
Les Gloires de Marie
II
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CHAPITRE II
Vita, dulcedo.
Notre vie, notre douceur.
MARIE, NOTRE VIE, NOTRE DOUCEUR
- I. Marie est notre vie, parce qu'elle nous obtient le
pardon de nos péchés.
L'Église veut que nous appelions Marie notre Vie. Pour bien
comprendre ce titre, il faut savoir que, comme l'âme donne la vie au corps,
ainsi la grâce de Dieu donne la vie à l'âme; car, sans la grâce, l'âme peut
paraître vivante, mais en réalité elle est morte, selon ce qui est dit dans
l'Apocalypse. Ainsi Marie rend la vie aux pécheurs, quand, par son intercession,
elle leur obtient de rentrer en grâce avec Dieu.
L'Église applique à Marie et lui met dans la bouche les
paroles suivantes du livre des Proverbes; Ceux qui sont diligents à recourir à
moi dès le matin, c'est-à-dire, aussitôt qu'ils le peuvent, me trouveront
certainement. Au lieu de: Me trouveront, on lit dans la version de Septante:
Trouveront la grâce de Dieu. — Un peu plus loin, il est dit: Celui qui m'aura
trouvée, trouvera la vie, et recevra de Dieu le salut éternel. — Écoutez,
s'écrie là-dessus saint Bonaventure: honorez Marie, et vous aurez la vie et le
salut.
Au dire de saint Bernardin de Sienne, ce qui empêcha Dieu
d'anéantir l'humanité après le péché originel, ce fut son amour de prédilection
pour cette Fille bénie qui devait naître d'Adam. Le saint ne doute nullement que
toutes les miséricordes et toutes les grâces reçues par les pécheurs sous
l'ancienne loi, ne leur aient été accordées à la seule considération de cette
bienheureuse Vierge.
Elle est donc bien fondée, cette exhortation de saint
Bernard: « Cherchons la grâce, et cherchons-la par l'intermédiaire de Marie ».
Oui, si nous sommes assez malheureux pour avoir perdu la grâce de Dieu,
cherchons-la; et, afin de la recouvrer sûrement, adressons-nous à Marie; car, si
nous avons perdu cette perle précieuse, Marie l'a retrouvée; et de là le nom
d'inventrice de la grâce, que lui donne le même saint. Et n'est-ce pas là la
vérité si consolante pour nous qu'exprimait l'ange Gabriel, quand il disait à la
Vierge: Ne craignez point, Marie, car vous avez trouvé la grâce. Mais, puisque
Marie n'avait jamais été privée de la grâce, comment le saint archange
pouvait-il dire qu'elle l'avait trouvée? La vierge Immaculée fut toujours unie à
Dieu, toujours ornée de la grâce, ou plutôt toujours pleine de grâce, comme
l'archange le fit connaître au monde, quand il la salua en ces termes: Je vous
salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. Ce n'est donc pas pour
elle-même que Marie a trouvé la grâce dont elle fut toujours remplie; pour qui
donc? Pour ceux qui l'avaient perdue, pour les pécheurs, répond le cardinal
Hugues; et, commentant les paroles de saint Gabriel, le pieux auteur ajoute:
Qu'ils courent donc à Marie, les pécheurs qui ont perdu la grâce, et ils la
trouveront sans faute auprès d'elle; qu'ils lui disent avec assurance: Auguste
Dame, une chose trouvée doit être restituée à qui l'a perdue; vous devez donc
nous rendre la grâce. Richard de Saint-Laurent développe la même pensée et
conclut ainsi: Si donc nous désirons trouver la grâce du Seigneur, allons à
Marie, qui l'a trouvée et qui la trouve toujours; comme elle fut et sera
toujours chère à Dieu, notre confiance en elle ne saurait être frustrée.
La sainte Vierge dit dans les Cantiques, que Dieu l'a placée
en ce monde pour être notre défense, et qu'il l'a établie Médiatrice de paix
entre lui et les pécheurs: “Je suis un mur et mon sein est un asile assuré comme
une forte tour, depuis qu'il m'a faite entremetteuse de la paix”. Saint Bernard
s'appuie sur ces paroles pour relever le courage du pécheur: Va, dit-il, va,
pauvre pécheur, à cette Mère de miséricorde, et montre-lui les plaies que tes
fautes ont laissées dans ton âme; elle ne manquera pas de solliciter ton pardon
auprès de son divin Fils, en lui rappelant qu'elle l'a nourri de son lait; et ce
Fils qui l'aime si tendrement, ne manquera pas de l'exaucer. — Et la sainte
Église elle-même nous met sur les lèvres une oraison où elle prie le Seigneur de
nous accorder la faveur d'être aidés par la puissance secourable des prières de
Marie à sortir du péché: « O Dieu miséricordieux, venez en aide à notre
fragilité, afin que, célébrant la mémoire de la sainte Mère de Dieu, nous
puissions avec l'appui de son intercession, nous relever de nos iniquités ».
Ainsi donc saint Laurent Justinen a raison d'appeler Marie
l'Espérance des coupables, puisque seule elle leur obtient de Dieu le pardon de
leurs fautes. Saint Bernard fait bien de lui décerner le titre d'Échelle des
pécheurs, puisque cette Reine compatissante leur tend une main secourable, les
retire de l'abîme où ils sont misérablement tombés, et les fait remonter à Dieu.
Et saint Augustin n'a pas tort de la proclamer notre unique Espérance, puisque
c'est par elle seule que nous espérons la rémission de tous nos péchés. Saint
Jean Chrysostome ne parle pas autrement que l'illustre évêque d'Hippone: « Par
elle, dit-il, nous obtenons le pardon de nos péchés ». Et, plein de confiance en
sa médiation, il lui adresse cette prière au nom de tous les pécheurs: Nous vous
saluons, ô Mère de Dieu et notre Mère, Ciel où Dieu réside, Trône du haut duquel
le Seigneur dispense toutes ses grâces! priez sans cesse Jésus pour nous, afin
que, par votre entremise, nous puissions trouver miséricorde au jour du
jugement, et partager la gloire des élus dans l'éternité.
C'est avec raison, enfin, comme le remarque Innocent III, que
Marie est comparée à l'aurore dans ce passage du Cantique: Quelle est celle-ci
qui s'avance comme une aurore naissante? Car la naissance de Marie mit fin au
règne des cives, comme l'aurore met fin aux ombres de la nuit. Ainsi parle ce
pontife. Or, le changement opéré autrefois dans le monde par cette bienheureuse
naissance, se reproduit dans toute âme où naît la dévotion à Marie: elle en
bannit les ténèbres du péché et guide ses pas dans la voie des vertus. De là
l'exclamation de saint Germain: « O Mère de Dieu, votre protection nous donne
l'immortalité; votre intercession, c'est la vie ». Le même saint assure que le
nom de Marie, dans la bouche de celui qui le prononce avec affection, est le
signe de la vie, ou du moins le présage d'un prompt retour à la vie.
