ImmaculÉe Conception
Le Dogme

Le 8 décembre 1854 le pape Pie IX publie le texte suivant solennellement :

« Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine, qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu’ainsi elle doit être crue fermement, et constamment par tous les fidèles.

C’est pourquoi, s’il en était, ce qu’à Dieu ne plaise, qui eussent la présomption d’avoir des sentiments contraires à ce que nous venons de définir, qu’ils sachent clairement  qu’ils se condamnent eux-mêmes par leur propre jugement, qu’ils ont fait naufrage dans la foi et se sont séparés de l’unité de l’Eglise, et que de plus, par le fait même, ils encourent les peines portées par le droit s’ils osent manifester par parole, par écrit ou par quelques signes extérieurs, ce qu’ils pensent intérieurement ». (Bulle Ineffabilis Deus)

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Pie IX met donc fin solennellement et vigoureusement à une controverse qui agitait l’Eglise depuis au moins dix siècles. Controverse qui agitait tout particulièrement Paris et qui va coûter la vie à l’archevêque Mgr Sibourg assassiné à l’occasion de la fête patronale de Paris, la Sainte Geneviève, célébrée comme chaque année à l’église Saint Etienne du Mont, au cri de « à bas la déesse ! » par un prêtre (reconnu comme fou) le 3 Janvier 1857.

En effet Dun Scot, les Franciscains et la Sorbonne s’opposaient  à Saint Thomas d’Aquin, un des plus grands théologiens de l’Eglise et aux dominicains qui soutenaient que la Vierge Marie ne pouvaient pas être né sans le péché originel car tout homme est sauvé par le Christ et qu’elle ne pouvait pas faire exception et que née avant l’acte de la Rédemption elle ne pouvait donc en bénéficier. Malheureusement Saint Thomas et ses successeurs n’avaient pas compris que les mérites du Christ peuvent s’appliquer rétrospectivement  car Dieu est en dehors du temps. Il en est de même d’ailleurs pour tous ceux qui sont morts avant le Christ et qui sont néanmoins sauvés par lui c’est le sens de la descente aux enfers du Christ le Samedi Saint exposé dans cette très belle homélie ancienne et anonyme lue à l’office du matin de ce jour.

   Ainsi chaque année depuis le Moyen Age les chanoines de Paris organisaient une procession en l’honneur de la Vierge Marie afin de réparer les offenses qui lui étaient faites par le thomistes !

La foi en l’Immaculée n’était pas nouvelle mais en raison de la controverse n’avait jamais été proclamée si solennellement. Mais d’autres papes s’étaient prononcés en sa faveur.

Ainsi :

En 1617 Paul V interdit d’exprimer en public une opinion contraire à l’Immaculée Conception.

En 1622 Grégoire XV interdit d’écrire en privé une opinion contraire à l’Immaculée Conception.

Le pape Alexandre VII publie :

 Ancienne est la piété des fidèles du Christ à l’égard de la Bienheureuse Vierge Marie sa mère, qui pensent que son âme, au premier instant de sa création et de son infusion dans le corps a été par une grâce et une faveur spéciales de Dieu, en considération des mérites de Jésus-Christ son fils, Rédempteur du genre humain, pleinement préservée intacte de la tache du péché originel, et qui, dans cet esprit, honorent et célèbrent solennellement la fête de sa conception. Leur nombre s’est accru… au point que presque tous les catholiques l’ont adoptée.

   Nous renouvelons les constitutions et décrets publiés par les Pontifes romains… en faveur de la croyance tenant que l’âme de la bienheureuse Vierge Marie a été, au moment de sa création et de son infusion dans le corps, ornée de la grâce du Saint Esprit et préservée du péché originel (bref SOLLICITUDO ECCLESIARUM)

En 1708 Clément XI institue la fête de l’Immaculée Conception pour l’Eglise universelle.

La réalité du dogme a donc été admise et célébrée bien avant la promulgation du dogme officiel par Pie IX.

Source : La foi catholique GERVAIS DUMEIGE éditons de l’orante pp229 à 231.

Faisons un peu de théologie

Ce privilège de la Vierge Marie n'a été défini qu'en 1854 par le Pape Pie IX. Les théologiens protestants, et même certains théologiens de l'Église orthodoxe, y ont dénoncé par suite une nouveauté sans fondement dans l'Écriture ou l'ancienne tradition, et ils l'interprètent comme s'il fallait y voir une attribution à la Vierge d'une qualité native qui la mettrait en dehors de l'humanité fille d'Adam et la soustrairait au besoin universel de salut auquel le Christ seul pouvait répondre.

