NOTE
IMPORTANTE :
Les
pages qui vont suivre — dont l’auteur est le Père Jésuite H.
Monier-Vinard — sont l’Introduction du livre “Un appel à l’Amour
– Le Message du Cœur de Jésus au Monde”, ouvrage élaboré à
partir des notes de Josefa Menéndez, religieuse coadjutrice de la
société du Sacré-Cœur de Jésus, fondée par Madeleine-Sophie Barrat.
Ce livre est publié par l’Œuvre du Sacré-Cœur, 9 rue des Feuillants
- 86000 Poitiers.
* ** * * *
Le 29 décembre 1923,
mourait saintement, à trente‑trois ans, dans la maison des feuillants, à
Poitiers, Sœur Josefa Menéndez. Humble Sœur coadjutrice de la Société
du Sacré‑Cœur, n'ayant vécu que quatre ans dans la vie religieuse et
très obscurément, elle était de celles dont le monde devait continuer à
ignorer le nom et dont le souvenir, même chez ses sœurs en religion,
devait rapidement s'effacer. Et voici, au contraire, que, vingt ans à
peine après sa mort, le monde entier s'occupe d'elle. Du fond de
l'Amérique, de l'Afrique, de l'Asie, de l'Océanie, on l'invoque avec
ferveur, on écoute avec recueillement et respect le message qu'elle a
été chargée par le cœur de Jésus de transmettre aux hommes.
En 1938, sous le titre Un
appel à l'Amour, paraissait à l'apostolat de la prière, à Toulouse, la
substance de ce Message. Le cardinal Eugenio Pacelli, devenu Pape sous
le nom de Pie XII, avait bien voulu, dans une Lettre-Préface, en
recommander à tous la lecture. Cinq ans après, c'est une biographie
complète qu'on réclame et avec instances. On veut connaître dans tous
ses détails une vie si riche et si cachée, où la pauvreté même du cadre
humain fait si vivement ressortir la splendeur de l’Action divine.
Cette seconde édition, très
complète, répond à ces justes désirs. Rédigée d'après les notes mêmes de
Sœur Josefa, écrites au jour le jour par obéissance, notes que
confirment les souvenirs très précis des témoins de sa vie, la
Supérieure et l'Assistante de la maison de Poitiers, et le R. P. Boyer,
0. P., son directeur, elle offre toute garantie.
On l'ouvrira avec une
curiosité ardente, on la lira avec émotion et admiration, on la fermera
avec la volonté énergique de devenir meilleur et d'aimer enfin un Dieu
qui manifeste un si grand amour pour sa créature.
Car tout y parle de la
merveilleuse providence d'amour que Dieu exerce sur l'homme. L'Écriture
Sainte nous le représente, dans les psaumes, suivant avec une vigilance
toujours en éveil les fils des hommes, scrutant attentivement leurs
actions et répondant à leurs moindres gestes de prière. Penché avec
amour sur ses fils révoltés, dès le début Il leur parle par la voix de
ses prodiges et de ses prophètes, jusqu'au jour où, s'incarnant Lui‑même
et prenant une Humanité dans le sein de la Vierge Marie, Il vient dire
aux hommes, en langage humain, le grand amour qui remplit son Cœur.
Et Jésus, Verbe Incarné, a
transmis aux hommes dans son intégralité le Message qu'Il avait Lui-même
reçu du Père : Omnia quoecumque audivi a Patre meo, nota feci vobis.
Il n'y a rien à ajouter à ce qu'a dit Jésus-Christ et, à la mort de
saint Jean, le dernier apôtre, la révélation divine est close et
scellée. On ne fera au cours des siècles, qu'expliciter son contenu.
Mais il est d'une insondable richesse. Il est si riche et les hommes, au
point de vue religieux, sont généralement si inattentifs et
superficiels, qu'ils ne savent lire à fond un Évangile qui a besoin
d'être pénétré. Aussi, comme jadis, dans l'Ancienne Loi, Dieu envoyait
des prophètes pour raviver la foi et l'espérance de son peuple, ainsi le
Christ suscite de temps à autre des âmes auxquelles Il confie la mission
d'expliquer aux hommes ses Paroles authentiques, d'en révéler la
profondeur et le sens caché.
