
Méditations
préparatoires à la Grande Passion du Christ

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Pourquoi m’as-Tu abandonné ?
Les deux agonies
Jésus
va mourir. Tout est entièrement accompli de la volonté du Père. Jésus a obéi
jusqu’à la mort et la mort sur la Croix. Jésus va mourir dans un océan de
souffrances physiques et morales, dans un océan de souffrances qu’Il
manifeste en murmurant: “Éli ! Éli !
Lama sabactani! Père, pourquoi m’as-Tu abandonné ?”
Jésus,
va mourir, Il vit ses dernières secondes d’agonie... Dans quelques instants,
Il remettra son âme entre les mains du Père, et son pauvre Corps torturé, définitivement
seul et abandonné, hurlera son indescriptible souffrance. De son pauvre Corps
torturé jaillira l’immense Cri qui retentira sur le monde jusqu’à la fin
des siècles. Cette vision, pour nous insoutenable, soulève dans nos esprits,
une foule de questions.
Souvenons-nous
de quelques histoires racontées dans la Bible. Elles ont un très important rôle
pédagogique. Pensons à la reine Esther, au vieux Tobie, au pauvre Job. Ces
trois personnages ont traversé de grandes et pénibles épreuves. Leur vie
avait été vertueuse, conforme à la Loi et à la Volonté de Dieu, et...
soudain Dieu semblait les abandonner. Pourtant ils ne se plaignent pas et, après
un moment de douloureuse inquiétude, ils continuent à louer Dieu. Et bientôt,
leurs épreuves cessent, et la prospérité revient.
Dans
la Bible, les fables se terminent généralement bien... Par ces histoires, les
hommes apprennent peu à peu à connaître Dieu pour mieux vivre selon sa Loi,
et pour découvrir son Amour: “Vivez
mes commandements d’amour, et vous serez heureux, car mes commandements sont
Amour.” Alors, Jésus, pourquoi, pour Toi, et plus tard pour ceux que Tu
aimes, pourquoi l’histoire ne se termine-t-elle pas bien?
Pourquoi,
Jésus, pour Toi et pour tes amis, pourquoi l’histoire ne se termine-t-elle
pas bien?
Nous
sommes de nouveau avec Jésus au pied de la Croix. Le Père semble L’avoir
abandonné. Dans sa deuxième Agonie, celle de la Croix, Jésus revit sa première
Agonie. Jésus se souvient de son appel au Père: “Non!
Père, pas ça! Pas ça! Pas la mort de mes fidèles, pas le désespoir des
hommes que l’on éloigne de Moi. Pas ces petits enfants qu’on scandalise,
pas la déchirure de mon Église, mon Corps mystique. Pas ce cri douloureux de
tous ceux qu’on massacre à cause de mon Nom, pas le règne du vice. Pas la
trahison de mes élus, de mes prêtres, de mes âmes privilégiées... Père,
que mon Sacrifice ne soit pas inutile! Éloigne de Moi ce Calice!”
Jésus,
dans sa deuxième Agonie, se souvient aussi que le Père, à ce moment-là, Lui
envoya son Ange, l’Ange de sa douleur, lequel Lui présenta la Coupe de sa
consolation. Et Jésus se souvient qu’Il vit alors l’innombrable foule des
hommes, et qu’Il comprit que, de son Sacrifice, devaient naître des héroïsmes
surhumains pour ne pas Le renier, des îlots étonnants de pureté, des âmes
merveilleuses totalement données et livrées à son Amour. Jésus se souvient
aussi, qu’après avoir bu la Coupe de sa consolation, Il reprit suffisamment
de forces pour accepter la volonté du Père: “Si
le Calice ne peut s’éloigner, Père, que ta volonté soit faite!”
Sur
la Croix, au moment de mourir, Jésus vit sa deuxième Agonie; la Coupe de sa
Consolation n’est plus là. Le Père a abandonné le Fils: Jésus est seul! Désespérément
seul... Pourtant, Jésus, est vraiment le Fils du Père, Il est vraiment le
Bien-Aimé. Son être vit encore de l’union hypostatique... Où est donc
partie la vision béatifique dont Jésus jouissait sans cesse? Et comment, nous,
pauvres humains pouvons-nous comprendre ces choses?
Comment
pouvons-nous comprendre ces choses? Comment pouvons-nous pénétrer dans ces
mystères si déconcertants et si difficiles à admettre? Repensons aux divers
épisodes de la tentation au désert:
–
L’homme ne vit pas seulement de pain, c’est évident.
–
Les grands événements extraordinaires n’apportent pas grand’chose: un
enthousiasme passager bientôt remplacé par des doutes, des explications
fallacieuses... En un mot, le plus souvent par la faute de ceux qui se croient
savants, les grands événements extraordinaires sont contestés, raisonnés,
combattus, puis oubliés. Alors, Jésus éloigna la tentation: Il ne sauvera pas
les hommes avec des prodiges.
–
Il y a aussi les gouvernements. Les grands hommes, les petits rois, les
empereurs glorieux imposent leurs lois. Ce sont des maîtres absolus que l’on
adore comme des idoles adulées... Mais, Dieu seul peut être adoré...
Jésus,
très doux et très humble de Cœur, ne fera pas de prodige, Il ne règnera pas
sur la terre: son Royaume n’est pas de ce monde...
Nous
sommes encore au pied de la Croix de Jésus. Il va mourir dans un instant. Il a
fait la volonté du Père, Il est allé jusqu’au bout, Tout est accompli. Jésus
peut remettre son âme entre les mains du Père, du Père qui L’abandonné!...
On
raconte que souvent, beaucoup de saints, juste au moment de mourir, après de
longues souffrances, ont eu un sourire merveilleux: le sourire de la rencontre
avec Dieu qu’ils avaient tant attendu. Jésus est là qui les accueille, et
leur bonheur transparaît sur leur visage laissé sans vie.
Mais
quand Jésus meurt, il n’y a rien pour Lui, absolument rien... Aucun
soulagement, aucune consolation... Rien que l’abandon du Père, et le désespoir
horrible des damnés... Pourtant Jésus est le Fils Unique, le Bien-Aimé en qui
le Père met sa complaisance, Il est la Parole de Dieu, la deuxième Personne de
la Très Sainte Trinité. Il est le Tout-Puissant, le Créateur des univers. Il
est Dieu, égal du Père! Et cependant l’Homme-Dieu, le Dieu-Incarné qu’Il
a voulu être, venu sur la terre, parmi nous, pour nous sauver tous, l’Homme-Dieu
meurt seul, abandonné de tous, abandonné de Dieu...
Qui
peut comprendre ces choses? Qui peut accepter dans son cœur la réalité de
cette horreur? Pourquoi fallait-il que Jésus vive cela? Nos pauvres esprits et
nos pauvres cœurs d’êtres humains pécheurs sont noyés dans cet océan de
douleur et ils ne peuvent s’empêcher de crier: “Meurs, Jésus, meurs vite
pour échapper à cet enfer de souffrances!” Mais Jésus doit boire la Coupe
jusqu’à la dernière goutte... Jésus ne partira que lorsque l’Heure aura
sonné...
Quand
ce sera l’Heure, son Heure, alors Jésus pourra mourir, dans un grand Cri... Jésus
pourra rendre l’Esprit au Père.


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