Saint Jean-Baptiste De La Salle
(1651-1719)

Quatrième partie

La pédagogie de Saint-Jean Baptiste De La Salle

9
Jean-Baptiste De La Salle fut-il un mystique?

 

Une étude rapide de la vie de Saint Jean-Baptiste De La salle révèle, discrètement, des périodes très douloureuses. À plusieurs reprises, totalement incompris et doutant même de lui et de sa vocation, il dut s’éloigner et même se réfugier à Mende puis à Grenoble, et enfin, pour prier et faire une retraite, dans la maison de Jean d’Yse de Saléon, chanoine de Saint-André de Grenoble, maison construite sur les ruines d’une ancienne Chartreuse, au pied de la colline de Parménie. Il semble cependant que jamais le fondateur des Écoles Chrétiennes ne se soit plaint; d’ailleurs, rien de ses souffrances intimes ou autres ne transparaît dans ses écrits.

Jean-Baptiste De La Salle fut-il un mystique? La lecture de ses Œuvres Complètes ne permet pas de le dire. Les écrits de Jean-Baptiste De La Salle, dont beaucoup ont été rédigés après son installation à Saint-Yon sont des œuvres didactiques et pédagogiques. Le style y est clair, net:  c’est celui d’un homme d’action, d’un pédagogue doublé d’un théologien convaincu qui ne s’embarrasse pas de sentiments, fussent-ils spirituels. Il y a des enfants pauvres qu’il faut instruire et des âmes à sauver: cela suffit. D’ailleurs il n’a guère de temps pour les grands élans d’un cœur amoureux, et encore moins pour les écrire... Et pourtant!

Jean-Baptiste De La Salle appartient à une époque où, nous l'avons déjà dit, la spiritualité était particulièrement sévère. Plutôt que d’aimer Dieu, on le redoutait, et par-dessus tout on craignait l’enfer dans lequel on ne manquerait pas d’aller si on ne se convertissait pas radicalement, et si on ne faisait pas de dures pénitences. À part quelques rares confidences des grands saints, dont saint Jean Eudes, on ne s’attardait pas sur les élans d’amour des âmes pour leur Dieu. Et puis la pudeur ne permettait pas la révélation de telles confidences. Jean-Baptiste De La Salle est un homme d’action, un homme pudique qui ne parle pas de lui-même.

Pourtant, quand on a le cœur vraiment donné, on ne peut pas constamment cacher l’amour qui emplit son cœur... Si nous sommes un peu attentifs, si nous savons lire entre les lignes, nous découvrons, avec émerveillement, les relations intimes qui unissaient Jean-Baptiste et son Seigneur.

Nous avons vu plus haut que Jean-Baptiste De La Salle s’était rendu compte que très peu de personnes savaient se confesser. Aussi, pour les aider, composa-t-il de longues instructions sur la manière de préparer sa confession, de connaître ses péchés et de les accuser, etc... Dossier redoutable dans sa rigoureuse précision, sa clarté sans faille. Mais découvrir, puis avouer ses péchés, c’est reconnaître qu’on a blessé Jésus-Christ, qui est mort sur la Croix pour nous en libérer. Quel amour! Et comme, en retour, nous devrions avoir le cœur confus! D’où les prières que Jean-Baptiste De La Salle, rédige et dans lesquelles il se dévoile. En effet, il y a des choses qu’on ne peut écrire que si on les a, au préalable, fortement vécues et  ressenties.

9-1-Le pécheur repentant

9-1-1-Tout d'abord, il y a un appel à la conversion

Ah! J’entends Jésus qui m’appelle,
Que sa voix a pour moi d’appas:
Je suivrai désormais ses pas, et lui serai fidèle...
J’aime Jésus, je le veux suivre, peut-on jamais trop le chérir?
Vivre sans l’aimer, c’est mourir, l’aimer, c’est toujours vivre.
(CB 3, 21)

 

En secret le Seigneur m’appelle, et me dit: donne-moi ton cœur.
Ô mon Dieu, vous voilà vainqueur, je vous serai toujours fidèle,
Ô mon Dieu, vous voilà vainqueur,
Le monde n’est qu’un perfide, un trompeur.
(CB 3, 22 et 23)

 

Les prières[1] qui suivent, de Jean-Baptiste de La Salle, s’adressent à Dieu:

9-1-2-Prières de celui qui se convertit

Faites-moi, je vous prie, la grâce pour réparer une telle faute, de chanter à l’avenir le cantique des anges... et de dire avec eux: qu’il me donne, s’il lui plaît, la paix du cœur qui n’est accordée qu’à ceux qui ont une extrême horreur pour le péché...