Jadis, au matin de Pâques,
c'est Marie-Madeleine qu'Il charge de porter aux apôtres la nouvelle de
sa glorieuse Résurrection, et depuis, dans la suite des temps, c'est
souvent aussi à d'humbles et pauvres femmes qu'Il demandera de
transmettre au monde ses plus importantes Volontés.
Pour ne citer que les
principales, par sainte Julienne de Montcornillon. Il fit instituer dans
l'Église la Fête-Dieu et renouvela la dévotion au Saint Sacrement. Par
sainte Marguerite-Marie, Il fit prendre un nouvel essor à la dévotion au
Sacré Cœur, en lui donnant un sens nouveau et une portée nouvelle. Par
sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, Il redit au monde, qui semblait
l'avoir oublié, le mérite et la valeur de l'état d'enfance spirituelle.
Ainsi en agit‑il avec
Sœur
Josefa.
Les trois premières ont
reçu de l'Église, par leur canonisation, comme une reconnaissance
officielle de leur mission. Sœur Josefa n'a pas encore cet honneur,
mais en attendant d'être leur sœur de gloire, elle est bien leur sœur
de grâce et Dieu s'est plu à accréditer son témoignage. Lui qui traite
ses créatures humaines avec un souverain respect, cum magna
reverentia disponis nos (Sa., 12, 18), se doit de mettre son signe
sur ceux qu'Il envoie : il faut qu'on puisse les reconnaître comme ses
porte-parole. Ses voies, ne sont pas nos voies, ni ses Pensées nos
pensées. Pour mieux montrer que tout vient de Lui seul, Il choisit des
instruments débiles qui paraissent humainement inaptes à l'œuvre qu'Il
projette. Il fait éclater sa Force dans leur faiblesse « Il n'a cherché,
dit saint Paul, pour établir son Église, ni les savants, ni les grands
du monde. » On aurait pu attribuer à leur talent ou à leur prestige la
rapide diffusion du christianisme... Il choisit des ignorants, des
pauvres, faisant partie du petit peuple et Il en fait ses vases
d'élection.
Et pour que la grandeur de
leur mission ne les éblouisse pas et ne les induise pas en tentation
d'orgueil, Il se plaît à les mettre sans cesse en face de leur néant, de
leur misère native et de leur faiblesse.
Dans les âmes vraiment
humbles seulement, ses Dons sont en sécurité.
Telle est la voie
providentielle : c'est sur le rien que Dieu pose sa Gloire.
« Si J'avais pu trouver une
plus misérable que toi, dit-Il à sainte Marguerite-Marie, c'est elle que
J'aurais choisie.... »
Sœur Josefa entendra
souvent les mêmes paroles :
— « Si J'avais pu
rencontrer une créature plus misérable, c'est sur elle que J'aurais fixé
le regard de mon Amour et, par elle, que J'aurais manifesté les désirs
de mon Cœur. Mais comme Je ne l'ai pas trouvée, c'est toi que J'ai
choisie. » .
Et, peu après, Il
ajoutera :
— « Quant à toi, Je t'ai
choisie comme un être inutile et dépourvu de tout, afin que ce soit bien
Moi, Celui qui parle, Celui qui demande, Celui qui agit. » .
Rien ne semblait désigner
Josefa pour une pareille mission. Les délais qui s'étaient imposés à la
réalisation de sa vocation et qui eussent pu faire douter à priori de sa
force d'âme, l'humble rang qu'elle occupait dans son Institut, sa
situation de simple novice, l'effacement où la tenait, avec son amour
pour la vie cachée, la difficulté qu'elle eut toujours à s'exprimer en
français paraissaient plutôt d'insurmontables obstacles .
Mais c'est là précisément
le signe divin: cette humble petite novice, que l'extrême sensibilité de
son cœur rendait si fragile dans la lutte, se montrera d'une invincible
force. Dans l'éblouissement des révélations divines, elle se réfugiera
dans son néant. Plus Dieu s'approche d'elle, plus on la voit s'abaisser.
