Historicité des Évangiles
ROME,
Vendredi 19 janvier 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous
le commentaire de l’Évangile de ce dimanche proposé par le
père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.
Réflexion sur l’historicité des
Évangiles, par le père Cantalamessa
Méditation de l’Évangile du dimanche 21 janvier
Évangile
de Jésus Christ selon saint Luc 1, 1-4 ; 4,
14-21
Plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui
se sont accomplis parmi nous,
tels que nous les ont transmis
ceux qui, dès le début, furent les témoins oculaires et
sont devenus les serviteurs de la Parole.
C'est pourquoi j'ai décidé,
moi aussi, après m'être informé soigneusement de tout depuis les
origines, d'en écrire pour toi, cher Théophile, un exposé suivi,
afin que tu te rendes bien compte de la solidité
des enseignements que tu as reçus.
Lorsque Jésus, avec la puissance
de l'Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans
toute la région. Il enseignait dans les synagogues des Juifs,
et tout le monde faisait son éloge.
Il vint à Nazareth,
où il avait grandi. Comme il en avait l'habitude, il
entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il
se leva pour faire la lecture. On lui présenta le
livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva
le passage où il est écrit :
L'Esprit du Seigneur est
sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction.
Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer
aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront
la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année
de bienfaits accordée par le Seigneur.
Jésus referma le livre,
le rendit au servant et s'assit. Tous, dans la synagogue,
avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit
à leur dire : « Cette parole de l'Écriture, que
vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit. »
Les Évangiles sont-ils des récits historiques ?
Avant d’entamer le récit
de la vie de Jésus, l’évangéliste Luc explique les critères
qui l’ont guidé. Il affirme rapporter des faits confirmés par
des témoins oculaires, « soigneusement » vérifiés par lui-même, afin
que le lecteur puisse se rendre compte de la solidité
des enseignements contenus dans l’Évangile. Ceci nous donne l’occasion de
nous pencher sur la question de l’historicité des Évangiles. Jusqu’à
il y a quelques siècles, le sens critique n’existait pas
chez les personnes. On partait du principe que tout ce
qui était rapporté correspondait à des faits historiques. Au cours
des deux ou trois derniers siècles, est né le sens
critique qui fait qu’avant de croire à un fait du
passé on le soumet à un rigoureux examen critique pour
s’assurer de sa véracité. Cette exigence a également été appliquée
aux Évangiles.
Résumons les différentes étapes qu’ont traversé la vie et
l’enseignement de Jésus avant d’arriver jusqu’à nous.
Première étape : la
vie terrestre de Jésus. Jésus n’écrivit rien mais dans ses
prédications il utilisa des moyens communs aux cultures antiques qui
facilitaient beaucoup la mémorisation d’un texte : phrases courtes, parallélismes
et antithèses, répétitions rythmiques, images, paraboles… Pensons à des phrases
de l’Évangile comme : « Les derniers seront les premiers
et les premiers seront les derniers », « large en
effet et spacieux est le chemin qui mène à la
perdition… ; mais étroite est la porte et resserré le
chemin qui mène à la Vie » (Mt 7, 13-14).
Une
fois que l’on a entendu de telles phrases, même aujourd’hui,
on les oublie difficilement. Par conséquent, le fait que Jésus
n’ait pas lui-même écrit les Évangiles ne signifie pas que
les paroles qui y sont rapportées ne soient pas celles
qu’il a prononcées. Ne pouvant imprimer les paroles sur papier,
les hommes de l’antiquité les imprimaient dans leur esprit.
Deuxième étape
: la prédication orale des apôtres. Après la résurrection, les
apôtres commencèrent immédiatement à annoncer à tous la vie et
les paroles du Christ, en tenant compte des nécessités et
des circonstances dans lesquelles vivaient les différentes personnes qui les
écoutaient. Leur objectif n’était pas de faire de l’histoire mais
de conduire les personnes à la foi. Comprenant désormais mieux
ce que Jésus avait dit et fait, ils furent en
mesure de le transmettre aux autres en l’adaptant aux nécessités
de ceux auxquels ils s’adressaient.
Troisième étape : les Évangiles écrits.
Environ trente ans après la mort de Jésus, certains auteurs
commencèrent à mettre par écrit cette prédication qui était arrivée
jusqu’à eux de façon orale. C’est ainsi que virent le
jour les quatre Évangiles que nous connaissons. Parmi les nombreuses
choses parvenues jusqu’à eux, les évangélistes en choisirent quelques unes,
en résumèrent d’autres, en expliquèrent enfin d’autres pour les adapter
aux nécessités du moment des communautés pour lesquelles ils écrivaient.
Le besoin d’adapter les paroles de Jésus à des exigences
nouvelles et diverses a eu une influence sur l’ordre selon
lequel les faits sont racontés dans les quatre Évangiles, sur
la coloration et l’importance qu’ils revêtent, mais n’en a pas
altérer la vérité fondamentale. La précision avec laquelle ils situent
la vie du Christ dans le temps et l’espace montre
que les évangélistes avaient, autant qu’il était possible à cette
époque, une préoccupation historique et pas seulement édifiante. Un peu
plus loin, Luc nous fournit toutes les références politiques et
géographiques du début du ministère public de Jésus (cf. Lc
3, 1-2).
En conclusion, les Évangiles ne sont pas des livres
historiques au sens moderne d’un récit le plus neutre et
le plus détaché possible des faits survenus. Ils sont cependant
historiques dans la mesure où ce qu’ils transmettent reflète en
substance ce qui s’est passé. Mais l’argument le plus convainquant
en faveur de la vérité historique fondamentale des Évangiles est
l’expérience que nous faisons en nous-mêmes chaque fois que nous
sommes touchés profondément par une parole du Christ. Quelle autre
parole, ancienne ou nouvelle, a jamais eu un tel pouvoir
?
ZF07011906
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