Me laisserez-vous périr, ô mon Dieu, accablé que je suis du poids de mes péchés?... Ayez pitié de moi, ô mon Dieu, dans toute l’étendue de votre miséricorde... et que je puisse dire, incessamment avec vos élus: “Béni soit le Dieu de mon âme, béni soit celui qui m’a tiré de la misère du péché et de l’esclavage du démon."

Ne permettez pas, ô mon Dieu, que je sois plus longtemps privé de votre divin Esprit; redonnez-moi la joie qu’ont tous ceux qui jouissent de votre sainte grâce, et que Jésus-Christ produit dans les âmes justes...

Je commence, ô mon Dieu, à connaître mes péchés, et ils sont tous présents devant moi: j’en rougis de honte... Je veux en conserver le souvenir pour m’en humilier... J’ai entendu votre voix dans le fond de mon cœur qui me reprochait mes péchés et mon ingratitude, après tant de bienfaits que j’ai reçus de vous... C’est à vous, ô mon Dieu, à pénétrer mon cœur du regret de mes péchés, et comme il n’y a que vous qui en connaissiez l’énormité, il n’y a aussi que vous qui sachiez quelle est la douleur que j’en dois concevoir...

Regardez-moi, ô mon Dieu, des yeux de votre miséricorde, comme vous avez regardé saint Pierre après son péché, et donnez-moi une contrition et douleur de mes péchés aussi grandes que celles que vous lui avez données. Elle ne me sera pas suffisante si vous ne me la donnez vous-même... Il n’y a, ô mon Dieu, que votre saint amour qui me puisse mettre dans cette disposition; faites donc que ce soit pour l’amour de vous que je haïsse le péché...

Mon Dieu, donnez-moi la force de repousser les tentations qui se présentent à mon esprit, et qui voudraient séduire mon cœur pour l’engager à vous offenser... Que je ne me laisse jamais aller non seulement à des emportements, mais même à l’impatience, au murmure, ou à quelque autre chose qui soit capable d’altérer tant soit peu la charité que je dois avoir à l’égard du prochain.

 

Remarque: Jean-Baptiste de La Salle devait savoir de quoi il parlait en évoquant ces tentations, lui qui fut tellement incompris et attaqué par de monstrueuses calomnies.

 

Y a-t-il quelque chose que je puisse désirer sur la terre, si ce n’est vous, ô mon Dieu, qui êtes le Dieu de mon cœur, et qui voulez bien être mon héritage pendant toute l’éternité! (I, 3)

Je m’attache à te suivre, toi seul peut m’attendrir,
Pour toi seul je veux vivre, pour toi je veux mourir;
C’est ma plus chère envie.
(CB 2, 9)

Seul un grand mystique peut laisser échapper de telles prières...

9-1-3-Manifestations d’humilité de J. B de La Salle qui implore le pardon de Dieu

Je vois ce que je suis, je vois ce que vous êtes... (CA, 2, 25)

Ancienne, mais toujours nouvelle, ancienne et nouvelle beauté,
Je vous ai longtemps résisté,
J’étais un ingrat, un rebelle, je vous ai longtemps résisté,
Enfin mon Dieu, vous l’avez emporté.
(CB 3, 22,8)

Plus je rentre en moi-même, et plus je suis confus de me voir si souillé de crimes, et si horrible devant vos yeux. Serai-je encore longtemps accablé sous le poids de tant de péchés?... Je vous demande humblement pardon, ô mon Dieu, de m’être réduit à une si grande misère. J’ai horreur de moi-même en ce malheureux état, et je ne puis plus me voir dans le péché...

Que j’ai de regret, ô mon Dieu, de vous avoir tant offensé, vous qui êtes un Dieu de bonté, qui ne m’avez jamais voulu que du bien, et qui ne m’avez fait que du bien!... C’est donc pour l’amour de vous que je hais le péché, et que je veux prendre les moyens nécessaires pour le détruire en moi, et le chasser tout à fait de mon cœur, afin qu’il n’y ait plus rien en lui qui ne vous soit agréable. (I, 1,3)

Commentaires

Lorsqu’on lit régulièrement les écrits des saints mystiques on est souvent surpris de constater que tous, sans aucune exception, se croient les plus grands pécheurs de la création, s’estiment abjects devant Dieu, se comparent à des ordures, etc. Nous croyons qu’ils exagèrent, qu’ils utilisent des mots inconvenants... Pourtant tous disent la même chose, et c’est une caractéristique de la sainteté qui reconnaît son rien devant Dieu et qui rejette l’horreur du péché.