Malgré l'évidence de l'action de Dieu, elle craint toujours d'être
trompée et de tromper les autres. Ses Supérieures n'auront pas d'enfant
plus souple, plus docile, plus respectueuse de leur autorité, plus
désireuse de leur contrôle, plus prête à se sacrifier.
Dans sa piété, comme dans
sa manière d'être et d'agir, rien n'est exagéré, tout est simple et
vrai. Son tempérament est parfaitement sain. Elle a le sens de la mesure
et de l'ordre. Le divin, qu'elle porte en elle, et dont elle sent tout
le poids, à certaines heures surtout, les inexprimables tourments qui en
résultent, ne détruisent point son équilibre intérieur. Et c'est tout
cet ensemble, comme aussi l'endurance surhumaine avec laquelle elle
supporte des épreuves et des souffrances dépassant de beaucoup les
limites de ses pauvres forces, qui seront, pour ses Supérieurs. Le
meilleur garant de l'Action divine.
« Le signe, Je le donnerai
en toi », avait dit Notre-Seigneur à Josefa. Défiants et réservés
d'abord, son Directeur et ses Supérieures durent, enfin, se rendre à
l'évidence et croire à sa mission.
LA
MISSION DE JOSEFA
C'est peu à peu que
Notre‑Seigneur la lui dévoile.
À plusieurs reprises, Il
lui avait déjà dit qu'Il voulait se servir d'elle « pour réaliser ses
Desseins »
et « pour sauver beaucoup d'âmes qui lui ont coûté si cher » .
Le 24 février 1921, le soir
à l'Heure-Sainte, l'Appel est renouvelé de façon plus explicite :
— « Le monde ne connaît pas
la Miséricorde de mon Cœur ‑ dit Notre-Seigneur à Josefa. ‑ Je veux Me
servir de toi pour la faire connaître.... Je te veux apôtre de ma Bonté
et de ma Miséricorde. Je t'enseignerai ce que cela signifie,
oublie-toi. »
Et comme Josefa Lui exprime
ses craintes :
— « Aime et ne crains rien.
Je veux ce que tu ne veux pas, mais je peux ce que tu ne pourras pas. Il
ne t'appartient pas de choisir, mais de t'abandonner. »
Quelques mois plus tard, le
lundi 11 juin 1921, peu de jours après la fête du Sacré Cœur, où elle
reçut de nombreuses grâces, Notre-Seigneur lui dit :
— « Rappelle‑toi mes
Paroles et crois en elles. L'unique désir de mon Cœur est de
t'emprisonner en Lui, de te posséder dans mon Amour, puis de faire de
ta petitesse et de ta fragilité, un canal de miséricorde pour beaucoup
d'âmes qui se sauveront par ton moyen .
Plus tard, Je te découvrirai les secrets brûlants de mon Cœur et ils
serviront au bien d'un grand nombre d'âmes. Je désire que tu écrives et
que tu gardes tout ce que je te dirai. Tout se lira quand tu seras au
ciel. Ce ne sont pas tes mérites qui M'inclinent à Me servir de toi ;
mais je veux que les âmes voient comment ma Puissance se sert
d'instruments pauvres et misérables. »
Et comme Josefa Lui demande
si elle doit dire même cela à sa Supérieure, Il répond :
— « Écris-le, et on le lira
après ta mort. »
Ainsi le Dessein de Dieu se
précise : Il choisit Josefa à la fois comme victime pour les âmes et, en
particulier, pour les âmes consacrées, et comme annonciatrice d'un
Message de Miséricorde et d'Amour qu'il adresse au monde.
Sa mission est double :
Elle doit être Victime et Messagère, et ces deux missions sont en
étroite connexion l'une avec l'autre. C'est parce qu'elle est victime
qu'elle est messagère et c'est parce qu'elle est messagère qu'il la faut
victime.
LA
VICTIME.
Une victime est
essentiellement une immolée et, généralement, une expiatrice.
