Gérard de Brogne
Abbé, Saint
† 959

S. Gérard, né dans le comté de Namur, était proche parent d'Haganon, duc de la basse Austrasie. Ses parents le mirent de bonne heure dans le service, et il obtint un emploi considérable de Bérenger, comte de Namur, dont la cour était une des plus brillantes de la chrétienté. Une douceur charmante de caractère, et un amour décidé pour la vertu lui gagnèrent dès son enfance l'estime et l'affection de tous ceux qui le connaissaient. L'éclat de sa vertu était encore rehaussé par sa politesse, son affabilité et son inclination à faire du bien. Il proportionnait l'abondance de ses aumônes à l'étendue de ses revenus, et ne connaissait point ces besoins imaginaires qui empêchent la charité d'agir. Dieu récompensa sa fidélité par les grâces les plus précieuses.

L'amour de Gérard pour la prière était extraordinaire. Un jour qu'il revenait de la chasse avec son souverain, il se sépara des autres seigneurs, alla se renfermer dans la chapelle de Brogne, qui appartenait à sa famille, et y resta longtemps prosterné devant Dieu. Il trouva tant de douceur dans ce saint exercice, qu'il ne le quitta qu'avec un extrême regret. « Heureux, se disait-il à lui-même, ceux qui n'ont d'autre emploi que celui de louer le Seigneur nuit et jour, de vivre toujours en sa divine présence, et de lui consacrer leurs cœurs sans interruption » ! Pour suppléer à ce qu'il ne pouvait faire lui-même, il fit bâtir une église à Brogne, en 918, et y mit des chanoines pour la desservir.

Le comte de Namur, qui avait en lui une entière confiance, le chargeait des emplois qui demandaient le plus de capacité, et l'envoya à la cour de France pour y traiter une affaire de grande importance. Gérard étant à Paris, y laissa sa suite pour aller visiter l'abbaye de S. Denys. Il fut singulièrement édifié de la ferveur des moines de cette maison, et il les pria de le recevoir parmi eux, Biais il ne pouvait exécuter la résolution qu'il avait prise de renoncer au monde, sans le consentement de son souverain. Il retourna donc à Namur pour le demander, et il l'obtint avec de grandes difficultés. Devenu maître de sa liberté, il alla voir Etienne, évêque de Tongres, son oncle, pour recevoir sa bénédiction, et le consulter sur le salut de son âme. Il régla ensuite ses affaires temporelles, et reprit avec joie la route de S. Denys, désirant avec ardeur le moment où il pourrait consommer le sacrifice qu'il méditait.

Pendant son noviciat, il se fit un devoir de la pratique de la mortification et du renoncement, afin de mourir entièrement à lui- même, et de détruire l'amour-propre, ce principe de tant de désordres, qui s'insinue dans les actions les plus saintes, et qui arrête les progrès de la charité. Après sa profession, il travailla à perfectionner de jour en jour les vertus qu'il avait déjà acquises, et surtout celles de son nouvel état. Il recommença ses études par les premiers éléments, et ses frères ne se lassaient point d'admirer sa patience et son assiduité. Cinq ans après on l'obligea de recevoir les, saints ordres ; et il fallut que ses supérieurs usassent de leur autorité pour le déterminer à se laisser ordonner prêtre.

Dix ans après sa retraite à S. Denys, c'est-à-dire en 931, son abbé l'envoya fonder une abbaye dans sa terre de Brogne, à trois lieues de Namur. Mais à peine eut-il achevé cet établissement, qu'il s'enferma dans une petite cellule bâtie auprès de l'église, pour y vivre en reclus. Son but était de se délivrer des visites fréquentes qu'il était obligé de recevoir, et de se livrer à la prière avec moins de distraction. On l'arracha depuis de sa solitude, en le chargeant de mettre la réforme dans la maison des chanoines réguliers de Saint-Guislein, qui était environ à trois lieues de Mons. Il les soumit à la règle de S. Benoît, dont il était le zélé défenseur, et dont il taisait le plus bel ornement. On lui donna ensuite une inspection générale sur toutes les abbayes de Flandre, à la prière du comte Arnold I, surnommé le Grand, qu'il avait miraculeusement guéri de la pierre en 937, et qu'il fit entrer dans la voie de la pénitence, où il marcha jusqu'à sa mort. Il rétablit une exacte discipline dans un grand nombre de monastères, nommément dans ceux de Saint-Pierre de Gand, de Saint-Bavon, de Saint-Martin de Tournay, de Marchiennes, de Hanon, de Rhonai, de Saint-Vaast d'Arras, de Turboult, du Wormhoult de Berg, de Saint-Riquier, etc. et tous l'honorent comme leur abbé et leur second patriarche. Les monastères de Champagne, de Lorraine et de Picardie le prièrent aussi d'être leur réformateur. Ceux de Saint-Remi, de Mouson et de Thin-le-Moutier reconnaissent encore aujourd'hui lui avoir été redevables de l'exacte discipline qui les rendit si célèbres.

Malgré toutes les fatigues qu'entraînaient tant d'affaires importantes, le saint ne diminuait rien de ses austérités, et il trouvait le moyen de rendre sa prière continuelle. Vingt-deux ans se passèrent de la sorte ; Gérard fit .ensuite un voyage à Rome, pour obtenir du Pape la confirmation des différentes réformes qu'il avait établies. A son retour d'Italie, il entreprit une visite générale de tous ses monastères ; et lorsqu'il l'eut achevée, il se renferma dans sa cellule pour se préparer à la mort. Dieu l'appela à lui le 3 octobre 959. Ses reliques se gardent encore dans l'église de Brogne, qui porte son nom. Quant à l'abbaye, elle ne subsiste plus; elle a été unie à l'évêché qui fut érigé à Namur par le pape Paul IV.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.

 

 

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