Sur les paroles du Cantique de Marie: Voici qu'à parti de ce
moment toutes les nations m'appelleront bienheureuse, saint Bernard s'écrie:
Oui, ô ma Souveraine, vous serez proclamée bienheureuse par tous les hommes,
parce que votre intercession assure à tous vos serviteurs la vie de la grâce et
la gloire céleste. En vous les pécheurs trouvent le pardon, les justes la
persévérance, et ensuite la vie éternelle. — Ne perds donc pas confiance, ô
pécheur, dit le pieux Bernardin de Bustis; ne te décourage point, quand même tu
te serais souillé de toutes les iniquités, mais recours avec assurance à cette
glorieuse Reine; tu la trouveras toujours les mains pleine de miséricorde, et
plus désireuse de te combler de ses dons, que toi-même de les recevoir.
Un titre encore qui convient à Marie, selon saint André de
Crète, c'est celui de Caution ou de Gage de notre réconciliation avec Dieu. Et,
en effet, quand les pécheurs s'adressent à Marie, pour être réconciliés avec
Dieu, non content de leur promettre leur pardon, Dieu leur en donne même un
gage; et ce gage n'est autre que Marie elle-même qu'il nous a donnée pour
Avocate: tout pécheur qui se réfugie auprès d'elle, obtient par son entremise le
pardon de ses fautes en vertu des mérites de Jésus-Christ. D'après la révélation
faite par un ange à sainte Brigitte, les prophètes étaient ravis de joie dans la
prévision que, fléchi par l'humilité et la pureté de Marie, Dieu allait faire
grâce aux pécheurs, et recevoir dans son amitié ceux qui auraient provoqué sa
colère.
Aucun pécheur ne doit jamais craindre d'être repoussé par
Marie, quand il implore sa pitié; non, car elle est une Mère de miséricorde, et,
à ce titre, elle désire sauver les plus misérables. Marie est pour nous une
Arche du salut, dit saint Bernard; quiconque s'y réfugie, échappera au naufrage
de la damnation éternelle. Dans l'arche de Noé les brutes même furent à couvert
des eaux du déluge; sous le manteau de Marie, les pécheurs même trouvent le
salut. Sainte Gertrude vit un jour cette clémente Reine qui tenait son manteau
ouvert: une multitude de lions, d'ours, de tigres et d'autres bêtes féroces, s'y
étaient réfugiés; et, bien loin de les chasser, Marie les retenait autour d'elle
et les caressait doucement. Cet emblème apprit à la sainte que Marie ne repousse
pas les pécheurs, si enfoncés soient-ils dans la fange du vice, mais qu'elle les
accueille avec tendresse et les met à l'abri de la mort éternelle. Entrons donc
dans cette Arche, courons nous réfugier sous le manteau de Marie; elle se
gardera bien de nous rejeter, elle nous sauvera infailliblement.
EXEMPLE
Le père Bovio raconte l'admirable conversion d'une femme de
mauvaise vie nommée Hélène. Étant entrée un jour sans intention dans une église,
et y ayant entendu un sermon sur la dévotion du Rosaire, elle avait fait
l'emplette d'un chapelet en retournant chez elle; mais le tenait caché par
respect humain. Elle se mit néanmoins à le réciter; et, quoique ce fût d'abord
sans dévotion, la très sainte Vierge lui fit goûter tant de consolations et de
douceurs dans cet exercice, qu'elle ne pouvait plus s'en détacher. Elle conçut
en même temps une vive horreur de ses désordres, au point d'un prendre le repos,
et elle se vit ainsi comme forcée d'aller se confesser; ce qu'elle fit avec tant
de contrition, que le confesseur en était étonné. Après sa confession, elle alla
se prosterner au pied d'un autel de Marie, pour remercier son Avocate; elle y
récita le Rosaire, et la Mère de Dieu, faisant parler la statue, lui dit:
« Hélène, tu assez offensé Dieu et moi; désormais change de conduite et tu auras
une bonne part dans mes faveurs ». La pauvre pécheresse toute confuse, répondit:
« Ah! Vierge sainte, il est vrai que jusqu'ici j'ai été une scélérate, mais vous
qui pouvez tout, aidez-moi; je me donne à vous, et je veux employer le reste de
ma vie à faire pénitence de mes péchés ».
Avec le secours de Marie, Hélène distribua aux pauvres tout
ce qu'elle possédait, et se livra à une pénitence rigoureuse. Elle éprouva de
terribles tentations, mais, sans faire autre chose que de se recommander à la
Mère de Dieu, elle remportait toujours la victoire. Elle alla jusqu'à recevoir
beaucoup de grâces surnaturelles, telles que visions, révélations, don de
prophétie. Enfin, à sa mort, qui lui fut annoncée par Marie plusieurs jours
d'avance, la bienheureuse Vierge vint la visiter elle-même avec son divin Fils;
et, lorsque cette pécheresse expira, on vit son âme, sous la forme d'une belle
colombe, s'envoler aux cieux.
PRIÈRE
Voici, ô Mère de mon Dieu, mon
unique espérance, Marie! voici à vos pieds un malheureux pécheur qui implore
votre pitié. Toute l'Église et tous les fidèles vous proclament le Refuge des
pécheurs; vous êtes donc mon refuge, c'est à vous de me sauver. Vous savez, vous
dirai-je avec Guillaume de Paris, combien votre divin Fils désire notre salut.
Vous savez ce que Jésus-Christ a souffert pour me sauver; ô ma Mère, je vous
présente les souffrances de Jésus: le froid qu'il endura dans l'étable de
Bethléem, les pas qu'il fit dans le voyage d'Égypte, ses fatigues, ses sueurs,
le sang qu'il répandit, la douleur qui le fit expirer à vos yeux sur la croix.
Montrez, en me secourant, que vous aimez ce Fils adorable, puisque c'est au nom
de votre amour pour lui que je vous prie de me secourir. Tendez la main à un
malheureux qui est tombé, et qui vous supplie d'avoir pitié de lui.
Si j'étais un saint, je ne vous
demanderais pas miséricorde; mais parce que je suis un pécheur, j'ai recours à
vous, qui êtes la Mère des miséricordes. Je sais que votre cœur compatissant
trouve sa consolation à aider les misérables, quand leur obstination ne vous
empêche pas de les aider; consolez donc votre cœur compatissant et consolez-moi,
aujourd'hui que vous avez occasion de sauver un malheureux condamné à l'enfer,
aujourd'hui que vous pouvez m'aider, puisque je ne veux pas être obstiné. Je me
remets entre vos mains: dites-moi ce que j'ai à faire, et obtenez-moi la force
de l'exécuter; je suis résolu de faire tout ce qui est en mon pouvoir, pour
rentrer dans l'amitié de Dieu.
