GREGOIRE DE NAREK
Moine, Mystique, Saint
(940/950-1003/1010)

L'existence entière de Grégoire de Narek s'inscrit “dans un cercle minuscule” et nous connaissons très peu de la vie du grand mystique et poète arménien. Né entre 940 et 950 aux environs du lac de Van (aujourd'hui en Turquie orientale), Grégoire perdit sa mère alors qu'il était en bas âge et fut placé avec son frère Jean au monastère de Narek, situé dans la même région. Le supérieur du monastère n'était autre que son grand-oncle maternel, Ananie, surnommé “le Philosophe”. Leur père, Khosrow le Grand, fut ordonné prêtre, puis élu évêque d'Antsévatsik, où il se fit aider par son fils aîné Isaac, devenu copiste. Khosrow le Grand composa plusieurs œuvres, dont une Explication des prières de la Liturgie et un Commentaire sur l'office récité dans l'Église.

Grégoire et Jean reçurent de leur grand-oncle Ananie, renommé pour sa science et sa sainteté, une instruction très solide. Formé à la théologie ainsi qu'à la langue et à la littérature grecques, Grégoire étudia également l'architecture, les mathématiques, l'astronomie et la médecine avec une prédisposition qui lui valut d'être considéré très tôt comme savant. L'usage qu'il fit de la prose rythmée, ponctuées de rimes intérieures, indique qu'il connaissait en outre la poésie arabe.

Ordonné prêtre, il consacra une partie de son temps à l'instruction d'autres religieux au monastère de Narek et il entama une œuvre littéraire considérable. Il mena au monastère une vie toute d'humilité et de charité, partagé entre le travail et la prière, animée d'un amour ardent pour le Christ et la Mère de Dieu. La renommée de sa science et de la sainteté de sa vie se répandit à travers toute l'Arménie ; les évêques lui demandèrent des traités et des panégyriques, les rois des explications de la Bible, le peuple des sermons et des hymnes, les moines un livre de prières.

Son œuvre est constituée d'une vingtaine d'hymnes et d'odes, d'un commentaire sur le Cantique des Cantiques, d'une Histoire de la Croix d'Aparanq, de plusieurs panégyriques (de la sainte Croix, de la sainte Vierge, des Apôtres et des 72 Disciples et de saint Jacques de Nisibe), de trois discours sous forme de prières liturgiques (Sur la venue du Saint Esprit, Sur la sainte Église, et Sur la sainte Croix qui a porté Dieu), de plusieurs sermons, ainsi que le Livres des prières. Ses écrits le rendirent célèbre de son vivant dans toute l'Arménie. Sa renommée lui valut d'être considérée comme une haute autorité que les partisans et les opposants à la christologie chalcédonienne tentèrent de se concilier. Dépeint par les uns comme un chalcédonien persécuté pour sa foi, et par les autres, comme le champion de la christologie arménienne, il est plus probable que Grégoire eut la sagesse de ne pas alimenter les polémiques politico-christologiques. Les sources historiographiques étant contradictoires, seule son oeuvre permet une appréciation de son approche christologique, laissant apparaître que Grégoire “s'intéressait moins aux formules dogmatiques qu'à la ferveur de la foi qui s'y exprimait”, mais qu'il n'en maintenait pas moins fermement “les positions christologiques de son Église” (J.-P. Mahé, Grégoire de Narek : Tragédie – Le Livre de lamentations, CSCO, Louvain, 2000, p. 83-84).

Son Livre des prières (ou Élégies sacrées, ou encore Livre des lamentations) est considéré comme son chef-d'œuvre et l'une des œuvres littéraires les plus remarquables du patrimoine mondial. En quatre-vingt-quinze prières, Grégoire exprime tour à tour le sens du péché, la pénitence, la miséricorde divine, la lutte spirituelle, la vie mystique et l'action de grâce, tout dans un bouleversant dialogue avec le Seigneur, qui n'est pas sans évoquer l'intensité des psaumes. Avec un sentiment aigu de la misère humaine due au péché, face à la sainteté et la majesté divines, Grégoire manifeste l'envolée mystique d'un cœur épris de Dieu, un cœur qui aspire à être inséparablement uni à Dieu. Le Livre de prières, souvent appelé simplement “Narek”, est vénéré par les fidèles depuis un millénaire ; il constitua longtemps la base de l'instruction en Arménie et certaines prières sont entrées dans la Liturgie.

Grégoire mourut entre 1003 et 1010 dans ce même monastère où son frère Jean et lui avaient été introduits dans leur enfance. Dès le XIIe siècle, on l'appela “Ange revêtu d'un corps”.

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