

LA CRÉATION
Parfois, à la lumière de nos connaissances
modernes, la tentation est grande de
vouloir réécrire la Genèse puis de méditer
sur le risque que prit Dieu quand, par amour, Il nous créa libres.

Un jour de son éternel présent, donc un jour de
l’Aujourd’hui de Dieu, de l’Éternel Aujourd’hui de Dieu, donc aujourd’hui, notre
aujourd’hui à nous, Dieu laissa aller sa pensée créatrice... Ce fut merveilleux.
Dieu laissa éclater, dans un effroyable Big-Bang, le grain d’énergie condensée
qu’Il venait de mettre de côté. Ce fut un beau tohu-bohu, mais la puissance de
Dieu était telle que toutes les molécules fondatrices des mondes, soudain
libérées, s’assemblèrent, s’agglutinèrent, se placèrent sur leurs trajectoires
assignées, parfois se transformèrent, et de leurs puissances effrayantes, mais
admirablement gérées par les lois prévues par le Créateur, générèrent les mondes
cosmiques que nous commençons seulement à découvrir.
C’était beau, c’était très bon, et Dieu aima
cette création matérielle si bien réglée: tout y était tellement parfait.
Pourtant, Dieu qui était Vie, remarqua que la vie manquait dans ces mondes
minéraux. Dieu qui était Amour remarqua que dans sa Création matérielle, rien ne
pouvait L’aimer. Alors, Il prépara la Terre, la soigna, la modela, la caressa,
et l’orna d’une infinie variété de végétaux.
Dieu se reposa un peu en contemplant ces
palettes multicolores et vivantes. Oui, la terre devenait vivante, mais encore
trop immobile, encore trop insensible: il fallait autre chose. Il fallait des
êtres remuants, indépendants, capables de croissance, capables de se nourrir
eux-mêmes, et de se reproduire et de s’aimer entre eux. Dieu créa les animaux,
tous les animaux... et il les combla de dons étonnants gérés par des instincts
solides et immuables: la Création était encore trop jeune pour être livrée à
elle-même...
Vraiment, tout cela était bon. Dieu s’arrêta
encore un moment pour contempler son oeuvre, l’oeuvre que son intelligence
venait de concevoir et de réaliser. Dieu aima cette création belle et bonne, et
Dieu l’aima encore plus qu’Il n’avait aimé les mondes cosmiques.
Dieu contemplait ses petites créatures vivantes
et Il s’extasiait sur leur développement, sur leur sensibilité. Pour un peu Dieu
aurait pleuré en regardant une maman singe bercer ses petits, ou des couples de
moineaux donner la becquée à leurs oisillons. Le Coeur de Dieu était plein
d’émotion et d’attendrissement. Quelles merveilles que tout cela!
Dieu était vraiment content, mais quelque chose
manquait encore. Le Père Créateur aimait d’un grand amour tout ce qu’Il avait
créé. Il aimait toutes les plantes, Il aimait les animaux, les grands aigles, et
les roitelets. Il aimait les grands lions et les petits castors. Même les
moustiques avaient des charmes étranges avec leurs musiques bruissantes. Car
tout était bon dans sa Création.
Dieu aimait sa Création, mais personne n’aimait
Dieu, personne ne Le connaissait. Il y avait bien le Fils, le Fils Unique
engendré par le Père. Le Père aimait tellement le Fils, et le Fils aimait
tellement le Père, que de leurs deux personnes qui n’étaient qu’un seul Dieu, le
Dieu Unique, que de leur Amour merveilleux et puissant jaillissait leur Esprit.
Et l’Esprit procédant du Père et du Fils, liait éternellement la Trinité dans sa
puissance d’Amour.
Mais le Père, le Fils et l’Esprit, c’est
toujours Dieu Un, et dans la Création, personne ne le savait. Personne ne
connaissait Dieu dans sa réalité amoureuse et personne ne pouvait L’aimer comme
Dieu voulait être aimé.
Dieu se dit: “Il faut que ma Création M’aime.”
Et Dieu fit les anges, des créatures parfaites, des intelligences de lumière.
Mais Dieu remarqua que l’amour était trop facile pour les anges: comment
pourraient-ils ne pas aimer Dieu, puisque pour eux tout était clair?
