Entre les prélats de
notre France qui florissaient le plus sur la fin du règne de Clovis
II, saint Landry, évêque de Paris,
fut un des plus signalés pour ses
actions vertueuses. Il était François de nation : on ne parle point
de sa naissance. Dès son jeune âge, il s'adonna tellement à la
vertu, qu'il pouvait servir à tous d'un rare exemple de perfection.
Notre-Seigneur, qui l'avait choisi pour servir de lumière à
plusieurs, l'élira au siège épiscopal de Paris, par l'élection qu'en
fit le clergé, l'an de Notre-Seigneur 630, au temps de Clovis, roi
de France, fils de Dagobert et de Sichilde.
Le mérite de sa
très-sainte vie le rendit plus illustre que l'antiquité ou la
noblesse de sa race, puisque l'histoire a remarqué l'un
et non pas l'autre. Il se comporta dignement en sa charge,
s'employant assidûment en la prédication, et en la pratique des
actions héroïques et vertueuses. Il avait un soin particulier de
soulager les pauvres, de retirer les pèlerins, de marier les pauvres
filles, d'assister les malades et
de s'employer à toutes sortes
d'œuvres charitables, avec tant de ferveur et d'affection, que pour
ses pieuses et grandes libéralités, il fut appelé prodigue par les
mondains.
Ce fut lui qui fit
premièrement construire l'hôtel-Dieu de Paris, où de son propre
revenu il nourrissait les pauvres malades, et ne se contentait pas
d'accomplir ce conseil évangélique : Donne à tout homme qui te
demande : mais il prévenait même et cherchait les indigents et
les nécessiteux, pour les-secourir. Enfin il devenait lui-même
indigent pour faire du bien et subvenir aux indigents ; tant était
grand le feu de sa charité, suivant en cela de bien près les
vestiges du Pasteur des pasteurs. D'où vient qu'il est représenté
ordinairement comme un jeune homme tenant entre ses mains une
corbeille remplie de pains, pour marque de son aumône continuelle.
Ainsi ce saint
personnage montrait le chemin du ciel, prêchait les œuvres de
charité, et était une lampe brillante par ses prédications, et
ardente par ses charitables actions. C'est ce qui a donné sujet au
moine Mareulphe, grave et ancien auteur, qui vivait de son temps, en
ses deux livres qu'il a écrits des Formules par son commandement, et
qu'il lui dédia, de l'appeler très-heureux en mérites, et digne de
tout honneur et louange apostoliques.
Tant de
perfections si relevées lui acquirent une si grande réputation dans
tout ce royaume, qu'on le jugea mériter la charge et le gouvernement
de tout un peuple. Aussi véritablement le même auteur dit qu'il fut
fait chancelier de France, maniant les affaires avec une intégrité
et une fidélité admirables, ne visant seulement qu'au bien et au
soulagement du public. Saint Ouen, archevêque de Rouen, qui vivait
en même temps que lui, avait aussi exercé cette charge avant lui. Il
avait une singulière dévotion à saint Denis, apôtre de la France et le premier évêque de Taris, et aux
saints
martyrs Rustic et Éleuthère, ses compagnons, dont les corps reposent
en l'église de l'abbaye de Saint-Denis en France. De sorte qu'afin
que les religieux de l'abbaye se conservassent mieux et plus
facilement à la discipline monastique, en la pureté et en la
tranquillité, il exempta l'abbaye de la juridiction de l'évêché de
Paris, à la requête même du roi Clovis II, l'an 662, le seizième de
son règne, laquelle exemption il fit confirmer, ratifier et
soussigner à vingt-quatre évêques assemblés à Clichy : entre
lesquels était saint Ouen, archevêque de Rouen, et saint Éloi,
évêque de Noyon. Elle fut écrite sur une écorce de bois, qui se
conserve soigneusement en cette abbaye. Ce privilège a aussi depuis
été confirmé par l'autorité du Saint- Siège apostolique. C'est ainsi
que le rapporte Doublet, en son
Histoire de l'abbaye de Saint-Denis.
Saint Landry donc,
après avoir gouverné l'Église de Paris avec autant de soin, de zèle
et d'affection qu'on pouvait désirer d'un saint prélat, rendit son
âme à Dieu, et s'en alla recevoir la récompense de ses travaux au
ciel, le 10 juin. Son corps fut inhumé en l'église de Saint-Germain
l'Auxerrois, où, par son invocation et par l'attouchement de sou
suaire et d'une de ses dents, il s'est fait plusieurs miracles.
Plusieurs infirmes atteints de maladies incurables, et abandonnés
des médecins, en ont été miraculeusement guéris ; comme un nommé
Raoul, natif de Gonesse, devenu lépreux; un soldat nommé Odon, natif
de Villejuif, paralytique ; une femme nommée Aveline, tourmentée
d'une fièvre et d'hydropisie; un autre homme encore de Bagnolet,
nommé Étienne ; un prêtre appelé Hervé, demeurant en
l'hôpital des lépreux situé près de Montmartre; et le neveu de
l'évêque de Paris, Maurice de Soliac, très docte prélat et bien
versé en la médecine, appelé Jean, tous trois affligés de
l'esquinancie.
