LIVRE DEUXIÈME

CHAPITRE XXVI

OÙ L'ON TRAITE DES PAROLES INTÉRIEURES QUI SONT COMMUNIQUÉES SURNATURELLEMENT À L'ESPRIT ; ON MONTRE COMBIEN DE SORTES IL Y EN A.

Le lecteur doit toujours se rappeler l'intention et la fin que je me suis proposés en écrivant ce livre; mon but a été de diriger l'âme au milieu de toutes les connaissances naturelles et surnaturelles, de la tenir à l'abri des illusions et des difficultés dans la pureté de la foi pour parvenir à l'union divine. Il comprendra alors pourquoi, si je ne me suis pas étendu davantage sur les connaissances de l'âme et de la doctrine dont je m'occupe, et si je ne descends pas dans tous les détails et toutes les divisions que la raison peut-être exigerait, je ne suis pas cependant incomplet sur ce sujet. Car il me semble que j'ai donné sur toute cette matière assez d'avis, de lumière et d'enseignement pour que l'âme sache se conduire avec prudence dans tous les cas intérieurs et extérieurs et continuer sa marche. Telle est la cause pour laquelle j'ai traité si brièvement les connaissances prophétiques, comme je l'ai fait d'ailleurs pour d'autres. Il y aurait beaucoup plus à dire sur chacune d'elles, et si l'on devait traiter de leurs différences, de leurs modes et de la manière dont elles peuvent se produire, il me semble que l'on n'en finirait plus de les connaître. Aussi me suis-je contenté de donner ce qui, d'après moi, en constitue la doctrine et la substance, et j'y ai ajouté les précautions qu'il faut suivre alors comme dans toutes les circonstances analogues qui peuvent se présenter.

J'agirai de même en traitant du troisième genre de connaissances que j'ai appelées paroles surnaturelles et qui peuvent se produire dans l'esprit des personnes spirituelles sans le concours des sens corporels. Bien qu'elles soient nombreuses et variées, je trouve qu'elles peuvent se ramener toutes à trois catégories, qu'on appelle paroles successives, paroles formelles et paroles substantielles. Les paroles successives sont certaines paroles ou certains raisonnements que l'esprit a coutume de former et de produire en lui-même lorsqu'il est recueilli. Les paroles formelles sont certaines paroles distinctes et précises que l'esprit ne produit pas par lui-même mais reçoit d'une tierce personne, qu'il soit recueilli ou non. Les paroles substantielles sont d'autres paroles qui se produisent d'une façon précise dans l'esprit, qu'il soit recueilli ou non, et qui produisent et causent dans la substance de l'âme cette substance et vertu qu'elles signifient.

Nous allons traiter successivement de chacune de ces paroles.

CHAPITRE XXVII

OÙ L'ON TRAITE DE LA PREMIÈRE CATÉGORIE DE PAROLES QUE L'ESPRIT FORME PARFOIS AU-DEDANS DE LUI-MÊME LORSQU'IL EST RECUILLI. ON EN MONTRE LA CAUSE AINSI QUE LES AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS QUI PEUVENT EN RÉSULTER.

Ces paroles successives se produisent toujours lorsque l'esprit est recueilli et profondément plongé dans quelque considération. Lui-même discute sur la matière qui le captive, passe d'une pensée à l'autre, forme des paroles et des raisonnements très justes avec une si grande facilité et précision qu'il y découvre des choses qui lui étaient inconnues; il lui semble bien qu'il n'en est point l'auteur, mais que c'est une autre personne qui forme ces raisonnements dans son intérieur, qui répond ou qui enseigne. Et, en vérité, il a bien raison de le penser ainsi, car il raisonne avec lui-même et se répond, comme s'il se trouvait avec une autre personne, et il en est bien ainsi d'une certaine manière. Bien que ce soit le même esprit qui agisse comme instrument, l'Esprit-Saint l'aide souvent à produire et à former ces pensées, ces paroles et ces raisonnements pleins de vérités. Il se les dit donc à lui-même, comme s'il se trouvait avec une tierce personne. L'entendement est alors uni à la vérité qu'il considère et profondément recueilli. L'Esprit-Saint lui est uni par cette vérité, comme il l'est d'ailleurs à toute vérité. De là vient que l'entendement, communiquant de cette sorte avec le Saint-Esprit moyennant cette vérité, forme successivement dans son intérieur les autres vérités qui sont en rapport avec celle qu'il considérait; mais c'est l'Esprit-Saint, son maître, qui lui ouvre la porte et lui communique sa lumière. Telle est l'une des manières dont il se sert pour instruire l'âme. C'est ainsi que l'entendement éclairé et enseigné par ce maître comprend ces vérités et en même temps forme de lui-même ces paroles sur des vérités qui lui viennent d'autre part. Les paroles de la Genèse trouvent bien ici leur application: « C'est la voix de Jacob, mais ce sont les mains d'Ésaü (Gén. XXVII, 22). » L'âme qui en est là ne pourra jamais se persuader que ces mots et ces paroles ne lui viennent pas d'une tierce personne, car elle ne sait pas avec quelle facilité l'entendement peut de lui-même former des paroles sur les pensées et vérités qui lui sont communiquées par une tierce personne.

