Troisième partie

Méditations sur la Passion de Jésus pendant sa vie publique
La Cène et l’Agonie

13
Les Permanents de Gethsémani

Méditation et Prière

Jésus a cherché des consolateurs mais n’en a pas trouvé: ses apôtres dormaient, même le préféré, celui qu’Il aimait... Le jour de son Agonie terrestre, il n’y avait pas de consolateur pour Jésus: ses contemporains l’avaient tous abandonné. Et le Père Le laissait seul pour subir les assauts de Satan! Jésus, Homme et Rédempteur, Sauveur du monde, devait connaître toutes les misères humaines. Jésus devait vivre dans sa chair humaine toutes les détresses humaines...

Il n’y avait pas de consolateur pour Jésus, le Jour de son Agonie, car c’était l’Heure, son Heure, une heure incommensurable qui durerait jusqu’à la fin du monde.

Il n’y avait pas de consolateur pour Jésus, le Jeudi-Saint de l’An 33 de notre temps terrestre. Ce Jour-là, Jésus devait souffrir seul. Plus tard, bien plus tard, lorsque son Corps mystique sera trop martyrisé, trop meurtri, trop douloureux, trop seul, Jésus cherchera encore des consolateurs. Tout au long des siècles, pour consoler Jésus, le Père suscitera et mettra dans la coupe de sa consolation des âmes consolatrices, des Permanents de Gethsémani, mais des permanents mystiques.

Pour appréhender un peu ce mystère, il faut longuement contempler Jésus dans son agonie du Gethsémani de tous les temps.

Vous êtes là Jésus, suppliant le Père de Vous épargner ce Calice de votre plus grande douleur, la perte de tant d’âmes. Satan est là aussi : il les étale devant Vous, ces âmes malheureuses qui se sont données à lui, le Menteur. Et il insiste méchamment sur l’inutilité de votre Sacrifice, de vos souffrances, de vos angoisses. Et Vous tremblez, Jésus, et Vous cherchez des consolateurs, et Vous n’en trouvez pas...

Vous êtes là, Jésus, et Vous suez le sang, et Vous appelez le Père qui déjà se tait. Le Père se tait, mais Il a tellement pitié de son Fils qu’Il adoucit un peu sa rigueur, une rigueur nécessaire car elle est rédemptrice, et Il Vous fait envoyer la Coupe de consolation...

Nous Vous contemplons Jésus, à Gethsémani, le Jardin du Pressoir des Olives, plongé dans les ténèbres dont c’est l’Heure. Pourtant, dans la Coupe de votre consolation, par moments, ces ténèbres semblent s’animer. C’est comme si l’extrémité des racines du grand Arbre de votre Croix arrivaient jusqu’au jardin, non loin de Vous. Et sur ces racines à peine visibles, il y a comme de très faibles lueurs, celles de petits foyers de lumière qui y seraient nés et qui s’alimenteraient et s’abreuveraient de leur sève nourrissante.

Jésus, dans le jardin des Olives, Vous connaissiez l’existence de ces petits foyers, mais Vous ne pouviez seulement que les deviner, car leur lumière n’était pas pour Vous à Gethsémani... Ces petits foyers, dont le Père a permis que Vous deviniez la présence, sont comme des permanents, les Permanents de Gethsémani.

Ces petits foyers de lumière, invisibles pour Vous ce soir du Jeudi Saint, car leur lumière n’était pas pour Vous, ces Permanents de Gethsémani, Vous les aviez devinés pourtant dans la Coupe de votre Consolation. C’étaient des âmes que Vous aviez déjà sauvées mais que Vous laisseriez momentanément sur la terre pour accueillir leurs frères. Oui, pour accueillir tous ceux que votre Passion aura sauvés. Car ils sont là aussi, tous ceux qui voudraient bien revenir vers Vous, ceux qui cherchent à revenir vers Vous, et qui avancent lentement, comme aveugles, à tâtons. Si personne ne venait les guider, c’est sûr, ils tomberaient...

Car elles reviennent de loin ces foules qui approchent des racines du grand Arbre invisible de votre Croix. Elles reviennent des mondes infernaux que Satan a multipliés sur la terre. Ils reviennent, nombreux, vos enfants qu’on avait égarés, qu’on avait trompés. Ils reviennent des enfers, de l’enfer de la drogue, de l’enfer des musiques sataniques, de l’enfer du sexe, de l’enfer de l’argent et de la solitude. Ils reviennent de l’enfer des guerres, de l’enfer de la faim. Ils reviennent de l’enfer des camps et des goulags, de l’enfer du désespoir... Ils reviennent de l’enfer de la haine...