Ce Jean de Soliac
ayant été porté en l'église de Saint-Germain l'Auxerrois, le suaire
de saint Landry avec sa dent lui furent imposés, et il les toucha
avec respect. Il s'en retourna ensuite avec une grande confiance
d'en recevoir du soulagement. Il ne fut pas plutôt arrivé en la
maison épiscopale, que son esquinancie se dissipa. Il
fut guéri en présence de l'évêque Maurice son oncle, qui, sachant
bien
que c'était
une chose honorable de manifester les œuvres que Dieu fait par
l'entremise de ses
saints,
publia lui-même ce miracle au
peuple en ses prédications, et en déclara tout le succès au Pape
Alexandre III, lequel était
pour lors en cette ville de Paris.
De plus, en mémoire de
ce miracle, ce pieux Prélat, avec le clergé de Paris, leva Je corps
de saint Landry de son tombeau, et le mit en une chasse artistement
travaillée, bien qu'elle ne fût que de simple bois, l'an 1171, le
trente-quatrième du règne du roi Louis VII.
Mais en l'an 1408, le
seizième jour de septembre, cette châsse, qui était à demi pourrie,
fut ouverte par le Révérend Père en Dieu messire Pierre d'Orgemont,
également évêque de Paris, et ses sacrés ossements furent mis dans
une autre chasse d'argent doré, excepté deux os, l'un du doigt et
l'autre du col, qui furent livrés à MM. Jean Fleury, secrétaire du
roi, et Jean le Bugule procureur général en la cour de Parlement,
comme trésoriers de la paroisse de Saint-Landry, où ils furent
solennellement portés avec cierges et torches ardentes. Cette
nouvelle châsse d'argent doré fut élevée en l'église de
Saint-Germain l'Auxerrois, sur un pilier de maçonnerie derrière le
grand autel.
Il arriva un jour
que le feu ayant pris à une certaine maison, au lieu où est à
présent le grand Châtelet de Paris, appelé pour lors la porte
Royale, il s'alluma avec une telle violence par la force du vent,
qui était très grand, qu'il menaçait la ville d'un incendie général.
Cependant, voyant que quelques remèdes qu'on y pût apporter, il ne
laissait pas de s'accroître, et que déjà plusieurs maisons étaient
embrasées et consumées, ou eut recours au suaire de saint Landry,
qui était gardé dans l'église de Saint-Germain : il fut promptement
apporté par le doyen de cette église, nommé Hervé. Cette précieuse
relique ayant donc été attachée au bout d'une perche, et opposée aux
Gammes les plus violentes, aussitôt le feu commença à se retirer et
à diminuer, et s'éteignit peu à peu, sans faire un plus grand
dommage. Chose vraiment miraculeuse, que ce qui n'a point d'activité
la fasse perdre au feu
qui est si actif; et que ce qui est propre pour le fomenter et
l'entretenir,
vienne à l'éteindre.
Comme un des
paroissiens de l'église Saint-Germain l'Auxerrois violait la
sainteté du lieu, en jouant aux dés avec quelques autres, jurant et
y faisant dos festins pendant la nuit, saint Landry lui apparut et
lui dit : Ne savez-vous pas que Notre-Seigneur a dit :Ma maison
est la maison d'oraison : pourquoi donc avez-vous été si téméraire
que de profaner ce saint lieu ? Et il le fouetta si rudement,
que les marques lui demeurèrent longtemps imprimées sur la peau. Ce
qui nous apprend avec quel respect nous devons être en l'église,
puisque Dieu et ses
saints
punissent si rigoureusement les
irrévérences qui s'y commettent.
Un soldat, s'étant
blessé le genou d'une épine qu'il s'y était enfoncée, en ressentait
de très-grandes douleurs ; de sorte que faute de l'avoir
soigneusement pansée il s'y était fait un dangereux apostème :
toutefois, s'étant fait porter sur le tombeau de saint Landry, il en
fut guéri par son intercession, en appliquant le suaire du saint sur
son mal.
Les Parisiens ont une
particulière dévotion à saint Landry, pour les insignes bienfaits
qu'ils ont reçus de Dieu par sa faveur; eu reconnaissance desquels
ils lui ont fait bâtir une belle église au milieu de leur ville :
elle avait été depuis érigée en paroisse, mais elle fut démolie en
1828.
Saint Landry fut le
vingt-huitième évêque de Paris, le huitième après saint Germain.
Sa fête se célèbre le
10 de juin. Le docteur Molan en fait aussi mention en ce jour dans
ses Additions sur Usuard. Doublet, religieux de l'abbaye de
Saint-Denis, a écrit la vie de saint Landry. Plusieurs autres
auteurs, un ancien manuscrit qui est en l'église de Saint-Germain
l'Auxerrois, Marculphe et Aymon Doublet en divers lieux de son
Histoire, Dubreuil en ses Antiquités de Paris, et M.
Robert en son Gallia christiana, eu parlent fort
honorablement. |