Je me réfugie sous votre manteau;
Jésus veut que j'aie recours à vous; il veut que, pour votre gloire et pour la
sienne, puisque vous êtes ma Mère, je sois redevable de mon salut, non seulement
à son sang, mais encore à vos prières. C'est lui qui m'envoie auprès de vous,
pour que vous me secouriez. O Marie, me voici, je recours à vous, et je mets en
vous ma confiance; vous qui priez pour tant d'autres, priez aussi, dites au
moins une parole pour moi; dites à Dieu que vous voulez mon salut, et Dieu me
sauvera certainement; dites-lui que je suis à vous, je ne vous demande pas
autres chose.
CHAPITRE III
Spes, nostra, salve!
O notre espérance, nous vous saluons.
MARIE, NOTRE ESPÉRANCE
I - Marie est l'espérance de tous les hommes
Les hérétiques modernes sont révoltés de nous entendre saluer
et invoquer Marie comme notre Espérance. Spes nostra, salve!
Dieu seul, disent-ils, est notre espérance, et il maudit quiconque met
son espérance dans la créature, car il est écrit: Malédiction à l'homme qui se
confie en un homme. Comment donc Marie peut-elle être notre espérance,
puisqu'elle est une simple créature? Ainsi disent les hérétiques; mais,
nonobstant leurs clameurs, la sainte Église veut que, chaque jour, tous les
ecclésiastiques et tous les religieux élèvent la voix vers Marie, et qu'au nom
de tous les fidèles, ils l'invoquent et la saluent du nom si doux de notre
Espérance, Espérance de tous les hommes: Spes nostra, salve! « ô notre
Espérance, nous vous saluons! »
Selon saint Thomas, il est deux manières de placer son
espérance en une personne, selon qu'on la considère comme cause principale, ou
comme cause intermédiaire, Ceux qui attendent du roi quelque faveur, l'attendent
de lui comme souverain, et de son ministre ou favori comme intercesseur. Si la
grâce est accordée, elle viendra principalement du roi, mais par l'intercession
de son favori; ainsi, celui qui la sollicite, a bien raison d'appeler
l'intercesseur son espérance. Le Roi du ciel, en raison de sa bonté infinie,
désire extrêmement nous enrichir de ses grâces; mais pour cela la confiance est
nécessaire de notre part; voulant donc augmenter en nous cette confiance, il
nous a donné pour Mère et pour Avocate sa propre Mère, et l'a investie de tout
pouvoir pour nous appuyer; il veut en conséquence que nous mettions en elle
l'espoir de notre salut et de tous les biens. Ceux qui placent leur espérance
dans les créatures, et d'une manière indépendante de Dieu, comme font les
pécheurs, qui ne reculent pas devant l'offense de Dieu, pour gagner l'amitié ou
la faveur d'un homme, ceux-là sans aucun doute sont maudits de Dieu, ainsi que
le déclare le prophète. Mais ceux qui espère en Marie comme Mère de Dieu, ayant
le pouvoir de leur obtenir la grâce et la gloire, sont bénis du Seigneur; ils
font ce qui est agréable à son coeur, car Dieu se plaît à voir honorer cette
sublime créature, qui l'a aimé et glorifié en ce monde plus que tous les hommes
et tous les anges.
C'est donc à juste titre que nous proclamons la bienheureuse
Vierge notre Espérance, puisque, selon le cardinal Bellarmin, nous espérons
obtenir par son intercession ce que n'obtiendraient pas nos prières seules —
Nous la prions, dit Suarez, afin que la dignité d'une telle Médiatrice supplée à
notre bassesse. Or, ajoute-t-il, prier Marie avec une telle espérance, ce n'est
pas témoigner que nous nous défions de la miséricorde divine, mais que nous
tremblons à la pensée de notre indignité.
Ainsi, l'Église a raison d'appeler Marie, par un mot emprunté
à l'Ecclésiastique, la Mère de la sainte espérance, c'est-à-dire, celle qui fait
naître en nous, non la vaine espérance des biens misérables et passagers de
cette vie, mais la sainte espérance des biens immenses et éternels de la vie
future.
Saint Ephrem, s'adressant à la divine Mère, s'écrie:
« Recevez mes hommages, ô Marie, ô l'espérance de mon âme, le salut assuré des
chrétiens, le refuge des pécheurs, le rempart des fidèles et le salut du monde
entier! » — Saint Bonaventure nous avertit qu'après Dieu, nous n'avons pas
d'autre espérance que Marie. Et saint Ephrem, considérant l'ordre présent de la
Providence, selon lequel Dieu a décrété, comme l'affirme saint Bernard, que tous
ceux qui se sauvent, soient redevables de leur salut à l'intercession de Marie,
saint Ephrem, disons-nous la prie en ces termes: O grande Reine! ne cessez point
de veiller sur nous et de nous couvrir du manteau de votre protection, car après
Dieu, vous être notre seul espoir. Saint Thomas de Villeneuve proclame également
Marie notre unique refuge, notre unique ressource, notre unique asile.
Tous ces beaux titres décernés à la divine Mère, saint
Bernard semble vouloir les justifier quand il écrit: « Considère, ô homme, le
dessein de Dieu, en vue de nous dispenser ses miséricordes avec plus
d'abondance: ayant décrété le rachat du genre humain, il a remis entre les mains
de Marie tout le prix de la rédemption afin qu'elle le leur distribue à son
gré ».
Quand Dieu commanda à Moïse de faire le propitiatoire: Tu le
feras, dit-il, d'un or très pur; c'est de là que je te parlerai et te donnerai
mes ordres. Selon la remarque d'un auteur, Marie est le vrai propitiatoire d'où
le Seigneur parle aux hommes, et leur accorde le pardon de leurs fautes, ses
grâces, et tous ses bienfaits: « Vous êtes pour l'univers entier le
propitiatoire d'où le Seigneur nous parle au coeur, rend des oracles pleins de
douceur et de clémence, nous distribue ses faveurs, et répand, en un mot, tous
les biens sur nous ». Avant de s'incarner dans le sein de Marie, le Verbe divin
lui fit demander son consentement par un archange. Pourquoi cela? Il voulait,
répond saint Irénée, que de Marie nous vinssent tous les biens, notamment
l'Incarnation, qui les renferme tous. Ainsi, conclut le savant Idiot, tout ce
que les hommes ont reçu ou recevront jamais de biens, de secours, de grâces,
c'est pas l'intercession et par les mains de Marie que Dieu le leur a toujours
accordé, et le leur accordera toujours.