Il est certain qu'il n'y a en soi aucune illusion dans cette communication faite à l'entendement, et dans cette illustration dont il est éclairé; mais il peut y en avoir, et il y en a souvent dans les paroles formelles et les raisonnements que l'entendement forme alors. Cette lumière qui parfois lui est donnée est très subtile et très spirituelle; aussi l'entendement n'arrive-t-il pas à s'en faire une idée exacte, et c'est lui, comme nous l'avons dit, qui forme de lui-même ses raisonnements; de là vient que très souvent il en forme de faux, tandis que d'autres seront vraisemblables ou défectueux. Comme au début il a déjà commencé à saisir le fil de la vérité, et qu'aussitôt après il y ajoute de lui-même son habileté ou plutôt la grossièreté de ses basses conceptions, il peut facilement varier selon les dispositions de sa capacité, et tout cela se passe comme si une troisième personne lui parlait.

J'ai connu une personne qui formait ces paroles successives. Or, au milieu de quelques paroles très vraies et substantielles qui regardaient le Très Saint Sacrement de l'Eucharistie, il y en avait d'autres qui étaient une hérésie manifeste. Ce qui se passe de nos jours est quelque chose d'effrayant. Une âme quelconque est-elle déjà parvenue à quatre maravédis de méditation, et entend-elle quelques-unes de ces paroles intérieures au milieu de son recueillement, qu'aussitôt elle baptise le tout comme venant de Dieu; elle suppose qu'il en est ainsi, et elle répète: « Dieu m'a dit ceci. Dieu m'a répondu cela ». Or il n'en est rien; comme nous l'avons remarqué, ce sont ces âmes qui le plus souvent se parlent ainsi à elles-mêmes.

De plus, le désir que ces âmes ont de ces paroles et l'affection qu'elles y portent intérieurement les amènent à se donner à elles-mêmes ces réponses, et elles s'imaginent que c'est Dieu qui leur répond et leur parle. Aussi elles tombent dans de grandes extravagances si elles ne mettent pas un frein sérieux à ces tendances, et si leur directeur ne leur impose pas un renoncement absolu à ces sortes de discours. Elles en retireront plus de bavardage et d'impureté d'âme que d'humilité et de mortification spirituelle; elle s'imagineront que ça été là une grande faveur et que Dieu a  parlé, tandis qu'il n'y aura eu presque rien, ou rien du tout, ou même moins que rien. Car ce qui n'engendre ni humilité, ni charité, ni mortification, ni sainte simplicité, ni silence..., que peut-il être?

J'ajoute donc que ces paroles peuvent détourner beaucoup d'âmes de sa marche vers l'union divine, parce qu'elles l'éloignent beaucoup, si elle en fait cas, de l'abîme de la foi, où l'entendement doit rester dans l'obscurité, afin de s'avancer par amour dans la nuit de la foi, et non par des raisonnements nombreux.

On me dira peut-être: Pourquoi l'entendement doit-il se priver de ces vérités, puisque, comme nous l'avons dit, l'Esprit de Dieu les donne pour éclairer l'entendement, et qu'ainsi il ne peut être mauvais de s'en occuper? A cela je réponds que l'Esprit-Saint éclaire l'entendement qui est recueilli, et qu'il l'éclaire dans la mesure de ce recueillement, mais comme l'entendement ne peut trouver un autre recueillement plus parfait que celui qu'il puise dans la foi, l'Esprit-Saint ne l'éclairera jamais mieux que dans la voie de la foi. Plus une âme est pure, plus elle est appliquée à vivre de la foi avec perfection, plus aussi elle reçoit la charité infuse de Dieu; or plus elle possède la charité, plus l'Esprit-Saint l'éclaire et lui communique ses dons: de telle sorte que la charité est la cause de ses dons et le moyen par lequel il les communique.

Sans doute, il est vrai que l'Esprit-Saint donne quelque lumière dans ces illustrations qu'il communique à l'âme sur certaines vérités, mais celle de la foi est très différente, sans qu'on puisse le comprendre clairement; la qualité de cette lumière est comme l'or le plus fin par rapport au métal le plus vil, et son abondance est comme celle de la mer comparée à la goutte d'eau. Dans le premier cas l'âme reçoit la science d'une, de deux ou de trois vérités...; dans le second cas c'est la sagesse de Dieu qui lui est communiquée d'une manière générale, ou mieux, c'est le Fils de Dieu qui se communique lui-même à l'âme par la foi.

Vous me direz encore que toutes ces connaissances sont bonnes et que l'une n'empêche pas l'autre. Je réponds qu'elles sont un très grand inconvénient pour l'âme quand elle en fais quelque cas. Car elle s'occupe de choses claires et de peu d'importance, qui suffisent pour empêcher les communications qui se font dans l'abîme de la foi où Dieu l'instruit d'une manière secrète et surnaturelle, l'enrichit de vertu et de dons, sans même qu'elle puisse le comprendre.