Jésus, grâce à votre Passion, ils ont compris, ces pauvres enfants, que Vous étiez l’Amour, et que peut-être, même pour eux, çà existait encore, l’Amour. Alors ils reviennent, avec un coeur meurtri, avec un coeur plein de douleur, avec un coeur blessé, avec un coeur qui crie vers Vous. Mais Vous Jésus, à Gethsémani, le Jour de votre Agonie An 33 de notre calendrier, Vous ne pouviez rien faire... Car c’était Votre Heure, et l’Heure de la Puissance des ténèbres. Et Vous ne deviez pas trouver de consolateur.

Pourtant il faut les accueillir ces petits, il ne faut pas qu’ils repartent dans leur désespoir. Il faut les accueillir...

Alors les Permanents de Gethsémani murmurent une très douce mélodie, très douce et apaisante malgré sa tristesse. C’est la mélodie du regret, la mélodie du repentir, la mélodie du pardon. C’est déjà, mais très faible, la mélodie de l’Amour qui se donne, de l’Amour qui pardonne, de l’Amour qui accueille, de l’Amour qui embrasse...

Jésus, Vous entendez la mélodie des Permanents de Gethsémani car c’est la mélodie de votre Coeur. Vous contemplez vos Permanents et malgré votre Agonie, malgré votre douleur, Vous esquissez un sourire. Et Vous reprenez vie, Jésus, et Vous Vous redressez car Satan est vaincu. Vous pouvez aller vers vos ennemis, et commencer le Chemin de votre Croix...

Jésus, dans la Coupe de votre consolation, il y a tous les Permanents de Gethsémani et nous sommes avec eux. Et nous Vous aimons Jésus. Oui, Vous pouvez être consolé, Jésus, car vos Permanents, eux aussi, se trouvaient tous, il n’y a pas encore si longtemps, dans ces cohortes d’âmes échappées de l’Enfer. Et Vous les avez tous sauvés. Et Vous sauverez aussi tous ceux qui ne sont pas encore arrivés à destination mais que vos Permanents accueilleront pour qu’ils ne s’égarent plus.

Soyez consolé, Jésus, votre Passion n’a pas été vaine. Écoutez la douce mélopée que chantent vos Permanents, la douce mélodie de l’espoir, le refrain de votre Amour et de leur paix, le refrain du salut que nous chantons avec eux, nous aussi, Permanents de Gethsémani, Permanents du XXIe siècle !...

Jésus, Vous contemplez ce que le Père a mis dans la Coupe de votre Consolation. Il y a la Croix, la Croix de notre salut que Vous embrassez avec amour. Vous êtes au pied de votre Croix, celle qui a traversé les siècles, Jésus, et ce pied semble malade quoique encore vivant, car les racines vivent toujours. Les racines de l’Arbre de votre Croix vivent toujours car elles s’alimentent de votre Sang, cette Sève sacrée, source de toute vie. Vous êtes agenouillé Jésus, au pied de votre Croix... et Vous pleurez.

Un peu plus loin il y a les apôtres, ceux à qui Vous avez demandé de veiller et de prier. Mais ils ne peuvent pas, ils sont trop tristes et trop fatigués: ils dorment. Ce sommeil de la Nuit terrible, Vous le permettez Jésus, car bientôt il sera pour eux une stupéfiante leçon d’humilité et d’amour pour tous leurs frères pécheurs. Ils sauront alors que Vous seul êtes la force, et que sans Vous ils ne peuvent rien: ils ne sont que des pauvres types sans courage et sans gloire.

Jésus, Vous cherchez des consolateurs, mais ceux qui auraient dû être là, pour Vous, ne le pouvaient pas : ils avaient un enseignement terrible à recevoir de Vous. Et Vous offriez pour eux, à votre Père, l’Angoisse horrible du combat seul à seul avec l’Ennemi. Mais le Père eut pitié, et Vous envoya la Coupe de consolation.

Dans la Coupe de consolation, il y a tous ceux que Vous allez sauver, que Vous avez sauvés. Et il y a tous ceux qui sont encore en chemin, qui reviennent vers Vous, ou du moins qui essaient, car pour eux la route est toujours dans les ténèbres. Ils cheminent difficilement, dans la nuit trop sombre, ils cheminent privés de la signalisation indispensable, égarés, sans espoir...

Ils cheminent à tâtons ceux qui viennent vers Vous, et voilà qu’ils aperçoivent, là-bas, dans le jardin qu’on appelle Gethsémani, quelques petites lumières. Oh ! ce n’est pas grand’chose, juste un espoir qui se lève, un espoir qui appelle.

