Ignace, dit aussi Théophore,
à celle qui est bénie en grandeur dans la plénitude de Dieu le Père, prédestinée
avant les siècles à être en tout temps, pour une gloire qui ne passe pas,
inébranlablement unie et élue dans la passion véritable [du Christ], par la
volonté du Père et de Jésus-Christ notre Dieu, — à l'Église digne d'être appelée
bienheureuse, qui est à Éphèse d'Asie, salut en Jésus-Christ et dans une joie
irréprochable.
I, 1. J'ai accueilli en Dieu
votre nom bien-aimé, que vous vous êtes acquis par votre nature juste, selon la
foi et la charité dans le Christ Jésus, notre Sauveur ; " imitateurs de Dieu "
(cf. Paul, Ep 6, 1), ranimés dans le sang de Dieu (cf. Ac. 20, 28), vous avez
achevé en perfection l'oeuvre qui convient à votre nature. 2. Vous avez appris
en effet que je venais de Syrie enchaîné pour le Nom et l'espoir qui nous sont
communs, espérant avoir le bonheur, grâce à vos prières, de combattre contre les
bêtes à Rome, pour pouvoir, si j'ai ce bonheur, être un [véritable] disciple ;
et vous vous êtes empressés de [venir] me voir. 3. C'est donc bien toute votre
communauté que j'ai reçue au nom de Dieu, en Onésime, [homme] d'une indicible
charité, votre évêque selon la chair. Je souhaite que vous l'aimiez en
Jésus-Christ, et que tous vous lui soyez semblables. Béni soit celul qui vous a
fait la grâce, à vous qui en étiez dignes, d'avoir un tel évêque.
Il, 1. Pour Burrhus, mon
compagnon de service, votre diacre selon Dieu, béni en toutes choses, je
souhaite qu'il reste [près de moi] pour faire honneur à vous et à votre évêque.
Quant à Crocus, digne de Dieu et de vous, que j'ai reçu comme un exemplaire de
votre charité, il a été pour moi un réconfort en toutes choses : puisse le Père
de Jésus-Christ le réconforter lui aussi avec Onésime, et Burrhus, et Euplous et
Fronton ; en eux c'est vous tous que j'ai vus selon la charité. 2. Puissé-je
jouir de vous en tout temps, si je puis en être digne. Il convient donc de
glorifier en toutes manières Jésus-Christ, qui vous a glorifiés, afin que
rassemblés dans une même soumission, soumis à l'évêque et au presbyterium, vous
soyez sanctifiés en toutes choses.
III,1. Je ne vous donne pas
des ordres comme si j'étais quelqu'un. Car si je suis enchaîné pour le Nom, je
ne suis pas encore accompli en Jésus-Christ. Maintenant, je ne fais que
commencer à m'instruire, et je vous adresse la parole comme à mes condisciples.
C'est moi qui aurais besoin d'être oint par vous de foi, d'exhortations, de
patience, de longanimité. 2. Mais puisque la charité ne me permet pas de me
taire à votre sujet, c'est pour cela que j'ai pris les devants pour vous
exhorter à marcher d'accord avec la pensée de Dieu. Car Jésus-Christ, notre vie
inséparable, [est] la pensée du Père, comme aussi les évêques, établis jusqu'aux
extrémités [de la terre], sont dans la pensée de Jésus-Christ.
IV, 1. Aussi convient-il de
marcher d'accord avec la pensée de votre évêque, ce que d'ailleurs vous faites.
Votre presbyterium justement réputé, digne de Dieu, est accordé à l'évêque comme
les cordes à la cithare ; ainsi, dans l'accord de vos sentiments et l'harmonie
de votre charité, vous chantez Jésus-Christ. 2. Que chacun de vous aussi, vous
deveniez un choeur, afin que, dans l'harmonie de votre accord, prenant le ton de
Dieu dans l'unité, vous chantiez d'une seule voix par Jésus-Christ [un hymne] au
Père, afin qu'il vous écoute et qu'il vous reconnaisse, par vos bonnes oeuvres,
comme les membres de son Fils. Il est donc utile pour vous d'être dans une
inséparable unité, afin de participer toujours à Dieu.
V, 1. Si en effet, moi-même
j'ai en si peu de temps contracté avec votre évêque une telle intimité, qui
n'est pas humaine, mais [toute] spirituelle, combien plus je vous félicite de
lui être si profondément unis, comme l'Église l'est à Jésus-Christ, et
Jésus-Christ au Père, afin que toutes choses soient en accord dans l'unité. 2.
