

FLEURS DE LA PASSION
PENSEES DE SAINT PAUL DE LA CROIX
LA PASSION
ET LES MAXIMES DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE.
I.
Passion de Jésus-Christ.
La Passion de Notre Seigneur
Jésus-Christ est la voie la plus courte de la perfection.
La vie de Jésus-Christ ne fut
qu’une croix.
Dieu nous fait un grand honneur
quand il nous appelle à marcher dans la même voie que son Fils unique.
Si vous correspondez aux vues de
Dieu, il fera de vous un saint.
Soyez magnanime, et souvenez-vous
que nous devons marcher sur les traces de Jésus crucifié.
Le serviteur de Dieu qui n’est
point crucifié avec Jésus-Christ, qu’est-il ?
Il n’est pas digne de la
contemplation divine, celui qui n’a point combattu et vaincu quelque grande
tentation.
Dieu a tant souffert pour moi :
est-ce trop que je fasse quelque chose pour son amour ?
II.
Eucharistie.
La sainte communion est le moyen le
plus efficace qu’on puisse trouver pour s’unir à Dieu.
La plus digne préparation pour
s’approcher de la table sacrée, c’est de tenir son cœur bien purifié, et
d’exercer une grande vigilance sur sa langue qui est la première à toucher le
Très Saint Sacrement.
Le jour où nous avons fait la
sainte communion, il faut se conduire de manière que notre cœur soit un
tabernacle vivant du doux Jésus-Eucharistie ; et là, le visiter souvent
au-dedans de nous avec des actes d’adoration, d’amour et de remerciement ; c’est
ce que nous enseignera le saint amour.
Quand un prince envoie un de ses
ministres dans un pays lointain, il le fournit de tout ce qui est nécessaire
pour arriver heureusement à sa destination ; le Seigneur, mon Dieu et mon Père,
m’a donné, comme viatique, son Fils unique.
III.
Oraison.
L’oraison est la grande voie de la
sainteté.
Hélas ! on entre aisément dans la
voie de la perdition, quand on néglige l’oraison.
Celui qui veut acquérir l’esprit
d’oraison, s’y rendre toujours disposé, et en conserver le fruit, doit
nécessairement se tenir continuellement en la présence de Dieu, non avec une
application sèche et stérile, mais avec tranquillité, avec amour, pour se
pénétrer de l’Esprit de Dieu.
La pierre de touche de l’oraison,
ce sont les fruits qu’elle produit.
On va au jardin, non pour cueillir
les feuilles, mais les fruits ; de même dans le jardin sacré de l’oraison, il ne
faut pas rechercher les feuilles de la dévotion sensible et des consolations,
mais cueillir les fruits de l’imitation des vertus de Jésus-Christ.
L’oraison, qui humilie l’âme, qui
l’enflamme d’amour et l’excite à la vertu, n’est jamais une oraison d’illusion.
Dans l’oraison, l’âme s’unit à Dieu
et se transforme en lui par amour.
Celui qui ne peut donner beaucoup
de temps à l’oraison à cause des devoirs de son état, ne doit pas s’en
inquiéter ; qu’il travaille à remplir ses devoirs avec exactitude et pureté
d’intention, n’ayant que Dieu en vue : ce sera là une très bonne oraison.
IV.
Présence de Dieu.
Par la pensée habituelle de la
présence de Dieu, on parvient à faire oraison vingt-quatre heures dans le jour.
Le souvenir continuel de la
présence de Dieu engendre dans l’âme un état divin.
V.
Péché.
Comment pourrait-on avoir le
courage de commettre le péché en face de la Croix ?...
VI.
Foi.
Conduisez-vous par la foi.
La vraie voie de la sainteté, c’est
la voie de la foi : celui qui marche dans la pure foi vit dans un entier abandon
entre les mains de Dieu, comme un enfant sur le sein de sa mère.
VII.
Espérance.
L’espérance est de précepte ; je
dois donc espérer mon salut.