Jean-Baptiste De La Salle n’écrit que pour former les Frères des Écoles Chrétiennes, qui devront, à leur tour, former leurs élèves afin d’en faire de vrais chrétiens. Pourtant, curieusement, il emploie parfois les mêmes termes que les mystiques. Aurait-il expérimenté, lui aussi, l’infinie petitesse de l’homme face à Dieu? Aurait-il souffert dans sa chair et dans son âme toute l’horreur du péché? Probablement, car seuls ceux qui ont découvert l’amour de Dieu et la réalité terrifiante du mal peuvent s’exprimer ainsi.

9-1-4-Voici quelques suppliantes prières:

Laissez-vous fléchir, ô mon Dieu, par de si instantes prières; il est vrai, je le sais, que je ne mérite pas cette faveur: mais il est de votre bonté de me l’accorder sans l’avoir mérité... Votre bonté est si grande, ô mon Dieu, et votre miséricorde si étendue, que je m’assure que vous ne pourrez vous défendre des pressantes sollicitations de l’une et de l’autre pour me pardonner mes péchés.

Quoique l’attache que j’ai au péché me soit devenue comme naturelle, il semble néanmoins, ô mon Dieu, que vous ayez plus d’affection et plus de désir de me pardonner, que je n’en ai de vous offenser; tant vous êtes plein de bonté, et moi, rempli de malice... Ne m’est-il  pas arrivé plusieurs fois de m’être imaginé d’avoir de la douleur de mes péchés, et je n’en avais pas?...

Imprimez donc, ô mon Dieu, dans mon cœur, de l’horreur pour le péché, pour ce qui en fait l’objet et pour tout ce qui y porte... (I, 3)

9-1-5-Et de bonnes résolutions

Ah! c’en est fait, je veux quitter le monde,
C’est trop longtemps m’abandonner aux flots,
Je veux enfin chercher la paix profonde,
Je trouve en Dieu le centre du repos...

 

Parlez, Seigneur, mon âme est toute prête,
De mon salut, montrez-moi le chemin,
Je suis vos pas, il n’est rien qui m’arrête,
Soyez mon guide, et me donnez la main.

 

Je quitte tout, je renonce à moi-même,
Sans vous Seigneur, rien ne plaît à vos yeux,
Vous me montrez comme il faut qu’on vous aime;
Pour me chercher vous descendez des cieux....
(CB 5, 41)

 

Mais Seigneur, tes moindres attraits vont plus loin que mon espérance,
D’un amour éternel je jure de t’aimer, et cet amour doit être extrême
On ne peut assez s’enflammer quand il faut aimer un Dieu même.

 

Je t’entends soupirer, et ce soupir d’amour
Demande grâce pour mon crime,
L’Immortel se calme en ce jour
Où son fils devient ma victime...

 

Je ne veux désormais brûler que de tes feux,
C’est pour toi seul que je vais vivre;
Quand je vois tes soins amoureux,
Cet exemple est trop doux à suivre.
(CB 6, 48)

 

9-2-Le bonheur de la conversion

9-2-1-Quel bonheur après la confession...

Je crois, ô mon Dieu, et j’ai cette confiance, que je suis présentement rentré en grâce avec vous. Que ce moment a été heureux pour moi auquel j’ai reçu l’absolution, et en même temps le pardon de tous mes péchés!... Je suis donc à vous, ô mon Jésus! Je ne suis plus votre ennemi, et le démon n’a plus aucun droit sur moi... comment ai-je pu rester tout un jour dans le péché? Et comment avez-vous pu m’y souffrir un seul moment?... Père éternel, dont l’amour et la tendresse pour les pécheurs sont incomparables, je vous rends grâce de la bonté que vous avez eue de me réconcilier avec vous après m’en être rendu si indigne par mes péchés; vous êtes venu au-devant de moi, comme le père de l’enfant prodigue...

Verbe divin, sagesse incréée, qui vous êtes fait homme pour l’amour de nous, afin de nous sauver et retirer de nos péchés, j’étais perdu sans vous, et j’aurais été infailliblement abîmé dans les enfers, si par vos souffrances et par votre mort vous ne m’en aviez délivré...