Le fruit que ces communications successives doivent produire ne provient pas de ce que l'entendement s'y applique expressément; cette application aurait au contraire pour résultat d'éloigner ces connaissances selon cette parole de la Sagesse au livre des Cantiques: « Détournez de moi vos yeux, car ils me font prendre mon vol (Cant. VI, 4) », c'est-à-dire à aller loin de vous et à me retirer sur les hauteurs. Mais elle doit agir purement et simplement, sans forcer son entendement à considérer ce qui lui est communiqué surnaturellement, et appliquer sa  volonté à aimer Dieu. C'est par l'amour, en effet, que ces dons se communiquent; et ainsi ils se communiquent avec beaucoup plus d'abondance qu'auparavant. Mais si, quand elle reçoit passivement ces faveurs surnaturelles, l'âme fait intervenir d'une manière active l'habileté naturelle de son entendement ou de quelque autre faculté, elle montre son inaptitude et son incapacité, et forcément elle doit modifier ces connaissances à sa manière et par suite en changer la nature; il en résulte qu'elle se trompera, formera des raisonnements personnels qui n'auront point la réalité ni l'apparence du surnaturel, mais seront au contraire très naturels, très erronés et très vils.

Il y a cependant certains entendements très vifs et très subtils qui, étant recueillis dans la considération de quelque vérité, discourent naturellement avec la plus grande facilité sur des pensées, s'expriment en paroles et en raisonnements pleins de sentiments, et s'imaginent ni plus ni moins que tout cela est de Dieu; mais il n'en est rien; c'est leur entendement qui, aidé de sa lumière naturelle, et quelque peu dégagé des opérations des sens, peut, sans un secours surnaturel, produire ce résultat et de plus grands encore. Les faits de ce genre sont nombreux. Beaucoup d'âmes sont dans l'illusion sur ce point. Elles s'imaginent qu'elles sont élevées à une très haute oraison et qu'elles sont favorisées de communications intimes avec Dieu. Elles écrivent même ou font écrire ce qui se passe en elles. Et il arrive que tout cela n'est rien, qu'il n'y a pas la substance de la moindre vertu et ne sert qu'à entretenir la vaine complaisance. Que ces âmes apprennent donc à ne faire aucun cas de ces paroles successives, mais à fixer la volonté dans un amour fort et humble, à agir et à souffrir comme le Fils de Dieu durant sa vie mortelle, à se mortifier en tout. C'est là le chemin qui conduit à tous les biens spirituels, et non la multiplicité des discours intérieurs.

Il faut ajouter que le démon s'insinue souvent dans ce genre de paroles intérieures successives, surtout quand l'âme y a quelque inclination ou affection. Au moment où elle commence à se recueillir, le démon a coutume de lui offrir de nombreux sujets de digression; il présente à l'entendement, par ses suggestions, des pensées ou des paroles pour la faire tomber en la trompant très habilement avec toutes les apparences du vrai. Telle est l'une des manières par lesquelles il se communique à ceux qui ont fait avec lui quelque pacte tacite ou formel. Il agit de la sorte avec certains hérétiques, et surtout avec les hérésiarques; il remplit leur entendement de pensées et de raisons très subtiles, fausses, ayant les apparences du vrai mais erronées.

De ce que nous venons de dire il s'ensuit que ces paroles successives qui sont communiquées à l'entendement peuvent provenir de trois causes, c'est-à-dire de l'Esprit divin qui le meut et l'éclaire, ou de la lumière naturelle de l'entendement, ou enfin du démon qui peut lui parler par suggestion.

Quant à dire maintenant quels sont les signes et les marques qui nous feront connaître que ces paroles procèdent de cette cause plutôt que de telle autre, il serait assez difficile de le préciser d'une manière complète; on peut cependant indiquer des signes généraux. Ainsi, par exemple, lorsque l'âme qui reçoit ces paroles et ces pensées est portée en même temps à aimer Dieu et s'embrase pour lui d'un amour plein d'humilité et de respect, c'est un signe que l'Esprit de Dieu passe par là; car il n'accorde jamais quelques faveurs sans qu'elles soient revêtues de ce caractère. Lorsque ces paroles ne procèdent que de l'activité et de la lumière de l'entendement, c'est l'entendement seul qui produit tout ce travail, mais sans les vertus dont nous venons de parler, bien que la volonté puisse être portée d'une manière naturelle à aimer Dieu quand elle est instruite et éclairée sur la vérité. Cependant, une fois la méditation passée, la volonté reste alors dans l'aridité, sans être pour cela portée à la vanité ou au mal, à moins que le démon ne la tente de nouveau sur ce point; mais cela ne se produit pas lorsque ces paroles viennent de l'Esprit-Saint. Car alors la volonté reste ordinairement pleine d'affection pour Dieu et portée au bien. Parfois néanmoins, la volonté se trouvera dans l'aridité, quoique la communication ait eu le Saint-Esprit pour auteur, Dieu le permettant ainsi pour le plus grand bien de l'âme.