Lorsque nos péchés nous épouvantent
et que nous craignons d’être damnés, pensons aux mérites de Jésus crucifié ; et
nous sentirons notre esprit se ranimer dans l’espérance.
Ayons grande confiance que, par les
mérites infinis de la Passion de Jésus-Christ et les douleurs de la Sainte
Vierge, nous chanterons à jamais les miséricordes du Très-Haut.
VIII.
Charité envers Dieu.
L’amour de Dieu est jaloux ! Un
grain d’affection déréglée pour les créatures suffit pour tout ruiner.
Celui qui veut devenir un grand
saint doit travailler à ce que Dieu seul vive en lui : il comprendra qu’il y est
parvenu s’il fait toutes ses actions pour l’amour de Dieu et en union avec les
actions de Jésus-Christ, qui est notre voie, notre vérité, notre
vie.
Le cœur des vrais serviteurs de
Dieu doit être comme un autel où s’offre chaque jour l’or d’une charité ardente,
l’encens d’une continuelle et humble oraison, la myrrhe d’une incessante
mortification.
Dans l’enfer, jamais ne voir Dieu !
Toujours être privé de Dieu !... Oh ! quelle dure nécessité de haïr
éternellement celui qui nous aime de toute éternité !
Tenez toujours le feu de la charité
allumé sur l’autel de votre cœur.
IX.
Charité envers le prochain.
Celui qui considère, à la lumière
de la foi et dans le Cœur du divin Rédempteur, de quel prix sont les âmes,
n’épargne ni travaux, ni souffrances, ni périls pour les aider et secourir dans
leurs besoins spirituels.
Ayez un cœur plein de compassion
pour les pauvres, et secourez-les avec amour, autant que vous le pourrez, parce
qu’ils portent gravé sur leur front le Nom de Jésus-Christ.
Quand vous n’avez pas le moyen de
secourir votre prochain, recommandez-le avec ferveur à Dieu, dont le souverain
domaine tient toutes les créatures sous sa main.
Les avertissements donnés avec
douceur sont des remèdes qui guérissent toutes les plaies ; au contraire, les
avertissements donnés avec âpreté n’en guérissent aucune, mais en font dix.
Appliquez-vous à agir avec
douceur ; parlez avec le repos de l’esprit, avec le calme de la voix, et vous
ferez plus de profit.
La pauvreté est bonne, mais la
charité vaut mieux.
X.
Pauvreté.
La pauvreté, tant abhorrée du
monde, est une riche perle précieuse, et contient tout bien devant Dieu.
Oh ! quel bonheur on trouve dans la
vie commune ! Un trésor précieux est renfermé dans la vie commune et parfaite.
Mon Seigneur Jésus crucifié, je
proteste que je ne veux rien des choses de la terre ; car vous me suffisez seul,
vous, mon Dieu et mon Bien !...
XI.
Chasteté.
Pour conserver la sainte pureté, il
faut l’aimer beaucoup, se défier de soi-même, et se tenir en garde envers tout
le monde ; en un mot, il faut craindre et fuir.
A qui aime la sainte pureté, les
conversations avec les personnes d’un autre sexe paraissent toujours longues et
fatigantes, quelque courtes qu’elles soient.
La prière, la lecture des saints
livres, la fréquentation des sacrements, et en particulier la fuite de
l’oisiveté sont les gardiennes de la sainte pureté.
Celui qui ne mortifie pas sa bouche
ne saura pas, non plus, mortifier sa chair.
Combien doit être pur et sans tache
le cœur qui porte écrit le très saint Nom de Jésus !...
XII.
Obéissance.
Quand il s’agit d’obéir, il faut
baisser la tête : remettez-vous tellement dans les mains des supérieurs, qu’ils
puissent faire de vous tout ce qu’ils veulent, pourvu que ce ne soit pas opposé
à la loi divine : sans cela, vous ne pourrez jamais goûter combien doux est le
service de Dieu.
