé — Dieu en soit loué ! — une relation des faits qui ne souffre pas le moindre doute ou la moindre contestation.

Mais, avant la Vierge Marie, il y eut l’Ange, qui va se présenter aux enfants comme étant l’Ange du Portugal.

*****

Apparitions de l'Ange en 1916

Quelque temps après, nous retournâmes avec nos troupeaux au même endroit, et la même chose se reproduisit de la même façon. Mes compagnes racontèrent de nouveau l'évènement. Après un certain temps, le fait se répéta une autre fois. C'était la troisième fois que ma mère entendait parler de ces choses par des gens du dehors sans que j'en eusse dit un seul mot à la maison. Elle m'appela alors, très mécontente, et me demanda :

— Voyons ! Qu'est-ce que vous dites que vous voyez là-bas ?

— Je ne sais pas maman, je ne sais pas ce que c'est !

Plusieurs personnes commencèrent à se moquer de nous. Et comme depuis ma première Communion je restais très souvent absorbée, me rappelant ce qui s'était passé alors, mes sœurs me demandèrent avec un certain dédain : « Tu vois encore quelqu'un enroulé dans un drap ? »

Ces gestes et ces paroles de dédain m'étaient très sensibles, car je n'étais habituée qu'à la tendresse. Mais cela n'était rien. Je ne savais pas ce que le bon Dieu me réservait pour l'avenir.

Pendant ce temps François et Jacinthe demandèrent et obtinrent, comme je l'ai déjà raconté à Votre Excellence, la permission de leurs parents pour commencer à garder leur troupeau. Je laissai donc ces bonnes compagnes et je les remplaçai par mes cousins, François et Jacinthe. Nous décidâmes alors d'aller faire paître nos troupeaux sur la propriété de mes oncles et de mes parents, afin de ne pas nous réunir avec les autres pasteurs dans la campagne.

Un beau jour, nous nous rendîmes sur un terrain appartenant à mes parents et qui se trouve au pied de la colline dont j'ai déjà parlé et qui est du côté du levant. Ce terrain s'appelle le « Chousa Velha » Vers le milieu de la matinée, une pluie fine commença à tomber, un peu plus que de la rosée. Nous sommes montés alors sur le versant de la colline, suivis de nos brebis, à la recherche d'un rocher qui puisse nous servir d'abri. C'est alors que nous sommes entrés, pour la première fois, dans ce creux béni. Il est situé au milieu d'une oliveraie qui appartient à mon parrain Anastase. De là, on voit le petit village où je suis née, la maison de mes parents, les hameaux de Casa Velha et Eira da Pedra. L'oliveraie, appartenant à divers propriétaires, continue jusqu'à se confondre avec tous ces petits hameaux. Nous avons passé la journée à cet endroit, bien que la pluie eût cessé et que le soleil se fût découvert clair et beau. Nous avons pris notre repas et dit notre chapelet, et je ne sais pas s'il n'a pas été l'un de ces chapelets que, dans notre empressement de jouer, comme je l'ai déjà dit à Votre Excellence, nous récitions souvent en faisant passer les grains et disant seulement « Ave Maria » et « Padre Nosso ». A la fin du chapelet nous commençâmes à jouer aux petites pierres.

Cela faisait un certain temps que nous étions en train de jouer, et voilà qu'un vent assez fort secoua les arbres et nous fit lever les yeux pour voir ce qui se passait, car la journée était belle. Nous vîmes alors, au-dessus des oliviers[1], et se dirigeant vers nous, la même figure dont j'ai déjà parlé. Jacinthe et François ne l'avaient jamais vue et je ne leur en avais jamais parlé. Au fur et à mesure qu'elle s'approchait, nous distinguions mieux ses traits. Elle avait l'apparence d'un jeune homme de 14 ou 15 ans, plus blanc que la neige, que le soleil rendait transparent comme s'il était en cristal, et d'une grande beauté. En arrivant près de nous, il nous dit : « N'ayez pas peur ! Je suis l'Ange de la Paix. Priez avec moi ! » et, s'agenouillant, il inclina la tête jusqu'à terre et nous fit répéter trois fois ces mots : « Mon Dieu je crois, j'adore, j'espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n'adorent pas, qui n'espèrent pas et ne vous aiment pas ». Ensuite il se releva et nous dit : « Priez ainsi. Les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de vos supplications ». Ses paroles se gravèrent de telle manière dans notre esprit que jamais nous ne les avons oubliées. Et depuis lors, nous restions longtemps prosternés, répétant ces prières parfois jusqu'à tomber de fatigue. Je recommandai aussitôt à mes cousins de bien garder le secret et, celle fois-ci, grâce à Dieu, ils firent ma volonté.

Après un certain temps[2], un jour d'été, alors que nous aurions dû faire la sieste à la maison, nous étions en train de jouer sur le puits que possédaient mes parents, au fond du jardin et qu'on appelait l'« Arneiro ». (Dans l'écrit sur Jacinthe j'ai déjà parlé à Votre Excellence de ce puits). Soudain, nous vîmes près de nous la même figure, ou l'Ange, à ce qu'il me sembla. Il nous dit : « Que faites-vous ? Priez, priez beaucoup. Les Saints Cœurs de Jésus et de Marie ont sur vous des desseins de miséricorde. Offrez constamment au Très-Haut des prières et des sacrifices ».

— Comment ferons-nous des sacrifices ? demandai-je.

— De tout ce que vous pourrez, offrez à Dieu un sacrifice, en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs. Attirez ainsi la paix sur votre Patrie. Je suis son Ange Gardien, l'Ange du Portugal. Surtout, acceptez et supportez avec soumission les souffrances que le Seigneur vous enverra.