Esprit-Saint qui avez animé Jésus-Christ pénitent pour nos péchés... je vous remercie de la bonté que vous avez eue de rendre à mon cœur la pureté intérieure... Je m’abandonne et me soumets à votre conduite, pour me maintenir dans la grâce et me faire faire la pénitence que mes péchés ont méritée, et qui leur convient... (I, 3)

Ah! quel bonheur, un  Dieu nous aime,
Ah! quel bonheur, quelle douceur,
Nous devons tous l’aimer de même,
Qu’il règne seul dans notre cœur.

Ah! quel bonheur! un Dieu nous aime,
Ah! quel bonheur! quelle douceur!
(CB 5, 43)

9-2-2-Quel bonheur après la communion

D’où me vient ce bonheur, que mon Sauveur et mon Dieu vienne en moi? C’est un Dieu qui descend pour se faire petit dans sa créature, c’est l’innocence même qui s’unit à un pécheur... Donnez-moi un tressaillement de joie qui soit un avant-goût du paradis, et qui fasse que mon esprit se réjouisse toujours dans l’amour de Dieu Sauveur...

Si la joie de cette femme[2] de l’Évangile était si grande d’avoir retrouvé la drachme qu’elle avait perdue, quelle joie n’aurais-je pas d’avoir en moi le Dieu de mon cœur, et celui qui doit être mon partage et ma possession pendant toute l’éternité? Et si cette femme n’a pu contenir sa joie, si elle est allée promptement appeler ses voisines pour la leur communiquer, à qui ne ferais-je pas part de la consolation dont mon âme est pénétrée aujourd’hui, de posséder en elle son Dieu et son Sauveur?

Vous êtes le Dieu de mon âme, celui qui a donné l’être à toutes les créatures, celui qui ôte les péchés du monde, le réparateur de l’innocence perdue, l’auteur des grâces, le distributeur des mérites, et celui en qui sont renfermés tous les trésors de la bonté et de la miséricorde de Dieu. Je vous remercie, divin Jésus, d’avoir déposé en moi un si précieux trésor. (I, 6)

Je l’adore, je le contemple[3], lui disant mon cher amour...
Étant en votre présence je sens du recueillement,
et dans cette jouissance je mets mon contentement...
(CA 2, 24)

 

La présence de mon doux sauveur
Fait par excellence tout mon bonheur;
Je ne puis qu’aimer tendrement
Ce doux Jésus dans le saint Sacrement.

Ah! mon âme, brûle d’une flamme
Qui réponde aux saints empressements
Du plus généreux des amants.
Ah! mon cœur, ne conçois jamais d’autre ardeur.
(CB 6, 51)

 

Mon cœur se trouve si consolé de ce que vous êtes venu en moi, divin Jésus, qu’il rassemble et unit tous ses désirs, toutes ses affections, et toutes ses tendresses pour vous serrer étroitement en lui, et pour vous dire que tout son plaisir est de vous posséder, et qu’il se trouve très heureux de vous retenir en soi... Comme je suis votre bien-aimé, je veux aussi que vous soyez le mien, et que je puisse chanter continuellement ce cantique de joie, en union avec les saints anges et avec les bienheureux; mon bien-aimé est tout à moi, et je suis tout à lui. (I, 6, 25)

Que c’est un grand bonheur de posséder Dieu en soi par la sainte communion... et un bonheur même qui ne se peut exprimer, de posséder en soi ce même Dieu, et de pouvoir traiter avec lui des affaires de son salut, cœur à cœur, et comme un ami qui, communiquant ses secrets à son intime ami, lui demande les grâces qu’il peut obtenir de lui! C’est l’avantage que j’ai dans la sainte communion...

9-2-3-Union très intime ou extase?

Tantôt, Jésus-Christ me communique ses dispositions intérieures; tantôt il me fait part des vues et des intentions très pures qu’il a eues dans mes actions, qu’il n’a toutes faites que pour la gloire de son Père, tantôt il m’excite à faire souvent quelque chose pour Dieu: tantôt il m’anime à m’employer tout entier pour son service, quelquefois il me fait souvenir de ce qu’il a fait et souffert pour me sauver; d’autres fois il me représente l’assiduité et la continuation de ses prières auprès de son Père et le zèle qu’il a pour mon entière conversion. Faites-moi la grâce, ô mon Jésus, que toutes ces impressions que vous me donnez, soient tellement gravées dans mon cœur qu’elles ne s’y effacent jamais, et qu’elles produisent en moi tout l’effet que vous désirez.