O Marie, s'écrier avec raison le pieux Louis de Blois, quel
sera l'insensé, le malheureux qui refusera de vous aimer, vous, si aimable et si
généreuse envers ceux qui vous aiment! Vous éclairez l'esprit de ceux qui
s'adressent à vous dans leurs doutes et leurs perplexités; vous consolez dans
leurs afflictions ceux qui se confient en vous; vous secourez ceux qui vous
invoquent dans le péril. Après votre divin Fils, vous êtes le salut assuré de
vos serviteurs fidèles. Je vous salue donc, ô espérance des désespérés et
secours des abandonnés! O Marie, vous êtes toute-puissante, puisque votre Fils
vous honore au point d'accomplir sans nul retard vos désirs.
A son tour, saint Germain voyait en Marie la source de tous
les biens et en attendait la délivrance de tous les maux. « O ma Souveraine, lui
disait-il, par la volonté de Dieu, vous êtes ma consolation, le guide de mon
pèlerinage, la force de ma faiblesse, la richesse de mon indigence, le remède de
mes blessures, le soulagement de mes douleurs; vous seule pouvez briser mes
chaînes, sur vous je fonde l'espoir de mon salut; exaucez mes prières, soyez
touchée de mes soupirs, ô vous, ma Maîtresse, mon refuge, ma vie, mon secours,
ma force et mon espérance! »
Elle est donc pleine de justesse, l'application que fait
saint Antonin à Marie, de ces mots de la Sagesse: Tous les biens me sont venus
conjointement avec elle. Et, en effet, comme l'affirme ce saint, Marie étant la
Mère et la Dispensatrice de tous les biens, le genre humains, et spécialement
quiconque qui est attaché au service de cette grande Reine, peut se féliciter
d'avoir obtenu tous les biens par le moyen de Marie et de la dévotion envers
elle. De là cette affirmation absolue de l'abbé De Celles: « Qui trouve Marie,
trouve tous les biens ». Il trouve toutes les grâces, toutes les vertus, car,
par sa puissante intercession, elle lui obtient tout ce dont il a besoin, et
l'enrichit de tous les dons célestes. Elle-même nous fait savoir par la bouche
du Sage, qu'elle tient entre ses mains toutes les richesses de Dieu,
c'est-à-dire, les divines miséricordes, pour les distribuer à ceux dont elle est
aimée. Nous devons donc, selon l'avertissement de saint Bonaventure, tenir sans
cesse les yeux fixés sur les mains de cette tendre Mère, afin de recevoir par
son moyen les biens que nous souhaitons.
Oh! combien d'orgueilleux ont trouvé l'humilité dans la
dévotion à Marie! combien de colères, la mansuétude! combien d'aveugles, la
lumière! combien de désespéré, la confiance! combien d'âmes perdues, le salut!
Mais tout cela, n'est-il pas renfermé dans quelques mots prophétiques de Marie
elle-même? Dans le sublime cantique qu'elle chanta chez Élisabeth, n'a-t-elle
pas dit: Voici que désormais toutes les nations me proclameront bienheureuse?
Ces paroles, saint Bernard les lui redit en les complétant: Oui, toutes les
générations vous proclameront bienheureuse, parce qu'à toutes les générations
vous avez donné la vie et la gloire; car en vous les pécheurs trouvent le
pardon, et les justes la persévérance dans la grâce de Dieu.
Le pieux Lansperge fait ainsi parler Notre-Seigneur à
l'humanité entière: Pauvres enfants d'Adam, qui vivez au milieu de tant
d'ennemis et parmi tant de misères, ayez soin d'honorer avec une affection
particulière celle qui est ma Mère et la vôtre. Car j'ai donné Marie au monde
comme le modèle dont vous puissiez apprendre à vivre saintement, et comme le
refuge auquel vous puissiez recourir dans vos afflictions. Je l'ai formée
moi-même de telle sorte que personne ne puisse la craindre ni avoir de
répugnance à l'invoquer; c'est pourquoi je l'ai créée avec un naturel si plein
de bonté et de compassion, qu'elle ne saurait mépriser aucun de ceux qui ont
recours à elle, ni refuser une faveur qu'on lui demande; elle tient ouvert à
tous le sein de sa miséricorde, et ne permet jamais qu'après s'être jeté à ses
pieds, on se retire sans être consolé. — Louée soit donc et bénie à jamais
l'immense bonté de notre Dieu, qui nous a donné cette Mère, et cette Avocate si
tendre et si aimante.
O Dieu! quelle tendresse dans les sentiments de confiance que
saint Bonaventure, si embrasé du divin amour, ressentait à l'égard de notre très
aimant Rédempteur Jésus, et de notre très aimante Avocate Marie! Le Seigneur
m'eût-il réprouvé, disait-il, je sais qu'il ne peut se refuser à quiconque
l'aime et le cherche de coeur. Je le serrerai dans les bras de mon amour, et,
s'il ne me bénit, je ne le laisserai point aller; il ne pourra se retirer, sans
m'entraîner avec lui. Si je ne puis faire autre chose, je me cacherai au moins
dans ses plaies; tant que je demeurerai là, il ne pourra me trouver hors de lui.
— Enfin, ajoutait-il, si, en haine de mes péchés, mon Rédempteur me chasse loin
de lui, j'irai me jeter aux pieds de sa Mère; et là prosterné, je ne partirai
point qu'elle ne m'ait obtenu mon pardon. Car cette Mère de miséricorde ne sait
et n'a jamais su être insensible aux misères, ni refuser d'exaucer les
misérables qui ont recours à sa protection. Ainsi, concluait le saint, si ce
n'est par obligation, au moins par compassion, elle ne manquera pas d'engager
son divin Fils à me pardonner.
Terminons, en disant avec Euthymius: Abaissez, ô Mère de
miséricorde, abaissez vos regards miséricordieux sur nous, qui sommes vos
serviteurs, et qui avons mis en vous toute notre espérance.
EXEMPLE
On lit dans le Trésor du Rosaire, qu'un gentil homme, animé
d'une grande dévotion envers la Mère de Dieu, s'était fait dans sa maison un
pieux oratoire où il allait souvent prier devant une belle image de Marie, non
seulement pendant le jour, mais encore pendant la nuit, interrompant son repos
pour honorer ainsi sa Reine bien-aimée. Or, son épouse, personne du reste de
beaucoup de piété, observant qu'il se levait dans le plus profond silence de la
nuit, sortait de la chambre, et ne revenait qu'au bout d'un temps considérable,
conçut malheureusement de mauvais soupçons. Tourmentée par cette cruelle épine,
elle hasarda un jour de demander à son mari s'il aimait une autre femme qu'elle.