Désirez avec l’ardeur de la soif
qu’a le cerf pour l’eau des fontaines, qu’en tout et toujours votre volonté
propre soit rompue ; et regardez comme perdu le jour où vous ne l’aurez point
soumise à autrui.
Plus vous serez obéissant, plus
vous serez calme, tranquille et indifférent pour tel ou tel emploi qui vous sera
imposé.
Celui qui est vraiment obéissant se
rend toujours plus apte à aider de sa prière la sainte Église et l’Ordre
religieux auquel il appartient : car Jésus-Christ exauce la prière de ceux qui
sont obéissants.
XIII.
Humilité.
Un tout petit grain d’orgueil
suffit pour renverser une grande montagne de sainteté ; pénétrez-vous donc bien
de la connaissance de vous-même, et rentrez dans votre néant.
Soyez mort à tout ce qui n’est pas
Dieu ; et tenez-vous dans une très haute abstraction de toute créature, dans une
vraie pauvreté et nudité d’esprit, et dans une parfaite solitude intérieure.
Tout cela vous sera facile, si vous vous faites petit ; car Dieu aime les âmes
enfantines, et leur enseigne cette haute sagesse qui est cachée aux sages et aux
prudents du monde.
Plus nous creusons en nous, plus
nous y trouvons l’horrible Néant, que nous devons jeter et se laisser évanouir
dans le Tout infini. Ces deux lettres, Un N et un T, font la grande perfection.
XIV.
Volonté de Dieu.
Ne désirez rien tant que d’être
tout transformé dans le bon plaisir de Dieu.
Aussitôt que l’on connaît la
volonté de Dieu, on doit la suivre sans retard aucun, et s’y conformer de la
même manière que la cire, à l’approche du feu, prend la forme que veut lui
donner l’ouvrier.
Quelque chose qui nous arrive, nous
ne devons point nous troubler, mais, calmes et tranquilles, nous devons dire :
Que la volonté de Dieu soit faite !... laissons faire ; que le Seigneur soit à
jamais béni ; ce qu’il veut, je le veux aussi, dans le temps comme dans
l’éternité.
Quand le Seigneur veut quelque
chose pour sa gloire, il ne cesse d’aiguillonner jusqu’à ce qu’on l’ait exécuté.
XV.
Confiance en Dieu.
Si notre salut n’était que dans nos
mains, nous devrions craindre beaucoup ; mais comme il est dans les mains de
Dieu, nous pouvons reposer tranquillement en lui.
Celui qui se relève après ses
chutes, avec une grande confiance en Dieu et une profonde humilité de cœur,
deviendra dans les mains de Dieu un instrument propre à opérer de grandes
choses. Mais celui qui se conduit différemment ne pourra jamais rien faire de
bon.
Ne vous défiez jamais du secours
divin : vous feriez une grande injure au Père des miséricordes.
Il faut veiller sur soi, il faut
avoir la confiance la plus filiale en Jésus-Christ, en la très sainte Vierge,
aux Anges et aux Saints ; mais, pour les hommes, il faut les fuir : c’est le
conseil de l’Ange à saint Arsène.
Ayez bon courage ; tenez pour
certain que Dieu ne vous abandonnera jamais, mais qu’il vous assistera et vous
donnera le nécessaire.
Faisons le bien, et puis
abandonnons-nous dans les bras de la divine Providence : Dieu est notre Père.
Courage et confiance en Dieu !
Alors tout marchera bien : sans cela tout sera ruiné.
Voyez sainte Thérèse : les
obstacles enflammaient son ardeur à établir ses monastères ; les oppositions
pour elle étaient un présage manifeste de la gloire que donneraient à Dieu les
œuvres ainsi combattues.
Abîmez-vous tout en Dieu, et
reposez votre esprit dans le sein du Père céleste.
XVI.
Amour des souffrances.
L’âme est un grain que Dieu sème
dans le champ de l’Église ; pour produire des fruits de vertus et de mérites, il
faut qu’il meure sous les terribles coups des peines, des douleurs, des
contradictions et des persécutions.