D'autres fois encore, l'âme sentira faiblement ces opérations ou ces mouvements vers ces vertus, bien que ce qu'elle a éprouvé soit bon. Voilà pourquoi, je le répète, il est quelquefois difficile de connaître la différence qu'il y a entre les unes et les autres de ces paroles, vu la diversité des effets qu'elles produisent. Toutefois les effets dont nous venons de parler sont les plus ordinaires, bien qu'ils se manifestent avec plus ou moins d'abondance.

Les communications qui viennent du démon sont parfois elles-mêmes difficiles à reconnaître. Sans doute, elles laissent ordinairement la volonté dans la sécheresse par rapport à l'amour de Dieu et inclinent l'esprit à la vanité, à l'estime et à la complaisance de soi; mais parfois aussi elles engendrent une fausse humilité, et une ferveur pleine d'affection, qui repose sur l'amour-propre, et qui n'est que difficilement comprise, à moins que la personne ne soit très spirituelle. Le démon agit de la sorte pour se dissimuler; il sait d'ailleurs très bien provoquer parfois des larmes au sujet des sentiments qu'il excite, afin d'arriver peu à peu par là à suggérer à l'âme les affections qui lui plaisent. Il ne néglige rien pour porter sans cesse la volonté à estimer ces communications intérieures, à en faire un très grand cas et à s'y attacher, afin que l'âme s'occupe non de ce qui est la vertu elle-même, mais de ce qui est une occasion de perdre celle qu'elle avait.

Il faut donc nécessairement se conduire avec prudence à l'égard de toutes ces paroles, pour n'être point trompé et ne pas s'exposer à des inquiétudes multiples. Il faut de plus n'en faire aucun cas, et ne s'appliquer qu'à une seule science, celle qui consiste à se diriger vers Dieu avec toute l'énergie de la volonté et à accomplir avec perfection sa loi et ses saints conseils. Telle est la sagesse des Saints. Contentons-nous de connaître les mystères et les vérités avec simplicité et droiture comme l'Église nous les propose. Cela suffit pour embraser le coeur du plus grand amour, sans que nous allions nous jeter dans des recherches profondes et curieuses où, à moins d'un miracle, on est exposé au danger. Aussi saint Paul nous dit à ce sujet: « Il ne nous convient pas de savoir plus qu'il ne faut (Rom. XII, 3). »

Ce que nous venons de dire suffit pour expliquer ce sujet des paroles successives.

CHAPITRE XXVIII

OÙ L'ON TRAITE DES PAROLES INTÉRIEURES QUI SE PRODUISENT FORMELLEMENT DANS L'ESPRIT D'UNE MANIÈRE SURNATURELLE. ON MONTRE LES DOMMAGES QU'ELLES PEUVENT CAUSER ET ON INDIQUE LES PRÉCAUTIONS QU'IL FAUT PRENDRE, POUR QU'ELLES NE JETTENT PAS DANS L'ERREUR.

La seconde catégorie de paroles intérieures renferme les paroles formelles. Elles se produisent parfois dans l'esprit, recueilli ou non, et par voie surnaturelle sans le concours d'aucun sens. Je les appelle formelles, parce qu'il semble formellement à l'esprit qu'elles lui sont adressées par une tierce personne, et qu'il n'y contribue en rien. Elles sont très différentes de celles dont nous venons de parler. Or cette différence vient non seulement de ce que l'esprit ne fait rien pour les produire, comme cela arrive dans les autres, mais je le répète, de ce qu'elles lui viennent parfois quand il n'est pas recueilli, et même très éloigné d'y songer; or il en est tout autrement pour les paroles de la première catégorie, ou paroles successives, qui se rapportent toujours à la vérité qu'on considère.

Ces paroles sont parfois très formelles; d'autres fois elles le sont moins; très souvent elles sont comme des pensées qui sont communiquées à l'esprit sous la forme d'une réponse ou autrement, comme si on lui parlait; quelquefois ce n'est qu'un mot, d'autres fois il y en a deux ou davantage; ou encore ce sont des paroles successives comme les précédentes, car elles ont coutume de durer, elles instruisent l'âme et discutent avec elle, sans que l'esprit y prenne part, et tout se passe comme si une personne s'entretenait avec une autre. Nous en avons un exemple dans Daniel qui nous dit, que « l'Ange parlait en lui (Dan. IX, 22). » C'était là un langage formel et successif qui avait la forme d'un raisonnement et qui instruisait Daniel, car l'Ange lui avait dit aussi qu'il était venu là pour l'instruire.