Que personne ne s'égare ; si quelqu'un n'est pas à l'intérieur du sanctuaire, il
se prive " du pain de Dieu " (Jn 6, 33). Car si la prière de deux [personnes]
ensemble a une telle force (cf. Mt 18, 20), combien plus celle de l'évêque et te
toute l'Église. 3. Celui qui ne vient pas à la réunion commune, celui-là déjà
fait l'orgueilleux et il s'est jugé lui-même, car il est écrit : " Dieu résiste
aux orgueilleux " (Pr 3, 34 ; cf. Jc 4, 6 ; 1 P 5, 5). Ayons donc soin de ne pas
résister à l'évêque, pour être soumis à Dieu.
VI, I. Et plus on voit
l'évêque garder le silence, plus il faut le révérer ; car celui que le maître de
maison envoie pour administrer sa maison (cf. Lc 12, 42 ; Mt 24, 25), il faut
que nous le recevions comme celui-là même qui l'a envoyé (cf. Mt 10, 40 ; Mc 1,
37 ; Lc 7, 48 ; Jn 13, 20). Donc il est clair que nous devons regarder l'évêque
comme le Seigneur lui-même. 2. D'ailleurs, Onésime lui-même loue très haut votre
bon ordre en Dieu [disant] que tous vous vivez selon la vérité, et qu'aucune
hérésie ne demeure chez vous, mais que vous n'écoutez personne qui vous parle
d'autre chose que de Jésus-Christ dans la vérité.
VII, 1. Car des hommes à la
ruse perverse ont l'habitude de porter partout le nom [de Dieu], mais agissent
autrement et de manière indigne de Dieu ; ceux-là, il vous faut les éviter comme
des bêtes sauvages. Ce sont des chiens enragés, qui mordent sournoisement. Il
faut vous en garder, car leurs morsures sont difficiles à guérir. 2. Il n'y a
qu'un seul médecin, charnel et spirituel, engendré et inengendré, venu en chair,
Dieu, en la mort vie véritable, [né] de Marie et [né] de Dieu, d'abord passible
et maintenant impassible, Jésus-Christ notre Seigneur.
VIII, 1. Que personne donc
ne vous trompe, comme d'ailleurs vous ne vous laissez pas tromper, étant tout
entiers à Dieu. Quand aucune querelle ne s'est abattue sur vous qui puisse vous
tourmenter, alors vraiment vous vivez selon Dieu. Je suis votre victime
expiatoire, et je m'offre en sacrifice pour votre Église, Éphésiens, qui est
renommée à travers les siècles. 2. Les charnels ne peuvent pas faire les oeuvres
spirituelles (cf. Rm 8, 5 ; 1 Co 2, 14), ni les spirituels les oeuvres
charnelles, comme la foi non plus ne peut faire les oeuvres de l'infidélité, ni
l'infidélité celles de la foi. Et celles-là même que vous faites dans la chair
sont spirituelles, car c'est en Jésus-Christ que vous faites tout.
IX, 1. J'ai appris que
certains venant de là-bas sont passés [chez vous], porteurs d'une mauvaise
doctrine, mais vous ne les avez pas laissés semer chez vous, vous bouchant les
oreilles, pour ne pas recevoir ce qu'ils sèment, [dans la pensée] que vous êtes
les pierres du temple du Père, préparés pour la construction de Dieu le Père,
élevés jusqu'en haut par la machine de Jésus-Christ, qui est la croix, vous
servant comme câble de l'Esprit-Saint ; votre foi vous tire en haut, et la
charité est le chemin qui vous élève vers Dieu. 2. Vous êtes donc aussi tous
compagnons de route, porteurs de Dieu et porteurs du temple, porteurs du Christ,
porteurs des objets sacrés, ornés en tout des préceptes de Jésus-Christ. Avec
vous, je suis dans l'allégresse, puisque j'ai été jugé digne de m'entretenir
avec vous par cette lettre et de m'en réjouir avec vous de ce que vivant d'une
vie nouvelle, vous n'aimez rien que Dieu seul.
