Saint André
de Crète naquit vers 660, en Syrie, à Damas, ville qui,
depuis vingt ou trente ans, était sous domination
musulmane; sa famille était arabe mais chrétienne. Selon
la tradition, son enfance aurait été marquée par une
grave infirmité: il était muet. Mais à l'âge de sept
ans, immédiatement après sa première communion, la
parole lui fut rendue. Cet événement marqua profondément
sa famille qui s'efforça de l'éduquer en vue d'une
consécration au service du Seigneur. En effet, quand il
eut quinze ans, vers 675, André fut confié aux Pères
spirituels de la Fraternité du Saint Sépulcre.
André,
devenu moine, progressa vite dans la vie spirituelle et
dans ses études; il fut vite remarqué par le "locum
tenens" Théodore, supérieur du patriarcat de
Jérusalem qui en fit l'un de ses secrétaires. En 685, on
lui demanda d'accompagner à Constantinople les deux
prêtres chargés de porter à l'empereur Constantin IV, la
confirmation de l'adhésion de l'Église de Jérusalem aux
décrets du Concile Œcuménique de 680, condamnant le
monothélisme. Les trois compagnons arrivèrent dans la
capitale au moment de l'avènement de Justinien II à qui
ils remirent leurs documents. André resta ensuite à
Constantinople, au monastère des Blachernes, comme
simple moine pendant une longue période. Remarqué par
l'empereur, peut-être l'empereur Léonce qui régna de 695
à 698, André fut consacré diacre (ou peut-être prêtre)
de la cathédrale Sainte Sophie et nommé administrateur
de l'orphanotro-pheion et de la diaconie Tou
Eugeniou, des institutions philanthropiques
de la capitale.
Vers 710,
André fut consacré évêque métropolite de Gortyne, en
Crète. À ce titre, il participa en 712, au concile réuni
par l'empereur Philippicos pour annuler celui de 680 et
rétablir le monothélisme. Comme les autres évêques,
André signa la décision, mais, en 713, il reconnut son
erreur et revint à l'orthodoxie. C'est alors qu'il fonda
à Gortyne une église dédiée à la Vierge des Blachernes,
et un hospice pour les malades pauvres.
À cette
époque, les attaques arabes se multipliaient déjà
partout dans l'est de l'Europe, et notamment en Crète.
Un jour, l'évêque André dut se réfugier, avec ses
fidèles, dans la forteresse Tou Drimeos pendant
une attaque arabe; la situation était grave, mais la
forteresse ne fut pas prise. C'est alors que se
déclencha la grande crise de l'iconoclasme. Nous sommes
aux alentours de 730.
Durant la
crise iconoclaste, l'évêque André prit la défense des
Saintes Images comme son compatriote saint Jean
Damascène. Il est presque impossible de savoir ce qui
arriva alors à André de Crète, car il existe, le
concernant, quatre hagiographies qui se contredisent
plus ou moins. Aussi en resterons-nous là. Il semble que
vers la fin de sa vie, André ait quitté Gortyne pour
Constantinople afin de prêcher contre l'iconoclasme. En
740, probablement exilé, il quitta la capitale et mourut
à Mytilène, capitale de l'île de Lesbos, le 4 juillet
740. Son corps fut ramené à Constantinople et enterré
dans l'église Sainte-Anastasie. Tout ceci est bien
vague…
Nous savons
par contre, de source plus sûre qu'André de Crète fut
surtout connu pour son œuvre liturgique. Il créa la
forme du Canon, grande hymne de la liturgie byzantine,
et composa "le Grand Canon", chanté en Carême dans les
églises de rite byzantin: on dit que ce Canon
pénitentiel aurait pour origine son repentir à cause
d'un acte personnel de lâcheté qu'il aurait commis à
Constantinople. Petite précision: on appelle "Canon" ce
qui est immuable dans la liturgie. Nous savons aussi
qu'André de Crète fonda différentes œuvres caritatives
et fut un soutien pour l’éducation de la jeunesse. Il
encouragea la vie monastique.
Notons que le Grand Canon d'André de Crète est encore
chanté dans l’Église orientale pendant le Carême; il se
compose de neuf séries d’odes, chacune s’achevant par un
Theotokion,
qui est un verset adressé à la Mère de Dieu dont voici
quelques exemples. Ainsi, Marie, créature très sainte
et "Mère de Dieu, refuge commun de tous les
chrétiens, fut la première à être libérée de la faute
primitive de nos ancêtres." Saint André veut nous
dire qu'il n'y eut aucune faute personnelle et aucune
imperfection en Marie depuis sa naissance. Il s’agit
d’une sainteté exceptionnelle, d'un amour privilégié de
Dieu pour Marie, car: "Il était nécessaire de
préparer une demeure pour le Roi avant qu’il ne vînt; il
était nécessaire de tisser à l’avance le manteau royal,
afin d’accueillir l’enfant royal au moment de sa
naissance. Il était nécessaire enfin que l’argile reçût
un traitement préalable avant l’arrivée du potier."
(Extraits des homélies d'André de Crète: Homilia in
Nativitatem IV, PG 97,880 A)
Marie est
aussi notre Reine. Elle est "bénie dans les cieux et
glorifiée sur la terre. En effet précise André
s'adressant à Marie, toute langue te glorifie, pleine
de gratitude, en te proclamant Mère de la vie. Toute la
création est pleine de ta gloire; l’univers a été
sanctifié par la sensation de ton parfum. Par toi a
disparu le principe du péché et la condamnation d’Ève a
été changée en joie. Grâce à toi tous chantent avec
nous: Gloire au ciel et paix sur la terre. Ô Reine de
tout le genre humain, vraiment fidèle au sens de ton
nom, tu demeures au-dessus de tout excepté Dieu." (Homilia
in Dormitionem IV, PG 97, l100 A)
Saint André
de Crète possédait de grands talents littéraires et
artistiques qu'il consacra entièrement à Dieu. Son
héritage littéraire est composé, outre de nombreuses
hymnes liturgiques, d'une cinquantaine d'homélies
prononcées à l'occasion des fêtes des saints et de la
Sainte Vierge, la Théotokos, la Mère de Dieu. On
retrouve ses hymnes liturgiques un peu partout dans les
offices liturgiques orthodoxes.
Paulette
Leblanc |