Bien qu'on puisse en
stricte rigueur s'offrir en victime pour donner à Dieu joie et gloire
par ses sacrifices volontaires, la plupart du temps Dieu n'engage dans
cette voie que des âmes auxquelles Il confie une mission médiatrice :
elles doivent souffrir et expier pour d'autres à qui profitera leur
immolation s'attirant sur eux des grâces de miséricorde, soit en
couvrant leurs péchés aux yeux de la divine Justice. Il va de soi qu'on
ne saurait de soi‑même s'ingérer dans un pareil rôle. Pour s'interposer
ainsi entre Dieu et sa créature, il faut l'agrément divin. Quelle valeur
aurait l'intercession de quelqu'un que Dieu se refuserait à écouter ?
Déjà, dans l'Ancien
Testament, on ne pouvait offrir à Dieu n'importe quelles victimes. Pour
être agréées de Lui, il les fallait de telle ou telle espèce nettement
désignée ; il les fallait sans tache ni défaut, dans leur jeune force ;
il les fallait surtout offertes par un prêtre selon le rite prescrit et
ce rite même, rigoureusement exigé et observé, signifiait les sentiments
qui devaient animer tant le prêtre qui immolait, que celui qui donnait
la victime.
Dans le Nouveau Testament,
où le nouveau sacrifice a remplacé les anciens, Jésus-Christ est
l'unique Médiateur, l'unique Prêtre, l'unique Victime et son Sacrifice a
une valeur non plus seulement représentative, mais réelle et infinie.
Si donc Notre-Seigneur veut
s'associer d'autres victimes, elles devront, pour entrer dans son
Sacrifice, ne faire qu'un avec Lui, participer à ses sentiments et, dès
lors, ne peuvent être que des personnes humaines, douées d'intelligence
et de volonté.
Ces personnes, Il les
choisit Lui-même et, parce qu'elles sont libres, il requiert leur
acceptation volontaire. En la donnant, elles se mettent à sa merci. Il
en use, dès lors, avec elles, de façon souveraine.
Assimilée au Christ et
transformée en Lui, l'âme victime exprime devant le Père Céleste les
sentiments du Christ Jésus et, devant le Christ, les sentiments que
devraient avoir les hommes qu'elle représente, elle se tient en état
d'humiliation, de pénitence, d'expiation.
À cause même de son
identification avec Jésus‑Christ, elle participera de très près à sa
douloureuse Passion, elle en subira les tourments et les agonies à des
degrés divers, et de manière différente, mais généralement surhumaine.
Expiant pour des pécheurs
nettement désignés, elle subira les justes peines de leurs crimes :
maladies, épreuves de tout genre et souvent même les persécutions du
démon dont elle devient le jouet.
Ce fut le cas pour Sœur
Josefa à un degré rare.
Elle est victime de par le
désir exprès de Notre-Seigneur et le sera de façon totale, non seulement
quant à son être tout entier voué à l'immolation, mais selon toutes les
modalités que comportent les divers attributs de Dieu auxquels elle est
distinctement offerte.
Sainte Thérèse de
l'Enfant-Jésus s'est offerte comme victime à l'Amour miséricordieux ;
Marie des Vallées a été spécialisée comme victime offerte à la divine
Justice ; sainte Marguerite-Marie a été offerte à la fois à la Justice
et à la Miséricorde : il en va de même de Sœur Josefa et Notre-Seigneur
le lui détaille expressément, plus qu'Il n'avait fait pour sainte
Marguerite-Marie.
— « Je t'ai choisie comme
victime de mon Cœur. » (19 décembre 1920).
— « Tu es la victime de mon
Amour » (2 octobre 1922 et 23 novembre 1920), « de mon Amour et de ma
Miséricorde. » (30 juin 1921).
— « Je veux que tu sois la
victime de la divine Justice et le soulagement de mon Cœur. » (9
novembre 1920).
À tous ces titres elle doit
souffrir :
— « Tu souffres dans ton
âme et dans ton corps parce que tu es la victime de mon âme et de mon
Corps. Comment ne souffrirais‑tu pas dans ton cœur si Je t'ai choisie
comme victime de mon Cœur ? » (19 décembre 1920).