Ces paroles, quand elles ne sont que formelles, produisent peu d'effet dans l'âme; car ordinairement elles n'ont d'autre but que de lui donner un enseignement ou de l'éclairer sur quelque point; aussi, pour produire ce résultat, il n'est pas nécessaire que leur efficacité dépasse le but auquel elles sont destinées. Or ce but, quand les paroles sont de Dieu, est toujours atteint dans l'âme; car elles lui confèrent la promptitude à accomplir ce qui lui est commandé et la clarté sur ce qui lui est enseigné. Sans doute elles ne lui enlèvent pas toujours la répugnance et la difficulté; au contraire; elles l'augmentent en général. Dieu le dispose ainsi pour que l'âme s'instruise davantage et grandisse dans l'humilité, en un mot il agit pour son bien. Dieu lui laisse ordinairement cette répugnance quand il lui commande des actes qui ont de l'éclat ou peuvent l'élever à quelque dignité, tandis que pour les choses inférieures et basses il lui inspire de la facilité et de l'empressement. Ainsi nous lisons dans « l'Exode » que Dieu prescrivit à Moïse d'aller trouver Pharaon et de délivrer son peuple, mais que Moïse éprouva une très grande répugnance à obéir (Ex. III, 10). Il fallut que Dieu renouvelât trois fois son commandement et lui donnât des signes évidents de sa volonté. Et encore tout cela était insuffisant, jusqu'à ce qu'il lui donnât son frère Aaron qui devait l'accompagner et partager avec lui l'honneur de l'entreprise.

Il en arrive tout autrement lorsque les paroles et les communications viennent du démon. Il inspire de la facilité et de l'empressement pour les actions qui ont de l'éclat et de l'importance; mais il n'inspire que de la répugnance pour les choses humbles. Dieu, au contraire, cela est certain, a tant en horreur les âmes qui recherchent les dignités que, même quand il leur commande de les accepter et les leur impose, il ne veut pas qu'elles s'empressent d'obéir ou qu'elles aient le désir de commander.

Cette promptitude que Dieu inspire généralement par ces paroles formelles les différencie encore des paroles successives; celles-ci n'exercent pas une impression aussi puissante sur l'esprit, et ne suggèrent pas autant de promptitude; car les premières sont plus formelles ou plus explicites, et l'entendement y met moins du sien. Cela néanmoins n'empêche pas que certaines paroles successives produisent parfois plus d'effet, à cause de l'abondance de communication que l'Esprit divin fait à l'esprit humain; mais ce mode de communication est différent de l'autre sous beaucoup de rapports. Lorsque l'âme entend ces paroles formelles, elle ne doute pas si c'est elle qui les profère; elle voit très bien le contraire, surtout quand elle est très éloignée de songer à ce qui lui est dit; et quand même elle aurait eu quelque pensée de ce genre, elle reconnaît clairement et distinctement que ces paroles viennent d'une autre source.

Or l'âme ne doit faire aucun cas de ces paroles formelles et les traiter comme les paroles successives. Sans quoi ce serait d'abord occuper l'esprit de ce qui n'est pas le moyen légitime ni prochain de l'union avec Dieu, comme l'est la foi, et de plus ce serait s'exposer à être très facilement trompé par le démon. Il arrive parfois, en effet, que l'on a de la peine à découvrir quelles sont les paroles qui viennent du bon Esprit, et quelles sont celles qui viennent de l'esprit mauvais. Comme ces paroles formelles, je le répète, ne produisent pas beaucoup d'effet, on peut à peine les distinguer, d'autant plus que celles du démon sont parfois plus efficaces chez les âmes imparfaites que celles du bon esprit chez les personnes spirituelles. Mais qu'elles soient du bon ou du mauvais esprit, il n'y a pas à se presser d'exécuter ce qu'elles disent, ni à en faire cas. Néanmoins, on doit les exposer à un confesseur expérimenté, ou à une personne prudente et entendue pour qu'elle donne son avis et voie la conduite à tenir; et l'âme, d'après son conseil, se tiendra dans l'abnégation et le renoncement complet par rapport à ces paroles.

Si l'on ne trouve pas cette personne expérimentée, il est préférable de prendre ce que les paroles ont de substantiel et de sûr, sans d'ailleurs en faire cas, et de n'en parler à qui que ce soit. Car on pourrait très facilement rencontrer certaines personnes qui causeraient la perte de l'âme plutôt que son bien. Ce n'est pas le premier venu qui est capable de diriger les âmes; et dans une question de si haute importance, réussir ou se tromper peut avoir les plus graves conséquences.

Il faut bien remarquer, en outre, que l'âme ne doit d'elle-même rien faire ni accepter de ce que ces paroles lui disent, sans de mûres réflexions et un conseil autorisé. Car on est exposé dans cette matière à des illusions tellement subtiles et étranges que, à mon avis, l'âme qui ne sera pas ennemie de paroles de cette sorte ne pourra manquer de tomber très souvent dans des illusions plus ou moins profondes.

