FATIMA
PORTUGAL

À COIMBRA... AVEC SŒUR LUCIE

Au premier jour du Conclave, le 26 août 1978, 111 cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, réunis dans la Chapelle Sixtine au Vatican, ont élu le Cardinal Albino Luciani, Patriarche de Venise, comme 263e  successeur de St Pierre sur le Siège de Rome, et Vicaire de Jésus-Christ sur la terre.

Ce Conclave a été l'un des plus rapides de l'histoire de l'Église. Le Cardinal Luciani a pris le nom de Jean-Paul I.

Comme le Cardinal Roncalli, le Cardinal Luciani était allé à Fatima avant d'être élu Pape. Le 10 juin 1977, le Cardinal Albino Luciani, Patriarche de Venise, avait présidé une concélébration à l'autel extérieur de la Basilique.

Il avait rappelé aux pèlerins que son prédécesseur, le Cardinal Angelo Roncalli, avait été, lui aussi, pèlerin de Fatima, avant d'être élu Pape, et qu'il avait adressé une homélie aux pèlerins sur les apparitions de Notre Dame. De la même manière, le nouveau Patriarche de Venise demandait à tous de réaliser le Message de Fatima : pénitence et prière, principalement la récitation du chapelet.

Le 11 juillet, le Cardinal Luciani se rendait à Coimbra, où il célébra la Messe, avec les prêtres qui l'accompagnaient, dans la chapelle du Carmel. Il s'entretint ensuite avec la communauté et, en particulier, avec Sœur Lucie. Dans le numéro de janvier 1978 de la revue «Il Cuore della Madre» il racontait ses impressions dans un article dont nous donnons ici la traduction.

* * *

«Le lundi 11 juillet, j'ai concélébré avec plusieurs prêtres de Venise et de la Vénétie dans la chapelle des Carmélites de Coimbra, ville portugaise de près de cent-mille habitants.

Aussitôt après, tout seul (car seuls les Cardinaux peuvent entrer dans la clôture) j'ai eu une rencontre avec toute la communauté (22 religieuses, professes et novices). Ensuite j'ai parlé longuement avec Sœur Lucie dos Santos, la seule survivante des trois voyants de Fatima. Sœur Lucie a 70 ans, mais elle les porte vaillamment, comme elle me l'assure elle-même en souriant. Elle n'a pas ajouté comme Pie IX: « Je les porte si bien, mes années, que je n'en ai laissé tomber aucune ». Le caractère jovial, l'aisance de parole, l'intérêt passionné que Sœur Lucie montre en parlant de tout ce qui regarde l'Eglise d'aujourd'hui, avec ses graves problèmes, manifestent sa jeunesse d'esprit. Je comprends le portugais, plus ou moins bien, car j'ai passé quelques semaines au Brésil. Mais même si je l'avais ignoré complètement, j'aurais compris son insistance sur la nécessité d'avoir aujourd'hui des chrétiens, et surtout des séminaristes, des novices, religieux et religieuses, décidés à se donner à Dieu sans réserve.

Elle m'a parlé avec beaucoup d'énergie et de conviction de religieuses, de prêtres, de chrétiens à la tête solide. Elle est radicale, comme le sont les saints : tout ou rien, si l'on veut être à Dieu sérieusement.

Sœur Lucie ne m'a pas parlé des apparitions. Je lui ai posé une question sur la fameuse « danse du soleil ». Elle ne l'a pas vue. Soixante-dix-mille personnes, pendant dix minutes, le 13 octobre 1917, ont vu le soleil prendre diverses couleurs, tourner sur lui-même à trois reprises, et ensuite se précipiter sur la terre. Lucie, avec ses deux compagnons, a vu alors, près du soleil immobile, la Sainte Famille, et elle-même a vu aussi, en tableaux successifs, la Vierge sous la forme de Notre Dame des Douleurs et de Notre Dame du Carmel.

Ici quelqu'un pourrait me demander: « Mais un Cardinal s'intéresse-t-il à des révélations privées ? Ne savez-vous pas que tout est dans l'Evangile ? Que les révélations, même approuvées, ne sont pas articles de foi ? » Je le sais très bien. Mais il y a aussi, dans l'Évangile, un article de foi qui dit : « Des signes accompagneront ceux qui croient. » (Marc 16,17).

Aujourd'hui il est à la mode de scruter les « signes des temps », si bien que nous assistons à une inflation, à une plaie de « signes des temps ». Aussi je crois qu'il est permis de rappeler ce « signe » du 13 octobre 1917, qui a été attesté même par des anticléricaux et des incrédules. Et, à travers ce signe, il est opportun de réfléchir sur les choses qu'il évoque. Lesquelles?

Premièrement: Se repentir de ses péchés et éviter d'offenser davantage le Seigneur.

Deuxièmement : Prier. La prière est un moyen de communication avec Dieu, mais les moyens de communication entre les hommes (télévision, radio, cinéma, presse) sont aujourd'hui les plus forts, et avec une telle outrance qu'ils paraissent mettre de côté complètement la prière. « Ceci tuera cela », dit-on. C'est bien ce qui paraît se vérifier. Ce n'est pas moi, c'est Karl Rahner qui a écrit: « Il y a en action, même à l'intérieur de l'Eglise, une application exclusive des hommes aux réalités temporelles. Ce n'est pas un choix légitime, mais une apostasie et une perte totale de la foi ».

Troisièmement : Réciter le Rosaire.

Le syrien Naaman, un grand général, considérait comme indigne de lui de se baigner simplement dans le Jourdain pour être guéri. Aujourd'hui certains l'imitent. « Je suis un grand théologien, un chrétien adulte, qui respire la Bible à plein poumons et la liturgie par tous les pores, et on vient me parler du chapelet ?! »

Cependant les quinze mystères du Rosaire sont bien aussi la Bible, de même que le « Notre Père », l' « Ave Maria » et le « Gloria » sont la Bible unie à la prière, ce qui est bon pour l'âme. La Bible, étudiée seulement par souci d'investigation, peut remplir l'esprit d'orgueil et le vider de tout le reste. Le cas n'est pas rare de spécialistes de la Bible qui ont perdu la foi.

Quatrièmement : L'enfer existe et nous pouvons y tomber.

A Fatima, Notre Dame nous a enseigné cette prière : O mon Jésus, pardonnez-nous, préservez-nous du feu de l'enfer, et attirez au Ciel toutes les âmes ».

Il y a des choses importantes en ce monde, mais il n'y en a pas de plus importante que de mériter le Paradis en vivant bien.

Ce n'est pas seulement Fatima qui le dit, mais l'Evangile : « À quoi peut servir à l'homme de gagner le monde entier, s'il vient à perdre son âme ? » (Mt 16, 26)

Cardinal Albino Luciani.

 

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