Comme victimes du Cœur de
Jésus, elle souffre pour consoler ce Cœur blessé par l'ingratitude des
hommes ;
Comme victime d'amour et de
miséricorde, elle souffre pour que l'Amour miséricordieux de Jésus
puisse combler de grâces les pécheurs tant aimés de Lui ;
Comme victime de la divine
Justice, elle porte le poids des réprobations divines et expie pour tant
d'âmes criminelles qui lui devront leur salut.
Sa mission la veut en état
de perpétuelle immolation. Notre-Seigneur ne le lui cache pas :
— « Aime, souffre, obéis ‑
lui dit-il ‑ ainsi je pourrai réaliser en toi mes Desseins. » (9 janvier
1921).
Et le 12 juin 1923, Il lui
confirme tout son Plan sur elle :
— « Quant à toi, tu vivras
dans l'obscurité la plus complète et la plus profonde ; mais parce que
tu es la victime choisie par Moi, tu souffriras et, abîmée dans la
souffrance, tu mourras. Ne cherche ni repos ni soulagement : tu n'en
trouveras pas, car c'est Moi qui en disposerai ainsi. Mais mon Amour te
soutiendra, Je ne te manquerai jamais. »
Mais pour la faire ainsi
souffrir, Notre‑Seigneur lui a préalablement demandé son consentement.
Bien que Maître souverain, Il s'incline devant le libre arbitre qu'Il a
laissé à sa créature.
— « Toi, veux-tu ?... »,
dit-Il à Josefa, et comme elle hésite craintive, Notre-Seigneur part, la
laissant désolée de ce départ. Et la Sainte Vierge vient lui dire :
« N'oublie pas que ton amour est libre. » (3 mars 1922).
Plusieurs fois encore,
Josefa se dérobera, Jésus alors se retire et il faudra qu'elle Le
rappelle à plusieurs reprises pour qu'enfin Il lui donne ce qu'Il ne
faisait que proposer.
La plupart du temps, elle
accepte et avec quelle générosité :
— « Je me suis offerte à
son service — dira-t-elle ‑ afin qu'Il dispose de moi comme Il voudra. »
Dieu sait, dès lors, qu'il
peut agir à sa guise et Il lui répète :
— « Je suis ton Dieu tu
M'appartiens toi tu t'es livrée ; désormais tu ne peux plus rien me
refuser. » (23 juillet 1921).
— « Si tu ne t'abandonnes
pas à ma Volonté, que veux-tu que Je fasse ? » (21 avril 1922).
Elle s'abandonne. Comme son
Maître, elle sera la victime volontairement offerte : Oblatus est
quia ipse voluit. Comme lui aussi, elle sera la victime pure.
On ne peut expier pour les
autres quand on a à expier pour soi-même. Et Dieu, depuis la naissance
de Josefa, l'a enveloppée de pureté. On ne voit dans sa vie aucune faute
vraiment consentie. Ses plus grandes infidélités, à son aveu même,
seront des lenteurs à répondre aux appels de la grâce, des hésitations
en face d'une mission qui la déconcertait, rien par conséquent qui pût
vraiment ternir le moins du monde son cœur et son âme.
Notre-Seigneur y veillait
jalousement.
— « Je te veux dans un tel
oubli de toi-même et tellement abandonnée à ma Volonté, que Je ne
permettrai pas la plus petite imperfection sans t'en avertir. » (21
février 1921).
À plusieurs reprises, quand
Il lui demande de se mettre en état de victime, Il commence par lui
conférer une grâce de purification totale :
— « Maintenant, souffre
pour Moi, Josefa, mais avant Je laisserai tomber sur ton âme la flèche
d'amour qui la purifiera, car il faut que tu sois bien pure comme
doivent l'être mes Victimes. » (17 juin 1923).
Sur cette pureté, la
souffrance qui va s'abattre ne trouvant aucune œuvre expiatrice à
accomplir, s'en ira porter sur d'autres âmes ses fruits de salut.
Comme toutes les victimes
authentiques, ses souffrances auront un double caractère :
‑ Comme victime choisie par
le Christ Lui-même pour continuer et parfaire son Œuvre rédemptrice,
Josefa devra être en union parfaite avec le Christ rédempteur et
partager sa Passion en portant les mêmes souffrances que Lui :
‑ Comme victime expiatrice
des péchés des autres, ses souffrances seront en relation avec les
péchés expiés.
a)
La participation aux souffrances du Christ.