Alors Dieu créa l’Homme. Homme et Femme Il le
créa afin que l’Homme puisse expérimenter l’Amour, mais d’abord un amour à sa
portée. Vraiment, c’était très bon! C’était même si bon que Dieu prit un risque,
un risque énorme.
Si l’Homme restait, comme les autres êtres
vivants et sensibles, constamment soumis à ses propres instincts, il n’était pas
libre et il n’aimait pas vraiment puisqu’il ne pouvait pas faire autrement que
d’aimer. Il recevait l’Amour que Dieu lui envoyait, mais il n’avait rien à Lui
rendre en retour. Pour que l’homme puisse aimer Dieu et Lui rendre un peu de
l’Amour qu’Il lui donnait, il fallait qu’il fût libre de choisir Dieu. Il
fallait qu’il fût libre de choisir l’Amour. Dieu contempla l’Homme, sa créature
chérie, créée à son image, et Dieu osa un risque, un risque fabuleux: Dieu
rendit l’Homme libre, et Lui dit: “Je T’aime. En retour aime-Moi! Choisis-Moi,
librement!”
Dieu savait quel risque Il prenait en rendant
l’Homme libre de L’aimer librement. Il savait que son plus bel ange, dans
l’excès d’une rage d’orgueilleuse jalousie, refuserait de servir l’Homme, le
Chef-dŒuvre de Dieu, et qu’il le ferait gravement tomber. Dieu savait que son
Ange de Lumière chercherait même à détruire sa créature favorite, l’ensemble de
tous les hommes qui devaient constituer l’unique Corps mystique de son Fils, le
Corps du Christ. Car le Père savait que les hommes, qui faisaient déjà ses
délices, seraient un jour les membres du Corps mystique du Fils Unique, lequel
réussirait la synthèse et l’unité de tous les mondes créés: matériels, vivants
et sensibles, et spirituels.
Le Père savait aussi que son Fils, son Unique,
envoyé par Lui pour sauver l’humanité désorientée et affolée à cause de la faute
commise sur les conseils fallacieux et haineux de son Prince: Satan, Prince de
ce Monde, le Père savait que son Fils, dans une obéissance libre, ivre et fou
d’Amour, accepterait de laisser mourir son humanité sur une Croix, mais qu’Il
ressusciterait... Le Père savait que les apôtres de son Fils auraient pour Lui
assez d’amour pour donner leur vie afin de témoigner de Dieu et de son Fils
unique. Le Père connaissait déjà tous les martyrs qui préféreraient librement
souffrir et mourir d’Amour plutôt que de renier leur foi.
Dieu savait que des fidèles consacreraient leur
vie à Le servir, Lui, et Lui seul. Il savait que des âmes choisies renonceraient
à tout amour humain et terrestre pour n’aimer que Lui seul, le Dieu-Amour. Déjà
Dieu voyait ses prêtres, ses enfants de prédilection, ses prêtres entre les
mains desquels se multiplieraient le pain et le vin sacrés: Corps et Sang de son
Fils.
Dieu savait, Dieu voyait, Dieu avait pris ce
risque d’être aimé pour Lui seul. Dieu savait que d’innombrables petites âmes,
âmes-victimes, petites fleurs d’amour éparses près de Lui, consoleraient un jour
le Christ agonisant. Dieu savait, Dieu voyait, Dieu avait pris ce risque d’être
aimé et d’être aimé pour Lui, Lui l’Amour infini.
Dieu savait, Dieu voyait, Dieu avait pris ce
risque d’être aimé, et Dieu était aimé... Et Dieu était ému, et Dieu pleurait
des larmes, mais des larmes d’Amour, mais des larmes de joie. Et Dieu était
heureux!
Dieu était heureux dans son éternité, pourtant
Dieu connaissait le risque qu’Il avait pris en risquant sur l’Amour. Dieu, Père,
Fils et Esprit savait le risque qu’Il prenait en faisant l’Homme libre. Et
quand, dans le temps de la création, le temps de la terre, la faute fut commise,
le désordre installé et les hommes malheureux, le Verbe de Dieu fut pris d’une
infinie compassion, et pensa à sa prochaine Incarnation.