Il lui répondit en souriant: « Sache que j'aime la dame la plus aimable du
monde. Je lui ai donné tout mon coeur, et je mourrais plutôt que de cesser de
l'aimer. Si tu la connaissais davantage, tu me dirais toi-même de l'aimer
davantage ».
Il entendait parler de la Sainte Vierge, qu'il aimait d'un
amour si tendre; mais la pauvre femme, ne faisant que tomber dans une plus
grande inquiétude, voulut s'assurer de la vérité et l'interrogea de nouveau,
afin de savoir si c'était pour aller trouver cette dame qu'il se levait la nuit
et sortait de l'appartement. Le gentilhomme, qui ne connaissait pas la violente
agitation de son épouse, répondit que oui. Ainsi persuadée d'une chose qui
n'était pas, et aveuglée par la passion, que fit alors cette malheureuse? Une
nuit que son mari était sorti de sa chambre à l'ordinaire, de désespoir, elle
prit un couteau et se coupa la gorge; peu après, elle expira.
Le mari, ayant accompli sa dévotion, retourne dans
l'appartement, va pour se remettre au lit, et le trouve tout trempé; il appelle
sa femme, et elle n rµpond point; il la secoue de la main, et elle reste
insensible. A la fin, ayant pris de la lumière, il voit le lit plein de sang et
son épouse étendue morte. Il comprit alors qu'elle s'était tuée dans un accès de
jalousie, et que fit-il? Il ferma la chambre à clef, et revint à la chapelle, se
prosterna devant la sainte Vierge, et là, pleurant à chaudes larmes, il se mit à
dire: « Ma Mère! voyez dans quelle affliction je me trouve; si vous ne me
consolez, à qui dois-je recourir? Songez que c'est pour être venu ici vous
honorer, que j'ai le malheur de voir mon épouse morte et damnée. Ma Mère! vous
le pouvez, ah! réparez ce malheur ». Lorsqu'on invoque avec confiance cette Mère
de Miséricorde, on en obtient tout ce qu'on veut. A peine le gentilhomme a-t-il
fini sa prière, qu'il entend une servante lui dire: « Monsieur, veuillez
retourner à votre chambre; Madame vous demande ». Mais, dans l'excès de sa joie,
il n'ose croire cette heureuse nouvelle: « Allez voir, répond-il, s'il est bien
vrai qu'elle me demande. — Oui, dit la servante au retour, venez vite; Madame
vous attend ».
Il va, ouvre la chambre, et voit son épouse pleine de vie,
qui, se jetant à ses pieds, les arrose de ses larmes et le prie de lui
pardonner, en disant: « Ah! mon fidèle époux! grâce à vos prières, la Mère de
Dieu m'a délivrée de l'enfer! » Alors tous deux, pleurant de joie, se rendirent
à l'oratoire pour remercier la bienheureuse Vierge. Le lendemain, le mari invita
tous ses parents à un festin, et leur fit raconter le fait par sa femme
elle-même; celle-ci leur montra la marque de sa blessure, qui était encore
visible; et toute la famille conçut pour la divine Mère des sentiments de
confiance plus vifs que jamais.
PRIERE
O Mère du saint amour, notre vie,
notre refuge, et notre espérance! vous savez que Jésus-Christ, votre Fils, non
content de se faire notre perpétuel avocat auprès de son Père, veut en outre que
vous intercédiez auprès de lui-même pour nous obtenir les divines miséricordes.
Il a décrété que vos prières nous aideraient à nous sauver, et il leur a donné
tant de force qu'elles sont toujours exaucées. C'est donc à vous, ô espérance
des malheureux, c'est à vous que je m'adresse, moi misérable pécheur; j'espère
que, par les mérites de Jésus-Christ et par votre intercession, je ferai mon
salut. Telle est ma confiance, et elle va si loin que, si mon salut éternel
était entre mes mains, je le remettrais dans les vôtres; car je me fie plus en
votre miséricorde et en votre protection que dans toutes mes oeuvres. Ma Mère et
mon espérance, ne m'abandonnez pas, comme je le mériterais; considérez ma
misère, et laissez-vous toucher de ma compassion; secourez-moi et sauvez-moi.
Bien des fois, je le confesse, mes péchés ont fermé la porte aux lumières et aux
secours que vous m'avez obtenu de Dieu; mais votre compassion pour les
misérables et votre pouvoir auprès du Seigneur surpassent le nombre et la malice
de mes iniquités. C'est une chose connue du ciel et de la terre que celui que
vous protégez ne saurait se perdre. Que je sois donc oublié de toutes les
créatures, mais non de vous, ô Mère du Tout-Puissant ! Dites à Dieu que je suis
votre serviteur, dites-lui que vous prenez ma défense, et je serai sauvé. O
Marie, je me confie en vous; c'est avec cette confiance que je vie et que je
veux et espère mourir, disant toujours: " Mon unique espérance est Jésus, et,
après Jésus, la vierge Marie ".
II
- Marie est l'espérance des pécheurs.
Après avoir créé la terre, Dieu fit deux grands luminaires,
l'un plus grand, pour présider au jour, l'autre moindre, pour présider à la
nuit. Selon le cardinal Hughes, le premier de ces deux luminaires, le soleil,
est la figure de Jésus-Christ, dont la lumière éclaire les justes qui vivent
dans la grâce de Dieu; et le second, la lune, est la figure de Marie, dont la
douce lueur reste aux malheureux plongés dans la nuit du péché. Marie étant donc
cet astre propice aux pécheurs, que doit faire le malheureux qui se trouve
environné des ténèbres de l'iniquité? Puisqu'il a perdu la lumière du Soleil de
Justice en perdant la grâce divine, répond Innocent III, qu'il tourne ses
regards vers l'astre qui brille pour lui; qu'il invoque Marie; elle l'éclairera
sur le malheur de son état et lui donnera la force d'en sortir sans retard. Au
dire de saint Méthode, on pourrait à peine compter les conversions dues au
prières de Marie.
Parmi les titres sous lesquels la sainte Église veut que nous
invoquions la Mère de Dieu, le plus encourageant pour les pauvres pécheurs,
c'est le titre de Refuge des pécheurs, que nous lui donnons dans les litanies.