Comme aux chapitres XVII, XVIII, XIX et XX de ce livre, j'ai déjà parlé de ces illusions et dangers, ainsi que des précautions à prendre pour les éviter, j'y renvoie le lecteur, et je ne m'étends pas davantage ici sur ce sujet. Je dis seulement que la doctrine fondamentale sur ce sujet et la plus sûre, c'est de ne faire aucun cas de ces paroles malgré leurs apparences (L'édition du P. Gerardo suppose que le Saint a voulu dire « aunque mas BUENO parezca: quelque bonnes qu'elles paraissent »), et de nous guider en tout d'après les lumières de la raison et les enseignements que l'Église nous a donnés et nous donne chaque jour.

CHAPITRE XXIX

OÙ L'ON TRAITE DES PAROLES SUBSTANTIELLES QUI SONT COMMUNIQUÉES INTÉRIEUREMENT À L'ESPRIT. ON MONTRE LA DIFFÉRENCE QU'IL Y A ENTRE CES PAROLES ET LES PAROLES FORMELLES, LE PROFIT QU'ELLES PROCURENT, L'ABNÉGATION ET LE RESPECT OÙ L'ÂME DOIT SE TENIR A LEUR ÉGARD.

La troisième catégorie de paroles intérieures, avons-nous dit, comprend les paroles substantielles; bien qu'elles soient formelles comme les précédentes, puisqu'elles se gravent dans l'âme d'une manière très distincte, elles en diffèrent parce qu'elles produisent un effet vif et profond, ce qui n'existe pas pour les paroles qui ne sont que formelles. S'il est vrai de dire que toute parole substantielle est formelle, il ne s'ensuit pas que toute parole formelle soit substantielle, mais seulement celle-là qui, comme nous l'avons dit déjà, imprime substantiellement dans l'âme ce qu'elle signifie. Il en serait ainsi, par exemple, si Notre-Seigneur disait formellement à une âme: « Sois bonne », et qu'immédiatement elle fût essentiellement bonne. Ou encore s'il lui disait: « Aime-moi », et qu'aussitôt elle possédât et sentît en elle-même la substance de l'amour, c'est-à-dire le véritable amour de Dieu; ou encore si, la voyant en proie à une crainte excessive, il lui disait: « Ne crains pas », et qu'elle se sentît tout à coup pleine d'énergie et en paix. Car la parole de Dieu, comme dit le Sage, est pleine de puissance (Eccl. VIII. 4). Elle produit substantiellement dans l'âme ce qu'elle signifie. C'est là ce qu'indique David dans le Psaume: « Le Seigneur donnera à sa voix une vertu pleine de force (Ps. LXVII, 34). » C'est ce qu'il fit pour Abraham quand il lui dit: « Marche en ma présence et sois parfait (Ge. XVII, 1). » Et aussitôt Abraham fut parfait, et ne cessa de se tenir plein de respect sous le regard de Dieu. Telle est la puissance que Notre-Seigneur, d'après le saint Évangile, manifesta dans ses paroles; il ne disait qu'un mot et aussitôt il guérissait les malades et ressuscitait les morts. C'est de cette sorte que sont les paroles substantielles qu'il adresse à certaines âmes. Elles sont d'une telle importance et d'un si haut prix qu'elles communiquent à l'âme la vie, la vertu et un bien incomparable. Parfois même une seule de ces paroles lui procure plus de bien que tout ce qu'elle a pu acquérir de méritoire dans toute sa vie.

Lorsque l'âme entend une parole de ce genre, elle n'a rien à faire par elle-même, ni à désirer, ni à refuser, ni à rejeter, ni à craindre. Elle n'a pas à se préoccuper d'accomplir ce qu'elles signifient. Car Dieu n'adresse jamais à l'âme ces paroles substantielles pour qu'elle les mette en oeuvre, mais pour les réaliser lui-même dans cette âme; et c'est là ce qui les différencie des paroles formelles et des paroles successives. Je dis que l'âme n'a pas à vouloir ou non ici, car son consentement n'est pas nécessaire pour que Dieu agisse, comme sa résistance ne suffirait pas à empêcher l'effet que Dieu produit. Mais elle doit se résigner et se tenir dans l'humilité.

L'âme n'a pas à rejeter ces faveurs, car leur effet est déjà substantiellement gravé en elle, et il est enrichi de biens divins; car elle le reçoit passivement, et n'y contribue en rien. Elle n'a pas non plus à craindre quelque illusion. Car ni l'entendement ni le démon ne peuvent intervenir ici; ce malin esprit n'arrivera jamais à produire passivement dans une âme quelconque un effet substantiel de manière à graver en elle l'effet habituel de sa parole. J'excepte le cas où elle se serait donnée à lui par un pacte volontaire et où la possédant en maître, il y imprimerait non des effets de bien mais des effets pleins de malice. Dès lors que cette âme lui est unie par une perversité volontaire, il est très facile au démon d'imprimer en elle les effets des paroles pleines de perversité. L'expérience nous montre encore qu'il agit même sur les âmes bonnes par des suggestions nombreuses et puissantes et produit en elles d'étranges effets; mais quand les âmes sont mauvaises, il est capable de consommer le mal en elles.