Plus notre croix est douloureuse et
pénétrante, plus grand est notre avantage ; plus la souffrance est privée de
consolations, plus elle est pure ; plus les créatures nous sont contraires, plus
nous sommes près de l’union avec le souverain Bien, notre Créateur.
Celui qui croit souffrir beaucoup
prouve par là combien peu il aime le Seigneur ; car le pur et véritable amour de
Dieu fait toujours paraître petit et peu de choses ce que l’on souffre pour
l’amour divin.
Il devient bientôt saint et
parfait, celui qui met en pratique ces deux paroles : souffrir et se taire.
Gardez le silence comme une clef
d’or.
Les longues maladies sont les plus
grandes grâces que Dieu puisse accorder aux âmes qu’il chérit le plus.
Vous aurez une grande croix ;
portez-la avec patience et le Paradis sera à vous.
Vois ce que font les soldats de la
terre pour garder quatre murailles… Et toi, soldat du ciel, que ne dois-tu pas
faire pour la royauté de ton âme ?
Vous devez être crucifié au monde,
c’est-à-dire, avoir en horreur tout ce qu’aime le monde.
Voici deux maximes que je vous prie
de graver dans votre mémoire : 1° ne jamais se justifier ; 2° travailler,
souffrir et se taire. Mettez-les en pratique, et vous serez des saints.
Dans vos peines ayez recours à
Marie, et Marie remédiera à tout.
Savez-vous pourquoi Dieu vous
soumet à tant de misères et de peines ? parce qu’il veut vous donner les
richesses du ciel.
La souffrance est courte, ne dure
qu’un moment ; la jouissance sera éternelle.
Craignons d’être privés des
souffrances plus que l’avare de ses trésors.
Les souffrances sont les pierres
précieuses de Jésus crucifié.
Vos souffrances, ô le Dieu de mon
cœur, sont un gage de votre amour.
Il arrive souvent que la foudre
éclate et qu’en frappant le sommet dépouillé des montagnes, elle découvre une
mine d’or. Souvent le coup de foudre découvre cette mine en certaines âmes. Le
Seigneur fait sortir un grand bien de leurs épreuves.
XVII.
Détachement de soi-même.
Heureuse l’âme qui se détache de sa
propre satisfaction, de sa propre volonté, de son sens propre ! Sublime
enseignement que celui-là ! Dieu l’apprendra à tous ceux qui placeront leur
contentement dans la croix de Jésus-Christ.
L’amour-propre est un dragon à sept
têtes ; il veut les introduire partout : voilà pourquoi il faut toujours
craindre cette audacieuse bête, et se tenir en garde contre elle.
Estimez les choses d’autrui, et
méprisez les vôtres ; fiez-vous à tous, excepté à vous-même.
Il est nécessaire de se persuader
qu’on n’a rien, qu’on ne peut rien, qu’on ne sait rien.
Ne rien avoir, ne rien pouvoir, ne
rien savoir !... et Dieu fera sortir de ce néant l’œuvre de sa plus grande
gloire.
XVIII.
La mort.
Chaque fois que la mort m’inspire
quelque crainte, je la dissipe aussitôt en pensant à la Passion de Jésus-Christ.
Dans le fond, mourir n’est pas une
chose horrible, mais aimable. Si la mort est la privation de la vie, elle nous
est ôtée par le même Dieu qui nous l’a donnée.
J’accepte la mort de bon cœur.
Celui qui est coupable de lèse-majesté doit mourir ; je suis coupable : il est
donc juste que je meure.
Après des souffrances d’un moment,
la miséricorde divine vous réserve une éternité de joie.
Dites-moi : Que voudriez-vous avoir
fait si vous deviez mourir à cet instant même ? Voudriez-vous avoir vécu dans
les richesses qui, d’ordinaire, entraînent à de grands péchés, et puis être jeté
dans l’enfer ? ou bien avoir mené une vie pauvre, et vous envoler au ciel ?
Que la Passion de N. S. J.-C. et
les douleurs de sa divine Mère soient toujours dans nos cœurs !



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