Anciennement, il y avait en Judée plusieurs villes de refuge, où les délinquants
pouvaient se retirer, afin d'échapper à la peine qu'ils avaient encourue; à
présent, il n'y a plus qu'une seule Cité de refuge, et c'est Marie, à qui
s'applique cette parole prophétique: Bien glorieuse, ô Cité de Dieu, sont les
choses qui ont été dites à ton sujet. Mais il est une différence entre elle et
les asiles de la loi ancienne: ceux-ci n'étaient pas ouverts à tous les
coupables, mais seulement à ceux qui étaient prévenus de certains délits; au
contraire, dès qu'ils se réfugient sous le manteau de Marie, tous les pécheurs,
quelles que soient leurs fautes, sont à l'abri du châtiment. « Je suis, nous
dit-elle, par la bouche de saint Jean de Damas, je suis la cité de refuge, tous
ceux qui viennent à moi sont sauvés ». Il suffit de se réfugier dans cette Cité;
quiconque est assez heureux pour y entrer, y trouve toute sûreté, avant même
d'avoir plaidé sa cause. Venez, entrons dans la ville forte, dit Jérémie, et
demeurons-y en silence. D'après le bienheureux Albert le Grand, cette ville
forte est la sainte Vierge, que la grâce et la gloire environnent comme un
rempart; et il ajoute, en citant la Glose: Puisque nous n'osons demander
nous-mêmes au Seigneur le pardon de nos péchés, nous pouvons du moins nous
retirer dans cette citadelle et nous y tenir en silence; ce sera assez, Marie se
chargera de parler et d'intercéder pour nous. Un autre pieux auteur exhorte
également tous les pécheurs à s'abriter sous le manteau de la Reine du ciel:
« Réfugiez-vous, Adam et Ève, et vous aussi, leurs pauvres enfants,
réfugiez-vous tous dans le sein de cette bonne Mère. Ne savez-vous par qu'elle
est l'unique Cité de refuge, et l'unique espérance des pécheurs? » Oui, l'unique
espérance des pécheurs; ainsi l'appelle déjà saint Augustin.
« O Marie, vous êtes l'unique avocate des pécheurs et de ceux
qui sont dénués de toute ressource », dit à son tour saint Ephrem; puis il
s'écrie: « Salut, ô vous, le refuge des pécheurs et leur asile; en vous seule,
ils peuvent trouver sûreté et protection ». Et, selon un auteur, David désignait
déjà Marie quand il disait: Dieu m'a mis à couvert dans le secret de son
tabernacle. Quel est, en effet, le tabernacle de Dieu, sinon Marie? ainsi la
nomme saint André de Crète: « Vous êtes, dit-il, le tabernacle que Dieu lui-même
a dressé, et dans lequel lui seul est entré, pour accomplir les grands mystères
de la rédemption des hommes ».
L'illustre saint Basile dit à ce propos qu'en nous donnant
Marie, Dieu nous a en quelque sort ouvert un hôpital public, où peuvent être
reçus tous les malades pauvres et privés de tout autre ressource. Or, je le
demande, les hôpitaux étant fondés spécialement pour les pauvres, quels sont
ceux qui ont le plus de titre à y être admis? ne sont-ce pas les plus indigents
et les plus malades? Celui donc qui se trouve plongé dans la misère,
c'est-à-dire dépourvu de tout mérite et chargé de péchés, qui sont les maladies
de l'âme, il peut, ce semble, dire à Marie: Auguste Dame! vous êtes l'asile des
pauvres malades; ne me rejetez donc pas, puisque, plus pauvre et plus malade que
tous les autres, j'en ai plus de droit à être accueilli par vous.
Disons-lui avec saint Thomas de Villeneuve: O Marie, nous,
pauvres pécheurs, nous ne connaissons point d'autre refuge que vous; vous êtes
notre unique espérance dans l'affaire de notre salut; vous êtes après
Jésus-Christ l'unique avocate vers laquelle nous tournons nos regards.
Dans les révélations de sainte Brigitte, Marie est dite
l'astre avant-coureur du soleil, pour nous donner à entendre que, quand la
dévotion à la divine Mère fait son apparition dans l'âme d'un pécheur, c'est un
présage infaillible que bientôt le Seigneur reviendra à elle avec les richesses
de sa grâce. Le glorieux saint Bonaventure, pour réveiller la confiance des
pécheurs en la protection de Marie, les représente d'abord comme exposés à périr
dans une mer orageuse. Déjà tombés du navire de la grâce, et ballottés ça et là
par le remords de leur conscience et la crainte des jugements de Dieu, sans
lumière et sans guide, les infortunés se voient au moment de perdre le dernier
souffle d'espérance qui les fait encore vivre. C'est alors que le Seigneur, leur
montrant Marie, si connue sous le nom d'Étoile de la mer, élève en quelque sorte
la voix pour crier à ces naufragés: Pauvres pécheurs qui vous croyez perdus, ne
désespérez pas; levez les yeux vers cette belle Étoile, reprenez haleine et
courage; car Marie vous retirera du milieu de la tempête et vous conduira au
port du salut. — Saint Bernard exprime la même pensée: Si vous ne voulez pas
être submergé par la tempête, regarde l'Étoile, appelez Marie à votre secours.
Et, en effet, selon Louis de Blois, « Marie est l'unique
refuge de ceux qui ont eu le malheur d'offenser Dieu; elle est l'asile de tous
ceux qui sont en butte aux tentations et aux coups de l'adversité; elle est
toute bonté, toute douceur, non seulement envers les justes, mais encore envers
les pécheurs les plus désespérés: aussi, quand elle les voit venir à elle, et
qu'elle les entend implorer de tout coeur son assistance, elle s'empresse de les
secourir, les accueille, et leur obtient leur pardon de son divin Fils. Elle
n'en sait mépriser aucun, si indigne qu'il soit; elle ne refuse à aucun sa
protection; elle les console tous; et à peine l'a-t-on invoquée, qu'on en est
aussitôt secouru. Bien souvent, par sa douceur, elle sait attirer à son culte et
réveiller les pécheurs les plus étrangers à l'amour de Dieu, les plus
profondément ensevelis dans la léthargie du vice; par là ils se disposent à
recevoir la grâce divine et à se rendre enfin dignes de la gloire éternelle. En
formant cette Fille de prédilection, Dieu l'a douée d'un caractère si
compatissant et si prévenant, que personne ne peut jamais, par défaut de
confiance, hésiter à réclamer son intercession. Enfin, conclut le pieux auteur,
il n'est pas possible qu'une âme se perde, qui cultive avec zèle et humilité la
dévotion à cette divine Mère ».
