Le bienheureux Henri Suso naquit en Souabe. Dès son jeune
âge, il entendit la voix de
Dieu
et s'ensevelit à treize ans dans un couvent de Dominicains. Les premières années
de sa vie religieuse furent caractérisées par
des hésitations continuelles dans
le service de Dieu ; le démon tourmenta son cœur par la pensée des plaisirs et
des vanités du monde, mais la grâce l'aida à triompher de tous ces pièges.
Henri Suso avait dix-huit ans quand la lumière se fit dans
son âme. Un jour, il entendit lire ces paroles de Salomon : La Sagesse est
plus éclatante que le soleil, Elle est plus belle que l'harmonie des Cieux.
Aussi je L'ai aimée dès mon enfance, je suis l'adorateur de Ses charmes.
A dater de ce jour, plus que jamais il aima la divine
Sagesse, dont le nom seul faisait éclater ses transports : « Mon cœur est jeune
et ardent, se disait-il, il est porté à l'amour ; il m'est impossible de vivre
sans aimer ; les créatures ne sauraient me plaire et ne peuvent me donner la
paix ; oui, je veux tenter fortune et gagner les bonnes grâces de cette divine
et sainte Amie, dont on raconte des choses si admirables et si sublimes ! »
Peu de Saints ont eu pour Jésus un amour plus vif et plus
tendre. Un jour, il prit un canif, et, l'amour guidant sa main, il se lacéra la
poitrine avec le tranchant, jusqu'à ce qu'il eût formé les lettres du saint nom
de Jésus sur son cœur. Alors il s'écria : « O amour unique de mon cœur et de mon
âme! Ô mon Jésus ! Voyez donc l'ardeur de ma passion pour Vous ; je Vous ai
imprimé dans ma chair, mais je voudrais aller jusqu'au centre de mon cœur ;
gravez-y Vous-même Votre saint nom avec des lettres éternelles qui ne s'effacent
jamais ! »
Rien de plus admirable que la manière dont il sanctifiait ses
actions : à table il s'imaginait être à côté de Jésus et reposer parfois sur Sa
poitrine ; il offrait sa nourriture, il présentait son verre à Jésus-Christ ; le
peu qui lui était nécessaire pour étancher sa soif, il le prenait à cinq fois,
pour honorer les cinq plaies du Sauveur ; à chaque bouchée, il s'occupait à
quelque sainte pensée. Sa vie entière fut un continuel ravissement, une
perpétuelle jubilation d'amour.
Abbé L.
Jaud, Vie des
Saints pour tous les jours de l'année,
Tours, Mame, 1950. |