Quant à imprimer dans l'âme par ses paroles des effets qui soient assimilés à ces bons effets dont nous avons parlé, il en est incapable. Car il n'y a pas de comparaison possible entre ses paroles et celles de Dieu; toutes ne sont rien à côté de celles de Dieu, et leur effet n'est rien à côté de l'effet produit par celles de Dieu. Voilà pourquoi Dieu nous dit par Jérémie « Quelle comparaison y a-t-il entre la paille et le blé? Est-ce que mes paroles ne sont pas comme le feu, ou comme le marteau qui brise les pierres? (Jer. XXIII, 28-29) »

Ces paroles substantielles servent donc beaucoup à l'union de l'âme avec Dieu. Plus elles sont intérieures et plus elles sont substantielles, et par suite plus elles apportent de bien. Heureuse l'âme à qui Dieu les adresse! « Parlez, Seigneur, parce que votre serviteur écoute (Rois, III, 10) ».

CHAPITRE XXX

OÙ L'ON TRAITE DES CONNAISSANCES QUE L'ENTENDEMENT REÇOIT PAR VOIE SURNATURELLE; ON EN EXPLORE LA CAUSE, AINSI QUE L'ATTITUDE QUE L'ÂME DOIT TENIR POUR NE PAS Y TROUVER UN OBSTACLE A SON UNION AVEC DIEU.

Il nous faut traiter maintenant de la quatrième et dernière catégorie des connaissances intellectuelles. Ces connaissances, avons-nous dit, peuvent être communiquées à l'entendement par les sentiments spirituels qui se manifestent très souvent d'une manière surnaturelle à l'homme intérieur. Nous les classons parmi les connaissances distinctes de celles de l'entendement.

Ces sentiments spirituels distincts peuvent être de deux sortes. La première comprend les sentiments qui résident dans l'affection de la volonté; la seconde, les sentiments qui résident dans la substance de l'âme (Les éditions antérieures disaient: « La seconde comprend les sentiments qui, tout en étant dans la volonté, sont si intenses, si élevés, si profonds et si intérieurs, qu'ils semblent ne pas la toucher, mais se produire dans la substance même de l'âme ». Cette phrase est ajoutée, comme le prouve l'autorité des manuscrits et ce qu'ils disent immédiatement, ce qui d'ailleurs sera répété un peu plus loin. Édition P. Gerardo). L'une et l'autre peuvent renfermer une grande variété.

Les premiers sentiments, quand ils viennent de Dieu, sont très élevés; mais les seconds, qui résident dans la substance de l'âme, les surpassent et produisent les plus grands biens et les plus grands avantages. Ni l'âme ni son guide ne peuvent savoir ni comprendre la cause d'où elles procèdent, ni par quelles voies ni pour quelles oeuvres Dieu accorde de pareilles faveurs; car elles ne dépendent nullement des oeuvres que l'âme accomplit, ni des considérations qu'elle fait, bien que ces oeuvres et ces considérations soient de bonnes dispositions pour les recevoir. Dieu les donne à qui il veut, comme il veut et pour le but qu'il veut. Une personne aura pratiqué beaucoup de bonnes oeuvres, et Dieu ne lui donnera pas de ces touches; une autre aura fait beaucoup moins, et elle recevra des touches très élevées et en très grande abondance. Il n'est donc pas nécessaire que l'âme soit actuellement occupée de choses spirituelles pour que Dieu lui donne de ces touches qui provoquent les sentiments dont nous parlons; cependant, si elle en était occupée, elle serait bien mieux préparée à recevoir ces faveurs. Mais le plus souvent ces faveurs lui sont accordées au moment où elle y pense le moins.

Or parmi ces touches divines, il y en a qui sont bien caractérisées mais qui passent promptement, et il y en a d'autres qui ne sont pas aussi distinctes et qui durent plus longtemps.

Ces sentiments, tels que nous les comprenons ici, n'appartiennent pas seulement à l'entendement, mais à la volonté. Aussi mon intention n'est pas d'en traiter maintenant d'une façon expresse. Je me réserve de le faire lorsque dans le troisième Livre je traiterai de la nuit de la volonté et de la purification qu'elle doit apporter dans ses affections. Mais comme bien souvent,  et même la plupart du temps, ils procurent à l'entendement une connaissance, une notice ou une lumière, il convient d'en faire mention ici sous ce rapport seulement.

Nous devons donc savoir que de tous ces sentiments, aussi bien ceux de la volonté que ceux de la substance de l'âme, bien qu'ils soient durables et successifs, rejaillit, je le répète, sur l'entendement une impression de connaissance et de lumière. Cette impression est ordinairement une touche très élevée de Dieu et pleine de suavité pour l'entendement; on  ne saurait l'exprimer, non plus que le sentiment qui en et la source. Ces connaissances sont tantôt d'une sorte, tantôt d'une autre; elles sont parfois plus élevées et plus claires, parfois elles le sont moins; cela dépend des touches de Dieu, qui causent les sentiments d'où elles procèdent et de la qualité de ces sentiments.