Il se passa encore un certain temps. Un jour, nous allâmes faire paître nos troupeaux dans un terrain appartenant à mes parents, qui est situé sur le versant de la colline dont je vous ai déjà parlé et qui se trouve un peu plus haut que les « Valinhos ». C'était une oliveraie que nous appelions « Prègueira ».

Après avoir pris notre repas, nous nous mîmes d'accord pour aller prier à la Grotte qui est située de l'autre côté de la colline. Nous fîmes pour cela un détour sur la pente de cette colline, et il nous fallut escalader quelques rochers qui se trouvent en haut de la « Prègueira »,. Les brebis réussirent à passer avec une certaine difficulté.

Dès que nous fûmes arrivés, nous mettant à genoux, le visage contre terre nous nous sommes mis à répéter la prière de l'Ange : « Mon Dieu, je crois, j'adore, j'espère et je vous aime, etc. ». Je ne sais combien de fois nous avions répété cette prière lorsque nous vîmes briller au-dessus de nous une lumière inconnue. Nous nous sommes relevés pour voir ce qui se passait, et nous avons revu l'Ange qui tenait dans sa main gauche un calice, sur lequel était suspendue une Hostie de laquelle tombaient quelques gouttes de sang dans le calice. L'Ange [3] laissa suspendu en l'air le calice et s'agenouilla près de nous et nous fit répéter trois fois : « Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, je vous offre le très précieux Corps, Sang, Âme et Divinité de Jésus-Christ présent dans tous les tabernacles du monde, en réparation des outrages, sacrilèges et indifférences par lesquels Il est Lui-même offensé. Et par les mérites infinis de Son Très Saint Cœur et du Cœur Immaculé de Marie, je vous demande la conversion des pauvres pécheurs » [4]. Ensuite, il se releva et prit dans ses mains le calice et l'Hostie. Il me donna la Sainte Hostie, et le sang du calice, il le partagea entre Jacinthe et François [5] en disant : « Prenez et buvez le Corps et le Sang de Jésus-Christ horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs crimes, et consolez votre Dieu », et, se prosternant de nouveau à terre, il répéta avec nous encore trois fois la, même prière : « Très Sainte Trinité, etc... », et disparut. Nous sommes restés dans la même attitude, répétant toujours les mêmes paroles. Et quand nous nous sommes relevés nous avons vu qu'il faisait nuit et que c'était l'heure de rentrer à la maison.

13 mai 1917

Nous avions choisi ce jour-là, par hasard, ou plutôt par dessein de la Providence, pour faire paître notre troupeau, la propriété appartenant à mes parents au lieu appelé « Cova da Iria ». Choisissant comme d'habitude quel serait le pâturage du jour, près du Barreiro, dont je vous ai déjà parlé, Excellence, et nous devions, pour cela, traverser un terrain inculte, ce qui doubla notre long chemin. Nous devions donc aller lentement afin que les brebis puissent paître en chemin, et ainsi nous arrivâmes vers midi. Je ne désire pas raconter maintenant tout ce qui s'est passé ce jour-là, parce que Votre Excellence est déjà au courant et ce serait perdre du temps. Il me semble même le perdre à écrire cela, à moins que ce ne soit par obéissance, car je ne vois pas quelle utilité Votre Excellence peut en tirer si ce n'est pour mieux connaître l'innocence de la vie de Jacinthe. Avant de commencer à vous raconter, Excellence, ce dont je me rappelle de la nouvelle période de la vie de Jacinthe, je dois dire qu'il y a certains détails au sujet des apparitions de Notre-Dame, que nous avions décidé de ne jamais dévoiler à personne, et peut-être que maintenant je suis obligée d'en parler afin que l'on connaisse où Jacinthe a pu puiser tant d'amour pour Jésus, pour la souffrance et pour les pécheurs, pour le salut desquels elle fit tant de sacrifices... Vous n'ignorez pas que ce fut elle qui, ne pouvant plus conserver pour elle seule tant de joie, manqua à notre décision de ne rien dire à personne. Lorsque, ce même après-midi, encore sous l'effet de la surprise, nous demeurions pensifs, Jacinthe s'exclamait de temps en temps avec enthousiasme:

— Oh ! Quelle belle Dame !

— Je vois bien, lui disais-je, que tu vas le dire encore à quelqu'un.

— Non, non, je ne dirai rien, répondit-elle, ne t'inquiète pas.

Le lendemain, lorsque son frère courut pour me faire part de ce qu'elle avait dit le soir, chez elle, Jacinthe écouta l'accusation sans rien dire.

— Tu vois ? Je le pensais bien !

— Je sentais quelque chose en moi qui ne pouvait me permettre de rester silencieuse, répondit-elle avec les larmes aux yeux.

Maintenant, ne pleure pas et ne dis plus rien à personne de ce que cette Dame nous a dit.

— Je l'ai déjà dit.

— Qu'as-tu dit ?

— J'ai dit que cette Dame nous avait promis de nous emmener au ciel.

— Et tout de suite tu es allée dire cela !

— Pardonne-moi, je ne dirai plus rien à personne.


[1] Ce fut la première Apparition de l’Ange.
[2] Ce fut la deuxième Apparition de l'Ange.
[3] Troisième et dernière Apparition de l'Ange.
[4] Certains théologiens ont des difficultés devant le texte de cette prière, ils considèrent que : a) il ne faut pas le prendre à la lettre ; b) il s'agit d'une formule de prière influencée par d'autres prières populaires.
[5] François et Jacinthe n'avaient pas encore fait leur Première Communion. Ce n'est pas pour cela qu'ils considéraient celle-ci comme une Communion Sacramentelle.

Source:

Mémoires de Sœur Lucie de Jésus
Éditées par le Sanctuaire de Fatima (Portugal)

 

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