X, 1. " Priez sans cesse "
(1 Th 5, 17) pour les autres hommes. Car il y a en eux espoir de repentir, pour
qu'ils arrivent à Dieu. Permettez-leur donc au moins par vos oeuvres d'être vos
disciples. 2. En face de leurs colères, vous, soyez doux ; de leurs vantardises,
vous, soyez humbles ; de leurs blasphèmes, vous, [montrez] vos prières ; de
leurs erreurs, vous, soyez " fermes dans la foi " (Col 1, 23) ; de leur
sauvagerie, vous, soyez paisibles, sans chercher à les imiter. 3. Soyons leurs
frères par la bonté et cherchons à être les " imitateurs du Seigneur " (1 Th 1,
6) : — qui davantage a été objet d'injustice ? qui dépouillé ? qui repoussé
? — pour qu'aucune herbe du diable ne se trouve parmi vous, mais qu'en toute
pureté et tempérance, vous demeuriez en Jésus-Christ, de chair et d'esprit.
XI, 1. Ce sont les derniers
temps (cf. 1 Jn 2, 18) ; désormais rougissons, et craignons que la longanimité
de Dieu ne tourne à notre condamnation. Ou bien craignons la colère à venir (cf.
Mt 3, 7), ou bien aimons la grâce présente : de deux choses l'une. C'est
seulement [si nous sommes] trouvés dans le Christ que nous entrerons dans la vie
véritable. 2. En dehors de lui (cf. saint Paul, Ph 3, 9) que rien n'ait valeur
pour vous, lui en qui je porte mes chaînes, perles spirituelles ; je voudrais
ressusciter avec elles, grâce à votre prière, à laquelle je voudrais toujours
participer pour être trouvé dans l'héritage des chrétiens d'Éphèse, qui ont été
toujours unis aux Apôtres, par la force de Jésus-Christ.
XII, 1. Je sais qui je suis
et à qui j'écris : moi [ je suis] un condamné ; vous, [vous avez] obtenu
miséricorde ; moi, [je suis] dans le danger ; vous, [vous êtes] affermis. Vous
êtes le chemin [par où passent] ceux qui sont conduits à la mort pour [aller à]
Dieu, initiés aux mystères avec Paul le saint, qui a reçu témoignage, et est
digne d'être appelé bienheureux. Puissé-je être trouvé sur ses traces quand
j'obtiendrai Dieu ; dans toutes ses lettres, il se souvient de vous dans le
Christ Jésus.
XIII, 1. Ayez donc soin de
vous réunir plus fréquemment pour rendre à Dieu actions de grâces et louange.
Car quand vous vous rassemblez souvent, les puissances de Satan sont abattues et
son oeuvre de ruine détruite par la concorde de votre foi. 2. Rien n'est
meilleur que la paix qui réduit à rien toute guerre [que nous font] les
[puissances] célestes et terrestres.
XIV, 1. Rien de tout cela ne
vous est caché, si vous avez parfaitement pour Jésus-Christ la foi et la
charité, qui sont le commencement et la fin de la vie : le commencement, c'est
la foi, et la fin, la charité (cf. 1 Tm 1, 5). Les deux réunies, c'est Dieu, et
tout le reste [qui conduit] à la perfection de l'homme ne fait que suivre. 2.
Nul, s'il professe la foi, ne pèche; nul, s'il possède la charité, ne hait. " On
connaît l'arbre à ses fruits " (Mt. 12, 33) : ainsi ceux qui font profession
t'être du Christ se feront reconnaître à leurs oeuvres. Car maintenant l'oeuvre
[qui nous est demandée] n'est pas [simple] profession de foi, mais d'être
trouvés jusqu'à la fin dans la pratique de la foi.
XV, 1. Mieux vaut se taire
et être que parler sans être. Il est bon d'enseigner, si celui qui parle agit.
Il n'y a donc qu'un seul maître (cf. Mt 23, 8), celui qui " a dit et tout a été
fait " (Ps 32, 9 ; 148, 5) et les choses qu'il a faites dans le silence sont
dignes de son Père. 2. Celui qui possède en vérité la parole de Jésus peut
entendre même son silence, afin d'être parfait, afin d'agir par sa parole et te
se faire connaître par son silence. Rien n'est caché au Seigneur, mais nos
secrets mêmes sont près de 1ui. 3. Faisons donc tout [dans la pensée] qu'il
habite en nous, afin que nous soyons ses temples (cf. 1 Co 3, 16 ; 6, 19), et
que lui soit en nous notre Dieu (cf. Ap 21, 3), ce qu'il est en effet, et ce
qu'il apparaîtra devant notre face si nous l'aimons justement.