La Passion du Christ seule
est rédemptrice. Pour être purifié de ses péchés et sauvé, il faut
nécessairement entrer en contact avec le Sang répandu de l'Agneau. Le
grand cri de Jésus mourant est une pressante invitation au genre humain
tout entier. Que tous se hâtent d'accourir aux fontaines du Sauveur d'où
découlent toutes les grâces !
Avec les âmes qui répondent
à cet appel, le contact vivificateur s'établit immédiatement. D'autres,
en grand nombre, hélas! s'en tiennent volontairement éloignées. Pour les
atteindre, le Christ se servira d'autres âmes dont Il fera les canaux de
ses Miséricordes. Branches fécondes entre toutes de la Vigne mystique,
chargées de sève par leur étroit contact avec le Cep divin, elles se
solidarisent avec les pécheurs en se constituant responsables de leurs
fautes et ainsi, ne faisant qu'un avec eux comme elles ne sont qu'un
avec le Christ, en elles et par elles se fait le contact de grâce : ce
sont les âmes victimes.
Pour bien remplir ce rôle,
il faut qu'elles soient identifiées au Christ crucifié, que leurs cœurs
battent pleinement à l'unisson du Sien, tandis que Lui, pour en faire
ses Images vivantes, incrustera au profond de leur âme, de leur cœur et
de leur corps, sa douloureuse Passion.
Dans ces âmes, Il en
renouvellera tous les Mystères : comme Lui, elles seront contredites,
persécutées, humiliées, flagellées, crucifiées et ce que les hommes ne
feraient pas, Dieu le complétera Lui‑même par des douleurs mystérieuses,
des agonies, des stigmates qui font d'elles des crucifix vivants.
On devine facilement le
pouvoir d'intercession et de médiation qu'ont auprès de Dieu de
pareilles âmes quand elles implorent la divine Miséricorde pour le salut
de leurs frères, quand, en elles et par elles, crie vers le Père ce Sang
précieux du Christ infiniment plus éloquent que celui d'Abel.
Toutefois, chez certains
saints, comme saint François d'Assise par exemple, il semble que la
Passion s'arrête à eux et qu'elle ait pour but dernier de les rendre des
copies parfaites du Crucifié. Dieu répond ainsi à leur amour. à leur
dévotion à la Passion en leur faisant partager physiquement et
moralement les douleurs de son Fils bien-aimé.
Chez les victimes
expiatrices, il y a plus encore, elles sont comme expropriées au
bénéfice des autres ; la Passion du Christ, après les avoir marquées de
son Signe, passe par elles pour accomplir dans d'autres âmes pour
lesquelles elles expient, ses Fruits de salut. Elles sont ainsi
porteuses de la grâce du Calvaire.
Ce sont les corédemptrices
au sens le plus strict du mot ; l'amour du prochain les presse, leur
mission est différente de celle des autres. Alors que Dieu se plaît pour
les autres à un amour qui reste à Le contempler et s'immobilise dans la
Gloire ainsi donnée à son infinie perfection, pour les corédemptrices,
Dieu, quand elles le contemplent, leur découvre l'immensité de son Amour
pour les âmes et sa Douleur de la perte des pécheurs. Cette vue leur
brise le cœur. Leur désir de consoler Jésus ne s'arrête pas à Lui dire
leur amour, il excite leur zèle ; il leur faut, à quelque prix que ce
soit, amener ces âmes au Christ et Lui, le Christ, attise encore ce
zèle. Il leur communique son ardent Amour pour les âmes que, dès lors,
elles aiment avec son Cœur. Cet Amour leur donne une endurance
surhumaine bien décrite par Josefa elle-même :
— « Depuis quinze à vingt
jours, mon âme a l'attrait de souffrir. Autrefois, tout me faisait peur.