Et puis il y a aussi une douce musique, comme une musique céleste qui apaise les cœurs et les rend attentifs.

Alors, ces pauvres âmes de la Coupe de consolation se hâtent davantage et voici qu’elles arrivent, elles ne savent pas où, comme sur des déformations du chemin. Oui, ce sont bien des racines... et sur ces racines des lumières les accueillent, les lumières les dirigent... Car voici que ces pauvres âmes qui commencent à se repentir ont rencontré les Permanents de Gethsémani.

Les Permanents de Gethsémani ? Ce sont des âmes que le Seigneur a placées là pour accueillir leurs frères souffrants. Elles ne font rien, ou presque : elles sont seulement là pour informer les âmes en recherche, les âmes égarées, les âmes douloureuses. Elles ne font rien, ou presque : elles donnent un sourire, une petite clarté, et puis un peu d’amour.

Parfois aussi elles chantent, doucement, juste pour accompagner la mélodie céleste... Elles n’ont qu’une note à chanter, la leur, celle de leur amour, de la Partition d’Amour, et elles doivent la chanter juste pour conforter leurs frères en détresse, leurs frères qui reviennent des enfers, de l’Enfer du monde sans Dieu. Elles sont les Permanents de Gethsémani !

Jésus les a placés ici, à Gethsémani, ces Permanents de Gethsémani, victimes de son Amour, de sa Miséricorde. Des harmonies célestes, ils n’entendent que quelques sons. Du merveilleux jardin qu’ils devinent, ils n’aperçoivent à peine que quelques frondaisons: ils sont trop loin pour en voir plus. Et ils ne peuvent pas s’approcher: ils doivent veiller, avec Jésus...

Ils doivent veiller et prier, les Permanents de Gethsémani, dans la pénombre, sur les racines cachées de l’Arbre de la Vie qui les nourrit discrètement... Ils doivent rester là, dans la foi, dans l’Amour qui se cache. Ils doivent rester là pour accueillir les âmes qui reviennent...

Ils doivent rester là, à leur poste, dans la nuit. Ils n’ont rien d’autre à faire que d’attendre les âmes qui reviennent et de les accueillir, de leur donner un peu de leur lumière, un peu de leur chaleur, petits foyers d’amour placés là par Jésus, petits foyers d’amour, victimes de son Amour. Parfois un rayon de lune vient éclairer leur nuit et les encourager. Ils peuvent chanter aussi, mais doucement, discrètement, pour ne pas troubler la paix de ces lieux de repos, de ces lieux de repentir et d’espoir, de ces lieux fécondés par le Sang de Jésus.

Jésus, nous Vous contemplons dans votre Agonie. Vous suppliez le Père d’éloigner le Calice des âmes qui se perdent. Vous suppliez le Père d’éloigner ce Calice de douleur et de désespoir, de sauver toutes les âmes, au moins le petit reste des élus, ce reste dont parle si souvent l’Écriture. Vous suppliez le Père de les sauver aussi les autres âmes, celles qui sont loin, celles qui s’éloignent, celles que l’on trompe, celles qui doutent, celles qui vous refusent. Vous suppliez le Père de les sauver toutes.

Nous sommes près de Vous, Jésus, petits foyers de lumière, tout petits foyers de lumière, blottis sur une racine de votre immense Croix, au jardin de votre Agonie. Tout est noir alentour, tout est sombre. Il n’y a que quelques petits feux de signalisation, pour indiquer la route, pour diriger, sans rien dire, quelques âmes qui cherchent à se dégager des marais enténébrés, et qui sont un peu perdues dans le dédale indescriptible des chemins ténébreux qui les conduisaient à leur perte. Quelques petits feux de signalisation pour indiquer la direction vers l’Amour : “Vers l’espoir ! Vers les Béatitudes ! Vers les béatitudes des Permanents de Gethsémani...”

Nous sommes près de vous, Jésus, dans la coupe de votre Consolation. Nous sommes près de vous, Jésus, sur les racines cachées de votre grande Croix, là où Vous nous avez fait prendre racines, petites lucioles inutiles et pourtant si utiles, simples panneaux de signalisation pour orienter nos frères. Ce n’est qu’un peu d’amour, si nécessaire à votre Coeur. Ce n’est qu’un peu d’amour qui, pour vous, et à Gethsémani, chante les béatitudes des lucioles cachées, des petits foyers d’amour du jardin de votre Agonie, des petits buissons ardents dans la Coupe de votre Consolation, les Béatitudes des Permanents de Gethsémani.

pour toute suggestion ou demande d'informations