Elle est comparée au platane: Je me suis élevée comme le
platane. C'est encore un encouragement pour les pauvres pécheurs. Le platane
protège contre les ardeurs du soleil les voyageurs qui se réfugient sous son
feuillage, et quand Marie voit la colère divine près d'éclater sur la tête des
pécheurs, elle les invite à se réfugier sous l'ombre de sa protection. C'était
avec raison, remarque saint Bonaventure, que le prophète Isaïe se désolait de
son temps, et disait à Dieu: Vous voilà irrité contre nous, et votre colère est
juste, car nous avons péché; et il n'est personne qui se lève pour retenir votre
bras, personne qui puisse vous fléchir en notre faveur. Il disait vrai, car, en
ces temps, Marie n'était pas encore au monde; et, avant sa naissance, dit le
saint, personne n'eût osé comme elle retenir le bras vengeur du Très-Haut. Mais
aujourd'hui, quelque irrité que soit le Seigneur contre un pécheur, si Marie le
prend sous sa protection, elle parvient à le sauver en empêchant son Fils de le
punir. Et aucune créature, continue le même saint, ne pourrait, aussi bien
qu'elle, aller jusqu'à mettre la main sur le glaive de la divine justice, et
suspendre les coups dont il menace les coupables. Richard de Saint-Laurent
exprime la même pensée: Avant la naissance de Marie, dit-il, Dieu se plaignait
que personne ne s'opposât à ses vengeances sur les pécheurs; mais, à présent que
Marie est dans le monde, elle apaise sa colère.
Basile de Séleucie encourage aussi le pécheur, en lui disant:
« Pécheur, ne perds pas confiance, mais, en toute circonstance, recours à Marie
et invoque-là; tu la trouveras toujours prête à te secourir, car c'est la
volonté de Dieu qu'elle nous aide dans tous nos besoins ». — Cette Mère de
miséricorde est si désireuse de sauver les pécheurs les plus désespérés, qu'elle
va elle-même à leur recherche pour les secourir; et, s'ils implore son
assistance, elle sait bien trouver le moyen de les rendre chers à Dieu.
Isaac désirait un jour manger du gibier; il appela Ésaü et
lui promit de le bénir quand il lui en aurait apporté. Mais Rébecca, qui voulait
que cette bénédiction fût l'apanage de son autre fils Jacob, ordonna à celui-ci
de lui amener deux chevreaux, qu'elle apprêterait au goût d'Isaac. Selon saint
Antonin, Rébecca fut ici la figure de Marie, et les chevreaux celle des
pécheurs: la Reine du ciel dit aux anges: Amenez-moi des pécheurs; je leur
procurerai le repentir de leurs fautes avec une ferme résolution de ne plus
pécher, et je saurai, par ce moyen, les rendre agréable et chers au Seigneur. -
L'abbé Francon, développant la même pensée, ajoute que Marie sait si bien
apprêter ses chevreaux, qu'ils deviennent, pour le goût, non seulement
comparables, mais parfois même supérieurs aux cerfs.
Il n'est pas au monde de pécheur, pour éloigné qu'il soit de
Dieu, qui ne puisse se convertir, et recouvrer l'amitié divine, s'il veut
seulement recourir à Marie et réclamer son assistance. Elle-même l'a révélé
ainsi à sainte Brigitte. La même sainte entendit un jour Jésus-Christ dire à sa
Mère, qu'elle serait disposée à demander la grâce pour Lucifer même, si celui-ci
pouvait s'humilier jusqu'à se recommander à elle: « Vous ne refuseriez pas votre
compassion au démon lui-même, s'il vous priait humblement ». Jamais on ne verra
cet esprit superbe s'abaisser au point d'implorer la protection de Marie; mais,
si cela pouvait arriver, la Mère de Dieu serait assez bonne, assez puissantes
seraient ses prières, pour lui obtenir du Seigneur le pardon et le salut. Mais
ce qui ne peut avoir lieu pour le démon, se réalise tous les jours en faveur des
pécheurs qui ont recours à cette Mère de miséricorde.
L'arche de Noé fut sans doute une figure de Marie; car, si
l'arche offrit un abri à tous les animaux de la terre, le manteau de Marie sert
de refuge à tous les pécheurs, que leurs vices et leurs péchés sensuels
assimilent aux brutes. Il y a cependant une différence, observe un auteur: Les
animaux entrés dans l'arche demeurèrent ce qu'ils étaient: le loup demeura loup,
le tigre demeura tigre; au lieu que, sous le manteau de Marie, le loup se
transforme en agneau, et le tigre en colombe. Sainte Gertrude vit un jour la
bienheureuse Vierge qui tenait son manteau ouvert; sous ce manteau, la sainte
aperçut grand nombre de bêtes féroces de différentes espèces, tels que léopards,
lions, ours;elle remarqua que Marie, loin de les chasser, les recevait avec
bonté et les caressait de sa douce main. Gertrude comprit que ces bêtes féroces
sont les malheureux pécheurs, que Marie accueille avec amour quand ils ont
recours à elle.
Saint Bernard avait donc bien raison de dire à Marie: Auguste
Souveraine, jamais vous ne repoussez un pécheur, si souillé et abominable
soit-il, s'il se réfugie auprès de vous; dès qu'il implore votre secours, vous
ne dédaignez pas d'étendre votre main miséricordieuse pour le retirer de l'abîme
du désespoir. O aimable Marie! béni et remercié soit à jamais le Seigneur qui
vous a faite si douce et si bonne, même envers les misérables pécheurs!
Malheureux celui qui ne vous aime pas, malheureux celui qui pouvant implorer
votre pitié, ne met pas en vous sa confiance! — Celui-là se perd, qui ne recourt
pas à Marie. Mais qui, après l'avoir fait, s'est jamais perdu?
On lit dans l'Écriture que Booz permit à Ruth de ramasser les
épis tombés des mains des moissonneurs. Saint Bonaventure fait là-dessus cette
réflexion: De même que Ruth trouva grâce aux yeux de Booz, ainsi Marie a trouvé
grâce aux yeux du Seigneur, qui lui a permis de recueillir les épis échappés aux
moissonneurs. Les moissonneurs sont les ouvriers évangéliques, les
missionnaires, les prédicateurs, les confesseurs, dont les travaux gagnent
chaque jour des âmes à Dieu. Mais il est des âmes rebelles et endurcies que,
malgré tout leur zèle, ils se voient forcés d'abandonner; c'est le privilège
exclusif de Marie d'empêcher par sa puissante intercession, que des épis
délaissés ne se perdent. Mais aussi, malheur aux âmes qui résistent à la main de
cette douce glaneuse! Assurément, elles resteront à jamais perdues et maudites.
Bienheureuses, au contraire, celles qui ont recours à une si bonne Mère! Il n'y
a pas au monde, dit le pieux Louis de Blois, un pécheur tellement désespéré et
plongé dans la fange du vice, que Marie en ait horreur et le repousse: ah! qu'il
vienne seulement réclamer l'assistance de cette tendre Mère; il verra si elle
veut et peut le réconcilier avec son divin Fils, et lui obtenir son pardon.
Ce n'est donc pas à tort, ô ma très douce Souveraine, que
saint Jean Damascène vous salue l'Espérance des désespérés, que saint Laurent
Justinien vous proclame l'Espérance des coupables, saint Augustin, l'unique
Ressource des pécheurs, saint Ephrem, le Port assuré des naufragés. Le même sait
pousse la hardiesse jusqu'à vous appeler la protectrice des damnés.