Parlez à mon cœur, aimable Jésus... Il ne doute pas que vous soyez en lui; il le sent, et il le goûte avec plaisir, et il sait que, comme vous êtes l’amant des cœurs, votre bonté vous a engagé à le rechercher tout vil et méprisable qu’il est, pour y faire votre demeure. Dîtes-lui au moins que vous êtes venu comme un bienfaiteur qui ne désire rien plus que de lui faire ses largesses, comme un maître qui veut enseigner sa doctrine sainte, et comme un ami qui vient le rendre participant de ses secrets et lui faire comprendre ce qu’il doit faire pour vous plaire... Mon corps est maintenant votre tabernacle, ô Dieu mon Sauveur!... Je puis donc dire avec vérité que je suis un temple portatif de Dieu. (I 6, 27 à 30)

Faites en moi votre demeure, et que je vive saintement,
Mon Dieu que jamais je ne meure sans recevoir ce sacrement
(CA 2, 23)

9-2-4-La miséricorde de Dieu

Et voici une étonnante prière mystique!

Ô mon Dieu, je loue avec les anges l’oubli que vous faites des crimes les plus énormes lorsqu’un pécheur a recours à vous et qu’il reprend le souvenir de ce que vous êtes, et de ce que vous avez fait pour lui; j’entre comme eux dans le sein de votre divinité, pour y découvrir les sentiments de tendresse que vous avez pour ceux qui rentrent en grâce avec vous, et pour y goûter les communications que vous leur faites de ce que vous possédez de plus saint et de plus éminent... Je prends la liberté, comme vous m’y avez invité, d’entrer dans la joie de mon Seigneur... (I, 3)  

9-3-Les Cantiques spirituels

Homme d’action, pédagogue remarquable, tendre pour ses enfants, mais sans faiblesse, fondateur d’une très grande œuvre toujours vivante dans le monde entier: les Frères des Écoles Chrétiennes, Jean-Baptiste De La Salle, se manifeste rarement comme un mystique. La lecture de ses œuvres donne, nous l'avons dit, une impression de trop grande rigueur voire de sévérité. Nulle part Jean-Baptiste ne mentionne ses liens intimes avec le Seigneur. Nulle part il ne mentionne explicitement des visions, des paroles ou songes dont il aurait été le bénéficiaire. Alors? Le Seigneur ne se serait jamais manifesté à un homme à qui il demanda tant? Le Seigneur n’aurait jamais accordé de consolations à celui qui fut tant éprouvé? À moins qu’une pudeur excessive l’ait empêché d’y faire allusion même à ses amis les plus intimes. Probablement.

Pourtant, cela nous l'avons dit aussi, si l’on est un peu attentif à certains textes, surtout des prières ou des cantiques, on découvre des expressions qui ne peuvent jaillir que d’un cœur entièrement donné au Seigneur. Nous avons déjà cité, ci-dessus, quelques prières ou quelques textes dans lesquels Jean-Baptiste De La Salle se trahit. Comme Louis-Marie Grignion de Montfort, Jean-Baptiste De La Salle fut conduit à rédiger de très nombreux cantiques. Chantés sur des airs populaires connus, ils étaient un véritable résumé de la doctrine chrétienne et du catéchisme. Rien de bien mystique! Erreur! Dans ses chants, rassemblés dans des manuels intitulés: Les Cantiques Spirituels, Jean-Baptiste De La Salle laisse souvent échapper des aveux de son cœur.

9-3-1-Dialogue avec l'Esprit-Saint

Afin d’être docile et sage, Seigneur donnez-moi votre esprit,
pour apprendre selon mon âge les vérités de Jésus-Christ.

 

Esprit-Saint faites-moi comprendre ce que vous m’allez expliquer:
mais en me le faisant apprendre, faites-le-moi bien pratiquer.

 

Pour enseigner une âme, dit le Seigneur, et le faire avec fruit,
je viens mettre le calme en elle; et je l’instruis.

Pour m’entendre parler, il faut un grand silence,
et pour suivre mes lois beaucoup d’obéissance.
(CA[4] 2, 1)

 

Hâtez-vous, le temps presse, donnez-vous au Seigneur,
Tout se change en délices quand on veut le servir,
Le plus grand sacrifice devient un doux plaisir.

