Sainte Gudule
naquit vers le milieu du septième siècle dans le Brabant
d'une famille noble. Elle eut pour mère Amelberge sœur ou nièce de
Pépin de Landen, maire du palais. Son frère saint Emebert, évêque de
Cambrai, et sa
sœur
sainte Reinilde, ne se rendirent pas moins recommandables qu'elle
par la sainteté de leur vie.
Dès avant la
naissance de son humble servante, Dieu fit connaître la sainteté
future de Gudule. Sainte Amelberge, pendant sa grossesse, ne pouvait
se tranquilliser sur le sort à venir du fruit qu'elle portait dans
son sein. Ah ! s'écriait-elle, s'il devait s'éloigner du chemin de
la vertu ; quel malheur, s'il devait se perdre éternellement ! Et
tous les jours lui apportaient les mêmes inquiétudes. Une nuit,
encore agitée par ces pensées, elle s'endormit du plus profond
sommeil. Pendant ce bienfaisant repos, elle vit devant elle un
envoyé céleste qui descendait du ciel pour la consoler. Il lui dit :
Femme chrétienne, soyez sans crainte et sans inquiétude ; vous avez
conçu avec confiance, vous enfanterez avec bonheur, et vous serez
mère d'une fille qui sera vénérable. Ainsi fut annoncé à Rebecca le
sort des deux fils qu'elle portait dans son sein ; de la même
manière un ange prédit à Zacharie la naissance de saint
Jean-Baptiste.
Cette consolante
prédiction avait soulagé le cœur d'Amelberge. Elle s'éveilla
brusquement, élevant les mains vers le ciel, et remerciant Dieu du
bienfait qu'elle venait d'en recevoir. Elle avait mis sa confiance
dans le Seigneur, aussi la naissance de l'enfant fut très-heureuse.
La petite fille fut tenue sur les fonts baptismaux par sainte
Gertrude qui prit soin de son éducation à Nivelles. Sous cette
vertueuse institutrice, ses progrès dans la vertu furent sensibles
d'une année à l'autre.
Elle resta chez
sainte Gertrude jusqu'à la mort de cette seconde mère, arrivée en
664. Alors sainte Gudule retourna dans la maison de son père, où
Dieu lui fit la grâce de continuer dans la résolution de consacrer
sa virginité à Jésus-Christ, et d'y mener une vie retirée et
innocente dans les exercices de la piété, dont elle avait pris les
leçons à Nivelles. Elle fit bientôt l'admiration des personnes qui
la connaissaient. Tous les jours avant le lever de l'aurore elle se
rendait à l'église de Saint-Sauveur à Moorsel, distante de deux
milles du château de son père ; elle n'était accompagnée que d'une
seule servante qui portait une lanterne. On rapporte, à l'une de ces
pieuses excursions, une faveur qu'elle reçut du ciel, et dont on a
conservé le souvenir. Un jour, il faisait profondément obscur, la
lanterne s'éteignit. Dans l'impossibilité de diriger sa marche, la
Sainte eut recours à la prière, et la bougie, dit-on, brilla tout à
coup d'une lumière miraculeuse.
Après de longs et
pénibles combats, dans lesquels la Sainte triompha de toutes les
ruses que l'enfer mit en usage contre elle, la réputation de ses
vertus se répandit dans toute sa patrie.
Il se fit par son
intercession plusieurs grands miracles et d'étonnantes guérisons.
Enfin elle mourut pleine de mérites, le 8 Janvier de l'année 712,
et fut enterré à Ham.
Son corps fut transporté plus tard à Moorsel, dans l'église de
Saint-Sauveur du temps de Charlemagne. Ce grand Prince, qui avait la
plus grande vénération pour sainte Gudule, y fit bâtir un couvent de
religieuses qui prit bientôt le nom de Sainte-Goule.
Charles, duc de Lorraine et dont la domination s'étendait sur le
Brabant, fit transférer les reliques de sainte Gudule dans l'église
de Saint-Géry à Bruxelles ; et l'an 1047, elles furent portées avec
beaucoup de pompe dans la belle église collégiale de Saint-Michel,
qui prit dès lors le nom de la Sainte.
L'humilité avait
pour sainte Gudule un attrait particulier, parce qu'elle regardait
cette vertu comme le fondement de la perfection évangélique. En
effet, c'est elle qui commence et achève la grande œuvre de notre
salut ; elle fait descendre le Saint Esprit dans notre âme, et la
prépare à recevoir avec l'influence d'une charité parfaite, le don
précieux de la grâce. Elle éclaire l'entendement d'une vive lumière
qui nous fait connaître de plus en plus la grandeur de Dieu et le
néant des créatures. Alors nous comprenons que le mépris et les
humiliations doivent être notre unique héritage, et nous les
souffrons, non-seulement avec patience, mais même avec joie : Notre
humiliation nous plaît et nous aimons à nous soumettre à la volonté
et à la censure des autres. Nous fuyons la louange qui s'insinue
dans la conscience comme un serpent sous les fleurs, ou comme un
invisible poison dont les effets sont d'autant plus à craindre
qu'ils agissent d'une manière incompréhensible et secrète. On
n'entendra jamais un chrétien vraiment humble parler favorablement
de ses mérites, ou imiter le langage de la modestie pour s'attirer
les respects dus à l'humilité. Toujours convaincu de son néant, il
attribue à Dieu l'honneur du bien qui est en lui.
Il ne se glorifie
jamais que dans ses souffrances ; et en même temps qu'il se plaît
dans son humiliation, il se réjouit de ce que Dieu seul est grand en
lui et dans ses créatures. Mais les personnes vraiment humbles,
sont-elles communes de nos jours ? Hélas ! La plupart de ceux qui se
disent les disciples de l'humble Jésus ne connaissent pas cette
vertu. Ils se persuadent cependant que le ciel sera leur héritage.
Quel déplorable aveuglement !
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.
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