Il n'est pas nécessaire ici de multiplier les paroles pour donner un avis et pour porter, au milieu de ces connaissances, l'entendement à se tenir dans la foi s'il veut parvenir à l'union avec Dieu. Car dès lors que les sentiments dont nous avons parlé se produisent d'une manière passive dans l'âme, sans qu'elle contribue en rien pour les recevoir, de même les connaissances qui en résultent sont reçues passivement dans l'entendement que les philosophes appellent intellect passible, sans qu'il fasse rien personnellement dans ce but. Aussi afin d'éviter toute erreur qui proviendrait de son intervention et serait un obstacle à ces faveurs, il ne doit y rien faire, garder une attitude passive, et ne pas y intervenir par ses aptitudes naturelles. Car, comme nous l'avons dit en traitant des paroles successives, l'entendement pourrait très facilement, avec son activité, troubler et dissiper ces connaissances si délicates qui sont des lumières surnaturelles pleines de délices, que par sa nature il ne peut comprendre, mais qu'il peut seulement recevoir. Voilà pourquoi il ne doit pas chercher à se les procurer, ni avoir même le désir de les recevoir. De la sorte, il n'en formera pas d'autres qui seraient de son propre fond; de plus, il ne s'exposera pas à ce que le démon vienne à son tour lui suggérer d'autres connaissances et formes; car le démon s'entend très bien à en former par l'influence des sens corporels, lorsque l'âme les recherche par l'intermédiaire des sentiments dont nous avons parlé.

L'âme doit donc se tenir dans le détachement et l'humilité et garder une attitude passive; c'est passivement qu'elle reçoit de Dieu ces faveurs. Dieu les lui communique quand il le juge bon, dès lors qu'il la trouve humble et détachée de tout. Si elle agit de la sorte, elle ne mettra pas obstacle aux avantages que ces connaissances procurent pour l'union divine et qui sont très grands, car toutes ces connaissances sont des touches de l'union divine qui s'accomplit d'une manière passive dans l'âme.

(Toutes les éditions antérieures à celles de P. Gerardo,  1912 plaçaient ici un long paragraphe qui ne se trouve pas dans les principaux manuscrits. Nous le donnons cependant en note. Le P. Silverio attribue ce paragraphe au P. Jérôme de Saint-Joseph.

« Nous avons parlé, dans ce livre, du renoncement absolu et de la contemplation passive; nous avons montré que l'âme doit se laisser conduire par Dieu dans l'oubli de tout le créé et le détachement de toute image ou figure, s'arrêter avec une vue simple sur la vérité suprême. Or toute cette doctrine s'applique non seulement à cet acte de contemplation très parfaite dont la quiétude sublime et complètement surnaturelle est empêchée encore par les filles de Jérusalem, c'est-à-dire par les pieux discours et les méditations, si on voulait en user alors, mais aussi à tout le temps durant lequel Notre-Seigneur communique à l'âme cette attention simple, générale et pleine d'amour dont nous avons parlé, ou durant lequel l'âme, aidée de la grâce, s'y applique elle-même. Car alors elle doit toujours veiller à garder le calme de l'esprit, sans s'occuper d'autres formes, images ou connaissances particulières, à moins que ce ne soit d'une manière tout à fait transitoire, et sans les rechercher, positivement, et qu'on y porte un amour suave dans le but de s'embraser de plus en plus de charité. Mais, en dehors de cet état, l'âme doit, dans tous ses exercices, tous ses actes et toutes ses oeuvres, s'aider de pieux souvenirs et de saintes méditations, qui soient de nature à augmenter sa dévotion et à procurer son avancement, et surtout considérer la vie, la Passion et la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin d'y conformer ses actions, ses exercices et sa vie. »)

Terminons là ce traité des connaissances surnaturelles de l'entendement et de la manière dont il doit les considérer pour marcher par le chemin de la foi à l'union divine. Il me semble en avoir dit assez pour que l'âme, quelles que soient les connaissances qui lui adviennent, trouve la doctrine et les précautions qui lui sont nécessaires dans l'enseignement que nous avons donné sur les diverses sortes de connaissances. Et supposé le cas qui ne paraîtrait pas compris dans l'une des quatre catégories dont il a été parlé, il me semble néanmoins qu'il n'y en a pas un seul que l'on ne puisse ramener à l'une d'elles. On pourra donc trouver la lumière et les conseils dans ce qui a été exposé pour des circonstances semblables. Cela dit, nous allons passer au troisième Livre, où, avec l'aide de Dieu, nous parlerons de la purification spirituelle intérieure de la volonté, par rapport à ses affections intérieures, que nous appelons ici la nuit active (Les anciennes éditions ajoutaient ici le paragraphe suivant: « Je vous prie donc, sage lecteur, de me prêter une attention bienveillante et soutenue. Car sans cette condition tout enseignement, si élevé et si parfait qu'il soit, ne procurerait pas le profit qu'il contient, et on n'en aurait pas l'estime qu'il mérite; à plus forte raison en serait-il de la sorte, à cause de mon style qui est si souvent fort défectueux. »).

    

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