Quand Jésus me disait qu'Il m'avait choisie comme victime, tout mon être
en frémissait ; maintenant, c'est le contraire. Il y a des jours où je
souffre tant que, s'Il ne me soutenait, je ne pourrais pas vivre ainsi,
car je n'ai pas un seul membre qui soit épargné !... Malgré cela, mon
âme voudrait supporter bien davantage pour Lui, quoique ce ne soit pas
sans résistance de la partie sensible. Quand je commence à éprouver ces
douleurs, je tremble et je recule instinctivement, mais dans la volonté,
il y a une force qui accepte, qui veut, qui désire souffrir plus encore,
de sorte que si à ce moment même on m'offrait de choisir, ou d'aller au
ciel, ou de continuer à souffrir, je préférerais mille fois rester ainsi
pour consoler son Cœur, bien que je me consume d'aller à Lui. Je
comprends que c'est Jésus qui a fait cette transformation... » (30 juin
1921).
Josefa a raison, cette
force ne vient pas d'elle, mais de Jésus, ou plutôt c'est la Force même
de Jésus qui vient en elle, comme Il lui communique ses Sentiments, ses
Désirs et ses Souffrances .
— « Puisque tu es prête à
souffrir ‑ lui dit-Il ‑ souffrons ensemble. » .
Et Il lui donne sa Croix :
— « Jésus vint, la Croix
sur son Épaule, et Il la mit sur la mienne. » ).
— « Je viens t'apporter ma
Croix, car je veux M'en décharger sur toi .
— « Je veux que tu sois mon
Cyrénéen, tu M'aideras à porter la croix .
— « Que ma Croix soit ta
croix. » .
Et cette croix que
d'innombrables fois Il lui met sur les épaules, elle la garde des
heures, des journées, des nuits entières.
Il lui confie sa Couronne
d'épines, qu'elle porte pendant de longues périodes, ne sachant, comme
Lui, où reposer sa tête endolorie :
— « Je te laisserai ma
Couronne.... Ne te plains pas de cette souffrance... c'est une
participation à la Mienne .
— « Ma Couronne... Moi-même
J'en ceindrai ton front. » .
Il lui fait sentir la
Blessure de son Côté :
— « Cette douleur ‑ lui dit
la Très Sainte Vierge, le 20 juin 1921 ‑ est une étincelle du Cœur de
mon Fils; quand elle se fait sentir plus fortement... c'est le signe
qu'à cette heure une âme Le blesse profondément. »
Il veut qu'elle souffre la
douleur des clous dans ses mains et dans ses pieds :
— « Je vais te donner une
nouvelle preuve d'amour : aujourd'hui, tu partageras la douleur de mes
Clous. » .
Il l'associe
étroitement aux souffrances de son âme et de
son Cœur :
— « Tous les vendredis et
surtout les premiers de chaque mois, Je te ferai participer à l'amertume
de mon Cœur et tu souffriras d'une manière spéciale les tourments de ma
passion. »
Le 1er mars
1922, Il lui apparaît, la figure ensanglantée :
— « Approche-toi ‑ lui
dit-Il ‑ repose dans ce Cœur, partage son amertume... »
« Il m'approcha de son Cœur
et mon âme fut remplie d'une telle angoisse et d'une telle amertume, que
je ne puis l'expliquer. »
Et, comme Jésus, c'est pour
les autres qu'elle souffre ainsi.
— « Je veux que tout ton
être souffre pour Me gagner des âmes » .
— « J'ai une âme qui
M'offense.... Ne crains pas si tu te sens désemparée, car Je te ferai
partager l'angoisse de mon Cœur » .
— « Garde ma Croix jusqu'à
ce que cette âme connaisse la vérité » .
— « Prends ma Croix, mes
Clous, ma Couronne. Moi J'irai chercher les âmes. » .
Ces quelques exemples
suffisent, ils abondent au cours de ce livre. Victime expiatrice, Josefa
partage toutes les douleurs de Jésus, elle porte incrustée dans ses
membres comme dans son cœur, l'inénarrable Passion. Elle ne fait qu'un
avec Jésus Crucifié ; ses Angoisses la torturent, ses Désirs la
consument, la même soif brûlante du salut des âmes la fait s'offrir à
toutes les réparations et expiations.
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