 

N’attendez point cet âge où les hommes n’ont plus ni force ni courage...
Pourquoi tant vous promettre de vivre longuement,
chaque moment peut être votre dernier moment.
(CA 2, 2)

 

Pour enseigner une âme, dit le Seigneur, et le faire avec fruit,
je viens mette le calme en elle; et je l’instruis.
Pour m’entendre parler, il faut un grand silence,
et pour suivre mes lois beaucoup d’obéissance.
(CA 2, 1)

 

Hâtez-vous, le temps presse, donnez-vous au Seigneur,
Tout se change en délices quand on veut le servir,
Le plus grand sacrifice devient un doux plaisir.

 

N’attendez point cet âge où les hommes n’ont plus ni force ni courage...
Pourquoi tant vous promettre de vivre longuement,
chaque moment peut être votre dernier moment.
(CA 2, 2)

 

9-3-2-Quelques conseils donnés par Jésus lui-même

Si ton cœur désire de m’aimer sans fin,
je vais te prescrire le plus court chemin...

 

Dès que tu t’éveilles, donne-moi ton cœur...
si tu me veux plaire, sers avec ferveur ma très digne Mère...

 

Si rien ne te presse, va t’unir à moi en la sainte messe
Par la vive foi, vaque à ton ouvrage, après l’oraison...

 

Fais qu’en toutes choses, au fond de ton cœur,
Tu ne t’y proposes que mon seul honneur...

 

Ne sois point sévère à l’endroit des gueux,
secours la misère des pauvres honteux...

 

Si tu vas à table, bénis le repas, pour m’être agréable...
Fais un saint usage de toutes tes croix...

 

L’heure étant venue d’aller au repos,
recherche à ma vue quels sont tes défauts...

 

À cela l’âme répond:

Relevez, de grâce mon abattement,
afin que j’embrasse ce saint règlement,
Sans votre assistance je ne pourrais rien,
par mon impuissance à faire le bien.
(CA 2, 4)

 

9-3-3- L’amour du Cœur de Jésus

Ô fournaise d’amour! Ô Jésus mon Sauveur!
Permettez-moi d’entrer dans le côté du cœur;
Qu’en cet heureux endroit qui fait tout mon bonheur,
je trouve quelque asile à ma juste frayeur...

 

Je veux vous aimer tant que je mourrai d’amour
ou vous serez content...
(CA 2,10)

 

Ô jour heureux qui finit mes alarmes!
Ô jour, pour mon cœur, plein de charmes!
Ô jour qui m’enrichit du bien le plus parfait!
Ô jour enfin que le Seigneur a fait!
(CA 2, 21)

 

Qu’un cœur dont Jésus est le maître sent de douceur à le servir:
Mais pour garder ce doux plaisir il faut le bien connaître...
Je l’entends ce Dieu qui m’appelle, et qui m’invite à son amour...

 

En secret le Seigneur m’appelle, et me dit: donne-moi ton cœur...
Que sans Dieu l’on est misérable! Rien sans lui ne nous paraît doux:
Mais sitôt qu’il est avec nous, la peine même est agréable...
(CA 2, 3)

 

Que cette voix est agréable, qu’elle a de charmes pour nos cœurs,
Un Dieu prend part à nos malheurs, qu’on est heureux d’être misérable!
(CB[5] 7, 56)

 

9-3-4-Des chants d'amour

Ô mon Jésus! mon âme vous désire,
Du fond de mon cœur après vous je soupire;
Ô mon bon Jésus! Ô mon cher amour!

Régnez dans mon cœur la nuit et le jour!

Ô divin Jésus! Époux des chastes âmes
Embrasez nos cœurs de vos divines flammes...
Ô céleste amant! Vous êtes admirable...

 

Vivons donc pour vous et que chacun s’écrie:
Vive Jésus et vive aussi Marie,
Ô mon bon Jésus, Ô mon cher amour!
Régnez dans mon cœur la nuit et le jour!
(CA 2, 9)

 

Ô mon bon Jésus! Mon âme vous désire,
Du fond de mon cœur, après vous je soupire.

Ô mon bon Jésus! Ô mon cher amour!
Régnez dans mon cœur la nuit et le jour
Ô divin Jésus! Époux des chastes âmes,
Embrasez nos cœurs de vos divines flammes...
(CB 2, 16)


[1] (I) = Instructions et Prières

[2] Celle qui avait perdu et retrouvé une drachme.

[3] Jésus dans l'Eucharistie

[4] (CA) = Cantiques Spirituels 1

[5] (CB) = Cantiques spirituels 2

    

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