Et le Verbe s’incarna, et le Verbe prit
chair... Et le Verbe de Dieu, toujours Un avec le
Père et l’Esprit, le Verbe, en
s’incarnant, vit, dans sa prescience éternelle de Dieu, le sort que Lui
réservait l’homme qu’Il venait sauver. En s’incarnant, le Verbe de Dieu
savait... Et, d’avance, dans sa nature humaine, le Verbe de Dieu devenu Jésus,
Fils de Marie et de Joseph, le Verbe voyait... Dès l’instant de sa conception
Jésus: vrai Dieu mais aussi vrai homme, Jésus savait et acceptait la Croix: sa
Passion commençait.
Dès l’instant de sa Conception, Jésus commença
sa passion, la petite passion qui préparerait, tout au long de sa vie terrestre,
la douloureuse Passion dont nous sommes tous la cause.
En créant l’homme libre, libre pour pouvoir
aimer, Dieu prit un risque terrible. En s’incarnant, en venant sur la terre
vivre au milieu des hommes qu’Il devait sauver, Jésus prit aussi un grand
risque... Mais Dieu voulait notre amitié, Dieu voulait notre amour. Dieu voulait
nous libérer de nos péchés, et pour cela le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu
devait prendre le risque d’être incompris, de mourir sur la Croix. Jésus devait
mourir sur une croix, sa Croix, car c’était l’unique moyen de nous prouver
l’immensité de son Amour. C’était aussi le seul moyen d’ouvrir nos cœurs à la
compassion, de regretter et de pleurer nos péchés.
En prenant le risque de la Croix, Jésus nous
révélait l’étendue du désastre qu’était le péché, et le malheur qu’il pouvait
engendrer. En mourant sur la Croix, Jésus nous invitait à la contrition et au
repentir. En mourant sur la Croix, Jésus voulait que nous pleurions nos péchés,
Jésus veut qu’aujourd’hui encore nous pleurions nos péchés, nous pleurions notre
misère, nous pleurions nos manques d’amour, nous pleurions aussi la peine que
nous continuons à Lui faire lorsque nour refusons son Amour.
Nous sommes des pécheurs, nous sommes des
pauvres, Jésus, des très pauvres, et nous ne savions pas que nos péchés
pouvaient Vous faire si mal en blessant votre Cœur. Nous ne savions pas que Vous
êtes tendresse, que Vous êtes bonté et miséricorde, si aimant, si sensible. Non,
nous ne savions pas, Jésus, que Vous pleuriez aussi, et que consoler votre Coeur
n’était pas un vain mot. Non, nous ne savions pas...
Aujourd’hui, nous savons. Nous savons, Jésus
que Vous pouvez souffrir de nos manques d’amour, même dans votre Ciel, dans
votre éternité bienheureuse. Nous savons que l’Amour, Dieu-Amour, peut souffrir
de n’être pas aimé. Maintenant, nous savons. Nous savons Jésus que Vous souffrez
toujours de nos manques d’amour. Et nos cœurs sont meurtris, nos cœurs en sont
brisés. Mais Jésus, Vous ne repoussez pas un coeur meurtri et brisé. Votre
Miséricorde nous accueille toujours. Oui, votre Miséricorde nous accueille, mais
elle nous dit aussi: “Repens-toi, et répare.”
Désormais tous les soirs, ô Jésus, nous
viendrons près de Vous, pour pleurer avec Vous tous nos manques d’amour, pour
pleurer avec Vous, pour nos frères, vos enfants qui se perdent. Nous viendrons
près de Vous, ô Jésus, pour pleurer avec Vous, à cause de nos péchés, pour
pleurer avec Vous, Jésus, dont le Coeur saigne et cherche des consolateurs. Les
consolateurs que Vous n’avez pas trouvés...
Nous viendrons près de Vous, ô Dieu qui avez
pris le risque de l’amour. Nous viendrons près de Vous, Jésus, pour pleurer près
de Vous, Vous demander pardon, humblement. Et nous resterons là, devant Vous,
Jésus, à prier, à pleurer, et à Vous consoler... Et Vous bénir éternellement du
risque que Vous prîtes quand Vous nous fîtes libres, pour Vous aimer d’amour.


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