C'est avec raison enfin que saint Bernard exhorte les
désespérés eux-mêmes à ne pas désespérer; et que, plein de joie et de tendresse
envers sa Mère chérie, il lui dit amoureusement: Vierge sainte! qui donc n'aura
pas confiance en vous, si vous secourez même les désespérés? Je ne doute
nullement, ajoute-t-il, qu'à la seule condition de réclamer votre secours, nous
n'obtenions tout ce que nous voudrons; celui donc qui n'a plus d'espoir, doit
encore espérer en vous.
Saint Antonin raconte qu'un homme qui vivait dans la disgrâce
de Dieu, eut un jour une vision dans laquelle il lui sembla se trouver au
tribunal de Jésus-Christ; le démon présenta le dossier de ses péchés, lesquels,
mis dans la balance de la justice divine, l'emportèrent de beaucoup sur toutes
ses bonnes œuvres. Que fit alors sa puissante Avocate? elle étendit sa douce
main et l'appuya sur l'autre bassin de la balance qu'elle fit pencher en faveur
de son client. Par là, elle lui donnait à entendre qu'elle lui obtiendrait son
pardon, s'il voulait changer de vie; et, en effet, après cette vision, le
pécheur se convertit et vécut en bon chrétien.
EXEMPLE
Le vénérable Jean Herolt, qui par humilité prit le nom de
Disciple, rapporte le trait qu'on va lire. Un homme marié vivait dans le
désordre; son épouse, femme vertueuse, ne pouvant lui persuader de renoncer au
péché, le pria de vouloir au moins, dans cet état misérable, pratiquer quelque
dévotion envers la Mère de Dieu, ne fût-ce que de la saluer en récitant un Ave
Maria toutes les fois qu'il passerait devant une de ses images. Il consentit à
observer cette pratique.
Une nuit que ce malheureux était sorti dans le dessein de se
livrer au péché, il aperçut de loin une lumière, s'approcha et vit que c'était
une lampe qui brûlait devant une statue de Marie tenant entre ses bras Jésus
enfant. Il récite l'Ave Maria selon sa coutume; mais ensuite, quel objet s'offre
à ses regards! Le divin Enfant lui apparaît tout couvert de plaies fraîchement
ouvertes et d'où le sang tombe à grosses gouttes. Épouvanté et en même temps
attendri, considérant que c'était lui qui, par ses péchés, avait ainsi déchiré
les membres de son Rédempteur, il se mit à pleurer; mais il remarqua que Jésus
lui tournait le dos. Alors, tout pénétré de confusion, il eut recours à la
sainte Vierge, et lui parla ainsi: « Mère de miséricorde, votre Fils me
repousse; je ne puis trouver d'avocate plus bienveillante ni plus puissante que
vous, qui êtes sa Mère; ô ma Reine, assistez-moi, priez-le pour moi ». La Mère
du Sauver lui répondit par sa statue: « Vous autres, pécheurs, vous m'appelez
Mère de miséricorde, mais, en même temps, vous ne cessez de faire de moi une
mère de misère, en renouvelant continuellement la passion de mon Fils et mes
propres douleurs ».
Néanmoins, comme Marie ne sait jamais renvoyer sans
consolation celui qui se jette à ses pieds, elle se tourna vers son divin Fils
et le pria de pardonner à ce malheureux. Jésus continuait de montrer de la
répugnance à accorder ce pardon; mais la sainte Vierge, déposa son cher Enfant
dans la niche, se prosterna devant lui, en disant: « Mon Fils, je ne me relève
pas, je reste ici à vos pieds, si vous ne pardonnez à ce pécheur. — Ma Mère, dit
alors Jésus, je ne vous puis rien refuser: vous voulez qu'il lui soit pardonné;
pour l'amour de vous, je lui pardonne, faites-le venir baiser mes plaies ». Le
pécheur s'approcha tout en larmes; et, à mesure qu'il baisait les plaies du
saint Enfant, elles guérissaient aussitôt. Enfin, Jésus l'embrassa en signe de
réconciliation. Dès ce moment, cet homme changea de conduite, mena une vie
édifiante, et donna des marques d'une ardente dévotion à la bienheureuse Vierge,
qui lui avait obtenu une faveur si grande.
PRIÈRE
O Vierge Immaculée, je vénère votre
très saint Coeur, qui fut les délices et le repos d'un Dieu, ce Coeur tout plein
d'humilité, de pureté et d'amour divin, Moi, malheureux pécheur, je viens à
vous, le coeur rempli de fanges et d'ulcères; ô Mère de miséricorde, ne me
dédaignez pas pour cela, mais n'en ayez que plus de compassion, et secourez-moi.
Ne cherchez pas en moi, pour venir à mon aide, ni vertus, ni mérites; je suis
une âme perdue et qui ne mérite que l'enfer. Considérez uniquement, je vous
prie, la confiance que j'ai en vous et la résolution où je suis de me corriger.
Considérez ce que Jésus a fait et souffert pour moi, et puis abandonnez-moi si
vous le pouvez. Souffrez que je vous remette sous les yeux toutes les peines de
sa vie, le froid qu'il endure dans l'étable, le voyage qu'il fit en Égypte, le
sang qu'il répandît, la pauvreté, les sueurs, les tourments, la mort qu'il
souffrit en votre présence pour l'amour de moi; et, pour l'amour de Jésus,
songez à me sauver.
Ah! ma Mère, je ne veux ni ne puis
craindre que vous me repoussiez, maintenant que j'ai recours à vous et que
j'implore votre assistance. Si j'avais une telle crainte, je ferais injure à
votre miséricorde, qui va cherchant les malheureux pour les secourir. Sainte
Reine, ne refusez pas votre pitié à celui à qui Jésus-Christ n'a pas refusé son
sang. Mais les mérites de ce sang précieux ne me seront pas appliqués, si vous
ne me recommandez à Dieu. C'est de vous que j'espère mon salut; je ne vous
demande ni richesse, ni honneurs, ni autres biens terrestres, je vous demande la
grâce de Dieu, l'amour de votre Fils, Jésus, la grâce d'accomplir sa volonté, et
enfin le paradis pour l'aimer éternellement. Est-il possible que vous refusiez
de m'exaucer? Non, vertes; vous m'exaucez dès à présent, j'en ai la confiance:
déjà vous priez pour moi, déjà vous me procurez les grâces que je sollicite:
déjà vous me prenez sous votre protection. Ma Mère, ne m'abandonnez point;
continuez, oui, continuez de prier pour moi, jusqu'à ce que vous me voyiez
sauvé, reçu dans le ciel, et prosterné à vos pieds pour vous bénir et vous
remercier pendant toute l'éternité. Amen.



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