Il y a là une confusion que devrait dissiper le texte de la définition pontificale (D.B. 1641), laquelle déclare qu'il s'agit là d'une grâce singulière accordée par Dieu « dans la vision (intuitu) des mérites du Christ Jésus Sauveur du genre humain». Plus précisément encore, ce qui est défini, ce n'est pas que les parents de la Vierge, par un miracle inexplicable, n'auraient pas transmis à celle-ci la vie humaine corrompue en Adam, mais bien que, « au premier instant de sa conception », en vertu de la grâce énoncée, elle a été préservée de toute tache de la faute originelle » (ab omni originalis culpae labe praeservatam immuotem). Autrement dit, l'immaculée conception, au sens où elle a été finalement définie par l'Église, ne signifie nullement que la Vierge n'aurait pas eu besoin du même salut que nous, en tant que fils d'Adam, mais, comme le dit encore la bulle Ineffabilis Deus où se trouve cette définition, qu'elle a été sauvée, au contraire, d'une manière particulièrement admirable (sublimiori modo), en raison de sa liaison tout particulièrement étroite avec le Christ Sauveur.

Pour bien saisir ce point de la doctrine catholique et comprendre en même temps comment il peut être l'objet d'incompréhensions si persistantes, il faut rappeler en quelques mots l'histoire de l'expression immaculée conception. La certitude que Marie, en raison de son rôle unique dans l'histoire du salut, où elle était appelée à être la propre Mère du Sauveur, avait été sanctifiée d'une manière proportionnée à cette vocation apparaît dès les premiers textes chrétiens concernant la Vierge. C'est là, en particulier, le sens que l'Église a toujours reconnu au mot de l'Ange la saluant comme kekharitôménè (en latin gratia plena) dans Le., 1, 28 (voir l'article Marie).

Dès le haut moyen âge, les byzantins devaient concrétiser cette conviction de l'Église dans une fête de la Conception de Marie, où celle-ci serait saluée comme immaculée (akhrantos). L'idée en était venue évidemment des récits bibliques concernant Jérémie (ch. 1 de son livre) ou le Baptiste (Le., 1) et qui nous montrent sanctifiés dès le sein de leur mère ceux que Dieu désigne à une mission d'une particulière importance en vue de l'avènement du Messie.

Lorsque la fête en question, avec cette expression appliquée d'abord à la Vierge elle-même, se mit à se répandre largement en Occident, la question se posa bientôt du sens où il fallait l'entendre. Comme on le voit avec la lettre adressée par saint Bernard à ce propos aux chanoines de Lyon, la crainte se fit jour qu'on n'interprétât la conception de la Vierge par ses parents comme immaculée en ce sens qu'elle n'aurait pas eu besoin d'être sauvée. C'est ce qui explique qu'un peu plus tard, saint Thomas lui-même, tout en enseignant formellement la sanctification de Marie dès le sein maternel, demeure réticent à l'égard de l'expression immaculée conception. En fait, c'est le bienheureux Duns Scot qui devait le premier déclarer formellement qu'il fallait entendre l'immaculée conception non comme une exemption pour la Vierge de la transmission de la faute originelle dans la transmission même de la vie par ses parents, mais bien comme une sanctification s'opérant dès cette transmission, de sorte que la grâce du Christ la préservât de toute existence dans un état irrégénéré, si brève qu'on l'imaginât (Scriptum oxo-niense, In IV. Sent., lib. IlI, dist. 3, q. 1).

En dépit de ces précisions, et parce qu'elles ne s'étaient pas encore imposées à tous les théologiens, on verra encore les papes, jusqu'au XVe siècle, pour dissiper toute équivoque ou possibilité d'équivoque, insister sur l'emploi de l'expression « Conception de Marie immaculée » de préférence à l'expression « Immaculée conception de Marie » (voire même à l'exclusion de celle-ci). Si, finalement, ils devaient pourtant canoniser cette expression elle-même, ce ne serait, on le voit, qu'à la condition de l'entendre au sens défini plus haut, comme une réalisation en Marie du salut dont son Fils est la source, commençant dès le premier instant de sa conception. Encore faut-il bien préciser que cette définition ne signifie aucunement que Marie aurait été d'emblée portée au comble de la perfection, mais simplement qu'elle a été d'emblée préservée de toute atteinte actuelle de la faute originelle. Quant à l'objection : comment Marie a-t-elle pu bénéficier de la grâce du Christ avant que celui-ci naquît d'elle? - il faut y répondre que son cas n'est que le cas le plus éminent de toutes les grâces de l'Ancien Testament, lesquelles, au moins depuis la justification d'Abraham, étaient toutes préparatoires à la venue du Christ et données intuitu meritorum Christi.

Louis BOUYER in Dictionnaire théologique  Desclée

http://www.immaculee-conception.net/V2/ViergeMarie/index.html#dogme_immaculee_conception

 

 

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