“Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés!”
Bienheureux ceux qui pleurent à cause du Royaume: leurs larmes se changeront en
cris de joie, en bonheur éternel.
On a souvent l’impression que ce que Jésus nous enseigne va
constamment à l’encontre des pensées humaines, ces pensées de bon sens
généralement accueillies par les hommes intelligents et bien équilibrés. Jésus
marche souvent à contre courant de nos certitudes humaines: nous en avons
l’habitude, mais parfois ses affirmations nous heurtent.
Jésus est avec ses apôtres; ils ont marché longtemps, sans
prendre le temps de s’arrêter, de se reposer un peu, et pire, sans même manger!
Le soir approche: les pieds sont douloureux, les estomacs vides, les dos sont
harassés d’avoir porté des sacs trop pesants. Quelques-uns geignent, un autre
essuie furtivement une larme. Et voici qu’un cortège funèbre approche d’eux:
c’est une veuve qui enterre son fils...
Jésus s’arrête, laisse venir, laisse passer le cortège, sans
dire un mot, sans manifester le moindre intérêt... au grand étonnement des
apôtres. Et voici que Jésus leur dit:
– Bienheureux ceux qui pleurent car...
Les apôtres n’attendent pas la suite de la phrase; les voici
qui s’insurgent:
– Comment, Seigneur, Tu n’as donc pas vu le chagrin de cette
pauvre femme? Tu ne sais pas que son fils était son seul soutien? Que va-t-elle
devenir maintenant? Comment peux-Tu dire qu’elle est bienheureuse?
Jésus fait d’abord celui qui n’a rien entendu, puis, quand
les apôtres sont calmés, il dit :
– Vous ne me connaissez donc pas encore ? N’avez-vous rien
compris ?”
Alors, en soupirant, Jésus se lève, et, désignant deux
disciples pour venir avec Lui, Il se dirige vers le cortège funèbre qu’Il
arrête.
– Femme pourquoi pleures-tu ?
Le chagrin de la femme redouble, et on entend çà et là, des
paroles injurieuses à l’encontre de Jésus.
– Femme, pourquoi pleures-tu ? redemande Jésus. Ne sais-tu
pas que Dieu est l’Amour, que Dieu ne désespère jamais ses petits ?
Jésus a pris dans ses bras la tête de la femme qui sanglote
de plus en plus. Il la caresse doucement et lui dit des choses tout bas. Que
peuvent être ces paroles qui consolent la femme, qui apaisent son chagrin? La
femme maintenant se redresse?
Jésus avance lentement vers le cercueil tout en tenant la
pauvre maman par la main. Le voici qui découvre le mort: des paroles
scandalisées s’élèvent, mais Jésus ne s’en préoccupe pas, Jésus continue à
dégager le mort des linges qui l’enveloppent. À cette vue, la mère sanglote de
nouveau, couvrant presque les murmures de réprobation qui se font plus
menaçants.
– Fils, lève-toi! crie Jésus d’une voix si forte que la
foule effrayée se tait. Fils, Je te l’ordonne, lève-toi! La mère a besoin de
toi...
– Oh ! s’écrie soudain la foule.
Stupeur ! Silence! Voici que le jeune garçon tourne la tête
puis se lève. Étonné, il regarde autour de lui et voit Jésus. On dirait qu’il le
reconnaît car il Lui sourit et articule un mot d’amour. Jésus aide le jeune
homme à se lever et à se débarrasser de ses dernières bandelettes. Quelqu’un
apporte un peu d’eau et un vêtement. Le jeune homme est maintenant en état de
marcher normalement.
Alors, Jésus le saisit par la main et le rend à sa mère.
Les deux disciples qui accompagnent Jésus semblent
bouleversés; de grosses larmes coulent le long de leurs joues, mais ce sont des
larmes de joie.
– Que faisons-nous, maintenant, Seigneur? demandent-ils,
comme hors d’eux-mêmes.
– Rien, répond Jésus. Il faut les laisser tous à leur joie.
Ils comprendront plus tard la grâce que le Père vient de leur faire. Allons
rejoindre les autres.
Les autres ne sont pas loin. Discrètement ils avaient suivi
Jésus et assisté à la scène. Contrairement à leurs habitudes, ils n’interrogent
pas leur Maître, mais se taisent dans une méditation profonde et lourde
d’espoir. Alors Jésus leur dit:
– Comprenez-vous maintenant le sens de cette journée? Nous
avons longtemps peiné, nous avons souffert de la faim, de la soif, de la
fatigue... Il le fallait, car je devais rendre un fils à sa mère; je devais
consoler des pauvres éplorés. Je devais vous apprendre de la part de Dieu, et
vous montrer que, dans cette vie ou dans l’autre, ceux qui pleurent aujourd’hui
seront bienheureux, car ils seront consolés.
Quelques apôtres hochent la tête, d’autres soupirent en
essuyant une larme. Jésus les regarde et sourit.
– Mes pauvres grands enfants, leur dit-il, bientôt vous aussi
vous pleurerez, bientôt vous serez dans le désarroi, bientôt... Bientôt vous ne
m’aurez plus et votre détresse sera immense. À ce moment, n’oubliez pas cette
parole: “Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.” Car vous aussi
vous pleurerez, et, vous aussi, vous serez consolés.
Les apôtres n’ont pas compris les paroles de Jésus, les
apôtres n’ont pas fait le rapprochement entre ces paroles et les paroles d’Isaïe
sur le Serviteur souffrant. Ils ne le pouvaient pas. Mais déjà Jésus les
préparait, tout doucement, à affronter la grande épreuve de sa Passion.
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