XVI, 1. " Ne vous y trompez
pas ", mes frères : ceux qui corrompront les familles n'hériteront pas du
Royaume de Dieu " (1 Co 6, 9.10). 2. Si donc ceux faisaient cela ont été mis à
mort, combien plus celui qui corromprait par sa mauvaise doctrine la foi de
Dieu, pour laquelle Jésus-Christ a été crucifié ? Celui qui s'est ainsi souillé
ira au feu inextinguible et de même celui qui l'écoute.
XVII, 1. Si le Seigneur a
reçu une onction sur la tête, c'est afin d'exhaler pour son Église un parfum
d'incorruptibilité. Ne vous laissez donc pas oindre de la mauvaise odeur du
prince de ce monde (cf. Jn 12, 31 ; 14, 30), pour qu'il ne vous emmène pas en
captivité loin de la vie qui vous attend. 2. Pourquoi ne devenons-nous pas tous
sages, en recevant la connaissance de Dieu, qui est Jésus-Christ ? Pourquoi
périr follement, en méconnaissant le don que le Seigneur nous a véritablement
envoyé ?
XVIII, 1. Mon esprit est la
victime de la croix, qui est scandale pour les incroyants, mais pour nous salut
et vie éternelle (cf . 1 Co 1, 23, 25) : " Où est le sage ? où le disputeur ? "
(1 Co 1,20) où la vanité de ceux qu'on appelle savants ? 2. Car notre Dieu,
Jésus-Christ, a été porté dans le sein de Marie, selon l'économie divine, [né]
" de la race de David " (Jn 7,42 ; Rm 1,3 ; 2 Tm 2,8) et de l'Esprit-Saint. Il
est né, et a été baptisé pour purifier l'eau par sa passion.
XIX, 1. Le prince de ce
monde (Jn 12, 31 ; 14, 30) a ignoré la virginité de Marie, et son enfantement,
de même que la mort du Seigneur, trois mystères retentissants, qui furent
accomplis dans le silence de Dieu. 2. Comment donc furent-ils manifestés aux
siècles ? Un astre brilla dans le ciel plus que tous les astres, et sa lumière
était indicible, et sa nouveauté étonnait, et tous les autres astres avec le
soleil et la lune se formèrent en choeur autour de l'astre et lui projetait sa
lumière plus que tous les autres. 2. Et ils étaient troublés, se demandant d'où
venait cette nouveauté si différente d'eux-mêmes. 3. Alors était détruite toute
magie, et tout lien de malice aboli, l'ignorance était dissipée, et l'ancien
royaume ruiné, quand Dieu apparut en forme d'homme, " pour une nouveauté de
vie " éternelle (Rm 6, 4) ; ce qui avait été décidé par Dieu commençait à se
réaliser. Aussi tout était troublé, car la destruction de la mort se préparait.
XX, 1. Si Jésus-Christ m'en
rend digne grâce à vos prières, et si c'est la volonté [de Dieu], je vous
expliquerai dans le second livret que je dois vous écrire l'économie dont j'ai
commencé [à vous parler], concernant l'homme nouveau, Jésus-Christ. Elle
consiste dans la foi en lui et dans l'amour pour lui, dans sa souffrancceet sa
résurrection... 2. Surtout si le Seigneur me révèle que chacun en particulier et
tous ensemble, dans la grâce qui vient de son nom, vous vous réunissez dans une
même foi, et en Jésus-Christ " de la race de David selon la chair " (Rm 1,3),
fils de l'homme et fils de Dieu, —pour obéir à l'évêque et au presbyterium, dans
une concorde sans tiraillements, rompant un même pain qui est remède
d'immortalité, antidote pour ne pas mourir, mais pour vivre en Jésus-Christ pour
toujours.
XXI, 1. Je suis votre
rançon, pour vous et pour ceux que, pour l'honneur de Dieu, vous avez envoyés à
Smyrne, d'où je vous écris, rendant grâces au Seigneur, et aimant Polycarpe
comme je vous aime vous aussi. Souvenez-vous de moi comme Jésus-Christ [se
souvient] de vous. 2. Priez pour l'Église qui est en Syrie, d'où je suis conduit
à Rome dans les chaînes, car étant le dernier des fidèles de là-bas, j'ai été
jugé digne de servir à l'honneur de Dieu. Portez-vous bien en Dieu le Père, et
en Jésus-Christ, notre commune espérance.
|